Troisième Commission: certains États expriment leurs inquiétudes face au problème de la surveillance électronique
Les délégations de la Troisième Commission se sont livrées, aujourd’hui, à un débat intense avec pas moins de sept rapporteurs spéciaux des droits de l’homme, traitant de questions telles que celles sur la liberté d’expression des enfants, la liberté de religion ou les répercussions liées à la surveillance numérique, cette dernière, ont souligné certaines, étant de nature à présenter un risque pour la sécurité des États.
La Commission chargée des questions sociales, culturelles et humanitaires a également adopté, sans vote, trois projets de résolution*. Elle a ainsi invité l’Assemblée générale à engager les États Membres à préserver et à développer les acquis de la Décennie des Nations Unies pour l’alphabétisation en intégrant mieux l’alphabétisation dans les stratégies sectorielles et multisectorielles d’éducation et de développement.
De même, l’Assemblée générale a été conviée à souligner la nécessité de tenir compte, dans les débats relatifs au programme de développement pour l’après-2015, des questions du respect et de la promotion de l’état de droit.
Enfin, l’Assemblée générale prierait le Secrétaire général de redoubler d’efforts pour contribuer à apporter à l’Institut africain des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants l’appui financier et technique dont il a besoin pour s’acquitter de son mandat, « sachant que la précarité de sa situation financière compromet fortement sa capacité de fournir efficacement les services attendus de lui ».
Au préalable, les délégations ont entendu le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, avertir que la surveillance numérique de masse posait un défi direct à une norme bien établie du droit international.
« Le rythme dynamique du changement technologique a permis à certains États d’obtenir un accès global aux données de communication et à leur contenu, sans soupçon préalable et à l’insu des personnes concernées », s’est notamment alarmé M. Ben Emmerson, pour qui ceci est de nature à saper la sécurité des États ainsi que la paix et la sécurité internationales. La lutte contre le terrorisme n’est pas un justificatif au regard du droit international, a-t-il insisté.
M. Emmerson a prié les États de procéder d’urgence à la révision de leur législation nationale relative aux droits de l’homme à l’ère numérique pour les aligner avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et respecter le principe de proportionnalité de l’article 26.
Il les a également appelés à revoir d’urgence leur législation nationale pour les aligner avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et respecter le principe de proportionnalité de l’article 26. Il s’est prononcé en faveur de la nomination d’un nouveau mandat sur le droit à la vie privée et les technologies numériques.
La représentante de la Suisse a mis l’accent sur la nécessité de trouver un équilibre entre la protection de la vie privée en ligne et les impératifs d’une lutte efficace contre le terrorisme, qui, a-t-elle souligné, demeure une « nécessité primordiale de notre temps ».
À son tour, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. David Kaye, s’est inquiété du fait que certains enfants sont privés du droit de s’exprimer librement du fait d’une éducation qui, a-t-il affirmé, « cherche à façonner leur pensée selon des schémas préétablis ». « Certains pays ont adopté des restrictions drastiques à la liberté d’expression adoptée par certains pays, en particulier sur Internet, et les présentent comme des mesures de protection de l’enfant de tout abus, mais qui en réalité, limitent les droits des enfants et des adultes », a-t-il dénoncé.
Pour sa part, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. Heiner Bielefelt, s’est penché sur le problème de la discrimination religieuse sur le lieu de travail, s’inquiétant notamment de la négligence dont sont l’objet l’intolérance sur le lieu de travail et la discrimination à l’emploi. Il a notamment présenté la gestion des jours fériés comme un exemple typique de discrimination sous couvert du respect de la religion prédominante et de la tradition culturelle du pays concerné. Les codes vestimentaires au travail sont aussi parfois des formes indirectes de discrimination, toujours au nom de l’ « identité de l’entreprise », a-t-il ajouté.
Au cours de cette journée de débat, les délégations ont aussi entendu le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, M. Michel Forst, se préoccuper du fait que ces derniers peuvent être la cible de tout un éventail de violations, allant de la profération de menaces au meurtre, en passant par l’incarcération ou le déni du droit à la liberté d’expression.
Au cours du débat qui a suivi, si plusieurs délégations se sont inquiétées de l’espace restreint réservé aux défenseurs des droits de l’homme dans certains pays, d’autres ont mis en garde contre la politisation de leurs activités, voire des troubles à l’ordre public qu’elles peuvent parfois provoquer.
De son côté, le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Pablo de Greiff, a relevé que la plupart des victimes d’atrocités de masse n’avaient pas d’accès à des réparations. Ce dernier a notamment qualifié de suspect le fait que la plupart des gouvernements qui affirment que celles-ci sont financièrement inabordables le font avant d’avoir sérieusement essayé de les quantifier.
La Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, Mme Gabriela Knaul, et la Présidente du Groupe de travail sur le droit au développement, Mme Tamara Kunanayakam, sont également intervenues aujourd’hui devant la Troisième Commission.
La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 24 octobre, à partir de 10 heures.
* A/C.3/69/L.9/Rev.1, A/C.3/69/L.6 et A/C.3/69/L.17/Rev.1
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/69/383–S/2014/668) [point 68]
-- Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales
(A/69/277, A/69/121, A/69/97, A/69/214, A/69/99, A/69/336, A/69/333, A/69/287, A/69/293, A/69/268, A/69/288, A/69/266, A/69/263, A/69/261, A/69/259, A/69/295, A/69/275, A/69/302, A/69/273, A/69/274, A/69/402, A/69/272, A/69/5181, A/69/265, A/69/294, A/69/299, A/69/335, A/69/297, A/69/269, A/69/365, A/69/286, A/69/397, A/69/276 et A/69/366)
-- Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux (A/69/362, A/69/306, A/69/301, A/69/398, A/69/356, A/69/307, A/C.3/69/2, A/C.3/69/3, A/C.3/69/41 et A/C.3/69/51. Le Rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (à paraître)) et la note du Secrétaire général transmettant le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (à paraître))
M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, qui a été nommé il y a quatre mois par le Conseil des droits de l’homme à Genève, a présenté son premier rapport (A/69/259) qui définit les priorités au titre de son mandat et dresse un bilan des activités qu’il a menées depuis sa prise de fonction. Il a souligné que, de nos jours, si une personne est un défenseur des droits de l’homme, elle court le risque d’être soit menacée, intimidée soit faire l’objet d’une enquête ou encore être harcelée et criminalisée. Elle risque également d’être attaquée dans des campagnes ou ses libertés publiques, y compris son droit à l’expression et d’assemblée, souvent déniées.
M. Forst a ajouté que ces exactions pouvaient aller jusqu’à l’arrestation et à la détention, la disparition ou l’assassinat. De telles violations visent toujours à réduire les défenseurs des droits de l’homme au silence, voire à les éliminer. Il a ajouté qu’il y avait pourtant une lueur d’espoir avec l’octroi du prix Nobel de la paix attribué conjointement à deux défenseurs des droits de l’homme. L’objectif de faire respecter l’action et la personne des défenseurs des droits de l’’homme est au cœur du mandat, qui devrait rester axé sur la protection.
Les militants en situation plus vulnérable sont ceux qui travaillent en faveur des droits des femmes, des minorités, des droits de l’homme, des gays, lesbiennes, gays, bisexuels, transexuels et les activistes écologistes.
Le Rapporteur spécial a lancé une série de consultations régionales à travers le monde afin d’évaluer, avec les défenseurs des droits de l’homme, les moyens de mieux les protéger et de prévenir les violations à leur encontre. Il a jugé crucial de renforcer la coopération et d’accroître les synergies avec d’autres titulaires de mandats.
M. Forst compte en outre œuvrer de manière plus coordonnée avec les mécanismes régionaux et explorer la possibilité de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme, les Directives de l’Union européenne et celles de l’Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sur la protection des défenseurs dans ce contexte.
Il a aussi appuyé le suivi des communications antérieures et des visites de pays aux fin de combattre l’impunité et de poursuivre ceux qui ont commis des violations à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.
En définitive, a-t-il dit, les États ont l’obligation de protection des défenseurs des droits de l’homme et une partie de son mandat s’appliquera à établir des dialogues avec les États Membres. Il effectuera aussi le bilan de l’état de mise en œuvre des recommandations de ses prédécesseurs. L’exemple des pratiques optimales peut être encourageant en matière de protection, a-t-il ajouté, mettant l’accent sur la nécessité de rectifier les torts et de consolider les législations et leur application.
Il s’est inquiété du nombre croissant d’actes de répression et de représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme, d’autant plus que les Nations Unies sont tributaires de l’appui de ces personnes sans le travail desquels le système onusien perdrait sa crédibilité. Il a fortement appuyé la nomination d’un point focal sur les défenseurs des droits de l’homme.
Dialogue interactif
Les délégations ayant pris part à l’échange de vue avec M. Forst se sont inquiétées de l’espace restreint réservé aux défenseurs des droits de l’homme dans certains pays, ce qui limite leurs prérogatives et leur impact. La Mauritanie s’est demandée s’il existait une « définition exacte et précise des défenseurs des droits de l’homme », tandis que d’autres délégations ont mis en garde contre la politisation des activités des défenseurs des droits de l’homme, voire des troubles de l’ordre public, qu’elles peuvent parfois provoquer.
De son côté, l’Indonésie a mis le doigt sur le décalage entre l’action et la compréhension de l’action des défenseurs. Plusieurs intervenants ont insisté sur l’importance des communications et ont posé des questions sur la manière dont le Rapporteur spécial entendait assurer leur suivi, en particulier si l’on prend en considération la pénurie de ressources.
La Norvège s’est dite préoccupée par les pressions qui pèsent sur les défenseurs de droits de l’homme et l’augmentation des cas de représailles, surtout avec ceux qui collaborent avec les Nations Unies. Elle a estimé qu’il était judicieux de se pencher sur la question des communications puisque seuls 44 États y ont répondu.
La Norvège a aussi conseillé d’établir un dialogue avec l’opinion publique. L’Union européenne a prié le Rapporteur spécial de faire des recommandations préliminaires concernant les législations et s’est demandée comment y inclure la problématique des femmes défenseurs des droits de l’homme.
Le Liechtenstein, au nom de plusieurs pays, a félicité M. Forst pour son projet d’intensification de l’utilisation des technologies de l’information et des réseaux sociaux. La représentante a mis l’accent sur le rôle indispensable de ces réseaux. Elle a ensuite évoqué le durcissement des peines contre ceux qui critiquent les dirigeants de Bahreïn lesquels, du reste, ne respectent pas leur engagement de respect de la liberté d’expression et d’assemblée des défenseurs.
La Fédération de Russie a regretté que, ces derniers temps, les défenseurs des droits de l’homme fassent l’objet d’une grande politisation et ce du fait de l’absence d’une démarcation claire de leurs prérogatives. Le délégué a recommandé de discuter davantage avec les États à ce sujet.
Cuba a abondé dans ce sens et a mis en garde contre la politique de « deux poids deux mesures », en priant les titulaires de mandats d’éviter les doublons, en particulier dans la coopération entre eux et compte tenu de la faiblesse des ressources. Le Bélarus a mis en exergue, pour sa part, le fait que certains défenseurs des droits de l’homme outrepassent leurs prérogatives et, dans certains cas, causent des troubles à l’ordre public.
La République tchèque a salué la sagacité et la détermination du Rapporteur spécial dès son entrée en fonction et le rôle fondamental des défenseurs des droits de l’homme pour préserver la démocratie et l’état de droit, alors même qu’ils sont réprimés, harcelés et menacés, ainsi que les membres de leur famille. La République tchèque s’efforce d’assister ces personnes et insiste pour qu’elles puissent quitter leur pays en cas de danger pour leur intégrité physique ou leur vie. Elle a loué le projet de M. Forst sur le suivi des communications.
Le Royaume-Uni a dénoncé l’existence de lois et pratiques institutionnelles restrictives qui cherchent à entraver les activités de la société civile et à l’empêcher d’agir. Quels projets a le Rapporteur spécial avec la société civile et comment fera-t-il en sorte que ses opinions soient prises en compte, s’est enquise la représentante.
La Lituanie a traité, quant à elle, de la protection des défenseurs des droits de l’homme dans les situations de conflit et a appelé à examiner cette question de plus près, en particulier en ce qui concerne les groupes vulnérables comme les femmes qui agissent dans des zones assiégées.
L’Irlande a souligné aussi l’importance des communications et s’est demandée quel impact elles avaient dans la lutte contre les représailles. Le harcèlement, les arrestations arbitraires ou les poursuites engagées contre les défenseurs des droits de l’homme sont une source d’inquiétude pour la Suisse, de même que la tendance générale de certains États à vouloir limiter l’espace de la société civile.
Elle s’est attardée sur les défenseurs des droits de l’homme des collectivités locales, y compris des peuples autochtones, des minorités et des personnes qui vivent dans la pauvreté, qui sont particulièrement exposées.
Les États-Unis ont espéré que la communication du Rapporteur spécial avec les gouvernements sera renforcée, ainsi que la coopération accrue entre les titulaires de mandat et les organisations régionales en vue de faciliter les activités des défenseurs des droits de l’homme, surtout des groupes les plus marginalisés. Cette coopération permettra des réponses rapides et efficaces. Comment surmonter les obstacles culturels, sociaux ou autres que les groupes marginalisés rencontrent.
Le Maroc a salué l’approche positive du Rapporteur spécial, qui est membre de la Commission nationale consultative française des droits de l’homme, et s’est demandé comment lutter contre les représailles et prévenir l’impunité.
Les Pays-Bas ont loué le programme ambitieux et les priorités bien choisies de M. Forst et ont espéré que ses activités sur les réseaux sociaux pourront favoriser le rôle important des défenseurs. De quelle façon se sont passées les consultations régionales mentionnées dans le rapport, a voulu savoir la représentante.
L’Équateur a demandé comment protéger les droits des défenseurs qui ont reçu le droit d’asile mais qui n’ont pas l’autorisation leur permettant d’aller dans le pays leur ayant accordé ce droit.
Réponse
M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a dit son intention, avec le soutien des États, de mettre en place une plate-forme dans les réseaux sociaux en vue d’un échange et d’un partage de l’information. Il a renouvelé l’appel d’autres titulaires de mandats aux États Membres en vue de continuer d’inviter les procédures spéciales. Il a également donné un aperçu des différentes consultations régionales qu’il mène.
Mme GABRIELA KNAUL, Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats, a déclaré qu’elle avait eu l’occasion, entre novembre 2013 et octobre 2014, d’effectuer deux visites officielles au Qatar et dans les Émirats arabes unis, qui donneront lieu à un rapport devant le Conseil des droits de l’homme en juin 2015. Elle a précisé qu’elle se rendrait en Tunisie du 27 novembre au 5 décembre 2014, et au Portugal en 2015, tandis que la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Iraq, le Kenya, le Maroc, le Népal, l’Espagne et les États-Unis ont répondu favorablement à ses demandes de visites.
Mme Knaul a regretté que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), à la différence de la Déclaration du Millénaire, n’aient pas fait explicitement référence aux thèmes de la justice et de l’état de droit, ni à l’impact dévastateur des conflits, de la violence, de l’injustice et de la discrimination sur le développement.
Elle a souligné l’importance d’inclure des références claires à l’accès à la justice et au rôle du système judiciaire dans le programme de développement pour l’après-2015. L’impunité sape la démocratie, l’état de droit, la confiance que placent les citoyens dans les institutions d’État et les possibilités de développement, a-t-elle dit.
En outre, des systèmes judiciaires faibles ne garantissant pas l’accès de tous à la justice conduisent à des situations où les groupes les plus marginalisés sont mis dans des situations encore plus fragiles au lieu d’être autonomisés.
Quand des groupes vulnérables sont victimes de violations des droits de l’homme, ils ne se sentent pas en sécurité, leur situation est plus instable, ce qui contribue à plus de pauvreté et de sous-développement, a expliqué la Rapporteuse.
Mme Knaul a rappelé que le lien entre l’état de droit et le développement avait été reconnu par les États Membres il y a plus de 20 ans lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme à Vienne, ce qui justifie son inclusion explicite dans le cadre de développement pratique pour l’après-2015. Elle a également réclamé l’inclusion d’objectifs et d’indicateurs spécifiques sur l’accès à la justice et l’indépendance du système judiciaire.
Enfin, Mme Knaul a exprimé son inquiétude devant les actes de représailles visant des individus, y compris des juges, procureurs ou avocats, et des groupes qui coopèrent, ou cherchent à coopérer, avec l’ONU et ses mécanismes relatifs aux droits de l’homme.
Elle a condamné en particulier la situation d’Ossama Al-Najjar, qu’elle a rencontré durant sa visite officielle dans les Émirats arabes unis. « Peu après mon départ j’ai été informée qu’Osama avait été arrêté, placé en détention dans un endroit secret, interrogé et torturé en raison de ses activités pacifiques, y compris pour m’avoir rencontrée », a-t-elle dit. Alors que son procès est actuellement en cours, Mme Knaul a appelé à la libération immédiate de M. Al-Najjar, et à une enquête indépendante et sérieuse sur les circonstances de son arrestation et les accusations de torture.
Notant qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé, elle a souhaité que l’Assemblée générale mette sur pied rapidement un point focal de haut niveau sur les représailles.
Dialogue interactif
L’Union européenne a noté que l’indépendance de la justice était effectivement indispensable pour la démocratie et le développement. Comment surmonter les obstacles à l’accès à la justice, notamment pour les plus vulnérables qui souvent ne connaissent pas leurs droits fondamentaux, a demandé sa représentante. Si les progrès du système judiciaire peuvent être mesurés, quelles recommandations donner aux États pour les critères à mettre en place, a-t-elle encore demandé.
Le Qatar a noté que l’accès à la justice, s’il devait être incorporé dans le programme de développement pour l’après 2015, protègerait davantage les droits de l’homme. Évoquant la visite de Mme Knaul au Qatar, sa représentante a noté la coopération totale du pays à ce processus.
Le Kenya a convenu que, comme l’avait déclaré Mme Knaul, la corruption sapait le travail de développement. Son représentant a appelé à mettre en place des cadres efficaces et globaux et affirmé que le Kenya était attaché à ce que tous les citoyens aient accès à la justice. Mais il y a un problème de ressources, a-t-il regretté.
Les États-Unis ont souligné que des institutions efficaces et l’état de droit contribuaient fondamentalement au développement. Leur représentante a déclaré que lorsqu’un pays renforce l’état de droit, son PIB peut être multiplié par trois. Elle a demandé si un indicateur pourrait être réalisé pour contrer le blanchiment et d’autres délits contraires à l’état de droit.
La Tunisie a déclaré multiplier les efforts en vue d’améliorer l’indépendance des juges et avocats, consacrée dans sa nouvelle Constitution. Sa représentante a noté que ses juges et avocats avaient été en première ligne lors du Printemps arabe.
L’Équateur a évoqué l’accès des femmes autochtones à la justice, et a demandé comment évaluer cet accès. Son représentant a également demandé comment mieux garantir l’indépendance des juges dans les juridictions locales, nationales et internationales alors que souvent des entreprises privées multinationales influent de façon négative sur cette indépendance.
La Rapporteuse spéciale a noté qu’état de droit et développement se renforçaient mutuellement. Le concept d’accès à la justice englobe également l’accès à d’autres procédures et institutions que le système judiciaire pour faire respecter les droits, avec les médiateurs, organisations des droits de l’homme ou autres, a-t-elle ajouté.
L’utilisation d’indicateurs peut nous aider à rendre nos communications plus concrètes et efficaces, cela facilitera le suivi de différentes questions, a-t-elle encore déclaré. Il est absolument nécessaire de prendre à bras le corps la réalité que vivent ceux qui ont affaire aux systèmes judiciaires. Le système judiciaire doit être conçu comme un instrument permettant la défense des groupes les plus vulnérables comme les autochtones, a-t-elle conclu.
Présentant son quatrième rapport annuel (A/69/397), qui couvre ses activités entre le 17 décembre 2013 et le 31 juillet 2014, M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a déclaré que le message central de celui-ci, dans le contexte de son mandat, consistait à dire que la surveillance numérique de masse posait un défi direct à une norme bien établie du droit international.
En effet, les États ont l’obligation, en vertu de l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de respecter la vie privée et la sécurité des communications numériques. Cela implique, a-t-il précisé, que les individus ont le droit de partager des informations et des idées sans interférence de la part de l’État, avec l’assurance que leurs communications seront uniquement reçues et lues par la personne à laquelle elle s’adresse.
M. Emmerson note qu’au cours de la dernière décennie, la croissance exponentielle des capacités technologiques des États a renforcé les capacités des services de renseignement et des organismes d’application de la loi pour procéder à une surveillance ciblées des personnes et organisations suspectes.
Pour le Rapporteur spécial, l’interception des communications est une source précieuse d’information permettant aux États de mener des enquêtes, de prévenir et d’engager des poursuites contre les actes de terrorisme et autres graves infractions. Les États peuvent utiliser des algorithmes pour pénétrer les données de communications numériques et avoir accès aux communications sur leurs territoires mais également à celles d’autres États.
Le rythme dynamique du changement technologique a permis à certains États d’obtenir un accès global aux données de communication et à leur contenu, sans soupçon préalable. L’utilisation de logiciels de scannage, de certains critères et algorithmes permet de localiser les communications et avoir accès au contenu d’utilisateurs de téléphone et numérique, à l’insu des personnes concernées. Les agences de renseignement et du respect de l’ordre ont ainsi une multitude de conversations et message d’ordre privé, ce qui est en flagrante violation avec le Pacte et est de nature à saper la sécurité des États ainsi que la paix et la sécurité internationales. La lutte contre le terrorisme n’est pas un justificatif au regard du droit international, a-t-il réitéré.
Il a invité à un équilibre entre les intérêts privés et publics, et a appelé la communauté internationale à bien comprendre cette révolution dans les communications des individus et des États. Au titre de ses recommandations, M. Emmerson a prié les États de procéder d’urgence à la révision de leur législation nationale relative aux droits de l’homme à l’ère numérique pour l’harmoniser avec le droit international, et à établir des organes de surveillance solides, indépendants, et dûment financés à cet effet.
Dialogue interactif
Il est difficile de respecter le principe de proportionnalité (ou de non-discrimination figurant dans l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) dans le contexte de la surveillance numérique de masse aux fins de la lutte antiterroriste, ont affirmé plusieurs délégations à l’occasion du dialogue avec M. Emmerson, dont le rapport constate qu’un grand nombre de règles et législations nationales en la matière sont tout à fait obsolètes et qu’il faut revoir, d’urgence, les lois nationales pour les aligner avec le Pacte.
La Suisse a voulu savoir comment trouver un équilibre entre l’intérêt pour la société de la protection de la vie privée en ligne et les impératifs d’une lutte efficace contre le terrorisme, qui demeure une « nécessité primordiale de notre temps ». La déléguée a conseillé d’établir une distinction entre la surveillance ciblée, qui repose sur l’existence de soupçons préalables, et la surveillance de masse, sans soupçon.
Sous quelle forme le processus législatif pourrait-il être accompagné, accéléré et soutenu, s’est enquise la représentante, qui a aussi demandé comment la dimension extraterritoriale de la surveillance de masse peut être traitée au niveau international.
À son tour, l’Union européenne a pris note du vide législatif dans le domaine de la surveillance de masse en ligne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et voulu savoir quel rôle les Nations Unies pourraient jouer dans ce débat. Par un débat public et approfondi pour aplanir les différends dans les approches et arguments autour de la question de la surveillance dans le cadre de la lutte antiterroriste, a répondu le Liechtenstein.
Ce pays a reconnu que cela posait un sérieux problème de transparence et de proportionnalité quant à la responsabilité de l’État de conduire une telle surveillance. Quelle serait la limite à ne pas franchir et à partir de quel moment une menace justifierait-elle une telle ingérence de l’État, d’autant que ceux qui prennent ces mesures agissent dans le secret et sont tout à fait réticents à le reconnaître.
Après avoir situé le débat dans le contexte de la menace claire du terrorisme, la Chine a déclaré que l’on ne saurait sacrifier les droits et libertés fondamentales sous ce prétexte et que des phénomènes inacceptables émergent de plus en plus en ligne. La surveillance de masse et la collecte de données privées individuelles bafouent les droits tant des États que des personnes, a dit la déléguée, qui a ensuite encouragé le Rapporteur spécial à travailler avec tous les mécanismes pour avancer sur le sujet de la vie privée à l’ère numérique.
Le principe de proportionnalité est respecté au Royaume-Uni, a assuré la représentante de ce pays, en faisant siennes les conclusions et recommandations de M. Emmerson. Les droits et obligations énoncés dans l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques peuvent aider à faire face à toutes les circonstances, a-t-elle encouragé.
La Fédération de Russie a déploré le fait que la pratique de l’espionnage numérique soit devenue monnaie courante, en particulier sous sa pratique extraterritoriale. Il apparaît que les mesures des États ne suffisent pas à elles seules et en conséquence, la Russie a proposé la coopération des Nations Unies, notamment dans l’analyse du « programme américain longuement évoqué dans le rapport ».
L’Iraq a demandé si le Rapporteur dispose d’outils et de méthodes pour lutter efficacement contre ce phénomène tout en respectant les droits de l’homme.
De quelle manière l’intégration du droit des individus à la vie privée pourrait-il garantir la protection des données, a demandé l’Allemagne, en appuyant la tenue d’un débat sur la surveillance de masse par le Conseil des droits de l’homme. Est-il important d’établir des procédures spéciales sur cette question?
Le Brésil a estimé que toute mesure en la matière devait puiser sa justification dans le droit international et les dispositions du Pacte. Elle a salué l’exigence, par le Rapporteur spécial, du recours en cas de violation du droit à la vie privée et la proposition d’établir des procédures spéciales sur ces questions.
L’Équateur a examiné, quant à lui, le rôle des entreprises privées dans le contexte de cette problématique de sorte qu’elles n’œuvrent pas dans cette forme de surveillance en toute impunité.
Réponse
M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a répondu à la Suisse que l’absence de législations nationales, à jour et précises, créait un vide sur la violation du droit à la vie privée, ce qui n’était pas le cas du Pacte. Quelles formes législatives mettre en place? En tout état de cause, il s’agit, selon lui, d’avoir une « législation primaire », tout en permettant au public d’évaluer ce qui est fait et d’avoir l’opportunité de faire des propositions.
Comment justifier une surveillance de masse fondée sur des faits, s’est-il interrogé, ajoutant qu’il fallait d’abord procéder à une analyse détaillée des avantages tangibles qui découleraient de cette interférence avec le droit légitime à la vie privée. Les méthodes opérationnelles doivent aussi être précises et elles n’empêchent pas le dialogue avec l’opinion publique.
Selon M. Emmerson, ceux qui ont fait l’expérience de cette pratique savent parfaitement que cela ne conduit pas systématiquement à dévoiler un complot terroriste. Les programmes de surveillance peuvent être compatibles avec l’article 17 lorsque l’État est en mesure de prouver la proportionnalité de ces mesures. Pour l’instant, il n’y a pas eu de transparence de la part des États qui l’ont utilisée.
Abordant le rôle des Nations Unies, M. Emmerson a rappelé que l’Assemblée générale avait adopté, à la fin de l’année dernière, une résolution extrêmement importante sur le droit à la vie privée à l’ère numérique, où il fut demandé une étude par le Haut-Commissaire sur les résultats des recherches sur ce thème. Le Rapporteur spécial a aussi suggéré que le Conseil des droits de l’homme demeure saisi de ce thème. Il s’est prononcé en faveur de la nomination d’un nouveau mandat sur le droit à la vie privée et les technologies numériques.
Il a également invité à analyser les synergies entre son mandat et celui de son homologue sur le droit à la liberté d’expression car cette pratique de surveillance de masse n’est pas prête de se volatiliser.
M. PABLO DE GREIFF, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a présenté son rapport sur les réparations pour les victimes à l’issue de violations flagrantes des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, troisième des quatre rapports prévus sur les quatre composantes de son mandat. L’an prochain son rapport sera consacré aux garanties de non-répétition.
Il a déclaré qu’en dépit de progrès significatifs du point de vue normatif et de certaines expériences pratiques en niveau national, la plupart des victimes d’atrocités de masse n’ont pas d’accès à des réparations. Cette lacune de mise en œuvre atteint des proportions scandaleuses, qui ne touchent pas seulement les victimes mais pèsent sur plusieurs générations et des sociétés entières, avec pour conséquence un manque de confiance, des faiblesses institutionnelles et une fragilisation des notions et pratiques de la citoyenneté.
Et même lorsque des programmes de réparation sont établis, a ajouté M. de Greiff, ce qui reste exceptionnel, ils sont loin de fournir une réparation adéquate, efficace et rapide telle que le prévoient pourtant les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation, adoptés par l’Assemblée générale en décembre 2006. Ces principes prévoient que les réparations doivent être proportionnelles à la gravité des violations, à leurs conséquences et à la vulnérabilité des victimes.
Indubitablement, un programme massif de réparations pour un large ensemble de victimes nécessite la mobilisation d’importantes ressources, et il y a donc une tendance à voir une corrélation simple entre le développement socioéconomique d’un pays et sa capacité à mettre en œuvre un programme de réparation.
Mais le tableau est plus complexe, a assuré M. de Greiff: certains pays relativement riches ont établi des programmes qui ne sont pas très généreux, d’autres pays avec des économies comparativement plus petites ont établi des programmes distribuant des sommes assez importantes. Des pays dans des circonstances économiques similaires empruntent des voies très différentes à ce sujet.
Il est suspect, a noté M. de Greiff, que la plupart des gouvernements qui affirment que les réparations sont financièrement inabordables le font avant tout effort sérieux pour les quantifier, ce qui révèle leur réticence à prendre au sérieux ce qui est pourtant une obligation légale.
En outre, des considérations politiques de tous ordres, en particulier sur la définition de critères d’accès, menacent la nature et le rôle de ces programmes et conduisent à la perception de mesures biaisées.
M. de Greiff a également déploré que trop peu de victimes de violations de caractère sexiste reçoivent des réparations et que, quand ces programmes existent, ils se focalisent sur les agressions sexuelles, trop souvent limitées au viol, en négligeant d’autres violations qui affectent principalement les femmes et les filles.
Trop souvent, la réticence des États à admettre leur responsabilité se manifeste indépendamment de considérations de coûts, a ajouté M. de Greiff. Les programmes qui ne mettent pas l’accent sur l’admission de responsabilité tentent l’impossible, a-t-il souligné, de la même façon que des excuses sont sans valeur si elles ne comportent pas une admission de responsabilité.
Des programmes de réparation fonctionnant de cette façon s’apparentent plus à une distribution d’allocations, a-t-il noté, et ne sont pas perçus comme des dédommagements, ce qui conduit les victimes à continuer de réclamer leurs droits à réparation.
Par ailleurs, la marginalisation fréquente des victimes rend souvent leurs souffrances invisibles aux yeux des preneurs de décisions, alors que leur participation et celle de leurs représentants sont essentielles pour les processus de transition, a noté M. de Greiff.
Leur participation toutefois requiert de réelles garanties pour leur sécurité, alors que les victimes et les défenseurs des droits de l’homme continuent d’être vulnérables dans la plupart des pays en transition.
M. de Greiff a conclu en notant qu’il avait fourni un rapport sur ses activités entre août 2013 et juin 2014, ainsi que des rapports sur ses visites en Uruguay et en Espagne. Il a annoncé qu’il se rendrait en Côte d’Ivoire en novembre, et au Burundi à une date restant à déterminer. Il a demandé de pouvoir faire des visites au Brésil, au Cambodge, en République démocratique du Congo (RDC), au Guatemala, en Guinée, en Indonésie, au Kenya, au Népal, au Rwanda et au Sri Lanka.
Dialogue interactif
L’Argentine a noté que la question des droits à la vérité avait toujours été prioritaire pour l’Argentine. Sa représentante a jugé nécessaire de renforcer les obligations des États en matière de dédommagement, et noté que l’Argentine était en première ligne à cet égard. Les réparations économiques ne sont pas suffisantes mais elles sont importantes, elles sont un premier pas qui s’accompagnent de droit à la justice et à la vérité.
Elle a demandé à M. de Greiff s’il serait possible d’envisager une coopération que les États qui ont, hélas, une expérience en la matière pourraient apporter à des États en transition.
La Chine a estimé que l’histoire pouvait aussi servir de leçon pour l’avenir, et que les dédommagements devaient pouvoir permettre la cohésion sociale et le développement.
L’Union européenne a demandé plus de détails sur la dimension symbolique des dédommagements et le rôle de la société civile. Sa déléguée a aussi soulevé l’importance de traduire en justice les auteurs, ce qui pour l’Union européenne fait partie du processus de vérité et de réconciliation, et elle a demandé quelle aide pourrait être apportée aux États dans le domaine des réparations.
La Norvège a déploré le manque de mise en œuvre. Les dédommagements collectifs sont un mode de dédommagement auquel ont davantage recours à la Cour pénale internationale (CPI), les États qui fournissent plutôt des services sociaux, a mentionné sa représentante.
L’Allemagne a noté que les programmes de dédommagement devraient être axés sur les droits de l’homme. Sa représentante a suggéré qu’un programme de communication sur l’impact positif des procédures de dédommagement pourrait avoir un effet encourageant dans les pays où les autorités sont réticentes à s’engager dans la voie des réparations.
La Suisse a demandé à M. de Greiff de faire état des rares bonnes pratiques en termes d’analyse préliminaire des coûts potentiels de programmes de réparations. Sa représentante a également salué l’accent mis par le Rapporteur sur l’exclusion historique des victimes de violations basées sur le genre, appelant les États à s’inspirer des avancées réalisées dans le domaine judiciaire, notamment par la CPI, et de les traduire dans leurs politiques nationales afin d’œuvrer à une réhabilitation des victimes qui assure leur autonomisation.
Le Brésil a demandé plus de détails sur la mise en œuvre des programmes de réparation, et sa représentante l’a interrogé sur l’opportunité d’un partage de bonnes pratiques.
L’Azerbaïdjan a noté la nécessaire volonté politique pour s’attaquer aux atrocités de masse et à leurs conséquences. De nombreux crimes n’ont pas été reconnus, ce qui entrave les progrès sur la voie de la paix et de la réconciliation, a noté sa représentante. Elle a précisé que le pays souffrait des conséquences humanitaires de la guerre qui l’a frappé. Ceux qui se rendent coupables de violations graves lors de conflits, notamment de nature sexuelle, doivent être exclus de toutes les branches du gouvernement et doivent être sanctionnés, a-t-elle ajouté.
M. PABLO DE GREIFF, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a remercié l’Ouganda et l’Allemagne qui ont accueilli des consultations régionales au cours de l’année écoulée.
Il a noté qu’il s’était toujours intéressé à l’importance d’une approche globale sur la question de la réparation pour établir un lien avec la vérité, la justice et les garanties de non répétition. Il faut recenser les défaillances qui sont dues au déficit de mise en œuvre, a-t-il dit.
Il a rappelé qu’il y avait une grande différence en ce domaine entre la théorie et la pratique. Dans des pays sortant de conflit, il est dit qu’il faut garantir une rémunération aux anciens combattants, alors que les engagements envers les victimes de conflit sont tout à fait insuffisants.
Cette disparité a des répercussions très graves sur la pratique, car la réintégration des anciens combattants dépend de la disposition des communautés à les accueillir, et cela doit tenir compte du traitement dont bénéficient les victimes. C’est un problème concret.
Pour les réparations symboliques, c’est un moyen d’établir un lien entre les réparations et les procédures judiciaires, outre la répartition des responsabilités, ce qui peut aider à préciser les faits et retracer les abus, a-t-il précisé. Concernant l’éducation historique, « ce sujet fera l’objet d’une grande attention dans mon prochain rapport ».
Concernant la problématique hommes/femmes et la participation des victimes, il ajouté avoir l’intention d’y consacrer prochainement un rapport.
DÉVELOPPEMENT SOCIAL
-- L’alphabétisation, enjeu vital: définir les futurs programmes d’action
Décision sur le projet de résolution A/C.3/69/L.9/Rev.1
La Troisième Commission a adopté, sans mise aux voix et tel qu’oralement amendé, le projet de résolution intitulé « L’alphabétisation, enjeu vital: définir les futurs programmes d’action » (A/C.3/69/L.9/Rev.1), présenté le 16 octobre par la Mongolie, par lequel l’Assemblée générale demanderait à tous les gouvernements d’élaborer des indicateurs fiables d’alphabétisation.
Elle leur demanderait de produire des données comparables dans le temps et ventilées selon l’âge, le sexe, le handicap, la situation socioéconomique, l’implantation géographique (milieu urbain ou rural) et autres facteurs pertinents.
Elle engagerait les États Membres, leurs partenaires de développement et les institutions spécialisées à préserver et développer les acquis de la Décennie en intégrant mieux l’alphabétisation dans les stratégies sectorielles et multisectorielles d’éducation et de développement.
Elle prierait l’UNESCO de continuer, au-delà de la Décennie des Nations Unies pour l’alphabétisation, à jouer son rôle de coordonnateur et de catalyseur dans la lutte contre l’analphabétisme.
L’Assemblée générale considèrerait aussi qu’il faut continuer à donner à la question de l’alphabétisation la place qui lui revient dans le débat sur le programme de développement pour l’après-2015.
PRÉVENTION DU CRIME ET JUSTICE PÉNALE
Décision sur les projets de résolution A/C.3/69/L.6 et A/C.3/69/L.17/Rev.1
Après avoir pris note de ses implications budgétaires, la Troisième Commission a adopté, sans vote, un projet de résolution sur l’état de droit, la prévention du crime et la justice pénale dans le programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015 (A/C.3/69/L.6), selon lequel l’Assemblée générale soulignerait qu’il faudrait tenir compte, dans les débats relatifs au programme de développement pour l’après-2015, des questions du respect et de la promotion de l’état de droit, et que la prévention du crime et la justice pénale jouent un rôle important à cet égard.
Elle prierait l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en sa qualité de membre de l’Équipe spéciale des Nations Unies chargée du programme de développement pour l’après-2015, de continuer de fournir, aux fins des travaux de l’Équipe, des analyses et des contributions techniques.
L’Assemblée générale soulignerait en outre qu’il importe d’envisager la justice transitionnelle de manière globale, comme un large éventail de mesures judiciaires et non judiciaires propres à faire respecter le principe de responsabilité et à promouvoir la réconciliation tout en protégeant les droits des victimes de crimes et d’abus de pouvoir.
Elle se féliciterait des efforts faits par l’Office pour aider les États Membres à améliorer les systèmes de collecte et d’analyse de données sur la prévention du crime et la justice pénale à tous les niveaux, afin de contribuer, selon qu’il conviendra, au programme de développement pour l’après-2015.
Déclaration après l’adoption
La représentante du Brésil a indiqué que lors des négociations sur ce texte, il n’avait pas été possible de faire référence au rapport du Groupe de travail à composition non limitée.
Enfin, la Troisième Commission a également adopté, par consensus, un projet de résolution sur l’Institut africain des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants (A/C.3/69/L.17/Rev.1), présenté le 16 octobre par l’Ouganda.
Selon ce texte, l’Assemblée générale engagerait l’Institut à associer à l’élaboration de ses stratégies de prévention de la criminalité les différents organes de planification de la région qui s’emploient à coordonner les activités favorisant un développement fondé sur la viabilité de la production agricole et la protection de l’environnement.
L’Assemblée générale exhorterait tous les États Membres et les organisations non gouvernementales, ainsi que la communauté internationale, à continuer d’adopter des mesures pratiques concrètes pour aider l’Institut à se doter des capacités requises et à mettre en œuvre ses programmes et activités.
Elle prierait aussi le Secrétaire général de redoubler d’efforts pour mobiliser toutes les entités compétentes des Nations Unies afin qu’elles apportent à l’Institut l’appui financier et technique dont il a besoin pour s’acquitter de son mandat, « sachant que la précarité de sa situation financière compromet fortement sa capacité de fournir efficacement les services attendus de lui ».
Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs
Mme TAMARA KUNANAYAKAM (Sri Lanka), Présidente et Rapporteuse du Groupe de travail sur le droit au développement, a procédé à une mise à jour orale de l’application de la résolution 68/158 de l’Assemblée générale du 18 décembre 2013, et en particulier du paragraphe 10 du dispositif qui définit les tâches du mandat du Groupe de travail. Ces tâches consistent notamment à promouvoir la démocratisation du système de gouvernance internationale en vue d’accroître la participation effective des pays en développement à la prise de décisions à l’échelon international.
Le Groupe de travail est également chargé de rechercher les moyens de promouvoir de véritables partenariats, comme le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et des initiatives analogues avec les pays en développement, en particulier les pays les moins avancés (PMA), en vue de concrétiser l’exercice de leur droit au développement, y compris la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
Le Groupe de travail doit aussi œuvrer à une acceptation, une concrétisation et une réalisation plus larges du droit au développement au niveau international. Il doit, de même, examiner les moyens de continuer à assurer en priorité la concrétisation du droit au développement. Lors de sa dernière session en mai dernier, le Groupe de travail a poursuivi sa première lecture des sous-critères opérationnels qui lui ont été confiés par le Conseil des droits de l’homme pour sa vingt-neuvième session.
Mme Kunanayakam a décrit les propositions formulées en ce qui concerne les processus participatifs des droits de l’homme et de la justice en matière de développement. Il s’agit de sous-critères opérationnels sur la souveraineté sur toutes les riches et les ressources naturelles, l’élimination de toutes les formes de racisme, de la discrimination, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, le colonialisme et la colonisation, le droit à l’autodétermination des peuples sous occupation et domination étrangère et la redistribution nationale équitable des terres et des politiques de développement rural pour les personnes historiquement désavantagées, y compris celles affectées par l’apartheid et le colonialisme.
D’autres propositions ont été faites sur la bonne gouvernance mondiale, l’élimination des inégalités dans le processus de prise de décisions au niveau mondial, l’architecture financière internationale et la réforme des institutions dans ce domaine.
Le Groupe a effectué une tâche remarquable en se réunissant en peu de temps de réunions (cinq jours et deux jours de réunion informelle) et il faut une volonté politique accrue en faveur du droit au développement, qui est pluridimensionnel et nécessite un travail de synergies à tous les niveaux et de la part d’un éventail d’acteurs de différents horizons.
Il importe en particulier d’élever ce droit au même niveau que tous les autres droits de l’homme et libertés fondamentales. C’est à la lumière de tout ce qui précède qu’il faut appréhender les efforts du Groupe de travail. L’établissement des critères et sous-critères sur le droit au développement fait partie du programme du Conseil des droits de l’homme dans le cadre des OMD, où la personne humaine est au centre du développement.
La Présidente du Groupe de travail a inscrit cette démarche dans le contexte de l’élaboration du programme du développement pour l’après-2015, l’occasion de concrétiser la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement. Elle a espéré que l’année 2016, qui marquera le trentième anniversaire de la Déclaration, marquera un tournant et en permettra la réalisation en tant que cadre pour une vision alternative de la société, une société où les êtres humains, individuellement et collectivement, est le sujet au centre du développement.
Lors de sa vingt-septième session, en septembre dernier, le Conseil des droits de l’homme a fait siennes les recommandations du Groupe de travail. La Présidente du Groupe de travail a espéré que la contribution du Groupe et son rôle spécifique en vue de l’établissement de normes soient bien compris.
Dialogue interactif
Le représentant de la République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, s’est dit déçu par la lenteur des discussions et a appelé la communauté internationale à élaborer un instrument juridiquement contraignant sur le respect du droit au développement. Il a toutefois estimé que l’élaboration des sous-critères représentait un bon pas en avant. La réalisation du droit au développement est essentielle pour la jouissance de tous les autres droits humains, a-t-il souligné.
Comment le groupe de travail pourrait-il contribuer à ce que les perspectives des droits de l’homme soit prise en compte dans le programme de développement pour l’après-2015, a demandé à son tour la représentante de Cuba.
La délégation cubaine a également voulu connaître les obstacles qui entravent l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement, tandis que son homologue de l’Afrique du Sud a demandé à connaître le processus à suivre à cette fin. Ce dernier a également voulu savoir si l’objectif du Millénaire pour le développement (OMD) No8 permettrait de faciliter le droit au développement.
De son côté, la représentante de la République arabe syrienne s’est interrogée sur les répercussions de l’imposition de mesures coercitives unilatérales et punitives, affirmant notamment que celles-ci sapaient le droit au développement du peuple syrien. Elle a appelé le Groupe de travail à débattre franchement et sans politisation de ce problème.
La représentante du Maroc s’est, pour sa part, inquiétée de la persistance de « blocages » qui entravent le travail du Groupe de travail.
La représentante de la Chine a réaffirmé son appui aux activités du Groupe de travail.
Répondant à cet ensemble de questions, la Rapporteuse spéciale sur le droit au développement a affirmé que l’absence de mécanisme visant à transmettre au Groupe de travail des informations sur le respect du droit au développement posait problème. Elle a aussi regretté le manque de synergie sur ces questions entre New York et Genève, déplorant le fait que le Groupe de travail n’eût pas pu récupérer les cinq jours de travail dont disposait le Groupe d’experts avant que son mandat ne prît fin. Elle a engagé les États Membres à élaborer un mécanisme approprié afin de pouvoir pleinement profiter des synergies au sein de l’ONU.
M. DAVID KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a présenté le dernier rapport (A/68/335) de son prédécesseur, M. Frank La Rue, sur le droit de l’enfant à la liberté d’expression, qui demande à la communauté internationale et aux États d’y prêter davantage d’attention, ainsi qu’au droit des enfants à l’information.
La liberté d’expression touche de nombreuses questions critiques qui font partie des priorités majeures des Nations Unies. Il a précisé que l’exercice de ce droit impliquait la capacité des individus et des sociétés de sortir de la pauvreté, celle des individus à défendre des politiques pour faire face aux changements climatiques et à la détérioration de l’environnement, celle des journalistes de porter à l’attention mondiale des témoignages qui expliquent les conflits, l’insécurité, les maladies et l’instabilité politique.
M. Kaye a relevé la difficulté qu’ont les États à confronter des expressions d’extrémisme tout en demeurant attachés à leur obligation de respecter le droit à la liberté d’expression. Il a déclaré qu’il commençait son mandat en nourrissant l’espoir que l’on peut effectivement collaborer au sujet de ces problèmes et favoriser l’exercice de ce droit chaque fois qu’il est menacé.
Il a expliqué que son prédécesseur examinait les dispositions du droit international relatives au droit de l’enfant à la liberté d’expression, énumérait les obstacles à sa réalisation et recommandait d’aligner les législations nationales avec les normes pertinentes établies par le droit international relatif aux droits de l’homme.
Le droit des enfants à la liberté d’expression devrait être progressivement exercé à mesure que celui-ci mûrit. M. Kaye a affirmé que les enfants ne « sont pas des mini-êtres humains, avec des mini-droits ». Au contraire, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant élargit le spectre de la protection des enfants aux droits civils et politiques.
Toutefois, les enfants sont privés du droit de s’exprimer librement du fait d’une éducation qui cherche à façonner leur pensée selon des schémas préétablis. Certains pays ont adopté des restrictions drastiques à la liberté d’expression, en particulier sur Internet, et les présentent comme des mesures de protection de l’enfant de tout abus, mais qui en réalité limitent les droits des enfants et des adultes.
Tout en reconnaissant la nécessité de réglementer les moyens audiovisuels pour protéger les enfants, le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que les règlements et les mécanismes à cet effet doivent faire l’objet d’un examen régulier aux fins de prévenir l’imposition de restrictions exagérées ou arbitraires.
En conclusion, le Rapporteur spécial recommande aux États de réviser les lois, politiques et règlements nationaux qui limitent les droits de l’enfant à s’exprimer, ainsi que d’accéder à l’information, pour les harmoniser avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.
D’autres part, les États devraient accorder une attention particulière à l’élimination des normes et pratiques autoritaires dans les systèmes d’éducation, compte tenu du rôle fondamental que jouent les écoles dans l’exécution du mandat qu’elles exercent au nom des enfants. Ils devraient en particulier envisager de créer des canaux destinés à permettre aux enfants de s’exprimer dans le cadre des manifestations de mobilisation qu’ils organisent.
D’un autre côté, les États sont invités à prendre des mesures volontaristes pour promouvoir l’accès des enfants à Internet dans tous les contextes et des efforts déployés pour refaçonner Internet en tant que ressources positives. Enfin, tous les mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme devraient porter leur attention sur les violations du droit des enfants à la liberté d’expression.
Le Rapporteur spécial a proposé que le Comité des droits de l’enfant insiste, systématiquement, dans les recommandations formulées aux États, sur la nécessité d’appliquer les articles 13 et 17 de la Convention consacrés au droit de l’enfant à la liberté d’expression et à l’importance de la fonction remplie par les médias dans ce contexte.
M. Kaye a ensuite indiqué qu’il soumettrait son premier rapport en juin prochain au Conseil des droits de l’homme et souligné l’importance de la coopération avec les autres titulaires de mandats et avec les États.
Dialogue interactif
La représentante de la Suisse a voulu obtenir des exemples de programmes étatiques ayant été mis en place qui ont réussi à concilier la jouissance du droit à la liberté d’expression des enfants et leurs intérêts sécuritaires.
Le représentant de l’Iraq s’est interrogé sur le rôle que peut jouer la société civile pour garantir le droit à la liberté d’expression.
Quels sont les principaux défis rencontrés dans les domaines couverts par les rapports, a demandé à son tour la déléguée de l’Union européenne. La représentante de la Norvège a souligné que l’Internet était un outil important pour aider les enfants à faire valoir leur liberté d’expression, mais qu’il pouvait également représenter un danger pour eux. Que faire pour maximiser le respect des droits des enfants tout en veillant au maintien de leur sécurité?
La représentante des Maldives a estimé que les gouvernements devraient impliquer davantage les parents dans l’élaboration de mesures concernant la liberté d’expression de leurs enfants. Comment renforcer les capacités des gouvernements à promouvoir la liberté d’expression des enfants, a déclaré à son tour la représentante de la Lituanie, tandis que son homologue de la Lettonie a souhaité savoir par quels moyens mettre en œuvre la recommandation d’impliquer les enfants dans l’élaboration de mesures sur cette question.
Existe-t-il des exemples de meilleures pratiques dans ce domaine, a demandé la représentante du Royaume-Uni, pour qui la protection de l’enfant et la liberté d’expression ne doivent pas être considérées comme des objectifs opposés.
À son tour, la représentante de Cuba a invité le Rapporteur à réfléchir à l’impact de la pauvreté sur la jouissance, par les enfants, du droit à la liberté d’expression.
La représentante du Liechtenstein a, quant à elle, demandé les conseils du Rapporteur pour formuler une résolution sur le problème de l’intimidation sur Internet qui permettrait également de respecter le droit à la liberté d’expression.
Trop souvent la protection de l’enfant est invoquée pour imposer des restrictions indues sur leur liberté d’expression, a déploré pour sa part la représentante des États-Unis, tandis que la déléguée du Brésil a invité le Rapporteur à se pencher sur le maintien de l’équilibre entre l’accès à l’information et le respect de la vie privée des utilisateurs d’Internet.
Mais comment protéger les enfants de la propagation de discours de haine sur Internet? Devrait-on envisager de poursuivre les pays qui hébergent les chaînes satellitaires qui diffusent de tels messages, a dit la représentante de la République arabe syrienne.
En la matière, la représentante de la Fédération de Russie a estimé important de maintenir l’équilibre entre la liberté d’expression individuelle et le bien-être d’une société, évoquant notamment le phénomène préoccupant de la diffusion de messages néo-nazis, par exemple.
La frontière est fragile lorsqu’il s’agit de l’utilisation de réseaux sociaux, a commenté à son tour la représentante du Bahreïn, qui s’est inquiétée de l’effet néfaste qu’ils peuvent avoir sur la sécurité, tout en reconnaissant que le but des réseaux sociaux n’est pas de propager la haine. En la matière, personne ne se trouve au-dessus de la loi, a-t-elle précisé en réponse à une intervention préalable du Liechtenstein.
Le représentant de l’Éthiopie a pour sa part indiqué que contrairement aux affirmations du rapport, son pays n’avait jamais appliqué de lois à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.
Réponse
M. DAVID KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a plaidé pour l’adoption d’une approche fondée sur le droit, notant que l’imposition de restrictions à la liberté d’expression pouvant être acceptable, notamment lorsque la sécurité nationale est menacée.
Toute restriction doit être néanmoins proportionnée et adaptée de manière à appuyer la position des États tout en faisant la promotion des droits, a-t-il souligné. Il a recommandé la tenue d’un débat progressif, notant que les enfants ont besoin d’accéder aux informations diffusées sur Internet, entre autres, pour développer leur esprit critique.
M. HEINER BIELEFELDT, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a présenté son rapport intérimaire sur la discrimination religieuse sur le lieu de travail et la responsabilité de l’État et d’autres parties prenantes en vue d’éliminer cette forme de discrimination.
M. Bielefeldt a affirmé que la question de l’intolérance sur le lieu de travail et de la discrimination à l’emploi était largement été négligée. Si nombre de cas de manifestations religieuses au travail ne posent aucun problèmes majeurs, et sont même appréciés en tant qu’expressions positives de la diversité, il existe néanmoins des exemples de résistance, de confrontation et d’intolérance.
Il a jugé utile d’examiner la Déclaration de 1981 sur l’élimination de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondée sur la religion ou la conviction, qui clarifie le fait que la responsabilité des États de combattre la discrimination religieuse couvre les domaines de la vie civile, économique, politique, sociale et culturelle, et qu’en l’espèce, aucun doute ne subsiste sur le fait que ce droit s’applique aussi sur le lieu de travail.
Il a ajouté que toute limitation de ce droit, si elle s’avère nécessaire, doit toujours être bien spécifique et définie avec exactitude, comme elle doit aussi résulter d’un objectif légitime. Il a présenté la gestion des jours fériés comme un exemple typique de discrimination sous couvert du respect de la religion prédominante et de la tradition culturelle du pays concerné. Les codes vestimentaires au travail sont aussi parfois des formes indirectes de discrimination, toujours au nom de l’ « identité de l’entreprise ».
Le Rapporteur spécial a appelé à adopter une démarche globale pour aborder à la fois les formes directes et indirectes de discrimination fondée sur la religion ou la conviction. Il a proposé de charger des organes de suivi de cette question qui seraient aussi responsables de la collecte de données pertinentes.
Au niveau des entreprises, il a recommandé l’établissement d’une culture de la confiance et de la communication, reposant sur le respect, aux fins d’identifier les besoins spécifiques des personnes qui appartiennent à des minorités religieuses. L’élimination des discriminations indirectes requiert aussi des mesures d’ « adaptation raisonnable » qui consisteraient à trouver des solutions pratiques pour l’individu en ajustant les conditions de travail, tant que cela n’impose pas un fardeau financier ou managérial déraisonnable.
Il a cité comme exemple les pratiques dans des établissements scolaires ou des sociétés privées dont les cantines offrent de la nourriture soit halal ou kosher soit des repas végétariens. Des employeurs tant publics que privés ont également négocié des moyens d’accommoder la pratique des prières ou encore les différentes fêtes religieuses, sans affecter pour autant la bonne conduite des tâches professionnelles.
M. Bielefeldt a encouragé toutes les parties prenantes, compagnies, syndicats, communautés religieuses, organisations de la société civile, à contribuer à l’établissement d’un climat de tolérance et d’appréciation de la diversité de religion ou de conviction sur le lieu de travail.
Dialogue interactif
Israël a déclaré que cette question concernait les minorités religieuses dans le monde entier. La délégation a prié le Rapporteur spécial d’examiner la question de la circoncision et a rappelé un point fondamental, selon lui, soulevé par M. Bielefeldt, concernant la responsabilité des États à lutter contre la violence sur le lieu de travail. Il a demandé à prendre en considération la violence antisémite sur le lieu de travail.
L’Irlande a affirmé que certains préjugés obligeaient des personnes à occulter leur religion au travail. Elle a demandé quelles mesures avaient concrètement permis de favoriser la tolérance religieuse au travail.
En 2013, le Canada a mis sur pied un organisme de lutte contre la discrimination religieuse sur le lieu de travail. Il demeure primordial que toutes les personnes puissent exercer leur foi en toutes circonstances. Soulignant la complexité de la question, l’Union européenne a appelé à la préservation de la liberté d’exercer sa religion sur le lieu de travail.
Comment l’État peut-il agir dans ce domaine sans interférer avec les règlements des entreprises privées? L’expression de la religion peut aller à l’encontre de l’employeur, a déclaré l’Allemagne, qui a toutefois mis l’accent sur la nécessité de respecter le principe d’ « accommodation raisonnable » et a prié le Rapporteur d’en fournir des exemples concrets.
Dans le même esprit, l’Autriche a soutenu ce principe et a affirmé que la lutte contre la discrimination et l’intolérance, l’élimination des préjugés et stéréotypes et le découragement de l’intolérance étaient au cœur de sa politique. En Autriche, il existe des formations religieuses qui traitent des différents types de discrimination, y compris religieuse, ainsi que des dialogues interreligieux. Ce pays a aussi noté la difficulté qu’il y a à détecter les formes subtiles de discrimination religieuse sur le lieu de travail et donc à établir des politiques publiques pour les contrer.
Les Pays-Bas se sont opposés à l’utilisation de la religion pour restreindre les droits de l’homme, notamment des enfants. S’agissant du lieu de travail, comment établir les exigences légitimes pour les pratiques religieuses et celles qui ne le sont pas.
Les Émirats arabes unis ont fermement appuyé le respect de la liberté de religion sur le lieu de travail et ont dit leur profonde inquiétude concernant l’utilisation de la religion musulmane par les extrémistes. Ils ont critiqué l’allusion du Rapporteur spécial au sujet d’une affaire en cours aux Émirats arabes unis.
Les États-Unis ont appuyé la mise en œuvre efficace de la loi américaine sur les droits sur le lieu de travail, qui impose aux employeurs de respecter l’exercice de la religion dans ce contexte. Elle a demandé si la résolution 16/18 du Conseil des droits de l’homme pouvait fournir un plan d’action efficace à cet égard.
La Norvège est revenue pour sa part sur les services de formation dans le domaine traité par le rapport et a voulu savoir comment l’OIT et le Rapporteur pourraient coopérer dans ce domaine. Le Royaume-Uni a déclaré que plus un pays était tolérant plus il pouvait être stable. Il a appuyé la formation du personnel sur cette problématique et s’est inquiété, par ailleurs, de l’essor de l’extrémisme violent dans le monde.
M. HEINER BIELEFELDT, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a affirmé que le cas d’une professeure juive de piano qui licenciée, car souhaitant ne pas travailler le samedi, avait inspiré son rapport. La circoncision ne doit jamais être confondue avec les mutilations génitales féminines. Il a cité à cet égard l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Interdire la circoncision des garçons serait une catastrophe, selon M. Bielefeldt.
Lors de sa visite en Sierra Leone l’année dernière, pays qui est confronté aujourd’hui à la maladie à virus Ebola, il a pu voir un niveau remarquable de coopération et de respect mutuel entre différentes confessions, avec une célébration festive de la diversité, y compris sur le lieu de travail. La liberté de religion et le principe de non-discrimination exigeant la mise en place d’un cadre législatif et l’autonomie des entreprises ne peuvent donner prétexte à limiter les droits fondamentaux de la personne.
L’approche hommes-femmes est tout aussi importante, a-t-il poursuivi, en priant les gouvernements de traiter cette question comme un tout. La liberté de religion est un principe juridiquement contraignant, a-t-il encore dit. S’agissant de la formation professionnelle et du rôle des syndicats, le Rapporteur spécial a invité à aller plus loin dans la recherche de solutions pratiques, et a fait observer que les syndicats ne l’avaient pas encore fait comme il se doit.
La liberté de religion ou de conviction est une question existentielle qui façonne l’individu, et, en tant que telle, doit rester au cœur du débat pour ne pas se dissoudre dans les détails, a-t-il également souligné.
Dans la lutte contre l’extrémisme violent, qui sera le sujet de son projet-rapport, il s’agit de garder à l’esprit le cadre plus large du droit international relatif aux droits de l’homme, a conclu le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction.