CS/11375

Le Conseil de sécurité tient une séance d’urgence pour discuter de la détérioration de la situation en Ukraine

29/4/2014
Conseil de sécuritéCS/11375
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité                                        

7165e séance – après-midi                                  


LE CONSEIL DE SÉCURITÉ TIENT UNE SÉANCE D’URGENCE POUR DISCUTER DE LA DÉTÉRIORATION DE LA SITUATION EN UKRAINE


Pour le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, l’esprit

de compromis de la Déclaration de Genève, signée le 17 avril, s’est « estompé »


Le Conseil de sécurité a tenu, cet après-midi, une réunion d’urgence à la demande de l’Ukraine et du Royaume-Uni, pour discuter de la situation qui s’est considérablement détériorée dans le pays depuis le 16 avril.


Le lendemain, les engagements pris à Genève par l’Ukraine et la Fédération de Russie pour une désescalade de la crise avaient pourtant créé une lueur d’espoir, a rappelé le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, qui était venu présenter, aux membres du Conseil, les derniers développements sur le terrain.


Malheureusement, cet esprit de compromis s’est rapidement estompé, a-t-il déclaré, en précisant que la Déclaration de Genève était restée lettre morte et les parties concernées n’avaient cessé de donner des « interprétations divergentes » de ce texte.  « La rhétorique inflammatoire n’a fait qu’ajouter aux tensions déjà très vives et la situation dans l’est et le sud de l’Ukraine continue de se détériorer », a-t-il fait observer.


Le 25 avril dernier, a indiqué M. Feltman, un groupe de 13 observateurs militaires de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des personnels ukrainiens qui se déplaçaient avec eux ont été enlevés.  Miliciens et civils armés sont de plus en plus nombreux dans les villes de l’est et du sud de l’Ukraine, occupant des bâtiments, dressant des barricades et isolant des villes et des communautés entières du reste du pays, sur fond d’allégations d’actes de torture, d’enlèvements et d’affrontements violents, a-t-il poursuivi.


« Rien qu’aujourd’hui, des séparatistes autoproclamés auraient lancé une opération pour s’emparer de la ville de Lougansk », a ajouté le Secrétaire général adjoint, qui a également rappelé que, le 27 avril, le maire de Kharkiv avait été grièvement blessé par balle par des assaillants non identifiés.  Le même jour, a-t-il noté, des séparatistes se sont emparés d’un immeuble gouvernemental à Kostyantynivka, tandis qu’à Donetsk, une manifestation « pro-unité » a dégénéré en violences après une attaque lancée par des éléments séparatistes armés de battes de baseball et de chaînes.


Le représentant de l’Ukraine, M. Yuriy Sergeyev, a assuré aux membres du Conseil que les autorités en place à Kiev avaient honoré leurs engagements au titre de la Déclaration de Genève du 17 avril, en suspendant ses opérations militaires, en engageant un dialogue parlementaire sur des réformes constitutionnelles, dont l’autonomisation des collectivités locales, et en élaborant un projet de loi garantissant l’amnistie des groupes qui déposeraient les armes.


La Fédération de Russie ne s’est pas acquittée de ses obligations, a-t-il accusé, en faisant remarquer qu’elle n’avait même pas condamné l’enlèvement des observateurs de l’OSCE.  Il a émis la crainte qu’après la Crimée, le scénario à l’œuvre dans l’est de l’Ukraine ne soit « le même que celui qui a permis de justifier l’annexion de l’Abkhazie ».


Pour la représentante de la Lituanie, Mme Raimonda Murmokaitė, la Déclaration de Genève ne constitue que le dernier document en date d’une longue liste de promesses non tenues par la Fédération de Russie.  De nombreux autres membres du Conseil de sécurité, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, se sont élevés contre ce que le représentant de la France a appelé une « opération de subversion bien planifiée, à peine déguisée et orchestrée par la Fédération de Russie ».


M. Gérard Araud a sincèrement espéré que l’annonce faite hier par Moscou de mettre fin aux manœuvres militaires à la frontière ukrainienne serait suivie d’effets.  La France, conjointement avec l’Union européenne et les États-Unis, a adopté hier de nouvelles sanctions ciblées, a-t-il rappelé, en prévenant que des mesures plus sévères pourraient être prises si cela s’avérait nécessaire.  Le représentant a expliqué que l’objectif de cette coalition était de garantir le bon déroulement, le 25 mai, d’élections présidentielles « libres, inclusives et transparentes », en présence d’observateurs internationaux.


Les accusations lancées contre la Fédération de Russie ont été vigoureusement rejetées par son représentant, M. Vitaly Churkin, pour qui « ses collègues occidentaux » ne tiennent pas compte de la situation sur le terrain.  La Déclaration de Genève n’a pas été mise en œuvre par l’Ukraine, a-t-il soutenu.  Elle a, au contraire, décidé de « déployer des troupes en direction de l’est du pays et dresser des barricades de béton dans les rues de plusieurs localités ».


« Comment peut-on parler du caractère pacifique de la campagne électorale en Ukraine?  Où en est le dialogue national?  Où sont les réformes demandées?  Qu’en est-il de ce processus de réconciliation dont ont été exclus les représentants du sud et de l’est?  Comment résoudre le problème du statut de la langue russe? »  Des questions qui restent sans réponse, a estimé M. Churkin, qui a souligné que les éléments séparatistes n’avaient eu d’autre choix que de mettre en place leurs propres organes d’autodétermination.


LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)


Déclarations


M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a rappelé que lorsque le Conseil s’était réuni au sujet de l’Ukraine le 16 avril dernier, une lueur d’espoir était apparue, pour la première fois depuis des semaines, alors que la communauté internationale était suspendue aux pourparlers de Genève qui devaient se tenir le lendemain en vue de parvenir à une désescalade de la crise.  « Nous regrettons aujourd’hui que cet esprit de compromis qui avait émergé le 17 avril semble s’être estompé.  La mise en œuvre de la Déclaration de Genève est restée dans l’impasse et les parties concernées ne cessent de donner des interprétations divergentes de ce texte.  Une rhétorique regrettable de la part de beaucoup n’a fait qu’ajouter aux tensions déjà très vives et la situation dans l’est et le sud de l’Ukraine continue de se détériorer. 


Le 25 avril dernier, un groupe d’observateurs militaires de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des personnels ukrainiens qui se déplaçaient avec eux avaient été capturés et placés en détention, a rappelé M. Feltman.  Comme le Secrétaire général l’a rappelé hier, l’ONU condamne vigoureusement cet acte et exhorte les responsables de ces enlèvements à libérer immédiatement ces individus.  « J’exhorte tous ceux qui ont de l’influence dans cette situation à prêter assistance de toute urgence pour tenter de la résoudre.  Des vies humaines en dépendent », a prévenu le Chef du Département des affaires politiques de l’ONU.


Miliciens et civils armés sont de plus en plus nombreux dans les villes de l’est et du sud de l’Ukraine, prenant possession de bâtiments, dressant des barricades et isolant des villes et des communautés entières du reste du pays, sur fond d’allégations d’actes de torture, d’enlèvements et d’affrontements violents, a indiqué M. Feltman.  Plus tôt aujourd’hui, a-t-il affirmé, des séparatistes autodéclarés auraient lancé une opération pour s’emparer de la ville de Lougansk.  Il y a quelques heures à peine, ils ont pris d’assaut le commissariat de police, ouvrant le feu avec des armes automatiques et jeté des grenades lacrymogènes contre les forces de l’ordre.  Le bâtiment de la sécurité de l’État à Lougansk, occupé depuis début avril, continue d’être sous le contrôle de ces groupes.


Le 27 avril, le maire de Kharkiv, M. Hennadiy Kernes, a été blessé par balle dans le dos par des assaillants non identifiés et son état demeure préoccupant.  Le même jour, des séparatistes se sont emparés d’un immeuble gouvernemental à Kostyantynivka, tandis qu’à Donetsk, une manifestation pro-unité a dégénéré en violences après une attaque lancée par des éléments séparatistes armés de clubs et de chaînes.  Le même jour, à Kharkiv, des affrontements avaient opposé 500 à 600 partisans d’une Ukraine unie à 400 adversaires, faisant ainsi de nombreux blessés.  Ces développements ont marqué ces quatre derniers jours, a-t-il fait remarquer, avant de lancer: « Nous devons tous en être alarmés! »


Concernant le rôle que joue l’ONU pour atténuer la crise, M. Feltman a rappelé le déploiement en Ukraine d’une mission de surveillance, qui fournit des informations factuelles vérifiées sur la situation des droits de l’homme dans le pays.  De son côté, le Secrétaire général poursuit ses contacts avec les dirigeants du monde entier, cherchant à user de ses bons offices pour parvenir à un règlement diplomatique et pacifique du conflit.  « Il est temps de retrouver l’esprit de compromis du 17 avril à Genève », a insisté M. Feltman, en plaidant pour une action concertée et rapide vers la paix et la stabilité.


M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a indiqué que son pays avait sollicité la tenue de cette réunion car il est très préoccupé par l’évolution actuelle des événements en Ukraine.  En fait, c’est la Fédération de Russie qui a pris de nouvelles mesures dangereuses en engageant des actions paramilitaires à Lougansk, Donesk et dans d’autres villes ukrainiennes, a estimé le représentant du Royaume-Uni.  Ces actions se multiplient en dépit des déclarations russes, qui « déforment » le droit international.  Les Russes ne sont pas menacés en Ukraine, a-t-il déclaré avec force, en s’opposant à « la rhétorique qui vise à déstabiliser le Gouvernement ukrainien ».


Il a condamné, d’autre part, les enlèvements armés, tout comme le fait « que l’on fasse parader une équipe d’observateurs de l’OSCE », et il a appelé cette Organisation à utiliser son influence pour faire cesser ces agissements immédiatement.


Depuis le 17 avril, les actions entreprises par Kiev et Moscou sont en totale opposition, a estimé le représentant, en déclarant que « le Gouvernement ukrainien a agi avec une modération louable ».  Il est du droit de ce Gouvernement à défendre son territoire et sa population, a dit le représentant.  Le Gouvernement a même commencé à collecter les armes dès son accession au pouvoir, a-t-il annoncé.


L’Accord du 17 avril à Genève appelait à ce que tous les bâtiments saisis soient libérés, et les barricades démantelées.  Or, la Fédération de Russie a déclaré « qu’elle ne demanderait pas à ses forces et ses milices de le faire et qu’elle ne condamnerait pas les abus commis », a dit le représentant.


Le fait que le maire de Kharkiv ait été attaqué hier est une autre preuve de cette escalade, et la rhétorique russe continue d’attiser la tension, a-t-il ajouté.


Cependant, les portes de la diplomatie restent ouvertes, a ajouté le représentant du Royaume-Uni, en « saluant les efforts du Gouvernement ukrainien visant à faire revenir la stabilité dans le pays et à remédier aux abus commis par le Gouvernement antérieur ».


Le représentant britannique a exhorté la Fédération de Russie « à se joindre aux efforts internationaux allant dans ce sens ».


Depuis le début du mois d’avril, nous l’avons vu, la situation dans l’est de l’Ukraine se détériore de manière continue, a déclaré M. GÉRARD ARAUD (France).  Des militants armés, agissant de manière professionnelle et synchronisée, ont pris possession de bâtiments publics, sept observateurs de l’OSCE ont été pris en otage, et le maire de Kharkiv, se trouve dans un état grave, après avoir été la cible d’un attentat.  Ne nous voilons pas la face: nous sommes les témoins d’une opération de subversion bien planifiée, à peine déguisée et orchestrée par la Russie, a estimé le représentant, qui a condamné « fermement et sans ambiguïté des tentatives inacceptables de déstabilisation de l’Ukraine ».  Nous devons, a poursuivi M. Araud, enrayer cette logique de confrontation et privilégier la voie de la désescalade.  La déclaration conjointe adoptée le 17 avril à Genève par l’Ukraine, la Russie, les États-Unis et l’Union européenne indique la voie à suivre.  Elle doit être pleinement mise en œuvre par toutes les parties « sans délai et en toute bonne foi », et en la matière, la mission de l’OSCE doit pouvoir agir sans entrave.


Si le Gouvernement ukrainien a démontré sa bonne foi, la partie russe, a accusé le représentant de la France, « n’a répondu à aucun engagement pris le 17 avril ».  Il a espéré sincèrement que l’annonce faite hier par la Russie sur un arrêt des manœuvres militaires à la frontière ukrainienne sera suivie d’effets.  Il a rappelé qu’avec ses partenaires de l’Union européenne et les États-Unis, la France a adopté hier de nouvelles sanctions ciblées et prévenu que si les choses devaient s’aggraver davantage, elle serait contrainte de durcir une nouvelle fois ces sanctions.  Notre objectif, a dit le représentant, est d’assurer le 25 mai, des élections présidentielles libres, inclusives et transparentes dont le bon déroulement sera garanti par la présence d’observateurs internationaux.  Nous soutenons, a conclu M. Araud, une réforme constitutionnelle qui puisse assurer le respect des minorités et une décentralisation accrue. 


M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a exprimé sa préoccupation devant la détérioration de la situation en Ukraine, condamnant la tentative d’assassinat du maire de Kharkiv et la détention illégale d’observateurs de l’OSCE, dont il a exigé la libération.  Il a regretté de constater que les mesures convenues à Genève n’avaient toujours pas été appliquées par les parties à la crise, comme le prévoit la déclaration du 17 avril agréée par elles.  Si le représentant a reconnu que l’Ukraine avait le droit de rétablir l’ordre public, il a estimé que « cette crise est politique et doit être résolue par des moyens politiques ».  Le Rwanda a réitéré l’importance des séances publiques du Conseil de sécurité, mais, a estimé M. Gasana, la seule façon de résoudre la crise, c’est la volonté politique des pays concernés et des organisations régionales et internationales pertinentes.


Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a expliqué que la raison pour laquelle cette réunion se déroulait, c’est parce que le Conseil de sécurité favorise la recherche d’un règlement politique et négocié du conflit.  L’Argentine tient à réaffirmer deux éléments: le fait que le 17 avril dernier, se soit ouvert un dialogue entre les parties et le fait qu’un accord ait été conclu entre elles, a suscité l’espoir au sein de la communauté internationale.  Il est donc fondamental de reprendre ce dialogue dans le respect de la Charte des Nations Unies et de faire en sorte qu’une partie ne s’ingère pas dans les affaires internes d’un État, a rappelé la représentante.  Nous sommes réunis aujourd’hui pour rejeter la violence, notamment celle dont a été victime le maire de Kharkiv, a-t-elle ajouté.  L’Argentine demande la libération immédiate des otages actuellement détenus.


Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a rappelé la déclaration conjointe adoptée à Genève le 17 avril qui vise à mettre un terme à la violence, aux actions d’exactions et à protéger la sécurité de tous les Ukrainiens.  La réunion de Genève a produit des engagements et des mots sur le papier, qui ne prendront tout leur sens qu’une fois appliqués, a-t-elle déclaré en citant le Secrétaire d’État, M. Kerry.


Elle a fait remarquer « qu’alors que l’Ukraine respecte ses engagements, il n’en est pas de même pour la Fédération de Russie dont les partisans continuent d’attaquer et d’occuper des bâtiments officiels et détiennent actuellement une quarantaine d’otages », entre autres faits.  Il ne s’agit pas « d’un printemps de l’est de l’Ukraine mais bien d’une campagne bien planifiée pour déstabiliser le Gouvernement ukrainien actuel », a estimé Mme Power. 


Elle a particulièrement dénoncé le fait que les observateurs de l’OSCE, pris en otages aient été « paradés devant les médias » et a exigé leur libération immédiate.  Elle a précisé que ces observateurs « faisaient partie d’une délégation légitime qui effectuait une mission au nom de la communauté internationale ».


L’Ukraine a pleinement coopéré avec les inspecteurs de l’OSCE et leur a permis de se rendre dans plusieurs régions, a estimé Mme Power. Le Gouvernement a promis un statut spécial pour la langue russe, et enclenché une campagne pour inciter les agents à déposer les armes.  Conformément à la Charte des Nations Unies, les États-Unis restent engagés en faveur du processus politique par la voie diplomatique, a dit la représentante.


M. LIU JIEYI (Chine) a recommandé de tenir compte à la fois des faits historiques, de la situation actuelle et des droits légitimes de toutes les parties en Ukraine.  L’accord de Genève appelle à l’adoption de mesures en vue d’une désescalade de la crise, mais les tensions, notamment à l’est de l’Ukraine se sont aggravées, a déploré la délégation de la Chine.  Elle a espéré que toutes les parties concernées garderont une vision plus large de la paix et de la stabilité de la région et mettront en œuvre les accords conclus. 


La position de la Chine reste objective et impartiale, a rappelé le représentant de la Chine en appuyant les efforts diplomatiques internationaux en cours.


Mme PAIK JI-AH (République de Corée) a regretté les violences en Ukraine et demandé la libération des otages de l’OSCE, ainsi que l’évacuation des bâtiments publics par les forces séparatistes.  Elle a jugé que le mécanisme de surveillance de l’OSCE était indispensable dans le contexte actuel.  La délégation de la République de Corée estime que la sécurité et la sûreté doivent être garanties sur le terrain, a-t-elle déclaré, avant de demander aux signataires de la Déclaration de Genève de mettre en œuvre leurs engagements respectifs.  Elle a en conclusion réaffirmé la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.


Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a indiqué que sa délégation partageait l’analyse de M. Feltman selon laquelle la situation dans l’est de l’Ukraine est en train de se détériorer de manière inquiétante, en particulier à Kharkiv, à Lougansk et dans la région de Donesk.  Elle s’est dite profondément préoccupée par les actions des milices séparatistes pro-russes « soutenues par la Fédération de Russie, qui visent à déstabiliser l’est de l’Ukraine » et a déclaré qu’il était difficile de ne pas « y voir une tentative d’empêcher la tenue des élections présidentielles du 25 mai prochain ».


Mme Lucas a fait observer que ces actions déstabilisatrices se sont intensifiées encore ces derniers jours, avec la multiplication des occupations illégales de bâtiments publics, un nombre croissant d’attaques contre les forces de l’ordre ukrainiennes, et un accroissement de la violence contre la population locale.  Elle a condamné dans les termes les plus forts « ces agressions et les actions visant des personnalités politiques », et a estimé que la violence des derniers jours illustre la nécessité urgente d’une désescalade de la situation.


Mme Lucas s’est félicitée des « mesures positives prises par l’Ukraine pour remplir les engagements figurant dans la déclaration de Genève adoptée le 17 avril par l’Ukraine, la Fédération de Russie, l’Union européenne et les États-Unis ».  Elle a souligné que la communauté internationale attend de la Fédération de Russie qu’elle prenne, à son tour, des mesures concrètes pour amener les séparatistes dans l’est de l’Ukraine à la désescalade; et qu’elle utilise son influence sur les mouvements séparatistes pour les convaincre de chercher le dialogue avec le Gouvernement ukrainien plutôt que de le combattre.


La représentante a condamné la prise en otage du 25 avril d’une équipe d’observateurs militaires déployés dans le cadre du document de Vienne de l’OSCE de 2011 près de la ville de Sloviansk.  La déclaration de Genève du 17 avril ne saurait rester lettre morte, car l’alternative serait trop lourde de conséquences pour la paix et la stabilité internationales, a prévenu la représentante.


M. MAHMOUD HMOUD (Jordanie) s’est lui aussi déclaré préoccupé par l’évolution de la situation en Ukraine.  Il a jugé inacceptables l’occupation de bâtiments publics et les menaces qui pèsent sur la sécurité des civils.  Le représentant a demandé aux signataires de la Déclaration de Genève de mettre en œuvre leurs engagements sur le terrain et d’exercer une pression sur les parties au conflit sur le terrain.  Il s’est félicité que l’Ukraine ait accepté la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) pour que soit ouverte une enquête préliminaire sur les incidents survenus au cours du mois écoulé sur son territoire.


M. CRISTIAN BARROS (Chili) a demandé que les engagements pris à Genève le 17 avril dernier soient respectés par toutes les parties.  Il a rappelé que ces engagements ont été pris en présence des Ministres des affaires étrangères de l’Ukraine, de la Fédération de Russie, et des États-Unis, ainsi qu’avec la participation de la Haut-Représentante de l’Union européenne.  Le représentant du Chili a appelé au désarmement immédiat des groupes armés séparatistes et à la restitution des bâtiments occupés.  Il a jugé indispensable la tenue d’un processus constitutionnel inclusif qui soit le fruit d’un dialogue national ukrainien.  Il a appelé au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et a rappelé l’obligation pour tous les États Membres des Nations Unies de s’abstenir de recourir à la force ou à la menace du recours à la force.  Il a souligné l’importance du Groupe d’observation des droits de l’homme de l’ONU et de l’OSCE pour établir les faits et favoriser le meilleur climat pour la tenue des élections prévue le 25 mai. 


M. GARY FRANCIS QUINLAN (Australie) a espéré que les mesures adoptées à Genève le 17 avril et visant à diffuser les tensions seront mises en œuvre par toutes les parties.  Il a salué les efforts du Gouvernement ukrainien, qui a adopté un projet de loi d’amnistie pour les manifestants qui déposeront leurs armes et s’est engagé à organiser un large débat public sur un changement constitutionnel.  Le représentant a aussi précisé que le Gouvernement ukrainien s’est engagé à défendre le droit des russophones à utiliser leur langue.  Face aux engagements de la partie ukrainienne, le représentant de l’Australie a regretté que « toutes les preuves montrent que la Russie reste déterminée à promouvoir l’instabilité en Ukraine ».  Il a dit que la prise en otage d’observateurs de l’OSCE « est un acte cynique et déplorable perpétré contre du personnel impartial qui se trouve sur place dans le seul intérêt de promouvoir la paix et la stabilité dans la région ».


Le représentant de l’Australie a indiqué que « l’on a assisté à des actes de provocations à l’est de la frontière ukrainienne, avec notamment des violations continues de l’espace aérien ukrainien ».  Il a aussi parlé d’intimidations accrues contre la population locale, de détentions illégales, et d’actes de violences.  Il a salué la « retenue du Gouvernement ukrainien et son engagement à protéger sa population de manière civilisée contre tout acte de provocation ».  Il a dit que la « communauté internationale restait solidaire pour préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine », et a souhaité que les « élections du 25 mai se tiennent sans ingérence ni obstruction », avant d’appeler la Fédération de Russie « à exercer toute son influence pour ramener les séparatistes dans l’est de l’Ukraine à la raison ». 


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a tenu à répondre à ses collègues occidentaux qui ont condamné les forces d’opposition aux autorités en place à Kiev sans tenir compte de la situation sur le terrain.  Le 17 avril à Genève, un accord a été conclu par les parties par lequel elles se sont engagées à s’abstenir de toute violence.  Dès le lendemain, a-t-il dit, « l’opération antiterroriste », comme la décrit l’Ukraine, a été enclenchée.  « À Genève, on avait réussi à ouvrir une fenêtre d’opportunités », a insisté le représentant.  Mais Kiev a immédiatement fait des déclarations selon lesquelles elle n’avait pas l’intention de mettre en œuvre les déclarations du 21 février, puis du 17 avril.  « À Genève, il y avait un accord sur un rejet de l’extrémisme », a poursuivi le délégué, qui a accusé l’Ukraine de ne pas avoir déposé les armes et d’avoir envoyé ses troupes en direction de l’est du pays.  Des bataillons militaires ont été déployés et des barricades de béton ont été dressées dans la rue, a assuré le représentant russe.


En outre, le 28 avril, un attentat a été perpétré contre le maire de Kharkiv.  On accuse les forces d’opposition mais, a-t-il estimé, il faudrait peut-être ouvrir une enquête.  Début avril, un autre candidat a été passé à tabac et les responsables n’ont toujours pas été trouvés.  Comment peut-on parler du caractère pacifique de la campagne électorale en Ukraine?  Où en est le dialogue national?  Où sont les réformes demandées?  Qu’en est-il de ce processus de réconciliation dont ont été exclus les représentants du sud et de l’est du pays?  Comment résoudre le statut de la langue russe?  Autant de questions que M. Churkin a posées aux membres du Conseil, en estimant que ces actions n’étaient pas de nature à sortir l’Ukraine de la crise dans laquelle les autorités de facto l’ont précipitée.


Pour la Fédération de Russie, les autorités n’ont rien fait pour mettre en œuvre le Document de Genève.  « Nos collègues occidentaux n’ont pas voulu exiger de Kiev qu’il respecte ses engagements et les éléments séparatistes ont préféré mettre en place leurs propres organes d’autodétermination.  Quant à nos forces armées, a ajouté M. Churkin, elles opèrent sur le territoire russe de manière transparente « pour surveiller la situation près de la frontière d’un pays où se trouvent de nombreux ressortissants russes ».


Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a déclaré que la Déclaration de Genève du 17 avril 2014 n’était que le dernier d’une longue liste d’engagements signés et non respectés par la Fédération de Russie.  Parmi les autres engagements non respectés par la Fédération de Russie, elle a cité la Charte des Nations Unies, l’Acte final d’Helsinki, la Déclaration d’Almaty de 1991, le Mémorandum de Budapest de 1994 et le Traité d’amitié et de coopération.  Malgré les provocations, les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour mettre en œuvre la Déclaration de Genève, visant, entre autres, à retirer les barricades à Maidan et à engager des discussions au Parlement sur la réforme constitutionnelle.  En dépit de ces efforts, aucun bâtiment occupé n’a été libéré et les violentes attaques se poursuivent, a-t-elle noté.  La représentante de la Lituanie a dénoncé les menaces que la Fédération de Russie adresse aux autorités ukrainiennes si celles-ci ne retirent pas leurs forces du territoire ukrainien.  Elle a sévèrement condamné l’enlèvement des 13 observateurs de l’OSCE et tous les actes violents commis par les séparatistes et leurs soutiens extérieurs.


M. BANTE MANGARAL (Tchad) a réitéré l’appel de son gouvernement à tous les pays susceptibles de convaincre les parties de respecter et mettre en œuvre les obligations qui incombent aux parties signataires de la Déclaration de Genève.  Il s’est dit convaincu que la seule solution à la crise en Ukraine était d’ordre pacifique et que sa recherche devrait se faire dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays.


Mme JOY OGWU (Nigéria) s’est dite très inquiète des risques que posent une nouvelle escalade en Ukraine.  Elle a appelé à la plus grande prudence afin d’éviter que cette crise ne se transforme pas en guerre civile qui pourrait ensuite dégénérer en conflit international.  Elle a appelé à respecter les mesures concrètes prises à Genève le 17 avril dernier, dont le désarmement des groupes et la libération des bâtiments occupés.  Elle a émis la crainte que cette lueur d’espoir de la déclaration du 17 avril disparaisse alors que des hommes armés continuent d’occuper des bâtiments publics.  L’enlèvement, le 25 avril, de 13 observateurs de l’Organisation de sécurité et de coopération en Europe (OSCE) chargés de mettre en place des mesures de désescalade constitue un affront pour la communauté internationale, a estimé la représentante du Nigéria.  Elle a donc exhorté la Fédération de Russie à exercer toute son influence pour permettre la libération immédiate de ces 13 observateurs.


M. YURIY SERGEYEV (Ukraine) a rappelé qu’un mois s’était écoulé depuis que la Fédération de Russie avait occupé la Crimée.  Il a mis l’accent sur les efforts de son pays pour mettre en œuvre les engagements pris à Genève, le 17 avril, pour réduire les tensions.  Il a indiqué qu’une semaine plus tard, l’Ukraine avait suspendu ses opérations militaires et entamé un processus de dialogue visant à des réformes constitutionnelles, dont l’autonomisation des collectivités locales et l’élaboration d’un projet de loi garantissant l’amnistie des groupes qui déposeront les armes.  Grâce à une campagne de sensibilisation, 6 000 armes ont été restituées.


De son côté, la Fédération de Russie ne cherche qu’à poursuivre la déstabilisation de l’est de l’Ukraine, a soutenu le représentant de l’Ukraine avant de rappeler que les autorités russes ne s’étaient jamais dissociées des groupes armés séparatistes.  « La Russie n’a même pas condamné l’enlèvement des 13 observateurs de l’OSCE », s’est étonné le représentant de l’Ukraine.  Les groupes qui enlèvent et qui tuent des policiers et des civils doivent être traités comme des terroristes, a-t-il estimé.  Il a également attiré l’attention sur les populations entières qui sont coincées dans l’est de l’Ukraine.  Des journalistes étrangers sont enlevés alors que les journalistes russes peuvent circuler en toute liberté, a-t-il fait remarquer.  Un hélicoptère ukrainien a été abattu et de nombreux membres de groupes séparatistes ne cachent même plus qu’ils sont citoyens russes.


Les autorités ukrainiennes détiennent des preuves audiovisuelles de l’implication du maire autoproclamé de Slaviansk et de son entourage dans l’assassinat d’un jeune militant ukrainien de 19 ans.  Des troupes russes sont massées à la frontière ukrainienne, a dénoncé le représentant de l’Ukraine. 


L’Ukraine n’a pas l’intention de menacer la Russie et ne le fera jamais, a déclaré le représentant ukrainien.  Il s’est toutefois étonné du cynisme d’un pays agresseur qui revendique le droit de légitime défense.  Le scénario qui se présente dans l’est de l’Ukraine, a-t-il fait remarquer, est le même que celui qui a été mis en œuvre pour justifier l’annexion de l’Abkhazie.  La Russie ne vise qu’à perturber les élections présidentielles du 25 mai, a-t-il soutenu, avant d’exhorter les autorités russes à mettre fin à la rhétorique de guerre et à s’engager dans un dialogue constructif.


Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a noté que l’on avait beaucoup parlé des interprétations divergentes faites de la Déclaration de Genève.  Il s’est cependant demandé ce qu’il pouvait bien y avoir à comprendre.  Il s’est également demandé ce que l’Ukraine avait fait pour mettre en œuvre cette Déclaration.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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