En cours au Siège de l'ONU

CS/11302

En réunion d’urgence, le Conseil de sécurité entend le représentant de l’Ukraine demander l’aide de la communauté internationale face à « l’entrée illégale » des forces russes

1/3/2014
Conseil de sécuritéCS/11302
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

7124e séance – après-midi


EN RÉUNION D’URGENCE, LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ENTEND LE REPRÉSENTANT DE L’UKRAINE DEMANDER L’AIDE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE FACE À « L’ENTRÉE ILLÉGALE » DES FORCES RUSSES


Devant le Conseil de sécurité réuni en urgence, ce samedi après-midi, le représentant de l’Ukraine a demandé à la communauté internationale à intervenir immédiatement pour empêcher l’agression en cours dans son pays, tandis que le Vice-Secrétaire général de l’ONU et des membres permanents du Conseil ont lancé des appels au respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Le représentant de la Fédération de Russie a plaidé pour un retour à l’Accord du 21 février et assuré que la décision d’utiliser les forces russes en Ukraine n’a pas encore été prise.


Le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, a fait part d’informations inquiétantes sur les graves développements en Ukraine, notamment en Crimée où des sites importants comme les aéroports, les voies de communication et les bâtiments publics, dont le Parlement régional, seraient toujours bloqués par des hommes armés non identifiés.  D’autres informations font état d’un personnel armé qui prendrait le contrôle des bâtiments publics dans plusieurs villes de l’est et du sud de l’Ukraine.  Le nouveau Premier Ministre de Crimée, M. Sergei Aksenov, a d’ailleurs publié aujourd’hui une déclaration appelant le Président Vladimir Poutine à « fournir une aide pour assurer la paix et la tranquillité dans le territoire de la République autonome de Crimée ». 


En conséquence, a expliqué le Vice-Secrétaire général, la Chambre haute du Parlement russe a approuvé aujourd’hui une demande du Président Poutine visant à ce que les forces soient utilisées en Ukraine « jusqu’à la normalisation de la situation publique et politique du pays ».  « Les troupes sont déjà là », a ironisé le représentant de l’Ukraine, face à une entrée « illégale » des forces russes en Ukraine, notamment en Crimée.  « Nous engageons tous les États Membres des Nations Unies à protéger l’intégrité territoriale de l’Ukraine et à défendre les principes de la Charte des Nations Unies qui sont bafoués par un membre permanent du Conseil de sécurité », a-t-il plaidé. 


Le Vice-Secrétaire général de l’ONU a lu un message dans lequel le Secrétaire général  réitère, comme plusieurs délégations aujourd’hui, son appel au plein respect et au maintien de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Inquiète, la représentante des États-Unis a proposé le déploiement d’observateurs des Nations Unies et/ou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) afin de suivre l’évolution de la situation.  Elle a dit la disposition de son pays de participer à des efforts de médiation dans la région pour éviter une confrontation armée et permettre aux Ukrainiens de prendre leur destin en main.


L’Accord du 21 février, signé entre le Président déchu Viktor Ianoukovitch et les principaux responsables de l'opposition, a été mis en avant par le représentant de la Fédération de Russie, lequel Accord, a-t-il argué, permettrait de trouver une issue à la crise par la nomination d’un gouvernement d’unité nationale.  Le représentant a souligné que si le Parlement russe a effectivement voté l’autorisation d’utiliser la force armée sur le territoire de l’Ukraine, et non « contre » l’Ukraine, aucune décision n’a encore été prise. 


Le Vice-Secrétaire général de l’ONU a noté des « signes encourageants » en provenance de Kiev, y compris l’intention d’élargir le Gouvernement aux représentants de l’est de l’Ukraine et « ce qui semble être des appels au dialogue » de la part des autres parties concernées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Ukraine. 


« Nous attendons de tous les voisins de l’Ukraine qu’ils aident le pays dans cette période difficile », a renchéri le représentant de la France dont le Président  a appelé à une mobilisation de l’Union européenne.  Son homologue du Royaume-Uni a demandé que se tiennent des consultations urgentes sur le Mémorandum de Budapest signé en 1994 entre les États-Unis, la Fédération de Russie, le Royaume-Uni et l’Ukraine, sur la dénucléarisation des anciennes républiques soviétiques et la consécration de la souveraineté et de l’intégrité de l’État indépendant de l’Ukraine.


Cette séance se tenait sous la présidence de la Représentante permanente du Luxembourg auprès des Nations Unies, Mme Sylvie Lucas, qui prenait aujourd’hui la présidence tournante du Conseil de sécurité pour le mois de mars.


LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)


Déclarations


M. JAN ELIASSON, Vice Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que depuis hier, des informations circulent sur des développements toujours graves en Ukraine.  En Crimée, des sites importants comme les aéroports, les voies de communication et les bâtiments publics, dont le Parlement régional, seraient toujours bloqués par des hommes armés non identifiés.  D’autres informations font état d’un personnel armé qui prendrait le contrôle des bâtiments publics dans plusieurs villes de l’est et du sud de l’Ukraine.  Le nouveau Premier Ministre de Crimée, M. Sergei Aksenov, a publié aujourd’hui une déclaration appelant le Président Poutine à « fournir une aide pour assurer la paix et la tranquillité dans le territoire de la République autonome de Crimée ».  Dans la même déclaration, il a annoncé qu’il avait pris le contrôle de la sécurité en Crimée « sur une base temporaire » et a ajouté que tout le personnel chargé de la sécurité lui a prêté allégeance plutôt qu’aux autorités de Kiev.


Après les informations sur le déploiement d’autres troupes russes et de véhicules blindés en Crimée, la Chambre haute du Parlement russe a approuvé aujourd’hui une demande du Président Poutine visant à ce que les forces soient utilisées en Ukraine « jusqu’à la normalisation de la situation publique et politique dans le pays ».  Dans le même temps, a estimé le Vice Secrétaire général, des signes encourageants nous sont parvenus dont le fait que Kiev aurait annoncé son intention d’élargir le Gouvernement aux représentants de l’Ukraine orientale.  On entend aussi ce qui semble être des appels au dialogue de la part des autres parties concernées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Ukraine. 


S’agissant des discussions que le Conseil de sécurité a tenues hier sur la mission d’établissement des faits de M. Robert Serry et son éventuelle visite en Crimée, ce dernier est resté en contact avec les autorités de la République autonome de Crimée.  Il a en a conclu qu’une visite en Crimée  ne serait pas possible aujourd’hui pour des raisons logistiques.  Dans une déclaration publiée aujourd’hui, M. Serry a noté que s’il s’était rendu en Crimée, il aurait lancé, au nom du Secrétaire général, un appel à l’apaisement et à la retenue devant toute action qui pourrait dégrader encore un environnement déjà tendu.  M. Robert Serry est parti pour Genève aujourd’hui où il doit informer le Secrétaire général de sa mission en Ukraine et discuter des éventuelles prochaines étapes.


Le Secrétaire général, a encore dit M. Jan Eliasson, est gravement préoccupé par une situation qui s’est encore détériorée depuis la réunion que le Conseil a tenue hier.  À cet égard, le Secrétaire général a dit aujourd’hui dans un message: qu’« il continue de suivre étroitement les évènements qui évoluent gravement et rapidement en Ukraine, dont l’évolution de la situation en Crimée.  Il est gravement préoccupé par la détérioration de la situation.  Il réitère son appel au plein respect et au maintien de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.


Le Secrétaire général appelle à un retour immédiat au calme et à un dialogue direct entre toutes les parties concernées pour résoudre la crise actuelle.  Il compte s’entretenir très bientôt de la situation en Ukraine avec le Président de la Fédération de Russie, M. Vladimir Poutine. »


En ce moment crucial, a conclu le Vice-Secrétaire général, il est important de se rappeler la mission de l’Organisation qui est de toujours rechercher un règlement pacifique aux différends.  C’est l’essence même de la Charte, une essence qui devrait nous servir de premier guide dans cette situation grave.


M. YURIY SERGEYEV (Ukraine) a indiqué que la situation continue de se détériorer en Ukraine, et que les soldats russes sont entrés illégalement dans le pays, notamment en Crimée.  Il a déclaré que le Parlement russe a approuvé, aujourd’hui, l’envoi de troupes en Ukraine, mais, a-t-il ironisé, « ces troupes y sont déjà présentes ».  Il a dit qu’il s’agit là d’un acte d’agression et une violation grave de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et du droit international.  Il a ajouté que cette présence russe mettait aussi à mal la paix et la stabilité de toute la région.  Le représentant a en outre souligné que la Fédération de Russie, par cet acte, a violé l’accord qui existe entre les deux pays depuis 1997.  Il a noté que par l’utilisation de la force, la Fédération de Russie bafoue les principes de la Charte des Nations Unies qui interdit le recours à la force armée.  Il a invité la communauté internationale à intervenir immédiatement pour empêcher l’agression en cours, et à témoigner de sa solidarité avec le peuple ukrainien.  « Nous engageons tous les États Membres des Nations Unies, a-t-il plaidé, à protéger l’intégrité territoriale de l’Ukraine et à défendre les principes de la Charte des Nations Unies qui sont bafoués par un membre du Conseil de sécurité ». 


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a indiqué que les membres du Conseil avaient essentiellement discuté, au cours de leurs consultations, du format de la séance publique qui ne devait donner la parole qu’à trois intervenants.  Ces règles sont déjà bafouées, a-t-il dénoncé, notant que son homologue de l’Ukraine n’avait pas respecté l’appel à garder la tête froide.  Il lui a reproché d’avoir employé des termes avec lesquels il ne peut être d’accord.  On est face à « une crise qui ne devrait pas exister », a-t-il estimé, soutenant qu’il n’y avait aucune raison objective pour que cette crise éclate.  L’Ukraine, s’est expliqué le représentant, avait un président démocratiquement élu, M. Viktor Ianoukovitch, et connaissait de grandes difficultés économiques qui ont conduit le Gouvernement à prendre une décision difficile sur le projet d’association avec l’Union européenne laquelle aurait eu des conséquences néfastes pour l’Ukraine.  La décision du Président ukrainien de ne pas signer cet accord, a plaidé le représentant, ne signifiait pas qu’il refusait entièrement son orientation européenne, mais plutôt qu’il fallait remettre les choses en perspective.


« Pourquoi fallait-il que ce problème se traduise par des manifestations de rue? Pourquoi ces manifestations ont-elles été encouragées par l’étranger, notamment l’Union européenne (UE)?», a-t-il demandé.  Il s’est aussi interrogé sur les raisons qui ont poussé des dirigeants de l’UE à participer à ces manifestations.  « Pourquoi s’ingérer de manière aussi grossière dans les affaires intérieures d’un État? » a-t-il voulu savoir.  M. Churkin a regretté que le dirigeant de l’opposition ukrainienne n’ait pas accepté le poste de premier ministre que lui proposait le Président Ianoukovitch.  Il a estimé qu’il y aurait pu y avoir des élections.  « Pourquoi fallait-il mettre dans la rue des insurgés armés, qui lançaient des cocktails Molotov contre la police? » a-t-il demandé.  Nous n’avons pas entendu de plaintes des institutions soucieuses de la démocratie, a-t-il fait remarquer, s’interrogeant sur ce silence.  Rappelant l’accord « important » du 21 février dernier, il a estimé qu’il pouvait permettre de trouver une issue à la crise par la nomination dans un premier temps d’un gouvernement d’unité nationale.  Il a déploré les menaces adressées à l’encontre

du Président ukrainien qui l’ont obligé à quitter Kiev.  M. Churkin a voulu savoir pourquoi la Rada avait pris la décision de revoir la loi linguistique ukrainienne qui donnait des droits aux minorités.  « Un gouvernement de vainqueurs qui veut imposer sa volonté » a été constitué, a-t-il commenté.


M. Churkin a exprimé ses inquiétudes quant à la situation dans l’est de l’Ukraine, en particulier en Crimée, avant de rappeler la déclaration faite par le Premier Ministre de la République autonome de Crimée.  Il a cité la déclaration du Ministre russe des affaires étrangères, avant d’expliquer les circonstances qui ont conduit le Président de la Fédération de Russie à demander au Parlement russe l’autorisation d’utiliser la force armée sur le territoire de l’Ukraine, et non « contre » l’Ukraine, dans le but de rétablir l’ordre.  La décision d’utiliser la force n’a pas encore été prise, a-t-il rassuré.  Il faut garder la tête froide et revenir à l’accord du 21 février, a-t-il recommandé, en disant attendre un gouvernement d’unité nationale et la fin des agissements des radicaux.


Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a lancé de nouveau l’appel des États-Unis à la communauté internationale afin qu’elle soutienne les nouvelles autorités ukrainiennes.  Elle a souligné que son pays est inquiet des informations persistantes qui font état de la présence de troupes russes en Ukraine.  « Il est temps que l’intervention russe en Ukraine prenne fin », a-t-elle déclaré.  Elle a rappelé que les États-Unis ont toujours reconnu et respecté les liens historiques qui existent entre l’Ukraine et la Fédération de Russie, mais elle a regretté qu’au lieu de dialoguer, la partie russe ait préféré agir de manière unilatérale.   Ces actes, a-t-elle noté en faisant référence à la présence des troupes russes en Ukraine, violent l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Elle a indiqué que la Fédération de Russie a toujours évoqué l’importance du respect de la souveraineté, mais que pour cette question précise, le pays violait la souveraineté territoriale ukrainienne.


Elle a indiqué que le prétexte de la protection des minorités ethniques dont les droits seraient violés, et qui prévaudrait pour expliquer cette intervention militaire russe, ne se justifiait pas.  « Nous ne les voyons pas encore », a-t-elle clamé en faisant référence à ces supposées violations.  Elle a ajouté que les agissements de la partie russe pourraient a contrario, faire basculer la situation dans la région.  Elle a voulu que le dialogue politique continue en Ukraine, et elle a invité la Fédération de Russie à user de cette voie avec le pouvoir ukrainien.  Mme Power a également plaidé pour un déploiement d’observateurs des Nations Unies et/ou de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), afin de suivre l’évolution de la situation en Ukraine.  Enfin, elle a dit que les États-Unis se tenaient prêts à participer à des efforts de médiation dans la région pour éviter une confrontation armée, et permettre aux Ukrainiens de prendre leur destin en main.


M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a noté les propos de son homologue russe selon lesquels certains membres de l’Union européenne se seraient impliqués dans la crise ukrainienne et l’auraient aggravé.  Il a exprimé son inquiétude face à l’utilisation des forces de l’armée russe sur le territoire de l’Ukraine, un acte qu’il a qualifié de « contraire à l’intégrité territoriale et à la souveraineté » de l’Ukraine.  Il a condamné tout acte d’agression contre l’Ukraine et a voulu savoir quelle serait la base en droit international d’une intervention russe.  M. Lyall Grant a indiqué que son pays appuierait les droits de tous les Ukrainiens, comme l’a exprimé le Ministre britannique des affaires étrangères.  Il a demandé que se tiennent des consultations urgentes sur le Mémorandum de Budapest et a rappelé que le Conseil de sécurité avait exprimé son appui à l’intégrité territoriale, à l’indépendance et à la souveraineté de l’Ukraine.


M. GERARD ARAUD (France) a relevé qu’il ne s’agissait pas, aujourd’hui dans ce débat du Conseil de sécurité, de parler « des querelles géopolitiques d’une autre époque, ou alors du fait que l’Ukraine choisirait entre l’ouest et l’est ». Les allégations de déstabilisation dont est accusée l’Union européenne (UE) sont des pratiques qui ne lui siéent pas.  La décision de la Fédération de Russie d’envoyer des troupes en Ukraine peut s’avérer dangereuse, a-t-il mis en garde.  Il a appelé toutes les parties à la retenue et au sens des responsabilités.  « Nous attendons, de tous les voisins de l’Ukraine qu’ils aident le pays dans cette période difficile », a indiqué M. Araud qui a souligné que le Président de la République française a appelé à une mobilisation de l’Union européenne pour soutenir l’Ukraine en ces moments difficiles. 


*   ***   *

À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.