Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme appelle toutes les parties en Ukraine à un « dialogue national, inclusif et durable »
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Conseil de sécurité
7157e séance – matin
LE SOUS-SECRÉTAIRE GÉNÉRAL AUX DROITS DE L’HOMME APPELLE TOUTES LES PARTIES
EN UKRAINE À UN « DIALOGUE NATIONAL, INCLUSIF ET DURABLE »
Les membres du Conseil de sécurité espèrent que les pourparlers
de demain à Genève contribueront à régler la crise par la voie diplomatique
À la veille de pourparlers à Genève entre les chefs de la diplomatie de la Fédération de Russie, de l’Ukraine, de l’Union européenne et des États-Unis, le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović, a présenté, cet après-midi devant le Conseil de sécurité, un rapport sur la situation des droits de l’homme dans le pays, en appelant toutes les parties à « entamer un dialogue national inclusif, durable et significatif ».
M. Šimonović, dont l’intervention s’appuyait sur les conclusions de ses deux missions récentes en Ukraine et sur le premier mois d’activité de la mission d’évaluation des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans le pays, a souligné les liens étroits qui existent entre les violations chroniques des droits de l’homme en Ukraine, les manifestations de Maidan et la situation actuelle dans l’est du pays.
La situation dans l’est, si elle n’est pas traitée de façon prioritaire et adéquate, risquerait de « déstabiliser gravement le pays dans son ensemble », a prévenu le Sous-Secrétaire général. « Ceux qui exercent une influence sur la situation devraient, a-t-il insisté, prendre des mesures immédiates pour mettre fin à la violence. »
Afin de désamorcer les tensions à travers le pays, M. Šimonović a appelé toutes les parties à « entamer un dialogue national inclusif, durable et significatif sur la base du respect des obligations juridiques de l’Ukraine en vertu des traités internationaux des droits de l’homme déjà ratifiés ».
« Un tel processus devrait prendre en considération les préoccupations de tous ceux qui vivent en Ukraine, y compris les minorités, et les questions telles que les droits linguistiques et la décentralisation du pays », a-t-il affirmé.
Pour le représentant de la Fédération de Russie, les Ukrainiens doivent amorcer un dialogue auquel participeront toutes les régions du pays et entreprendre une réforme constitutionnelle digne de ce nom, « et non pas simplement cosmétique », afin de préserver l’unité du pays.
Le rapport présenté par M. Šimonović est « partial et subjectif » et ne tient nullement compte du fait que les autorités au pouvoir n’avaient pas été élues démocratiquement, mais y avaient accédé en renversant un Président légitime, a-t-il estimé.
Le délégué ukrainien a, pour sa part, expliqué que l’intervention des forces de sécurité dans l’est du pays s’attachait à restaurer l’ordre et à protéger les populations et ne ciblait que les groupes armés soutenus par des forces russes infiltrés qui se trouvent illégalement sur le territoire de l’Ukraine.
Il a assuré, de même, que le plan d’action présenté par le nouveau Gouvernement ukrainien tenait compte des différents problèmes de l’Ukraine et des besoins de la population, en particulier des minorités.
Dans la discussion qui a suivi l’exposé de M. Šimonović, plusieurs pays se sont félicités de la reprise des pourparlers prévus demain à Genève.
La déléguée des États-Unis a émis l’espoir que la réunion de demain serait « l’occasion de résoudre la crise par la diplomatie avant qu’il ne soit trop tard ». Elle a également appelé la Fédération de Russie à retirer ses troupes de la région frontalière et de Crimée.
De même, certaines délégations, dont celle de la Lituanie, ont observé que le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme « réfute la version mensongère et incendiaire de la Russie » qui veut justifier ses actions illicites en Ukraine.
Les autorités ukrainiennes actuelles « manifestent une volonté claire de rompre avec le passé et de promouvoir la réconciliation », a observé le Royaume-Uni, pour qui, contrairement à ce que soutient la délégation russe, les attaques contre les russophones ne sont ni systématiques ni généralisées, comme le confirme également le rapport de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Pour la France, le rapport dresse un bilan accablant de l’action de la Russie sur la situation intérieure de l’Ukraine. Son délégué a appelé Moscou à s’engager dans la désescalade et à condamner, avec l’ensemble de ce Conseil, les tentatives de déstabilisation dans l’est de l’Ukraine.
LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)
Déclarations
M. IVAN ŠIMONOVIĆ, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, dont l’intervention s’appuyait sur les conclusions de ses deux missions récentes en Ukraine et des toutes premières semaines d’activité de la mission d’évaluation des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans le pays, a fait le point sur l’évolution de la situation depuis son dernier exposé, le 19 mars.
M. Šimonović a souligné les liens étroits qui existent entre les violations chroniques des droits de l’homme en Ukraine, les manifestations de Maidan et la situation actuelle dans l’est du pays.
Près d’un tiers de la population ukrainienne vivrait sous le seuil de pauvreté, a—t-il dit, en notant que les énormes disparités de niveau de vie et l’accès insuffisant aux services sociaux de base, attribués à la corruption et à la mauvaise gestion, étaient au nombre des facteurs sous-jacents qui avaient conduit aux manifestations de Maidan. Ces manifestations, qui ont commencé à Kiev et balayé le reste du pays à partir de novembre 2013 à février 2014, ont révélé un sentiment profond d’insatisfaction de la population de l’Ukraine.
Selon le Sous-Secrétaire général, des progrès doivent encore être faits pour traduire en justice les auteurs des violations graves des droits de l’homme commises pendant la période des manifestations de Maidan. Au cours des manifestations, 121 personnes ont été tuées et plus de 100 autres sont toujours portées disparues. Le Bureau du Procureur général a engagé des poursuites pénales et il est important d’assurer la responsabilité des auteurs de ces violences, a-t-il ajouté.
M. Šimonović a expliqué que la manipulation des médias avait largement contribué à créer un climat de peur et d’insécurité dans la période précédant le référendum sur la Crimée, le 16 mars. La présence de groupes d’autodéfense et paramilitaires, ainsi que de soldats en uniforme sans insignes, n’était pas propice à un environnement dans lequel les électeurs peuvent exercer librement leur droit à la liberté d’expression lors du référendum, a-t-il estimé, en faisant état d’allégations crédibles de harcèlement, d’arrestations arbitraires et de torture par ces groupes.
Tout en réaffirmant la résolution de l’Assemblée générale 68/262 sur l’intégrité territoriale de l’Ukraine, le Sous-Secrétaire général a rappelé les obligations des autorités de Crimée à respecter les normes internationales des droits de l’homme. Il est également préoccupant de constater que le 11 avril, les autorités de Crimée se sont hâtées d’adopter une nouvelle Constitution, a-t-il dit.
En outre, M. Šimonović a affirmé que, selon des témoignages, des militants pro-russes armés avaient établi une « République populaire de Donetsk », pris le contrôle d’un certain nombre de bâtiments publics dans plusieurs villes de la région de Donetsk et recouru à la violence.
Les incidents et les affrontements en cours entre différents groupes de manifestants, ainsi que les forces de sécurité, sont très préoccupants, a-t-il poursuivi.
M. Šimonović a fait remarquer que, si les violations des droits de l’homme liées aux manifestations devaient être examinées d’urgence et vérifiées, les forces de sécurité devraient, quant à elles, jouer leur rôle dans le maintien de l’ordre public en conformité avec les normes des droits de l’homme. Dans tous les cas, les forces de sécurité ne doivent pas recourir à la force inutilement ou excessivement, a-t-il déclaré.
La situation dans l’est, si elle n’est pas traitée de façon prioritaire et adéquate, a-t-il prévenu, risquerait de déstabiliser gravement le pays dans son ensemble. Ceux qui exercent une influence sur la situation devraient prendre des mesures immédiates pour mettre fin à la violence. L’armement des manifestants et leur transformation en des forces quasi paramilitaires doivent cesser. Quiconque incite à la violence et fournit des armes à des manifestants peut être tenu responsable des conséquences tragiques qui en découleraient, a-t-il averti.
Afin de désamorcer les tensions à travers le pays, toutes les parties devraient entamer un dialogue national inclusif, durable et significatif sur la base du respect des obligations légales de l’Ukraine en vertu des traités internationaux des droits de l’homme déjà ratifiés. Un tel processus devrait prendre en considération les préoccupations de tous ceux qui vivent en Ukraine, y compris les minorités, et les questions telles que les droits linguistiques et la décentralisation du pays.
M. Šimonović a conclu en soulignant que son premier rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine, fondé sur ses deux missions récentes en Ukraine et sur le premier mois de la mission d’évaluation des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans le pays, avait été publié hier. Un deuxième rapport sera présenté le 15 mai, a-t-il précisé.
Mme RAIMONDA MURMOKAITE (Lituanie) a observé que le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme « réfute la version mensongère et incendiaire de la Russie » qui veut justifier ses actions illicites en Ukraine. Si le rapport se montre critique également envers l’Ukraine, a-t-elle souligné, cela concerne l’ancien régime. Le rapport note d’ailleurs que les tensions et les allégations de violations de droits de l’homme ont diminué depuis la fin février, date à laquelle le nouveau Gouvernement ukrainien a pris ses fonctions. Passant en revue les différentes questions abordées par le rapport, elle a noté entre autres que, dans l’est de l’Ukraine, les doléances de la population à l’égard du Gouvernement ukrainien étaient bien antérieures à l’entrée en fonctions de l’actuel Gouvernement. Selon le rapport, a-t-elle aussi remarqué, les violations des droits de l’homme des minorités ethniques ne sont ni répandues ni systématiques, ce qu’a confirmé la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la question des minorités, Mme Rita Itzak. Mme Murmokaite a aussi souligné les changements positifs en cours en Ukraine, citant notamment les mesures prises pour renforcer l’état de droit, lutter contre la corruption et garantir les droits des minorités.
L’annexion de la Crimée et la déstabilisation de l’est de l’Ukraine ne sont pas une question de protection des minorités linguistiques russes, a estimé la représentante. Elle a dénoncé ce qu’elle estimait être une déstabilisation visant à faire obstacle au bon déroulement des élections du 25 mai. Elle a aussi estimé que la Fédération de Russie essayait de s’approprier des terres et d’assouvir ses ambitions politiques et militaires. La propagande systématique de guerre à l’encontre de l’Ukraine et de ses dirigeants intérimaires est un jeu extrêmement dangereux, a-t-elle prévenu. La représentante a ainsi exhorté la partie russe à cesser son offensive de désinformation et de propagande anti-ukrainienne et anti-européenne avant que cela ne soit trop tard. Elle l’a ainsi encouragé à suivre la voie diplomatique dans le cadre de la réunion prévue à Genève le 17 avril.
Tout en reconnaissant qu’il restait encore beaucoup à faire en Ukraine pour combattre la corruption, améliorer l’éducation, la santé et les services sociaux, la représentante a assuré que l’OSCE et le Conseil de l’Europe étaient prêts à fournir leur assistance immédiatement. Elle a aussi recommandé de produire d’autres rapports sur les violations de droits de l’homme, afin de prévenir toute manipulation de l’information, en particulier en ce qui concerne la situation en Crimée. Avant de conclure, elle a dit soutenir les efforts du Gouvernement ukrainien visant à tenir des élections libres et justes le 25 mai prochain.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a rappelé qu’il avait convoqué, dimanche dernier, une réunion d’urgence au Conseil de sécurité devant la détérioration de la situation en Ukraine. « Ceux qui se sont retrouvés au pouvoir en l’usurpant veulent maintenant recourir à l’usage de la force pour s’en prendre à leur propre peuple », a-t-il dénoncé, en affirmant que des militaires avaient déjà déserté les rangs des forces gouvernementales. C’est d’ailleurs grâce à des formations armées que le Gouvernement légitime a été renversé, a fait observer le représentant russe. « On est en droit de se demander si ce n’est pas sur ordre de dirigeants actuellement aux côtés du pouvoir à Kiev que ces éléments agissent. » Pour lui, les Ukrainiens doivent amorcer un dialogue auquel toutes les régions doivent prendre part et entreprendre une réforme constitutionnelle digne de ce nom, « et non pas simplement cosmétique », afin de préserver l’unité du pays, a prévenu M. Churkin.
Faisant référence à la demande de l’Ukraine, le représentant a déclaré que, si on voulait justifier une présence internationale sur le terrain, il faudrait qu’il existe, au préalable, un environnement propice sur le terrain. Le rapport présenté par M. Šimonović est « partial et subjectif », a-t-il regretté, en précisant qu’il ne tenait nullement compte du fait que les autorités au pouvoir n’avaient pas été élues démocratiquement, mais y avaient accédé en renversant un Président légitime. Il s’en est pris à la « résurgence du chauvinisme » observée, selon lui, dans le centre et l’ouest de l’Ukraine et dénoncé le silence entourant les déclarations très violentes faites à l’encontre des Russes et des Juifs, notamment par une personnalité qualifiée par le Centre Simon Wiesenthal comme l’une des plus antisémites au monde.
Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme fait mention de la diversité de la société ukrainienne, mais désigne les communautés russophones sous le terme de « minorité ». On parle d’exactions perpétrées contre la population civile, mais on omet de mentionner les attaques perpétrées contre le Congrès des juges et le pillage du siège du Parti communiste. S’appuyant sur des témoignages recueillis sous l’anonymat, ce rapport oublie de citer les tentatives d’intimidation dirigées contre les journalistes désireux de documenter la situation sur le terrain. S’agissant de la Crimée, les accusations lancées dans le rapport ne peuvent pas aujourd’hui être discutées, puisqu’il concerne seulement l’Ukraine. Pour M. Churkin, la confiance dans le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme n’est plus de mise, même si la Fédération de Russie espère que ses prochains rapports seront plus objectifs.
M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a indiqué que son pays condamnait toutes les formes de violations et de violences d’où qu’elles viennent. Pour y voir plus clair, il convient d’aboutir à un minimum de stabilisation de la situation, a-t-il dit, en appelant toutes les parties à la retenue et au calme, et à privilégier un règlement pacifique de la crise.
Pour M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni), « ce qui n’est pas crédible c’est de « tenter de discréditer le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ». Ce document objectif conclut que depuis le changement de pouvoir en février dernier, les allégations de violations de droits de l’homme ont diminué en Ukraine. Les autorités actuelles manifestent une volonté claire de rompre avec le passé et de promouvoir la réconciliation, démentant ainsi les affirmations de la Fédération de Russie, qui ne servent qu’à justifier l’intervention armée de Moscou en Ukraine, a-t-il dit. Contrairement à ce qu’affirme le représentant russe, les attaques contre les russophones ne sont ni systématiques ni généralisées comme le confirme également le rapport de l’OSCE.
Notant que la Fédération de Russie se fondait sur la légitimité du référendum sur la Crimée le 16 mars pour justifier le maintien de ses forces en Crimée, le représentant britannique a tenu à souligner que le rapport contredisait une telle légitimité, puisqu’il établit que les actions de groupes paramilitaires ne créent pas un climat propice pour la tenue d’un référendum « libre et démocratique » dans la région. M. Lyall Grant a fait observer que le rapport expliquait, au contraire, que l’exagération des faits sur le terrain n’avait servi qu’à justifier l’annexion de la Crimée. Pour la délégation britannique, les autorités ukrainiennes se sont montrées exemplaires tout au long de cette crise et continueront d’agir dans le respect des droits de l’homme. La Fédération de Russie ne peut utiliser la situation en Ukraine pour justifier une intervention dans le pays, a insisté le représentant. « Notre message est simple: retirez vos troupes de la frontière ukrainienne et entamez un dialogue. »
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a affirmé qu’après des semaines de désinformation et de propagande, l’occasion était offerte de se fonder sur des faits, grâce au rapport présenté aujourd’hui. Elle a prié l’ONU de continuer à fournir des rapports indépendants et de ne pas céder aux intimidations de ceux qui n’aiment pas les faits tels qu’ils sont.
L’annexion de la Crimée a été le premier épisode de ce qui se passe aujourd’hui, a-t-elle dit, en faisant état d’une campagne bien orchestrée de sabotage avec des pratiques visant à semer le chaos. Les forces ukrainiennes ont agi de façon responsable face aux provocations dans l’est du pays, a-t-elle assuré.
La représentante des États-Unis a indiqué que son pays appelait à la retenue, en privé comme en public. Les forces pro-russes doivent quitter les bâtiments qu’elles ont envahis, a-t-elle déclaré, avant d’ajouter que les États-Unis saluaient les autorités de l’Ukraine qui ont facilité le travail de la Mission d’enquête.
Pour Mme Power, la seule région qui a connu la plus grande détérioration des droits de l’homme est la partie du pays où les autorités ukrainiennes ont le moins de contrôle. Les discriminations contre les Ukrainiens sur leur propre territoire dans différents domaines sont monnaie courante, a-t-elle fait remarquer.
La déléguée, qui a rappelé les recommandations contenues dans le rapport, a estimé que celui-ci devrait rappeler à tous leurs responsabilités. La Fédération de Russie doit retirer ses troupes de la région frontalière et toutes ses forces de Crimée, a-t-elle en outre demandé.
Mme Power a émis l’espoir que la réunion de demain à Genève entre les responsables de la Fédération de Russie, de l’Ukraine, de l’Union européenne et des États-Unis serait l’occasion de résoudre la crise par la diplomatie avant qu’il ne soit trop tard.
M. LIU JIEYI (Chine) a déclaré que l’instauration d’une paix durable et la stabilité en Ukraine exigeaient que les Ukrainiens engagent un dialogue et privilégient un règlement politique de la situation dans le pays. Rappelant que sa délégation avait présenté un plan en trois volets, il a de nouveau souhaité que les Nations Unies puissent offrir ses bons offices. La Chine est favorable à l’ouverture d’un dialogue, a-t-il dit.
M. GARY FRANCIS QUINLAN (Australie) s’est félicité de l’engagement pris par les autorités de Kiev à lutter contre l’impunité des violations de droits de l’homme qui sont à l’origine des manifestations secouant l’Ukraine depuis le mois de novembre. La Fédération de Russie a beau invoqué des attaques systématiques et répandues contre des russophones, le rapport établit au contraire qu’aucun cas n’a été constaté, a-t-il lancé. Alors que plus de 3 000 Tatars de Crimée avaient été déplacés, rien ne permet d’étayer les allégations selon lesquelles la minorité russe avait été persécutée, a insisté le représentant. « Comme l’a déclaré M. Šimonović au cours de cette réunion, les quelques incidents recensés avaient été exagérés pour justifier une intervention militaire en Crimée », a fait remarquer le représentant australien. Soulignant l’importance des élections prévues le 25 mai prochain, il a demandé à toute la communauté internationale d’appuyer un scrutin libre et démocratique. Pour sa délégation, les pourparlers prévus demain entre la Fédération de Russie, l’Ukraine, l’Union européenne et les États-Unis, offrent une véritable opportunité de dialogue.
M. GÉRAD ARAUD (France) a estimé que le refus du Président par intérim de l’Ukraine d’abroger la loi sur les langues officielles démontre la volonté des autorités ukrainiennes d’œuvrer pour la réconciliation du pays. « L’Ukraine peut conserver sa diversité, qui fait sa richesse et son unicité », a insisté le représentant de la France, avant de souligner l’importance de la tenue de l’élection présidentielle du 25 mai 2014. Il a appelé à soutenir les autorités ukrainiennes pour organiser, dans les meilleures conditions, ce scrutin qui doit assurer la représentation de tous.
Par ailleurs, le représentant de la France a indiqué que le rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme dressait un bilan accablant de l’action de la Russie sur la situation intérieure de l’Ukraine. Il précise qu’aucune menace ne pesait sur les populations russophones de Crimée. Bien au contraire, le rapport souligne que le risque d’atteinte aux droits de l’homme pèse désormais sur les populations ukrainienne et tatare, a insisté M. Araud. Il a jugé essentiel que les Nations Unies continuent de rendre compte de la situation des droits de l’homme en Crimée, partie intégrante du territoire ukrainien. M. Araud a déclaré qu’on ne pouvait concevoir que l’Ukraine subisse sans réaction l’agression qu’elle a connue une première fois, il y a un mois, et qui avait été condamnée par l’Assemblée générale dans sa résolution 68/262.
Il a donc appelé la Russie à s’engager dans la désescalade et condamner, avec l’ensemble de ce Conseil, les tentatives de déstabilisation dans l’est de l’Ukraine. Plus encore, a-t-il dit, nous appelons la Russie à cesser de s’enfermer dans une montée aux extrêmes qui ne conduira qu’à un drame. M. Araud a rappelé qu’une réunion à laquelle participeront la Russie, les États-Unis, l’Union européenne et l’Ukraine, aura lieu demain à Genève. Il a prévenu que si la Russie cherchait à se soustraire à ce rendez-vous, de nouvelles sanctions seraient inévitables.
Mme PAIK JI-AH (République de Corée) a affirmé que son pays suivait de près le déroulement des événements dans l’est de l’Ukraine, en se déclarant en particulier préoccupée par la prise de contrôle de bâtiments publics par des éléments armés.
La République de Corée, a-t-elle dit, condamne tout recours à la force. Toute action visant à déstabiliser l’Ukraine doit cesser immédiatement, a-t-elle insisté. La représentante coréenne a souligné que toute solution à cette crise ne pourra être trouvée qu’en déployant des efforts diplomatiques, en particulier un dialogue direct entre la Fédération de Russie et l’Ukraine.
Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) s’est déclarée préoccupée que le climat de violences actuel en Ukraine ne conduise le pays dans l’impasse. Il est impératif de respecter les principes de la Charte des Nations Unies, notamment dans la non-ingérence des affaires intérieures d’un État. Comme l’a indiqué M. Šimonović, des violations de droits de l’homme ont été perpétrées bien avant les manifestations qui ont débuté en novembre en Ukraine, a-t-elle ensuite fait observer. Or, depuis que les nouvelles autorités ont pris le pouvoir, elles ont largement diminué, a noté, comme de nombreux autres orateurs, Mme Perceval. Les informations réunies dans le rapport du Haut-Commissariat permettent d’éviter la manipulation des faits, a-t-elle estimé, avant de dire que les responsables des auteurs de violations graves des droits de l’homme devraient être tenus responsables de leurs actes. Elle a émis l’espoir que la réunion prévue demain à Genève entre la Fédération de Russie, l’Ukraine, les États-Unis et l’Union européenne, se déroulera dans une atmosphère plus apaisée que celle d’aujourd’hui.
M. ZEID RA’AD ZEID AL HUSSEIN (Jordanie) a affirmé que la détérioration de la situation dans l’est de l’Ukraine devrait faire l’objet d’une approche responsable et rationnelle de la part de toutes les parties.
La situation actuelle nécessite des efforts considérables pour trouver une solution pacifique à la situation. Il faudrait respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme, mettre fin aux violences et entamer un véritable dialogue avec le Gouvernement de l’Ukraine.
Le représentant jordanien s’est également félicité de la reprise des pourparlers prévus demain à Genève, entre la Fédération de Russie, l’Ukraine, l’Union européenne et les États-Unis.
M. Al Hussein a mis l’accent sur la nécessité de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures de l’Ukraine ou de menacer le pays d’un recours à la force, le peuple ukrainien devant être aidé par la communauté internationale dans cette phase de transition politique.
M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a déclaré qu’il appartenait au Gouvernement ukrainien d’instaurer la confiance avec son peuple pour que les préoccupations de tous soient prises pleinement en compte dans le cadre d’un règlement politique de la situation. Il s’est déclaré préoccupé par l’occupation illégale de bâtiments publics et la rhétorique inflammatoire à l’origine de divisions. M. Gasana a dit, lui aussi, attendre avec impatience la tenue des pourparlers prévus demain à Genève entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, en présence de l’Union européenne et des États-Unis. « Nous ne pouvons pas décevoir les Ukrainiens et devons les accompagner en vue de résoudre cette crise », a ajouté le représentant.
Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a noté que le référendum organisé le 16 mars en Crimée, en violation des Constitutions de l’Ukraine et de la Crimée elle-même, s’est tenu dans des conditions qui lui enlève toute légitimité. Elle a rappelé que des journalistes et des membres de la société civile avaient été intimidés et la liberté des médias gravement entravée. Elle a souhaité que les cas de torture, de disparitions forcées et de meurtres fassent l’objet d’enquêtes judiciaires indépendantes. Elle a également appelé à prendre des mesures visant à restaurer l’état de droit et à donner l’accès à l’ensemble du territoire de l’Ukraine, y compris la Crimée, aux représentants des Nations Unies. Avec le rapport du Haut-Commissariat, nous avons aujourd’hui la confirmation qu’il n’y a pas eu en Ukraine d’attaques systématiques ou répandues contre la « communauté ethnique russe », a noté Mme Lucas.
La représentante du Luxembourg a regretté que les médias russes soient utilisés de façon systématique pour créer un climat de peur et remonter les populations locales contre le Gouvernement ukrainien. Elle a condamné les actions entreprises depuis le 6 avril par des groupes d’individus armés dans plusieurs villes de l’est et du sud-est de l’Ukraine, avant d’appeler la « Russie » à prendre publiquement ses distances par rapport aux actions des milices séparatistes. Elle a rendu hommage à la retenue dont ont fait preuve les autorités ukrainiennes et les a encouragées à procéder de manière mesurée et proportionnée dans le plein respect des droits de l’homme.
M. IGNACIO LLANOS (Chili) a affirmé qu’il convenait d’adopter immédiatement des mesures pour restaurer la confiance entre le Gouvernement provisoire de l’Ukraine et la population, en particulier les minorités. Le délégué s’est dit préoccupé par la détérioration des droits de l’homme dans les régions de l’est de l’Ukraine. Il a, notamment, appelé toutes les parties à s’abstenir de prendre des mesures susceptibles d’envenimer la situation et à entamer un dialogue en vue de contribuer à trouver une issue pacifique à la crise.
Mme JOY OGWU (Nigéria) a déclaré que le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme était un document complet qui témoigne des efforts continus de l’ONU en Ukraine afin d’évaluer la situation des droits de l’homme. L’ONU, a-t-elle estimé, est une « instance impartiale » qui fournit des informations aussi objectives que possible. Un suivi et une analyse indépendants des violations des droits de l’homme en Ukraine pourraient mettre fin à la crise en permettant de mieux en comprendre ses causes profondes. La rébellion en cours dans l’est de l’Ukraine ne fait que jeter de l’huile sur le feu, avec des implications profondes pour l’avenir de la région, a prévenu la représentante, avant de prier instamment toutes les parties concernées de cesser les actes qui exacerbent les tensions et de renoncer à tout affrontement armé. Elle a aussi souhaité que la réunion entre la Fédération de Russie et l’Ukraine, en présence des États-Unis et de l’Union européenne prévue à Genève demain, contribuera à mettre fin à la crise.
C’est à cause de l’agression militaire russe, inimaginable au XXIe siècle, que cette situation a lieu et que ce rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme est publié, a soutenu M. YURIY A. SERGEYEV (Ukraine). Le document rejette avec vigueur les accusations d’agression contre les minorités russes en Ukraine qui ont servi de prétexte à la Fédération de Russie pour violer la souveraineté du pays, a-t-il dit.
Le représentant, face aux accusations lancées par son collègue russe faisant état d’une résurgence de l’antisémitisme et du néonazisme en Ukraine, a lu une partie d’une lettre commune adressée au Président russe Vladimir Poutine de plus de 200 associations juives assurant le contraire.
Les violations des droits de l’homme en Crimée détaillées dans le rapport doivent, avant et après le référendum, faire l’objet de toute l’attention, a-t-il dit, en citant en particulier le cas des Tatars opprimés. Lors de la réunion du Conseil de sécurité, dimanche dernier, des faits ont été présentés attestant d’une ingérence russe dans l’est de l’Ukraine, a-t-il rappelé.
Le représentant a précisé que l’intervention des forces de sécurité dans l’est du pays s’attachait à restaurer l’ordre et à protéger les populations et ne ciblait que les groupes armés soutenus par des forces russes infiltrés se trouvant illégalement sur le territoire de l’Ukraine.
Il a affirmé que le plan d’action présenté par le nouveau Gouvernement ukrainien tenait compte des différents problèmes de l’Ukraine et des besoins de la population, en particulier des minorités.
Droits de réponse
Même s’il a considéré comme hors-sujet de parler de la situation en Crimée, qui ne fait plus selon lui partie de l’Ukraine, le représentant de la Fédération de Russie s’est élevé contre les propos de son homologue ukrainien, qui alertait contre de possibles persécutions contre les Tatars de Crimée. Il a soutenu que la Constitution criméenne venait de reconnaître non seulement la langue tatare, mais également le Tatarstan. Les Tatars de Crimée sont dans l’incertitude, mais rien ne permet de dire que leur situation est préoccupante, a-t-il déclaré.
En revanche, a-t-il regretté, la langue russe est progressivement écartée des enseignements officiels en Ukraine, comme en témoigne sa disparition des sites Internet. À Kiev, des 195 écoles russes qui existaient auparavant, il n’en reste plus que cinq, a-t-il déploré. Le plus important pour nous, c’est que les préoccupations du sud et du sud-ouest de l’Ukraine soient prises en compte, a-t-il souligné. Bien entendu, ce n’est pas une bonne chose que des civils prennent les armes, a-t-il estimé, en précisant que, pour la délégation russe, ces personnes ne cherchent qu’à se protéger.
« Notre collègue français a parlé de réalité virtuelle, mais c’est exactement le sentiment que j’avais en écoutant certains membres du Conseil s’exprimer aujourd’hui. Comment expliquer l’arrivée au pouvoir de dangereux individus par exemple? Pourquoi certains de mes collègues occidentaux semblent penser que c’est légitime d’arriver au pouvoir par des moyens autres que démocratiques? » À Kiev, ce sont des pseudo-démocrates qui ont pris le pouvoir, a dénoncé M. Churkin. Quel type de gouvernement sortira des urnes lors des élections prévues le 25 mai? a-t-il encore demandé. Concernant les pourparlers qui doivent se tenir à Genève demain, « nous nous y préparons et entendons y participer », a assuré M. Churkin, avant d’ajouter: « nous espérons qu’il en va de même pour les autres parties prenantes ».
Répliquant à son collègue de la Fédération de Russie, et s’exprimant en russe, le représentant de l’Ukraine a estimé que celui-ci restait ferme sur sa position et présentait la situation comme il l’entendait. La question de la Crimée, territoire ukrainien, doit être à l’ordre du jour, a-t-il dit, en précisant que le monde entier soutenait l’Ukraine sur cette question. Le délégué a dénoncé la stratégie de désinformation et de manipulation de la part de la Fédération de Russie.
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