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CS/11314

Conseil de sécurité: multiplication des appels pour l’annulation du référendum sur le rattachement de la Crimée à une Fédération de Russie « qui ne veut pas la guerre »

13/3/2014
Conseil de sécuritéCS/11314
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

7134e séance – après-midi


CONSEIL DE SÉCURITÉ: MULTIPLICATION DES APPELS POUR L’ANNULATION DU RÉFÉRENDUM SUR LE

RATTACHEMENT DE LA CRIMÉE À UNE FÉDÉRATION DE RUSSIE « QUI NE VEUT PAS LA GUERRE »


Devant le Premier Ministre de l’Ukraine, la majorité des membres du Conseil de sécurité a demandé que la Crimée renonce à son référendum sur son rattachement à la Fédération de Russie, un processus « malheureux et illégitime », selon la représentante des États-Unis, qui contraindrait à en tirer toutes les conséquences politiques et économiques, a dit son homologue de la France à une Fédération de Russie qui « ne veut pas la guerre ».


Depuis le 3 mars, jour de la dernière réunion du Conseil de sécurité sur l’Ukraine, les autorités de la Crimée, a indiqué le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, ont annoncé la tenue d’un référendum, ce dimanche 16 mars, sur leur rattachement à la Fédération de Russie, après que le Parlement eut adopté, le 11 mars dernier, une « déclaration d’indépendance ».


Les représentants de l’Australie, des États-Unis et de la France ont appelé leurs homologues du Conseil à adopter « avant dimanche » une résolution déclarant illégitime ce référendum.  Ils ont exigé de la Fédération de Russie qu’elle cesse de soutenir ce processus « malheureux et illégitime » selon les mots de la représentante des États-Unis. 


Le temps nous est compté, s’est alarmé son homologue de la France: « si se tenait dimanche le référendum illégal, si la Fédération de Russie, comme elle l’a annoncé, y répondait favorablement, alors nous serions contraints d’en tirer toutes les conséquences politiques et économiques; contraints, parce que nous ne voulons pas suivre cette voie qui serait une régression, parce que nous n’aurions pas le choix en présence d’une telle violation du droit international sur notre continent ».


Toute tentative de modifier les frontières de l’Ukraine de manière illégale ne saurait être tolérée, a averti le représentant du Royaume-Uni.  Il est encore temps d’éviter le pire, c’est-à-dire l’annexion de la Crimée par la force », a renchéri le Ministre des affaires étrangères du Luxembourg.  « La grande et forte Fédération de Russie n’a nul besoin ni d’encourager, ni de récupérer pour sa cause cette mascarade de référendum », a asséné le Ministre.  « Nous ne sommes plus à l’ère de Yalta et du partage du continent européen. »


Ni les Russes ni les Ukrainiens ne veulent la guerre, a assuré le représentant de la Fédération de Russie.  « Il n’y a aucune raison d’envisager la situation en ces termes. »  Il a redit son attachement à l’Accord du 21 février signé entre le Président déchu et l’opposition et dénoncé le refus de Kiev de dialoguer avec les régions de l’est.  Ce sont les autorités de Kiev elles-mêmes qui scient leur pays en deux parties, a-t-il tranché.


Il a rappelé le cas du Kosovo, le référendum organisé par la France sur Mayotte et la déclaration d’indépendance américaine qui reconnaît à un peuple le droit de se défaire des liens politiques avec un autre peuple.  « Nous verrons quel sera, à cet égard, l’avis du peule de Crimée au référendum à venir », a-t-il déclaré. 


Convaincu qu’il est encore possible de résoudre le conflit de manière pacifique, le Premier Ministre de l’Ukraine a affirmé que son gouvernement est prêt à un dialogue pour renforcer l’autonomie de la Crimée dans le cadre du droit constitutionnel.  « Nous avons tendu la main à la Russie, mais au lieu de cela, elle a pointé sur nous un revolver. »


Que la Russie résiste au vertige nationaliste qui l’a saisie et qui est toujours de mauvais conseil, que la Russie oublie 1914 pour comprendre que nous sommes en 2014, qu’elle revienne aux principes dont elle s’est fait longtemps le héraut et qu’elle piétine aujourd’hui, qu’elle écoute ce que lui dit l’ensemble de la communauté internationale, alors qu’une solution est possible, une solution qui respecte l’intégrité territoriale de l’Ukraine et son indépendance et garantisse les droits de toutes les communautés d’Ukraine, a plaidé le représentant de la France.


LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)


Déclarations


M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a rappelé que le Conseil de sécurité se réunissait au sujet de la situation en Ukraine pour la deuxième fois cette semaine et pour la sixième fois depuis le 1er mars.  Le Conseil de sécurité a accordé une attention importante à cette question, en sus des nombreux efforts diplomatiques multilatéraux et bilatéraux déployés, tous visant à une résolution pacifique de la crise.


La fréquence de ces discussions témoigne néanmoins, a-t-il estimé, du fait que la communauté internationale n’a pas été en mesure d’honorer ses obligations, si souvent réitérées par le Secrétaire général, de contribuer à apaiser les tensions en vertu des dispositions de la Charte des Nations Unies.


M. Feltman a assuré que la chance d’une résolution pacifique de la crise est toujours à portée de main: « Saisissons-la ».  Il a souligné que depuis son dernier exposé devant le Conseil de sécurité, la préoccupation du Secrétaire général face à la détérioration de la situation en Crimée et aux tensions croissantes dans l’est de l’Ukraine s’était accentuée.


Il a énuméré les différents faits survenus, notamment l’annonce par les autorités de la Crimée d’un référendum, ce dimanche 16 mars, et l’adoption, le 11 mars dernier, par le Parlement de Crimée, d’une « déclaration d’indépendance de la République autonome de Crimée ».  Le Secrétaire général, a assuré M. Feltman, poursuit activement ses efforts et parle à toutes les parties pertinentes en vue de trouver une solution pacifique à la crise.  À cette fin, le Secrétaire général recevra cet après-midi le Premier Ministre ukrainien.


Pour M. Feltman, et ainsi qu’il l’avait déjà souligné lundi dernier, l’annonce du référendum a compliqué une situation déjà difficile et volatile.  Il a indiqué que les autorités locales avaient refusé au Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović, d’entrer enCrimée, prétextant leur manque de préparation et leur incapacité de lui assurer la sécurité requise.


M. Šimonović a, jusqu’à présent, tenu des réunions à Kiev, Kharliv et Liv, notamment avec des représentants des administrations locales de la minorité russe, des ONG, dont une des Tatars de Crimée, et de la société civile.


La mission de surveillance du Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme doit devenir opérationnelle en Ukraine d’ici lundi, a poursuivi M. Feltman, qui a annoncé que le Secrétaire général envisageait de demander à M. Šimonović de poursuivre sa mission.


Le Secrétaire général appelle toutes les parties à éviter toute action hâtive ou toute rhétorique provocatrice et à s’engager dans un dialogue constructif afin de faire progresser la voie pacifique, a affirmé M. Feltman.  L’ONU, a-t-il ajouté, continue de coordonner étroitement ses activités avec les acteurs clefs et les organisations régionales pertinentes, notamment l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).


M. ARSENIY IATSENIOUK, Premier Ministre de l’Ukraine, a indiqué que son pays fait face à une agression militaire de la part d’un pays voisin, une agression, a-t-il dénoncé, qui n’a aucune raison d’être.  Il a accusé la Fédération de Russie d’avoir violé un certain nombre de traités bilatéraux et multilatéraux.  Le Premier Ministre s’est néanmoins dit convaincu qu’il est encore possible de résoudre le conflit de manière pacifique.  Il a félicité les Forces armées ukrainiennes pour leur retenue et a exhorté la Fédération de Russie à retirer les forces qu’elle a déployées en Crimée et à lancer un véritable processus de dialogue et de négociation.


M. Iatseniouk a fait observer que le conflit actuel n’est pas un conflit régional, mais un conflit qui va au-delà des frontières de l’Ukraine.  Il a rappelé qu’en 1994, l’Ukraine avait renoncé à son important arsenal nucléaire, en échange du respect de son intégrité territoriale.  Si de véritables pourparlers sont lancés, alors pourra s’établir un partenariat authentique avec la Fédération de Russie, a-t-il promis.  Il a averti qu’au regard des agissements actuels de la Fédération de Russie, il sera très difficile de convaincre quiconque de renoncer aux armes nucléaires.


S’adressant directement en russe au représentant de la Fédération de Russie, M. Iatseniouk l’a exhorté à répondre à son appel.  Il a invoqué les liens d’amitiés entre les deux pays et espéré que le Gouvernement russe entendra l’appel des deux peuples, à retourner à la table de négociation pour régler sans plus tarder ce conflit.


« L’heure est grave en Ukraine, en particulier en Crimée », s’est inquiété M. JEAN ASSELBORN, Ministre des affaires étrangères du Luxembourg, qui a dit vouloir croire que malgré l’exacerbation des tensions, il est encore temps d’éviter le pire, « c’est-à-dire l’annexion de la Crimée par la force ».  Il a rappelé qu’il était à Kiev lundi dernier, avec les deux autres Ministres des affaires étrangères du Bénélux, une occasion, a-t-il expliqué, de saluer « la retenue et le sang-froid de l’Ukraine alors qu’elle est confrontée à la violation de sa souveraineté et de son intégrité territoriale en Crimée ».  La décision du Conseil de la Fédération de Russie d’autoriser l’utilisation des Forces armées russes en Ukraine et les actions entreprises, ces deux dernières semaines, constituent une violation flagrante du droit international, a souligné le Ministre.  La principale raison invoquée par la Fédération de Russie pour légitimer ses actions, c’est-à-dire, les menaces qui pèseraient sur les droits des communautés russophones et russes en Crimée se sont avérées sans fondement, a dit avoir constaté le Ministre.  Il a prévenu que l’organisation le 16 mars prochain d’un référendum sur le statut de la Crimée est « tant dans la forme que dans le fond contraire à la Constitution ukrainienne ».  Il a appelé la Fédération de Russie à cesser de soutenir cette initiative.


La « grande et forte » Fédération de Russie n’a nul besoin ni d’encourager, ni de récupérer pour sa cause, « cette mascarade de référendum » qui en réalité n’offre même pas sur les bulletins de vote une possibilité de voter non.  Si le référendum devait tout de même se tenir, a averti le Ministre, la communauté internationale ne saurait en aucune façon en reconnaître le résultat.


« Nous ne sommes plus à l’ère de Yalta et du partage du continent européen », a asséné le Ministre.  Il doit être possible de trouver une solution pacifique qui tienne compte des intérêts de toutes les parties impliquées, « y compris la Russie ».  La déstabilisation de l’Ukraine ne sert les intérêts de personne à long terme, a-t-il martelé, qui a reconnu la pertinence d’un statut de large autonomie pour la Crimée « pour des raisons historiques et de bon voisinages avec la Fédération de Russie ».  Il a appelé la Fédération de Russie à saisir « la main tendue de l’Ukraine » pour lancer un dialogue direct en vue de désamorcer la crise.


Le Ministre a conseillé la tenue d’un dialogue politique inclusif en Ukraine même entre « toutes les forces politiques démocratiques et toutes les régions ». Un tel dialogue, a-t-il espéré, pourrait conduire à un renforcement du caractère fédéral de l’État ukrainien.  Mais, a-t-il tempéré, seuls les Ukrainiens peuvent décider de leur destin.  L’Ukraine, a-t-il insisté, n’appartient qu’aux Ukrainiens.  M. Asselborn a dit vouloir croire qu’on peut encore éviter le pire.  Il a encouragé la poursuite des « efforts diplomatiques intenses »  pour créer un mécanisme multilatéral qui permettrait, a-t-il espéré, d’amorcer une désescalade militaire « avec en premier lieu un retrait des forces armées russes vers les lieux de stationnement permanent », mais également de lancer un dialogue direct entre les autorités russes et ukrainiennes. 


Le Ministre a soutenu les efforts de l’OSCE pour déployer une mission spéciale d’observation en Crimée.  Une telle mission, a-t-il avancé, permettrait d’évaluer les faits et le respect des droits de l’homme et de favoriser le dialogue sur le terrain afin de normaliser la situation.  Pour M. Asselborn, l’heure est aux efforts diplomatiques pour aboutir à une solution qui respecte l’indépendance politique, la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, « dans l’intérêt de la paix, de la stabilité et de la prospérité de l’Europe ».


Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a estimé que cette réunion se tient alors que l’on observe un contraste de plus en plus prononcé entre le comportement des autorités à Kiev et celui des autorités à Moscou.  L’Ukraine, a-t-elle assuré, a respecté toutes ses obligations internationales, y compris celles couvrant les bases russes et a fait preuve d’une grande retenue quant à l’utilisation de ses forces armées. 


Le Gouvernement provisoire ukrainien comprend des représentants de l’est et de l’ouest du pays et tente de satisfaire aux besoins de sa population, a-t-elle dit, rappelant que le Premier Ministre ukrainien avait rencontré hier à Washington le Président américain Barack Obama.


Les efforts en vue de redresser l’économie du pays et de préparer des élections méritent un appui sans faille de tous les membres du Conseil de sécurité et de la communauté internationale, a ajouté la déléguée américaine.


En revanche, a-t-elle dit, la Fédération de Russie a choisi l’action militaire dès le début de la crise.  Elle fait obstacle à tout suivi et toute action de médiation.  Ce n’est pas, a-t-elle estimé, le comportement de gens qui croient avoir la vérité et le droit de leur côté. 


Le référendum annoncé par les autorités locales de Crimée risque de déstabiliser gravement la situation et est contraire au droit international, a-t-elle asséné.  Tout référendum en Crimée doit être organisé selon les lois ukrainiennes.  Les États-Unis, a-t-elle souligné, appellent à la suspension de cette initiative malheureuse et illégitime, s’inscrivant dans le contexte de l’action militaire.


La voie diplomatique est souhaitable, a-t-elle poursuivi, demandant que les forces russes rentrent dans leurs casernes et que la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine soient respectées.  L’Ukraine et la Fédération de Russie doivent respecter pleinement les accords bilatéraux auxquels ils ont souscrits, dont le traité d’amitié qui les lie.


La représentante a proposé une résolution du Conseil de sécurité qui entérinerait une solution pacifique à la crise ukrainienne reposant sur les principes de droit international.  Elle a voulu que l’on entretienne un climat de retenue et d’ouverture pour permettre un dialogue pacifique. Si nous ne nous rassemblons pas et n’envoyons pas un message clair, nous souffrirons des conséquences de cette crise en Ukraine et au-delà, a conclu Mme Power.


M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a salué la retenue dont ont fait preuve le Gouvernement et les Forces armées de l’Ukraine.  Il a rappelé que c’est l’ancien Président Viktor Ianoukovitch qui a abandonné son poste et que c’est par la suite que son limogeage a été approuvé par la majorité du Parlement ukrainien.  La Constitution de 2004 a été rétablie et un processus de réforme constitutionnelle est en cours afin de permettre aux Ukrainiens de choisir eux-mêmes leurs dirigeants, a-t-il ajouté.  Le représentant a reconnu que l’Ukraine a besoin de l’appui de la communauté internationale et qu’elle doit renforcer sa culture politique.  Il a aussi reconnu la nécessité de mener des enquêtes sur les évènements de ces derniers mois.  Toutefois, a-t-il souligné, les causes de l’instabilité actuelle n’ont pas leur origine à Kiev mais dans la Fédération de Russie.


M. Lyall Grant a soutenu que les allégations de la Fédération de Russie, notamment l’interdiction du russe, avaient été démenties.  La seule partie du pays où les Ukrainiens sont menacés c’est en Crimée, a-t-il tranché.  Après avoir dénoncé le fait que le Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme n’ait pu se rendre en Crimée, le délégué a rappelé que l’OSCE a dit n’avoir constaté aucune violation ou menace de violation des droits des russophones mais que ce sont les actions de la Fédération de Russie qui ont intensifié les tensions entre les groupes ethniques.


Le délégué s’est dit préoccupé par l’annonce du référendum en Crimée et les mesures prises par la Fédération de Russie pour faciliter sa tenue.  Un référendum libre et honnête ne peut se tenir alors que des troupes russes sont en Crimée et que les listes d’électeurs sont inexistantes.  Le referendum se tiendra à la pointe du fusil, a dit le représentant, prévenant d’emblée que ses résultats ne seront pas reconnus par la communauté internationale.


M. Lyall Grant a appelé les Forces armées russes à regagner leurs casernes et engagé les parties à respecter les droits des minorités.  La Fédération de Russie, a-t-il de nouveau souligné, doit se distancier du référendum et réaffirmer son attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  La Fédération de Russie cautionne des mesures unilatérales, alors qu’il y a une possibilité de dialogue.  Ça n’a pas de sens, s’est impatienté le représentant, en prévenant que toute tentative de modifier les frontières de l’Ukraine de manière illégale ne saurait être tolérée.


M. GÉRARD ARAUD (France) a souligné l’ironie d’une situation dans laquelle la Fédération de Russie ne cesse de se référer à un Accord, celui du 21 février, négocié par les Ministres des affaires étrangères allemand, français et polonais, qu’elle n’avait ni reconnu ni endossé lorsqu’il avait été signé et dont elle se fait le champion depuis que la fuite ignominieuse de l’ancien Président Ianoukovitch l’a rendu inapplicable.


Ensuite, et là l’ironie atteint le surréalisme, lorsque la Fédération de Russie invoque l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) qui juge que la déclaration unilatérale d’indépendance du Kossovo n’était pas illégale; avis qu’elle n’a jamais reconnu et indépendance qu’elle a toujours combattue.  Nous attendons donc avec intérêt la conclusion logique de cette conversion inattendue, c’est-à-dire la reconnaissance du Kosovo par la Fédération de Russie, a ironisé le représentant.


Il a rappelé que, dans son avis, la CIJ posait deux conditions, l’une était le caractère contesté du territoire qui avait conduit à l’existence d’un ordre juridique particulier, la résolution 1244 du Conseil de sécurité, et l’autre le non-recours à la force; conditions à l’évidence non remplies en Crimée dont le statut n’était en rien disputé que ce soit par Moscou ou par l’Assemblée locale et où c’est l’occupation russe qui permet à une faction qui avait obtenu 4% aux élections locales d’organiser un simulacre de consultation à l’ombre des baïonnettes russes.


Pour la Fédération de Russie, a poursuivi M. Araud, il ne s’agit pas ici de droit, de cohérence ou de logique.  Il ne s’agit que de faire feu de tout bois pour justifier l’injustifiable, la violation patente et cynique de la Charte des Nations Unies, dont les fondements sont le respect de l’intégrité territoriale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures de ses membres.


Tout est donc en place pour préparer l’annexion de la Crimée quel qu’en soit l’habillage juridique qui ne trompera personne.  La presse, en Occident, y voit le triomphe du joueur d’échecs russe qui aurait mis ainsi échec et mat la communauté internationale.  Avouant qu’il joue assez mal aux échecs, le représentant a dit voir surtout l’amateurisme du joueur qui ne résiste pas à la tentation de prendre la tour mais perd ainsi la partie.  La Fédération de Russie y gagnera la Crimée mais elle y perdra sa crédibilité, a prévenu M. Araud.


Dans ce moment de désarroi, il est juste que le Conseil de sécurité réaffirme les principes qui fondent les Nations Unies, a-t-il dit, notant que la France soutient le projet de résolution présenté par les États-Unis et appelle à sa mise aux voix avant la tenue du référendum.


Pour M. Araud, il n’est pas trop tard.  Tous, membres et non membres du Conseil de sécurité, doivent lancer un dernier appel à la Fédération de Russie.  Nous comprenons les passions et les inquiétudes; nous voulons y répondre mais dans le respect du droit et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, a-t-il dit.  Des solutions simples existent; les principes en sont connus: le retour des forces russes dans leurs casernes, le déploiement d’observateurs internationaux de l’OSCE pour s’assurer de la sécurité des populations civiles; la constitution d’un gouvernement d’union nationale à Kiev; et la tenue rapide d’élections sous contrôle international.  Il faut, a-t-il ajouté, en négocier les modalités.


Le temps nous est compté, a poursuivi M. Araud.  Si se tenait dimanche le référendum illégal, si la Fédération de Russie, comme elle l’a annoncé, y répondait favorablement, alors nous serions contraints d’en tirer toutes les conséquences politiques et économiques; contraints, parce que nous ne voulons pas suivre cette voie qui serait une régression, parce que nous n’aurions pas le choix en présence d’une telle violation du droit international sur notre continent, a déclaré le délégué français.


Que la Russie résiste au vertige nationaliste qui l’a saisie et qui est toujours de mauvais conseil, que la Russie oublie 1914 pour comprendre que nous sommes en 2014, qu’elle revienne aux principes dont elle s’est fait longtemps le héraut et qu’elle piétine aujourd’hui, qu’elle écoute ce que lui dit l’ensemble de la communauté internationale, alors qu’une solution est possible, une solution qui respecte l’intégrité territoriale de l’Ukraine et son indépendance et garantisse les droits de toutes les communautés d’Ukraine.


Qu’elle ne perde pas la partie d’échecs pour le plaisir médiocre et éphémère de prendre une tour.  Ce ne serait pas à la hauteur du talent des joueurs d’échecs russes qui sont parmi les meilleurs au monde, a conclu le représentant.


M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a jugé important de comprendre les raisons de la crise actuelle et les griefs des parties.  Il a réclamé un processus inclusif en Ukraine et a appelé le Conseil de sécurité à se montrer impartial sur ce dossier.  Il s’est inquiété de l’emploi, par les parties, d’une rhétorique de plus en plus enflammée et les a appelées à faire preuve de retenue en cette « période explosive ».  Il a conseillé au Conseil de sécurité d’être à la hauteur de son engagement en faveur de la paix et de la sécurité et estimé que l’accent doit être mis sur la recherche d’une paix durable, par le dialogue entre les parties et l’engagement qu’ils doivent prendre de faire des efforts soutenus pour mettre un terme à la haine et étouffer les sentiments négatifs.


M. ZEID RA’AD ZEID AL-HUSSEIN (Jordanie) a affirmé que la situation en Ukraine exigeait la mobilisation de tous les efforts pour engager un dialogue direct et éviter une escalade de la crise.  La Jordanie, a-t-il dit, appelle au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de l’Ukraine et du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays.  Il a prôné un processus politique en Ukraine qui inclurait toutes les parties, dont les minorités et viserait à réaliser la paix et à restaurer l’état de droit dans le pays.


M. OH JOON (République de Corée) s’est dit gravement préoccupé par la persistance des tensions en Ukraine, notamment  la déclaration unilatérale d’indépendance de la Crimée et le referendum prévu ce dimanche.   Il a appelé au plein respect de tous les accords multilatéraux, notamment le Mémorandum de Budapest de 1994.  Les activités militaires non autorisées par les autorités ukrainiennes doivent cesser immédiatement, a souligné M. Oh, avant de réclamer l’envoi d’une mission d’observation crédible qui pourrait avoir un effet apaisant sur le terrain.  Il s’est inquiété du fait que la délégation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) n’ait pas pu se rendre en Crimée.


M. LIU JIEYI (Chine) a estimé que la crise en Ukraine était le résultat d’un enchevêtrement complexe de facteurs historiques et autres.  La Chine, a-t-il dit, condamne les actes d’extrémisme et de violence et demande que la gestion des affaires ukrainiennes prenne en considération les droits de toutes les communautés ethniques du pays. 


La Chine, a souligné son représentant, s’en tient au respect des principes de non-ingérence dans les affaires intérieures des États, de leur souveraineté et de leur intégrité territoriale.  Il a appelé les parties concernées au calme et les a engagées à communiquer et à coopérer, en plaçant les intérêts de l’Ukraine au-dessus de toute autre question.  La Chine, a-t-il dit, appuie les efforts constructifs et les bons offices de la communauté internationale pour permettre une désescalade de la crise. 


La crise en Ukraine est une crise de trop, a tranché Mme JOY OGWU (Nigéria), devant l’évolution d’une situation qui laisse à penser que les choses n’ont pas beaucoup avancé depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité.  Elle a insisté sur l’importance du règlement pacifique du conflit et a exhorté les parties à s’engager dans un dialogue constructif.  Elle a vu dans le Mémorandum de Budapest de 1994 un instrument crédible et capable de fournir un cadre pour le règlement de la crise.  Elle a regretté que M. Šimonović ait dû annuler sa visite en Crimée et a plaidé pour qu’une délégation de l’OSCE puisse finalement s’y rendre.  Elle a appelé les autorités de Crimée à « reporter voire annuler » le référendum de dimanche.  « Sa tenue ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu », a averti la représentante.


M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili) a souhaité que le Conseil de sécurité contribue à apaiser la situation en Ukraine et a réitéré la nécessité de respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de l’Ukraine.  Les parties, a-t-il souligné, doivent s’abstenir d’actions contraires aux dispositions de la Charte des Nations Unies et du droit international.  M. Errázuriz a lancé un appel pour que soit respecté le Mémorandum de Budapest.  Il a regretté que les autorités locales aient barré l’accès de la Crimée au Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović.  Il a appelé l’Ukraine et la Fédération de Russie à se servir des mécanismes de dialogue existants pour parvenir à une solution pacifique de la crise.


M. GARY QUINLAN (Australie) a encouragé la Fédération de Russie à montrer qu’elle est prête à s’engager de manière constructive, aux côtés des autorités ukrainiennes, pour désamorcer la crise.  Il l’a appelée à ordonner le casernement de ses troupes, à lancer un dialogue direct avec l’Ukraine et à autoriser les missions de l’OSCE.  Au lieu de cela, a-t-il regretté, la Fédération de Russie a renforcé son contrôle sur le territoire de la Crimée alors qu’aucune preuve n’a été trouvée sur une quelconque menace contre les droits des russophones d’Ukraine.  Le représentant s’est inquiété de l’intensification des attaques contre les journalistes, du fait que les représentants de l’OSCE et le Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme n’aient pu entrer en Crimée, et de la situation des Tatars.  Il a dénoncé l’annonce d’un référendum en Crimée, voyant là un processus anticonstitutionnel.  Les résultats du référendum ne peuvent être qu’illégitimes, a averti le délégué qui a appelé le Conseil de sécurité à adopter une résolution dans ce sens « avant dimanche ».  La Fédération de Russie doit dialoguer directement avec l’Ukraine et travailler avec les partenaires internationaux pour trouver une issue pacifique à la crise, a-t-il plaidé une dernière fois.


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a indiqué qu’il répondrait directement à la « question directe de M. Iatseniouk »: « Les Russes ne veulent pas la guerre, de même, j’en suis convaincu, les Ukrainiens n’en veulent pas ».  Pour M. Churkin, il n’y a aucune raison d’envisager la situation en ces termes.  Ce n’est pas la Fédération de Russie qui a engagé la spirale de la violence, a-t-il dit, notant que certains de ses collègues avaient dressé un tableau presque idyllique de ce qui s’était passé en Ukraine.  Certains ont essayé de ne pas dire leur rôle dans cette crise, a-t-il précisé.


Après avoir rappelé la version russe des faits qui se sont déroulés en Ukraine, au cours de ces derniers mois, il a notamment demandé pourquoi il avait été fait de la Place Maidan un camp militarisé.  Pourquoi, pendant des semaines, les forces de maintien de l’ordre ont été provoquées?  Est-ce compatible avec la démocratie?  Peut-on tuer, torturer des gens comme cela s’est fait dans une véritable chambre de torture dans les sous-sols de la Maison des syndicats?


Les représentants des pays occidentaux ont soutenu les désordres, a-t-il déclaré.  Pourquoi s’est-on ingéré de façon aussi grossière dans les affaires intérieures d’un État, violant ainsi sa souveraineté?  De même, pourquoi ne pas avoir profité de l’opportunité de l’Accord du 21 février pour mettre un terme à la confrontation, mettre en place un processus politique normal et permettre l’intégrité territoriale du pays?  Les forces qui ont renversé le pouvoir voulaient-elles la démocratie ou la dictature?


Pour le délégué russe, les radicaux, qui sont représentés dans le Gouvernement ukrainien, ne sont pas désarmés comme cela est prévu dans l’Accord du 21 février, mais complètent au contraire leur arsenal.  Les autorités de Kiev ont tout fait pour attiser l’antagonisme des régions de l’est et du sud-est de l’Ukraine, a-t-il poursuivi.  La première chose qu’elles ont faite a été d’abroger la loi sur les langues qui reconnaissait au russe un statut officiel.  Elles ont fermé les versions russes des sites Internet gouvernementaux.


Au lieu de dialoguer avec les régions de l’est, Kiev envoie ses commissaires politiques et arrête ceux qui dérangent, comme cela s’est passé avec le « gouverneur populaire » de Donetsk, M. Gubarev, et l’ancien Gouverneur de l’oblast de Karkhov, M. Dobkin, qui avait déclaré son intention de participer à l’élection présidentielle.  De fait, les autorités de Kiev scient elles-mêmes leur pays en deux parties, a-t-il estimé.


Plusieurs pays à la table du Conseil de sécurité se sont empressés de reconnaître l’indépendance du Kosovo, proclamée, a-t-il souligné, sans référendum, par seule décision du Parlement, malgré les protestations de Belgrade, sur fond d’opérations militaires illégales des pays de l’OTAN, et dans des conditions où une partie importante de la population serbe a été contrainte de quitter le territoire, sans parler de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité qui était en vigueur et qui avait créé un protectorat international au Kosovo.


M. Churkin a cité le précédent de 1975-1976, qui ne manque pas d’intérêt, a-t-il précisé, de l’indépendance des Comores vis-à-vis de la France et du référendum organisé par Paris concernant Mayotte.  Dans une séance du Conseil de sécurité, la France a opposé son veto à un projet de résolution appuyant la position des Comores, a-t-il rappelé.


De plus, selon lui, dans la déclaration d’indépendance des États–Unis, il est question de situations où un peuple se voit dans l’obligation de défaire les liens politiques qui l’unissent à un autre peuple.  « Nous verrons quel sera, à cet égard, l’avis du peule de Crimée au référendum à venir », a-t-il ajouté. 


Enfin, en réponse aux interventions de plusieurs délégations, M. Churkin a expliqué que les activités de la flotte russe dans la mer Noire étaient légales et ne constituaient pas une ingérence dans la conduite du référendum qui a été décidé et qui est organisé par les Criméens eux-mêmes.


Mme RAIMONDA MURMAKAITĖ (Lituanie) a estimé que le Président Ianoukovitch aurait dû faire tout ce qui était en son pouvoir pour normaliser la situation en Ukraine, mais qu’au lieu de cela il a pris la fuite et exposé son pays à la partition.  Elle a salué l’armée ukrainienne pour la retenue dont elle a faite preuve face à l’escalade de la situation.  Elle s’est inquiétée de l’annonce de référendum, en croyant se souvenir que jamais un référendum n’a été organisé aussi hâtivement et en violation flagrante avec la loi du pays.  Elle a fait observer que la voix des Tatars, qui souhaitent ouvertement que la Crimée demeure attachée à l’Ukraine, ne seront pas comptées.  Elle s’est dite préoccupée de ce que le Parlement de la Fédération de Russie ait discuté des moyens de faciliter le rattachement de la Crimée.  La déléguée est ensuite longuement revenue sur les différents accords bilatéraux signés dans la région.  Elle a notamment parlé du Mémorandum de Budapest et a prévenu que la violation flagrante de ce texte met à mal la stabilité régionale. 


La déléguée s’est inquiétée du fait que l’OSCE ait été interdite d’accès en Crimée ainsi que des agressions contre les journalistes et des « appels hystériques anti-ukrainiens » pour soutenir la tenue du référendum.  Nous risquons de voir se déchainer les pires démons de la haine avec les conséquences que l’on sait sur la stabilité de la région, s’est alarmée la déléguée qui a appelé la Fédération de Russie à retirer ses troupes.  La solution à la crise ne peut se fonder que sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité de l’Ukraine.  Il appartient à présent à la Fédération de Russie d’exploiter l’ouverture que l’on a encore, a souligné la représentante, avant d’être applaudie pour son discours fouillé et une dénonciation ferme des démons de la haine.


M. BANTE MANGARAL (Tchad) a estimé qu’il était encore possible d’ouvrir la voie à la réconciliation nationale et à la préservation de l’unité de l’Ukraine par l’instauration d’un dialogue inclusif.  Il a voulu que l’on facilite un climat de dialogue en vue d’une véritable réconciliation, dans le respect des droits de l’homme, en particulier des droits des minorités.


Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a rappelé l’engagement du Conseil de sécurité à ne pas intervenir dans les affaires qui relèvent de la compétence des États et à respecter leur intégrité territoriale et leur indépendance politique.  Elle a regretté qu’en dépit des appels lancés aux parties, il n’ait pas été possible de nouer un dialogue constructif pour trouver une issue à la crise.  Elle lancé un « appel emphatique » à toutes les parties ukrainiennes pour qu’elles n’aggravent pas la situation par une politique du fait accompli.  Elle a aussi appelé la communauté  internationale à redoubler d’efforts sur le plan diplomatique.  La sortie de la crise actuelle doit être politique, pacifique et concertée, a-t-elle souligné, et il appartient à chacun d’éviter de l’attiser.


Le Premier Ministre de l’Ukraine a repris la parole pour se féliciter de l’appui international à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de son pays manifesté, lors de cette séance, par tous à l’exception d’un seul.  La Crimée, a-t-il insisté, est et restera partie intégrante de l’Ukraine.  Il a assuré que son pays ne reconnaîtrait jamais quelque référendum que ce soit.  Le Gouvernement, a-t-il ajouté, est prêt à tenir un dialogue à l’échelle nationale pour renforcer l’autonomie de la Crimée dans le cadre du droit constitutionnel. 


Il protège également toutes les religions et les appartenances politiques, a-t-il ajouté, se disant partisan d’un dialogue ouvert.  « Nous avons tendu la main à la Russie, mais au lieu de cela, elle a pointé sur nous un revolver », a-t-il déploré, concluant: « L’Ukraine a demandé la vérité.  L’histoire sera notre juge.  Nous avons la possibilité de faire l’histoire ».  


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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