En cours au Siège de l'ONU

CS/11260

Le Chef des opérations de maintien de la paix préoccupé face à la lenteur de la mise en œuvre du Document de Doha pour la paix au Darfour

23/1/2014
Conseil de sécuritéCS/11260
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

7100e séance – matin


LE CHEF DES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX PRÉOCCUPÉ FACE À LA LENTEUR

DE LA MISE EN ŒUVRE DU DOCUMENT DE DOHA POUR LA PAIX AU DARFOUR


Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, s’est inquiété, ce matin, devant le Conseil de sécurité, de la lenteur de la mise en œuvre du Document de Doha pour la paix au Darfour.  Il a, par ailleurs, mis en garde contre les conséquences que le conflit au Soudan du Sud pourrait avoir au Darfour.


Venu présenter le dernier rapport* du Secrétaire général sur l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), M. Ladsous a fait état d’une détérioration notable de la situation humanitaire, ainsi que sur le plan de la sécurité.  Il s’est aussi inquiété de l’augmentation importante d’attaques perpétrées à l’encontre de la MINUAD et du personnel humanitaire pendant l’année 2013.


S’agissant des répercussions du conflit dans l’État voisin, M. Ladsous a notamment indiqué que des mouvements armés du Darfour auraient pris part à des combats au Soudan du Sud et que des Soudanais du Sud avaient en outre trouvé refuge dans l’est du Darfour, ainsi que dans d’autres parties du Soudan.  En outre, les communautés nomades se voient dans l’impossibilité de se rendre au Soudan du Sud dans le cadre de leur migration saisonnière. 


« Cette crise, a prévenu le Secrétaire général adjoint, a le potentiel d’attirer nombre des mouvements rebelles soudanais, ce qui ferait dérailler les efforts déployés non seulement pour trouver une issue à la crise que connaît le Darfour, mais également au conflit entre les États du Kordofan méridional et du Nil bleu, ainsi que pour assurer la normalisation des relations entre le Soudan et le Soudan du Sud. »


En ce qui concerne le Document de Doha, M. Ladsous a appelé les parties à accélérer la mise en œuvre des dispositifs du texte qui demeure en suspens et à accorder une attention particulière aux bénéfices tangibles pour les communautés locales et près de 2 millions de déplacés. 


Il a indiqué que, malgré le processus de paix en cours, la situation dans la région du Darfour demeurait instable, en particulier en ce qui concerne les violences intercommunautaires.


S’il a reconnu que la persistance de conflits intertribaux entraînait des situations humanitaires déplorables, le représentant du Soudan a toutefois assuré de la volonté du Gouvernement soudanais de mettre fin aux affrontements tribaux au Darfour dans l’optique du Document de Doha dont l’application, a-t-il avancé, progresse.


M. Hassan Hamid Hassan a souligné que les affrontements tribaux étaient « aussi anciens que le Darfour » et a expliqué que les confrontations avaient lieu en raison de compétition sur les ressources naturelles, notamment l’eau et les pâturages, mais aussi depuis plus récemment les mines d’or.


Le représentant a également fait savoir que le Gouvernement du Soudan avait entrepris de nombreuses initiatives qui s’étaient traduites par des accords de paix entre plusieurs tribus en citant notamment les groupes Abbala, Banou Hussein, Maaliya, Hamar, Malien et Riskat. 


La délégation soudanaise a par ailleurs déploré la lenteur de la mise en œuvre des engagements pris par les donateurs lors de la Conférence de Doha, notamment en ce qui concerne la levée des sanctions.


« La lenteur provient du fait que certains groupes qui se sont ralliés au processus de paix ont été ciblés », a accusé M. Hassan qui a demandé que les engagements de levée de sanctions soient tenus afin de donner au Gouvernement les moyens de promouvoir la paix et le développement.


M. Hassan a aussi appelé le Conseil de sécurité à exercer les pressions nécessaires sur les groupes rebelles pour qu’ils se rallient au processus politique et au Document de Doha et qu’ils mettent fin à leurs « conditions exorbitantes ».


Toujours au sujet du processus de paix, M. Ladsous a indiqué que lors de l’atelier technique organisé en décembre 2013 à Addis-Abeba, en Éthiopie, par le Représentant spécial conjoint et Médiateur en chef conjoint, M. Mohamed Ibn Chambas, et qui leur était consacré, les représentants de l’Armée de libération du Soudan (ALS) Minni Minawi et du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) Jibril Ibrahim avaient exprimé leur empressement à prendre part à des négociations avec le Gouvernement dans le but de mettre un terme aux hostilités.  Ils s’étaient également engagés à fournir un accès sans entrave au personnel humanitaire et de développement dans les zones qu’ils contrôlent.


M. Ladsous a en outre annoncé que des interactions avec des mouvements qui avaient jusqu’à présent refusé de prendre part au processus de paix étaient prévues au cours de ce début d’année.


Au cours de son exposé, le Secrétaire général adjoint a par ailleurs indiqué « avec beaucoup de tristesse » qu’en 2013, 16 Casques bleus avaient trouvé la mort au Darfour suite à des attaques hostiles, soit une augmentation de 50% par rapport à l’année dernière.  Il a précisé que 57 membres du personnel de la MINUAD avaient été tués depuis le déploiement de la Mission en 2008.


M. Ladsous s’est également inquiété du fait que malgré les engagements du Gouvernement soudanais, aucune arrestation n’avait été réalisée.  Il a appelé ce dernier à enquêter sur ces attaques et à traduire leurs auteurs en justice de manière expéditive. 


Il a notamment souligné que l’assaillant de l’attaque du 29 décembre 2013, qui avait provoqué la mort d’un policier sénégalais et d’un policier jordanien, aurait été arrêté sur place mais libéré sous caution par la suite.  « Nous attendons que le Gouvernement soudanais fasse preuve de diligence », a-t-il dit.


Citant les efforts déployés par son gouvernement pour lutter contre l’impunité, le représentant du Soudan a fait savoir, de son côté, que le bureau du Procureur spécial chargé des crimes commis au Darfour enquêterait sur 66 affaires au total, dont les récentes attaques mortelles contre des soldats de la paix.


Il a également précisé, qu’ainsi que le prévoit le Document de Doha, que le Gouvernement du Soudan avait invité l’Union africaine et l’ONU à affecter des spécialistes au suivi des procès devant les tribunaux spéciaux afin de veiller à ce que la procédure respectât les normes internationales.


Au cours de son exposé, le Secrétaire général adjoint a également signalé que la région du Darfour continuait d’être le théâtre d’une série d’attaques contre le Gouvernement et sa population civile et que les motivations de ces attaques étaient principalement les vols de véhicules et de biens. 


En plus des incidents cités dans le rapport du Secrétaire général, M. Ladsous a affirmé qu’un convoi commercial transportant des fournitures aux Forces armées soudanaises avait notamment été pris dans une embuscade le 7 janvier près de Néfertiti, dans le centre du Darfour, par des éléments de la faction Abdul Wahid de l’ALS (ALS-AH).  M. Ladsous a précisé que l’opération menée par les Forces armées soudanaises pour récupérer les véhicules volés avait causé la mort de 12 miliciens.


Puis, le 9 janvier dernier, des combats ont eu lieu à Khor Abéché, au Darfour méridional, entre les milices Karbino et Abu Basheer, provoquant la mort de plusieurs miliciens et au cours desquels un incendie a éclaté dans le camp de personnes déplacées, ce qui a eu pour conséquence de pousser les réfugiés à trouver un abri temporaire au sein de la base de la MINUAD.


Sur le plan humanitaire, M. Ladsous a indiqué qu’au cours de l’année écoulée, 400 000 personnes avaient été contraintes de fuir des combats.  « Ce chiffre dépasse le nombre de déplacements recensés à la fois en 2011 et en 2012, tandis que le nombre global de personnes déplacées a augmenté pour atteindre presque 2 millions », s’est-il notamment alarmé.


Le Secrétaire général adjoint a également signalé que le taux de malnutrition se situait au-dessus du seuil d’urgence dans les cinq États du Darfour et que moins de 10% de la population avait accès à l’eau potable et à l’assainissement.  Au total, a déploré M. Ladsous, 3,5 millions de personnes, soit 30% de la population du Darfour, dépendent de l’aide humanitaire.


Il est crucial, a-t-il également insisté, de renforcer le dialogue avec le Gouvernement dans le but d’améliorer l’accès aux populations touchées par le conflit.  M. Ladsous a ensuite « instamment invité » le Gouvernement à respecter les termes de l’accord sur le statut des forces et à s’assurer que le personnel de la MINUAD bénéficie d’une liberté totale de mouvement dans le cadre de la mise en œuvre de son mandat au Darfour.


Au cours de son intervention, le représentant du Soudan a également parlé de la Stratégie de développement du Darfour, et s’est félicité que des accords commerciaux portant sur la mise en œuvre de 315 projets aient été signés en décembre entre l’Autorité régionale pour le Darfour et des entrepreneurs nationaux à la suite de l’appel d’offres public lancé le 31 août 2013 et portant sur la mise en place ou le rétablissement de services en matière d’éducation, d’électricité, de santé et d’alimentation en eau pour une enveloppe globale de 82,5 millions de dollars des États-Unis. 


Il a aussi fait observer que la perte des ressources pétrolières liées à l’indépendance du Soudan du Sud avait entraîné des répercussions économiques pour le Soudan.


De son côté, le Secrétaire général adjoint a déclaré qu’un rapport stratégique avait été rédigé par le Département des opérations de maintien de la paix, l’Union africaine, la MINUAD et les agences et fonds de l’ONU dans le but d’améliorer l’impact de la MINUAD sur le terrain.


M. Ladsous a ajouté que la coopération du Gouvernement dans le cadre de la mise en œuvre du mandat comptait parmi les principaux défis à relever, de même que la gestion interne de la MINUAD et les capacités de ses troupes et forces de police.  Il a précisé que ce document serait présenté au Conseil de sécurité le 28 février.


* S/2014/26


RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD


Rapport du Secrétaire général sur l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) (S/2014/26)


Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, dans ce rapport, fait le point de la situation au Darfour pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2013.  Il indique que dans son précédent rapport (S/2013/607), il avait relevé que les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Document de Doha par les parties signataires, le Gouvernement soudanais et le Mouvement pour la libération et la justice (MLJ), n’avaient eu que des répercussions limitées sur le terrain. 


Malheureusement, déplore-t-il, la situation n’a pas évolué au cours des trois derniers mois, les progrès réalisés relevant essentiellement de la planification et de l’administration et non de l’action directe au profit de la population.


De même, ajoute-t-il, neuf mois après l’adoption du Document de Doha, la mise en œuvre par le Gouvernement et l’autre mouvement armé signataire, la faction Bachar du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE), n’a progressé que lentement, restant limitée à l’octroi d’une amnistie aux membres du mouvement et ne se traduisant par aucune mesure destinée à venir en aide à la population civile.


Le Secrétaire général souligne que le rythme de la mise en œuvre du Document de Doha va devoir s’accélérer si l’on veut remédier efficacement aux causes profondes du conflit, promouvoir la stabilité et gagner le soutien d’autres mouvements et de la population en général.


Il juge également nécessaire de mettre davantage l’accent sur les activités profitant concrètement aux Darfouriens et exhorte à nouveau les parties signataires à accélérer la mise en œuvre de toutes les dispositions de l’accord qui n’ont pas encore été appliquées.


M. Ban signale que les accrochages sporadiques entre les forces gouvernementales et les mouvements armés et les affrontements entre communautés autour des ressources ont continué de nuire gravement à la sécurité et ont accentué les besoins d’aide humanitaire.  Il est à craindre, avertit notamment le Secrétaire général, que s’il n’est pas mis fin à cette tendance et que l’état de droit n’est pas respecté et maintenu, les conditions de sécurité au Darfour dégénèrent pour devenir de plus en chaotiques.


Le Secrétaire général se réjouit néanmoins de l’ouverture de pourparlers entre le Médiateur en chef conjoint pour le Darfour, M. Mohamed Ibn Chambas, la faction Jibril Ibrahim du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE), la faction Minni Minawi de l’Armée de libération du Soudan (ALS) et le Gouvernement, autour d’un cessez-le-feu humanitaire.


Dans ce rapport, M. Ban insiste aussi sur la nécessité de lutter contre l’intensification des affrontements intercommunautaires et se félicite que la MINUAD accorde une place prioritaire à cette dimension du conflit.  Il note également que les mesures prises par les Forces armées soudanaises et les forces frontalières tchado-soudanaises pour prévenir les violences entre communautés sont également positives.


Le Secrétaire général s’inquiète en revanche du fait que les conditions de sécurité dans lesquelles la MINUAD et le personnel humanitaire opèrent restent très préoccupantes.  Il condamne avec la plus grande vigueur les attaques lancées contre le personnel de la Mission, en particulier les quatre qui ont tragiquement coûté la vie à sept soldats de la paix. 


Il appelle à nouveau le Gouvernement du Soudan à en rechercher rapidement les auteurs et à les traduire en justice.  En particulier, souligne-t-il, il compte sur le Gouvernement pour agir vite en ce qui concerne l’attaque du 29 décembre, au cours de laquelle l’un des auteurs, blessé par les tirs de riposte de la MINUAD, a été appréhendé.


Le Secrétaire général qualifie en revanche de « très encourageante » la vitesse à laquelle les autorités ont approuvé les demandes de visa pour le personnel de la MINUAD pendant la période considérée.  Il signale toutefois que les restrictions d’accès imposées au personnel de la Mission par les services de sécurité ont empêché la MINUAD d’exécuter efficacement son mandat, en particulier en ce qui concerne la protection des civils.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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