En cours au Siège de l'ONU

Soixante-neuvième session,
Réunion informelle sur Ebola - matin
AG/11584

Ebola:l’Assembléee générale débat de la réponse d’urgence et à long terme contre l’épidémie

Huit mois après la déclaration de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, l’Assemblée a fait le point, ce matin, sur la réponse immédiate et à long terme à apporter à une crise sanitaire ayant déjà fait plus de 5 000 morts. 

Réunies lors d’une réunion informelle à l’initiative du Président de l’Assemblée générale, M. Sam Kahamba Kutesa, une vingtaine de délégations, y compris celles de deux des trois pays les plus touchés, la Guinée et la Sierra Leone, ont évalué les besoins et indiqué leurs contributions financières et logistiques.  Elles ont appuyé les propos du Représentant spécial et Chef de la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola (UNMEER), M. Anthony Banbury.  Dans son exposé, celui-ci a mis l’accent sur la nécessité de déployer davantage de personnels de santé dans les zones isolées.  Il a insisté sur la nécessité de mettre l’accent sur le renforcement de la mobilité des équipes et la prévention de la propagation du virus aux pays voisins, le Mali et le Nigéria, qui ne disposent pas d’infrastructures capables de répondre à des situations de crise. 

De son côté, le Chef de cabinet du Secrétaire général, Mme Susana Malcorra, a souligné qu’il était nécessaire de planifier la riposte internationale à plus long terme, « car les conséquences sanitaires, économiques, politiques et sociales de l’épidémie sont colossales ».

Les représentants des pays affectés ont, quant à eux, salué les progrès réalisés grâce à l’appui international pour ralentir les flambées de l’épidémie.  Ils ont cependant demandé à la communauté internationale de continuer à mobiliser des ressources financières pour parvenir à éradiquer la maladie, préserver leurs acquis économiques et sociaux et sauvegarder la stabilité politique.

L’Union européenne, les États-Unis, Cuba ou encore le Japon ont détaillé leurs contributions financières et en nature, et annoncé d’autres efforts bilatéraux ou consentis au titre du Fonds d’affectation spécial.  Ce mécanisme, selon le vœu du Secrétaire général, « doit garantir une contribution cohérente du système des Nations Unies à l’ensemble des opérations ».

« La guerre contre Ebola n’est pas encore gagnée », a prévenu le Président de l’Assemblée générale.  Il a aussi souligné l’importance d’éviter toute stigmatisation.  « Les survivants comme les travailleurs sanitaires, a-t-il insisté, doivent être remerciés chaleureusement. »

Exposés

Mme SUSANA MALCORRA, Chef du Cabinet du Secrétaire général, qui s’exprimait au nom du Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que M. Ban Ki-moon se félicitait de la réaction remarquable qu’a provoqué son appel à travers le monde.  Après avoir assuré que le Secrétariat travaillait à une réponse plus vaste, dépassant le cadre de l’ONU, notamment avec l’Union africaine, elle a fait remarquer qu’Ebola était « une maladie qui continue de nous échapper ».  « Elle n’est pas contenue géographiquement et c’est pourquoi, nous devons impérativement nous adapter en nous montrant capables de faire évoluer notre réponse en fonction des besoins », a-t-elle déclaré. 

Mme Malcorra a par ailleurs attiré l’attention sur la nécessité de planifier la riposte internationale à plus long terme, surtout parce que « les conséquences sanitaires, économiques, politiques et sociales de l’épidémie sont colossales ».  « Cet effort de planification, aussi, doit être collectif. »

De son côté, le Représentant spécial et Chef de la Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola (UNMEER), M. Anthony Banbury, a tenu à mettre en exergue l’évolution de la maladie, « sa dispersion géographique au fil du temps ».  Commentant des diapositifs, il a noté qu’Ebola était très actif car, a-t-il précisé, le virus n’a cessé de se déplacer semaine après semaine dans les trois pays les plus touchés.  « Comme vous le savez, nous avons atteint un seuil terrible, celui de 5 000 personnes mortes à cause du virus. »  « Sur le terrain, on me l’a rappelé à chacune de mes visites, les répercussions sont catastrophiques, non seulement sur le plan sanitaire mais aussi au niveau psychologique, le virus générant la peur et forçant les gens à modifier leur comportement au quotidien », a indiqué M. Banbury. 

« Les activités commerciales sont durement frappées dans les trois pays car les marchands ont peur de venir en ville.  En Guinée, la production du café a chuté de 50 % », a-t-il encore détaillé, avant d’évoquer la situation dans les pays voisins.  « Au Mali, un deuxième cas a été signalé aujourd’hui, tandis qu’au Nigéria, il a été établi que le seul cas recensé a eu près de 1 000 contacts avec d’autres personnes. »  Le Représentant spécial s’est inquiété de ce que les structures de santé au Nigéria ne soient pas en mesure d’apporter une réponse d’urgence en cas de propagation rapide. 

M. Banbury s’est voulu confiant, en reconnaissant que les pires scénarios ne s’étaient pas réalisés, grâce, a-t-il dit, au rôle crucial que les communautés locales ont joué et à l’aide fournie par la communauté internationale.  « Peu d’éléments sont nécessaires au succès: un plan d’action national, des sites performants de traitement et de diagnostic, des capacités de suivi et une forte mobilisation sociale », a-t-il rappelé.  M. Banbury a ensuite indiqué qu’à ce stade 55 % des cas signalés avaient été traités.  « Mais nos chiffres ne sont pas aussi bons car beaucoup de cas nous échappent, mais nous pouvons déclarer que des progrès remarquables ont été réalisés ».  Le Chef de l’UNMEER a insisté sur le fait que la Mission devrait faire preuve de flexibilité et « nous permettre tant de répondre à la crise qu’à prendre les devants pour freiner la maladie ». 

Il a ainsi souligné la nécessité de renforcer les moyens de mobilité du personnel de santé de la Mission, qui doit être en mesure d’intervenir dans l’arrière-pays des trois pays touchés.  Il sera bientôt temps d’évaluer la performance de la Mission, a-t-il dit, en estimant, pour sa part, que « l’ONU a su relever le défi en se montrant innovante en un temps record ».

L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour Ebola, le Docteur David Nabarro, a mis l’accent sur les « ajustements collectifs permanents » à apporter face à une crise sanitaire en perpétuelle évolution, à commencer par la nécessité d’étendre l’emprise de l’action de la communauté internationale sur les régions les plus reculées touchées par Ebola.  Tous les pays touchés attendent une « intervention décentralisée » capable de s’adapter à une crise multidimensionnelle, ce qui suppose une coalition de partenaires et de mécanismes, a-t-il dit. 

Pour M. Nabarro, une assistance doit également être prêtée à titre préventif aux pays voisins où l’épidémie ne s’est pas encore déclarée, dans la mesure où ils sont particulièrement exposés.

À son tour, le Docteur Tolbert Nyenswah, Président du « Système de gestion des incidents » pour la réponse à Ebola au Libéria, a expliqué, par visioconférence depuis Monrovia, que son gouvernement s’était doté d’un Plan stratégique national de lutte contre Ebola et visant à remettre sur pied le système de santé du pays.  Faisant état d’un nombre de cas quotidiens en baisse, le médecin a expliqué que les équipes médicales avaient été renforcées à travers tout le pays et que les malades étaient systématiquement placés en quarantaine dans des centres de soins adaptés, avec plus de 400 lits disponibles.  « Le nombre de personnes affectées diminue, mais très lentement », a reconnu M. Nyenswah, qui a évalué à une vingtaine le nombre de nouveaux cas recensés chaque jour dans le pays depuis le début du mois de novembre. 

« Pour chaque nouveau cas, nous identifions 10 contacts que nous suivons quotidiennement, soit plus de 5 000 au total, la plupart se trouvant dans la capitale Monrovia, mais aussi dans des zones plus rurales du pays », a-t-il expliqué.  La dernière phase du plan national consistera à poursuivre le travail de surveillance à l’échelle régionale, en coopération à la fois avec les autres pays touchés et d’autres pays.  Dans ce contexte, la communauté internationale doit appuyer le Libéria, notamment dans le déploiement de personnels de santé, a plaidé en conclusion M. Nyenswah.

Débat interactif

Le représentant de la Sierra Leone a estimé qu’il faudrait veiller à ce que les ressources du Fonds d’affectation soient employées au mieux et le plus rapidement possible.  En outre, at-il dit, la coopération doit prévaloir dans le cadre de notre action de lutte contre Ebola, y compris avec les organisations de la société civile, comme Médecins sans frontières.  Le délégué s’est en outre félicité de la mobilisation de la Commission de consolidation de la paix et du Conseil de sécurité contre cette crise, avant même qu’elle n’éclate, le système de santé publique dans son pays était déjà confronté à de réelles difficultés.  Les représentants permanents des trois pays les plus touchés par Ebola sont d’accord pour reconnaître « qu’il ne sert à rien de régler le problème en Sierra Leone s’il ne l’est pas simultanément au Liberia et en Guinée ».  Mais isoler ces pays, « ce n’est pas la bonne méthode », a estimé le représentant.  Il a ainsi remercié le Nigéria pour le pont aérien qu’il a ouvert avec la Sierra Leone.

Le représentant de la Guinée a réagi à ses propos en se référant au rapport du Secrétaire général.  « Nous appuyons les commentaires relatifs à l’appropriation nationale, à la nécessité impérieuse de s’attaquer à d’autres aspects que l’éradication et le renforcement des structures sanitaires, a-t-il déclaré.  S’il a salué les progrès remarquables enregistrés sur le terrain grâce notamment à la mobilisation internationale - un ralentissement de la flambée épidémique ayant été constaté dans son pays -, il a cependant insisté sur l’importance « de ne pas baisser la garde ».  « Le virus est loin d’être vaincu ».  

Le représentant guinéen a mis l’accent sur les efforts menés par son pays, citant les opérations en cours pour assurer la communication de proximité et les activités de suivi, la surveillance des cas signalés, et l’organisation d’enterrements sécurisés des victimes.  Il a demandé à la communauté internationale d’aider la Guinée à combler le déficit de ressources humaines qualifiées.  « La Mission doit déployer des moyens dans toutes les régions touchées de nos pays », a-t-il insisté.  Par ailleurs, il a attiré l’attention sur le fait qu’Ebola risquait d’entamer les acquis économiques et sociaux de ces pays.  « En Guinée, la stabilité politique est mise à rude épreuve », a-t-il également relevé, en déplorant que l’épidémie sapait la croissance économique et le bien-être des couches les plus vulnérables de la société, y compris les femmes et les enfants.  Enfin, s’adressant au Président de l’Assemblée générale, il lui a demandé d’encourager les donateurs à contribuer au Fonds d’affectation spécial mis en place pour financer la riposte à la crise causée par le virus Ebola. 

L’Union européenne, a rappelé son représentant, a été parmi les premiers à se mobiliser à la crise, en levant au total plus d’un milliard d’euros à ce jour et déployé, dès le début de l’épidémie, des experts humanitaires et des laboratoires mobiles dans les pays affectés.  La délégation du Royaume-Uni a rappelé, pour sa part, que son gouvernement avait contribué à hauteur de 30 millions de dollars au Fonds d’affectation spécial, qu’il travaille actuellement à la mise au point d’un vaccin contre la maladie et assiste activement sur place la Sierra Leone.  Soulignant qu’il est indispensable de débloquer des ressources prévisibles pour les pays concernés, le représentant de Cuba a fait remarquer que 256 professionnels de santé cubains avaient été déployés sur place.  En outre, un sommet régional s’est tenu les 29 et 30 octobre à La Havane en vue de formuler une réponse commune des pays d’Amérique latine face à Ebola, a-t-il ajouté.

Après avoir rappelé, comme la Turquie, qu’Ebola n’est pas seulement une crise sanitaire, mais aussi une crise de développement et une crise économique, la délégation des États-Unis a demandé à tous les États Membres de répondre à l’appel lancé par l’Administration américaine à Washington D.C. pour lever 1,5 milliard de dollars au titre du financement de la lutte contre cette crise.  Pour sa part, le Gouvernement des États-Unis a contribué à hauteur de 414 millions de dollars et mobilisé 2 000 membres du personnel de santé, qui œuvrent depuis les États-Unis, sous le leadership des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies, mais aussi sur le terrain.  La délégation de la Norvège a expliqué que la contribution de son gouvernement se ferait auprès de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), du Programme alimentaire mondial (PAM) et du Fonds d’affectation spéciale, ainsi que dans le cadre de l’opération du Royaume-Uni en Sierra Leone, où quatre équipes de 50 personnes sont en rotation. 

L’Allemagne, a indiqué son représentant, a débloqué environ 115 millions de dollars à l’appui de la lutte contre Ebola et enverra, sous peu, deux avions militaires pour assurer l’évacuation des malades.  Le représentant de la France a rappelé la solidarité de son pays avec les pays touchés, en précisant que le Gouvernement français avait déjà fourni une aide estimée à près de 100 millions d’euros.  Il a, par ailleurs, évoqué l’ouverture prochaine d’un nouveau centre de soins en Guinée forestière, qui sera opéré par la Croix-Rouge française et disposera de 50 lits.  La France, a-t-il poursuivi, prête également assistance dans le cadre du Mécanisme européen de coordination d’évacuation sanitaire.  En Guinée, a ajouté le délégué de la France, nous participons aussi à la formation de 140 membres du personnel de santé par semaine et prévoyons aussi d’y déployer plus de 100 professionnels français.

Le représentant du Bénin a prévenu des risques que fait peser la densité de la population en Afrique, en soulignant l’importance de diffuser plus largement les informations sur la maladie et de sensibiliser davantage la population aux mesures de prévention.  Son pays, tout en étant loin de l’épicentre, a-t-il fait observer, n’en ressent pas moins son impact.  Le représentant du Bénin en a voulu pour preuve le témoignage du propriétaire d’une station balnéaire béninoise, dont la fréquentation est en chute libre depuis le début de l’épidémie.

Le représentant de la Chine a appelé la communauté internationale à se concentrer sur l’assistance aux pays affectés, « qui doit être revue à la hausse, en particulier en matière de technologies de soins et d’appui à la recherche d’un vaccin ».  Il a également noté l’importance de planifier la reconstruire post-Ebola des systèmes de santé des pays les plus touchés et de s’attaquer aux causes profondes « de cette crise régionale qui a menacé et menace encore la paix et la sécurité internationales ».   « La Chine a déjà versé 6 millions au Fonds d’affectation spécial et va bientôt déployer 700 docteurs et infirmières. »  « Nous gérerons sous peu un centre de traitement près de Monrovia », a-t-il fait savoir.  La Mauritanie, au nom du Groupe des États d’Afrique, a déclaré que les efforts des pays du continent pour gagner la guerre contre Ebola avaient été l’un des principaux rouages de l’accélération de la réponse d’urgence.  L’apparition de nouveaux foyers exige la décentralisation des moyens dans les pays touchés, a estimé son représentant, en précisant que l’Union africaine avait déployé 120 agents sanitaires dans les trois pays les plus touchés.  « D’autres suivront », a-t-il assuré.  Le représentant s’est en outre réjoui que la Banque mondiale et les banques africaines conjuguent leurs efforts pour atténuer l’impact économique et social de l’épidémie dans ces pays et à l’échelle régionale. 

Le représentant de la Suède a estimé que de nouveaux donateurs doivent faire des contributions et les autres accroître leurs efforts.  « Les composantes de l’aide doivent être à long terme », a-t-il souligné, en notant que son pays avait participé à hauteur de 13,5 millions de dollars au Fonds d’affectation spécial.  « La Suède a fait d’autres contributions en nature, par le biais de l’envoi de membres du personnel de santé sur le terrain », a-t-il indiqué.  Pour le délégué de l’Égypte, il est nécessaire de ne pas isoler les pays en imposant des interdictions de voyager, car ils dépendent de l’importation de biens de base.  « Isoler ces pays pourrait provoquer une inflation et des tensions sociales avec des conséquences catastrophiques », a-t-il averti.  Le représentant du Brésil a tenu à rappeler que les trois pays les plus touchés étaient inscrits à l’ordre du jour de la Commission de consolidation de la paix, « qui suit la situation sur le terrain et évalue l’impact d’Ebola sur les efforts de paix et de développement en Guinée, au Libéria et en Sierra-Leone ».  « Nous devrons dialoguer avec les parties concernées pour faire face au défi de l’avenir », a-t-il recommandé.

La délégation du Japon a annoncé que son pays était prêt à consacrer jusqu’à 100 millions de dollars à la reconstruction des installations sanitaires des pays touchés et accompagner leur résilience économique.   « En outre, le Japon a fait don de 4 millions de dollars à chacun des trois pays », a-t-il ajouté.

Le représentant du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déploré la pression qui pèse sur les membres du personnel de santé, qui sont l’objet de stigmatisation aux conséquences dramatiques.  « Certains ont même été rejetés par leur propre famille ou empêchés de voir leurs enfants de retour de mission », a-t-il signalé, en estimant que les interdictions de voyager n’aidaient en rien la lutte contre Ebola et alimentaient la peur.  

Reprenant la parole, M. Banbury a salué le consensus qui s’est dégagé au cours de la discussion sur la nécessité de voler au secours des communautés les plus isolées et touchées et de protéger les pays voisins contre l’épidémie.  Les délégations ont insisté sur le besoin de renforcer la présence dans les districts et d’accroître la mobilité de la Mission, et ce, en phase avec notre approche, s’est-il réjoui.

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