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CS/11356

Vingt ans après, le Conseil dénonce la négation du génocide au Rwanda et mobilise les États Membres contre un tel crime

16/4/2014
Conseil de sécuritéCS/11356
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

7155e séance – matin


VINGT ANS APRÈS, LE CONSEIL DÉNONCE LA NÉGATION DU GÉNOCIDE AU RWANDA

ET MOBILISE LES ÉTATS MEMBRES CONTRE UN TEL CRIME


Le Vice-Secrétaire général, M. Jan Eliasson, souligne les progrès

accomplis par l’ONU en matière de mécanismes d’alerte et de diplomatie préventive


Vingt ans après le génocide perpétré au Rwanda, le Conseil de sécurité, soucieux de renforcer la coopération internationale pour faciliter la prévention et la répression promptes de ce crime, a demandé aux États Membres, au cours d’une séance publique commémorative ce matin, de s’engager à nouveau à prévenir et à combattre le génocide, ainsi que les autres crimes graves définis par le droit international.


Par la résolution 2150 (2014) adoptée à l’unanimité, le Conseil souligne qu’il importe de tirer les leçons du génocide perpétré en 1994 contre les Tutsis au Rwanda.  Entre le 6 avril et le 17 juillet 1994, rappelle le Conseil dans le préambule de ce texte, un génocide avait été commis au Rwanda contre le groupe ethnique tutsi, faisant un million de victimes, y compris des Hutus et d’autres personnes opposés au génocide.


La résolution condamne « sans réserve » toute négation de ce génocide et invite instamment les États Membres à se donner des programmes éducatifs pour « graver dans l’esprit des générations futures les leçons du génocide, le but étant d’en prévenir d’autres dans l’avenir ».


Le représentant du Rwanda, dont la délégation a présenté ce texte, a émis l’espoir qu’il contribuerait, même à petite échelle, à la prévention d’autres génocides.  Comme l’avait clairement dit le Président Kagamé « Jamais plus, un pays en Afrique ou ailleurs, ne doit connaître le sort du Rwanda ».  Pourtant, les terribles scènes qui se déroulent en République centrafricaine (RCA), en Syrie ou au Soudan du Sud, laissent penser qu’il reste encore beaucoup à faire pour que l’Organisation des Nations Unies améliore les moyens de répondre à de telles situations, a-t-il estimé.


« Si la communauté internationale avait aujourd’hui à sa disposition, comme c’était le cas en 1994, des informations décisives, agirait-elle de manière différente? » s’est interrogé M. Eugène-Richard Gasana, qui a mis directement en cause le manque de volonté politique à la fois des membres permanents du Conseil et du Secrétariat de l’ONU de l’époque.


Il y a très exactement 20 ans, a rappelé l’ancien Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande, il avait eu « l’atroce responsabilité de présider le Conseil de sécurité qui, a-t-il dit, avait refusé de reconnaître qu’un génocide était en train d’être perpétré contre les Tutsis au Rwanda et échoué ainsi à s’acquitter de sa responsabilité de renforcer la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) pour protéger le plus de civils possible ».


C’est avec une voix chargée d’émotion que M. Keating a présenté officiellement ses excuses pour l’impuissance de cet organe à agir, en souhaitant qu’elles soient « mentionnées dans le procès-verbal de la séance ».  Avec le recul, a-t-il ajouté, la décision prise par le Conseil, le 21 avril 1994, de réduire les effectifs de la MINUAR, ressemble plus à un « cadeau naïf » qui avait été fait aux génocidaires à Kigali. 


En l’espace de deux décennies, des améliorations notables ont été réalisées, a assuré le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, en mentionnant notamment le renforcement du cadre normatif, dont l’une des pierres angulaires est le Document final du Sommet mondial de 2005, qui définit la notion de responsabilité de protéger.


Pour que la communauté internationale, par le biais du Conseil de sécurité, puisse assumer cette responsabilité en cas d’échec d’un État à protéger sa propre population civile, la France, a annoncé son représentant, est en train de préparer un « code de conduite volontaire des cinq membres permanents », qui aura pour objectif de limiter l’usage du droit de veto en cas de génocide et de crimes graves.  « Nous le devons, notamment, au peuple syrien », a déclaré M. Gérard Araud.


Le Vice-Secrétaire général a également porté à l’actif de l’Organisation, l’établissement des tribunaux pénaux internationaux, dont celui pour le Rwanda, et de la Cour pénale internationale (CPI), ainsi que la création d’un poste de conseiller spécial sur la responsabilité de protéger, chargé de tirer la « sonnette d’alarme » à chaque fois qu’un risque de génocide ou d’autres atrocités se présente.  À cela s’ajoute, a fait remarquer M. Eliasson, l’initiative du Secrétaire général « Les droits avant tout », adoptée fin 2013 et qui constitue une véritable feuille de route de la diplomatie préventive.


Par la résolution adoptée aujourd’hui, le Conseil de sécurité prie le Secrétaire général d’assurer une meilleure coordination entre les mécanismes d’alerte existants pour la prévention du génocide « afin d’aider à déceler les sources de tension et facteurs de risque ».  Plusieurs membres du Conseil, dont le Chili, ont souligné l’importance des relais offerts sur le terrain par les organisations régionales et sous-régionales, les dirigeants locaux et chefs religieux, la société civile et les médias.


Le représentant du Royaume-Uni, M. Mark Lyall Grant, appuyé en ce sens par plusieurs membres du Conseil, s’est félicité de constater que des enseignements ont été tirés de cette tragédie et que désormais, les opérations de maintien de la paix de l’ONU sont dotées de mandats de protection des civils de plus en plus robustes.  Favorable à une capacité de déploiement rapide, son homologue du Rwanda a préconisé, quant à lui, le stationnement de « brigades en attente » près des zones où des signes précurseurs de violations graves des droits de l’homme ont été clairement identifiés. 


Enfin, le représentant de la Jordanie, le prince Zeid Ra’ad Zeid Al Hussein, a annoncé que sa délégation allait présenter un projet de résolution visant à instituer une « médaille des Nations Unies pour récompenser un courage extrême ».  Le Secrétaire général, a-t-il expliqué, la décernerait aux membres des personnels militaire et civil de l’ONU qui auront fait preuve d’un « courage extraordinaire face à un danger exceptionnel et constant ».  Cette médaille portera le nom de Mbaye Diagne, à la mémoire du « plus grand héros des Nations Unies », un capitaine sénégalais qui avait sauvé des centaines et peut-être des milliers de Rwandais de la mort, a-t-il précisé.


MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES


Prévention et lutte contre le génocide


Lettre datée du 11 avril 2014, adressée au Secrétaire général par la Présidente du Conseil de sécurité (S/2014/265)


Déclarations


M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que le génocide au Rwanda restait une des pages les plus sombres de l’Histoire humaine.  « Nous nous souvenons avec le cœur lourd de l’échec collectif de la communauté internationale à agir dès les signes avant-coureurs d’une telle tragédie », a-t-il lancé, en insistant sur la nécessité de tirer des leçons de cette terrible période pour améliorer la protection des populations exposées aux crimes les plus graves.  « Il y a 20 ans, bien après l’Holocauste, nous avons vu comment le génocide n’est pas le résultat d’un seul évènement, mais un processus qui évolue avec le temps et qui exige une planification et des ressources », a rappelé M. Eliasson, qu’il peut être évité.  Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), ainsi que les procès qui se sont tenus au niveau national, ont permis de tenir certains individus pour responsables de leurs crimes, tandis que la Cour pénale internationale (CPI) a continué d’étendre son influence et son action.  Le Conseiller spécial du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger rassemble les informations de toutes parts et tire la sonnette d’alarme à chaque fois qu’il y a un risque de génocide ou d’autres atrocités, a poursuivi le Vice-Secrétaire général.  Plus largement, l’ONU place de plus en plus la promotion et la protection des droits de l’homme au centre de son travail de prévention.  L’initiative « Les droits avant tout » a permis d’améliorer notre capacité à répondre aux violations graves des droits de l’homme, en permettant une réaction plus rapide de la part des États Membres et de l’Organisation, s’est-il félicité.


La région des Grands Lacs, a poursuivi M. Eliasson, continue de subir les conséquences du génocide deux décennies plus tard.  La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIGL) a établi un protocole sur la prévention et la répression du génocide, les crimes contre l’humanité et de toutes les formes de discrimination.  Le Rwanda, a-t-il noté, préside désormais le Comité régional sur la mise en œuvre du protocole.  Près de la moitié des États membres de la CIGL ont établi des comités nationaux sur la prévention du génocide.


Alors que 20 ans se sont écoulés depuis le génocide, le Vice-Secrétaire général a aussi tenu à rendre hommage au travail accompli par le Rwanda en matière de réconciliation et de relèvement depuis 1994.  M. Eliasson a tout particulièrement salué l’existence de l’Institut national pour la prévention du génocide, incitant d’autres pays à suivre cet exemple.


De la République centrafricaine (RCA) à la Syrie, en passant par le Soudan du Sud, les conflits qui font rage aujourd’hui rappellent tristement que la protection des populations civiles continue d’être à la traîne, a déploré le Vice-Secrétaire général.  En dépit des spécificités de chaque situation, des traits communs ressortent, a-t-il affirmé, en citant les divisions confessionnelles, ethniques et parfois linguistiques, mais aussi la diabolisation de l’autre, qui finit par émerger inévitablement.  Dans la mesure où aucune civilisation n’est à l’abri d’une telle tragédie, toutes les sociétés doivent donc évaluer leur vulnérabilité et œuvrer à tous les niveaux pour renforcer la résilience, la tolérance et la vigilance dans la détection des signes avant-coureurs des crises en gestation.


La responsabilité première d’une telle démarche incombe aux États Membres eux-mêmes, a souligné le Vice-Secrétaire général, qui a plaidé pour des institutions nationales responsables et légitimes qui soient inclusives et crédibles aux yeux de la population.  « Cela signifie de veiller à respecter l’état de droit et de protéger les droits fondamentaux de tous, sans discrimination.  Cela veut dire promouvoir la diversité, une société civile vibrante et la participation de tous les citoyens. »


M. COLIN KEATING, ancien Représentant permanent de la Nouvelle-Zélande et Président du Conseil de sécurité pour le mois d’avril 1994, a rappelé qu’il y a 20 ans, il eut l’atroce responsabilité de présider cet organe qui avait refusé de reconnaître qu’un génocide était en train d’être perpétré contre les Tutsis au Rwanda et avait échoué dans sa responsabilité à renforcer la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Rwanda en vue de protéger le plus de civils possible.


Il a déclaré que sa responsabilité principale, aujourd’hui, était de se souvenir des victimes, près d’un million de morts, et des survivants, en se félicitant de la décision du Conseil de sécurité de consacrer, pour sa part, une réunion à la propre commémoration du génocide et de discuter de la nécessité de prévenir des génocides à l’avenir.


M. Keating a ajouté que cette séance lui offrait également l’occasion, en sa capacité d’ancien Président du Conseil, de présenter ses excuses pour l’échec de cet organe en 1994 et pour que cela soit enregistré officiellement dans le compte-rendu officiel. 


Il a aussi mis l’accent sur la nécessité de se souvenir de ceux qui, sur le terrain, ont fait preuve d’un grand courage et ont fait de leur mieux pour protéger les civils.  Il a, de même, rendu hommage au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et à l’organisation Médecins sans frontières.


L’ancien Président du Conseil a ensuite expliqué les raisons qui avaient conduit cet organe, en avril 1994, à réduire la taille de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).  Il a ainsi expliqué que, quelques mois plus tôt, un membre permanent avait cherché à faire diminuer le nombre de missions de maintien de la paix. 


La MINUAR avait alors été choisie comme cible d’une attention particulière en raison des progrès lents dans le processus de négociations à Arusha.  Des signaux clairs avaient été envoyés dans les consultations selon lesquels il n’y aurait pas d’accord sur un renouvellement du mandat de la MINUAR si les obstacles persistaient dans le processus de paix d’Arusha.  Avec le recul, ceci peut être considéré, a-t-il dit, comme un « cadeau naïf » adressé aux génocidaires à Kigali. 


Il était absolument clair, au cours des négociations, qu’un projet de résolution sur le renforcement de la Mission se serait heurté à un veto, a-t-il notamment expliqué, en précisant que la tâche était devenue plus difficile encore lorsque des contributeurs de troupes majeurs avaient décidé de retirer unilatéralement leurs forces.


M. Keating a ensuite relaté les efforts de la Nouvelle-Zélande et de la République tchèque, qui, avec le soutien de l’Argentine et de l’Espagne, avaient désigné et condamné le génocide.  En dépit des exposés détaillés du Secrétariat et du flot d’informations en provenance des organisations non gouvernementales (ONG) sur le terrain, la plupart des membres permanents avaient exprimé des objections, pour des raisons diverses.  Le résultat fut que plusieurs membres bloquèrent un projet de déclaration présidentielle, a-t-il déploré.


Alors que la fin du mois d’avril 1994 approchait, la Nouvelle-Zélande avait mis « en bleu » un projet de résolution condamnant le génocide, avec des termes tirés directement de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.  Puis, a-t-il poursuivi, lorsqu’il était devenu évident d’adopter une déclaration présidentielle pour condamner les atrocités au Rwanda, utilisant les termes de la Convention sur le génocide, le terme spécifique de « génocide » fut supprimé sur l’insistance de quelques membres permanents du Conseil de sécurité.


M. Keating a affirmé qu’il était devenu nécessaire d’attendre le 8 juin avant que la résolution 925 (1994) ne fût adoptée, établissant un nouveau mandat.  Pour la première fois, le Conseil de sécurité avait utilisé le terme de « génocide » et avait autorisé le remplacement des troupes qui avaient été évacuées en avril.  Ce fut, a-t-il ajouté, le premier mandat portant sur la protection des civils et les mots concernant la protection devinrent un modèle que l’on utilise toujours aujourd’hui.


Selon l’ancien Président du Conseil de sécurité, des leçons ont pu être tirées de ces événements.  Il a ainsi fait état des décisions positives prises récemment par le Conseil au Mali, en République centrafricaine et en République démocratique du Congo, avec, dans ce dernier pays, la création d’une brigade d’intervention.


Ce qui, a-t-il fait remarquer, n’avait pu être réalisé pour le Rwanda en 1994, puis en 1995 quand le Conseil avait échoué à établir la sécurité dans les camps de la RDC, c’était en raison de l’absence de volonté politique et non des capacités ou des moyens.


M. Keating a conclu en soulignant qu’il était nécessaire pour le Conseil de sécurité et le système des Nations Unies dans son ensemble de disposer de meilleurs mécanismes politiques, opérationnels et financiers pour un véritable travail de prévention.


M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a émis l’espoir que la résolution qui vient d’être adoptée par le Conseil de sécurité contribuera, même à petite échelle, à la prévention d’autres génocides.  Entre avril et juillet 1994, a-t-il rappelé, près d’un million de personnes avaient été massacrées au Rwanda pour le seul crime d’avoir été des Tutsis.  Des Hutus et des étrangers opposés au génocide avaient été également tués et des femmes et enfants avaient été massacrés de manière systématique, a précisé le représentant, qui a ainsi fait état d’un rythme effarant de 10 000 personnes tuées chaque jour.  M. Gasana a ensuite tenu à rappeler la question que s’est posé tout récemment le Ministre rwandais des affaires étrangères: si la communauté internationale avait à sa disposition, comme c’était déjà le cas en 1994, des informations décisives, agirait-elle de manière différente aujourd’hui?  Ce n’était pas en effet l’absence d’informations, ni le manque de qualification juridique du crime commis, pas plus que le manque de financement, qui l’avaient empêché d’agir, mais, a-t-il souligné, l’absence de volonté politique de la part des membres permanents du Conseil de sécurité et du Secrétariat de l’ONU.  Ce dernier avait indiqué, dans le rapport du Secrétaire général, des informations erronées, contraires à celles qu’avaient communiquées depuis le terrain le commandant de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR).  Vingt ans plus tard, l’ONU s’est-elle suffisamment améliorée pour empêcher un autre génocide ailleurs? s’est interrogé, à son tour, le représentant.  « Le Président Kagamé l’a clairement dit: aucun pays en Afrique ou ailleurs ne doit jamais devenir un autre Rwanda.  Pourtant, les scènes terribles qui se déroulent en RCA, en Syrie ou au Soudan du Sud laissent penser qu’il reste encore beaucoup à faire pour que cette Organisation améliore les moyens de répondre à de telles situations. »


M. Gasana a certes reconnu que, depuis la tragédie au Rwanda, l’ONU avait fait des efforts pour mobiliser la volonté politique des États Membres clefs et tirer les leçons qui s’imposaient.  Le renforcement du cadre normatif, la création du Bureau du Conseiller spécial pour la prévention du génocide et l’initiative « Les droits avant tout » en témoignent, de même que l’établissement des tribunaux pénaux internationaux et d’autres mécanismes juridiques.  « Nous espérons que la combinaison de tous ces efforts permettra de dessiner les contours d’une architecture de prévention robuste », a souhaité le représentant, qui s’est toutefois déclaré convaincu qu’il y avait encore beaucoup de travail à fournir.


Par ailleurs, le Rwanda regrette que la Cour pénale internationale (CPI) se prête à des manipulations politiques et à des abus qui vont à l’encontre des objectifs initiaux qui étaient les siens ou que cette juridiction ne soit pas toujours dotée des ressources nécessaires lui permettant de jouer pleinement son rôle.  « On pourrait penser que, 70 ans après sa création, l’ONU aurait dû combler toutes ces lacunes. »  Pour appuyer la réconciliation nationale, la délégation du Rwanda a plaidé en faveur de l’amélioration de la qualité de la gouvernance démocratique et des institutions des droits de l’homme dans les pays.  « Il faudrait investir dans la prévention des crises plutôt que dans leur règlement, a rappelé M. Gasana.  L’ONU doit donc disposer d’une capacité de déploiement rapide, en se dotant par exemple de brigades en attente.  Elle doit aussi investir pour renforcer le rôle des acteurs locaux et régionaux. »  Avant de conclure, M. Gasana a cité le Secrétaire général, lors de sa visite à Kigali le 7 avril: « J’ai moi-même envoyé un message aux représentants des Nations Unies dans le monde entier.  Ce message est simple: lorsque vous constatez que des personnes risquent d’être victimes d’atrocités criminelles, n’attendez pas d’instructions de la hiérarchie.  Dites les choses haut et fort, même si certains peuvent s’en offenser ».  Le représentant s’est félicité que le Conseil de sécurité ait rejeté, de manière catégorique, toute négation du génocide, qui est, a-t-il dit, contraire au devoir de mémoire.


M. ZEID RA’AD ZEID AL HUSSEIN (Jordanie) s’est demandé si les membres du Conseil de sécurité et, en particulier les membres permanents, avaient tiré les leçons du massacre au Rwanda il y a 20 ans.  Il a remarqué qu’au-delà des différences évidentes entre le Rwanda en 1994 et la République centrafricaine en 2014, certains aspects de la manière dont les Nations Unies répondent à ces crises sont, malheureusement, restés les mêmes: la lenteur du déploiement d’une mission, la difficulté à mobiliser suffisamment de pays contributeurs de troupes et les obstacles financiers.  Il a dénoncé la tendance à catégoriser les personnes humaines en se basant sur un seul critère, ce qui est, selon lui, la cause de l’extrémisme ethnique et du nationalisme ethnique.  La plupart des tueurs au Rwanda étaient des personnes ordinaires, a-t-il rappelé, en expliquant que leur comportement était le résultat de circonstances exceptionnelles et de la peur qui déconnecte le cerveau de la réalité.  La peur, basée sur le mensonge et nourrie par une idéologie extrême, réduit la moralité à zéro, a-t-il précisé.  La peur non seulement encourage les actes de génocide mais fait aussi hésiter ceux qui pourraient intervenir.  Ainsi, a-t-il rappelé, la présence du Rwanda au Conseil de sécurité à l’époque du génocide avait fait hésiter le Secrétariat de l’ONU à partager la lettre du général Dallaire du 11 janvier.


M. Al Hussein a exhorté les membres du Conseil à faire preuve de courage pour contribuer davantage au maintien de la paix, en invitant aussi le Secrétariat de l’ONU à avoir le courage de partager la vérité brute.  « Nous devons ensuite avoir le courage de reconnaître la situation et de protéger les civils dans des situations extrêmes, avec ou sans mandat », a-t-il ajouté.  Les méthodes de travail du Conseil de sécurité créent une routine qui est dangereuse, a-t-il estimé.  C’est pourquoi, a-t-il insisté, il est important de reconnaître qu’il n’y a pas d’autre alternative que d’invoquer la compétence de la Cour pénale internationale (CPI).  Le représentant de la Jordanie a annoncé que sa délégation allait présenter un projet de résolution visant à instituer une médaille des Nations Unies pour récompenser un courage extrême.  Le Secrétaire général remettrait cette médaille aux membres du personnel civil ou militaire de l’ONU qui font preuve d’un courage extraordinaire face à un danger exceptionnel et constant, a-t-il indiqué.  Cette médaille sera désignée « médaille Mbaye Diagne » à la mémoire du plus grand héros des Nations Unies, un capitaine sénégalais qui avait sauvé des centaines et peut-être des milliers de Rwandais de la mort.  M. Al-Hussein a aussi proposé que l’Assemblée générale établisse un fonds pour aider les familles des personnes recevant cette médaille.


M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a affirmé que le génocide au Rwanda inspirait non seulement l’horreur mais aussi un profond sentiment de culpabilité.  Il était possible et nécessaire de prévenir de telles atrocités, a-t-il dit.  M. Churkin a rappelé que le peuple russe avait aussi été condamné à l’extermination par les nazis.  Les criminels nazis avaient été condamnés grâce à un nouveau système de justice internationale, a-t-il souligné, en indiquant également l’importance de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.


La Commission d’enquête sur le Rwanda était parvenue à la conclusion d’un échec total des Nations Unies, la communauté internationale ayant manqué notamment de volonté politique, a—t-il déclaré.  La communauté internationale avait trahi le Rwanda, coûtant ainsi la vie à un million de personnes.  Il faudrait continuer de travailler dans le cadre de l’ONU sur les erreurs commises et améliorer, a-t-il dit, en évoquant notamment le mandat de l’ONU en Syrie.


Une politique de conciliation risque d’avoir des conséquences destructrices, a prévenu M. Churkin.  « Nous portons le deuil avec le peuple rwandais et nous devons nous souvenir tous que le monde a besoin de notre travail commun pour relever les défis auxquels il est confronté », a conclu le représentant russe.


M. LIU JIEYI (Chine) a reconnu que l’ONU et le Conseil de sécurité s’étaient mobilisés au cours des deux dernières décennies pour veiller à ce qu’une tragédie comme celle qui s’est produite au Rwanda en 1994 ne se reproduise plus jamais.  Il a, à l’instar d’autres membres du Conseil, insisté sur la nécessité de prévenir et contenir les conflits, qui constitue la manière la plus efficace d’éviter de futurs génocides ou d’autres crimes contre l’humanité.  Pour le représentant, la prévention passe par l’élimination des causes profondes d’un conflit.  « Dans un pays divers sur le plan ethnique, il est nécessaire de promouvoir le dialogue entre différentes communautés et la cohésion sociale. »  Dans ce contexte, a poursuivi M. Jieyi, les États Membres doivent assumer la responsabilité première de protéger leur population civile et la communauté internationale respecter le rôle de chef de file de l’Organisation qui, elle, doit s’appuyer sur ses relais aux niveaux national et régional pour prévenir le pire.  Des progrès économiques et sociaux sont également indispensables pour éviter des conflits et garantir la paix sociale, a-t-il souligné.  « Ce qui s’est produit dans le passé doit être considéré comme une leçon pour l’avenir », a plaidé le représentant, pour qui la communauté internationale doit travailler de concert et tirer les enseignements du génocide rwandais.


« Nous devons apprendre de ce que nous et le monde avions laissé faire en 1994 », a estimé Mme SAMANTHA POWER (États-Unis).  Il y a neuf jours, a-t-elle rappelé, elle s’était jointe à des représentants du monde entier à Kigali pour marquer le vingtième anniversaire du génocide au Rwanda, qui avait causé la mort de plus de 800 000 personnes.  Submergées par la douleur, 200 personnes avaient dû être évacuées du stade où se déroulait la cérémonie, a-t-elle dit, en précisant que c’est dans ce même stade que des milliers de Tutsis avaient été rassemblés pendant le génocide de 1994. 


Concernant les enseignements tirés, aujourd’hui, de cette période tragique, la représentante des États-Unis a estimé que la communauté internationale peut maintenant s’appuyer sur des instruments qui n’existaient pas il y a deux décennies, en citant par exemple la Cour pénale internationale (CPI) ou le déploiement plus souple de mécanismes pour la prévention d’atrocités. 


L’accent est mis sur le devoir de chaque gouvernement de protéger ses citoyens contre les atrocités de masse, les efforts diplomatiques ont été intensifiés pour restaurer la paix au Soudan du Sud, a-t-elle dit, en évoquant en outre les efforts entrepris pour éviter les massacres en République centrafricaine.


La déléguée des États-Unis a également fait état de la situation en Syrie et des violences qui y sont commises, comme l’a démontré la séance informelle de format « Arria » que le Conseil de sécurité a tenue hier. 


Mme Power a insisté sur l’importance de faire preuve de créativité pour déployer de nouvelles technologies, comme le sont les drones en République démocratique du Congo (RDC), de fournir de l’aide à ceux qui sont dans le besoin, de former et d’équiper les Casques bleus qui sont en péril. 


Évoquant à nouveau la Syrie, puis la République populaire démocratique de Corée (RPDC), elle a estimé que l’obstruction n’était pas tenable, la coopération étant une nécessité majeure et stratégique.


M. OH JOON (République de Corée) a déclaré que les tragiques événements survenus il y a 20 ans au Rwanda sont restés ancrés dans la conscience de la communauté internationale.  Sur la base des leçons tirées du génocide, les Nations Unies et les États Membres ont œuvré de concert pour prévenir des actes similaires à travers le renforcement de leurs capacités institutionnelles afin de répondre aux crimes graves contre l’humanité, comme l’illustrent les systèmes nationaux et internationaux de justice pénale.  Cependant, il reste des défis à relever pour que la communauté internationale puisse dire que les leçons du passé ont été pleinement tirées. 


Des efforts supplémentaires doivent être déployés pour réduire l’écart qui persiste entre, d’un côté, les populations exposées à des situations dramatiques et, de l’autre, les aspirations de la communauté internationale à les aider.  C’est pourquoi la promotion de partenariats régionaux avec les organisations non gouvernementales est une option qui mérite d’être explorée, de même que les stratégies visant à éradiquer la culture de l’impunité.  À cet égard, la communauté internationale, a poursuivi M. Oh, doit continuer à soutenir le travail du Tribunal pénal international pour le Rwanda et la Cour pénale internationale.  La responsabilité qui incombe aux États de protéger leurs propres citoyens doit également recevoir une attention supplémentaire et la communauté internationale forger une vision collective et s’engager dans une étroite coopération, a préconisé le représentant.


Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a exprimé ses condoléances aux Rwandais pour le génocide commis en 1994, lequel montre le mal absolu qu’un pouvoir avait pu exercer contre des êtres humains.  Toute tragédie humaine est susceptible de se reproduire, a-t-elle fait remarquer, en soulignant qu’il était donc nécessaire de réfléchir à nouveau sur ce que doit être la construction d’une société. 


Se souvenir du génocide est de lui trouver un sens, d’essayer de comprendre cette frontière qui sépare un passé horrible et un présent où l’on veut honorer la vie, a estimé la représentante.  L’avenir est le présent de la mémoire, a-t-elle dit.


Mme Perceval a ensuite rappelé le rôle joué par son pays en 1994, qui s’était prononcé sans équivoque sur la nécessité de ne pas prendre à la légère la gravité de crimes d’une telle ampleur et d’en punir les auteurs.  La déléguée argentine a également mis l’accent sur la prévention et la lutte contre l’impunité.  De même, a-t-elle estimé, il faudrait changer la constitution du pouvoir qui continue d’être hégémonique et changer les cultures politiques qui sont humiliantes.


La prévention, a-t-elle insisté, passe par le renforcement et non pas la destruction de la Cour pénale internationale, afin que son rôle soit plus efficace et plus cohérent. 


M. GÉRARD ARAUD (France) a rendu hommage à toutes les victimes du génocide, en rappelant que près d’un million d’innocents avaient été massacrés en 100 jours parce qu’ils étaient Tutsis ou s’opposaient à la folie meurtrière.  Il a regretté que le Conseil ait agi trop tard et trop peu, bien que des premiers signes d’alerte aient été lancés, le premier d’entre eux étant la télécopie du général Dallaire du 11 janvier 1994.


« Prévenir, c’est d’abord alerter », a estimé M. Araud, en saluant une première avancée avec la création du Bureau de la prévention du génocide et de la responsabilité de protéger.  « Aux termes de son mandat, qui découle de la résolution 1366 du Conseil de sécurité, il fait office de mécanisme d’alerte rapide pour le Secrétaire général et le Conseil de sécurité », a-t-il précisé, en souhaitant que ce Bureau soit associé davantage aux travaux du Conseil de sécurité.


« Prévenir, c’est aussi agir », a-t-il insisté, en citant l’avancée qui avait été marquée par l’adoption, lors du Sommet mondial de 2005, par les chefs d’État et de gouvernement du principe de responsabilité de protéger (R2P).  Lorsqu’un gouvernement ne peut pas ou ne veut pas assumer son obligation de protéger, c’est à la communauté internationale qu’incombe cette responsabilité, y compris par une action déterminée et en temps voulu, a déclaré le représentant de la France.  Il a précisé que la France était actuellement engagée au Mali et en République centrafricaine, à la demande des autorités et sur mandat du Conseil de sécurité, pour protéger les populations menacées.  « Dans ces pays et en République démocratique du Congo, ce Conseil a confié des mandats robustes de protection des civils, qui faisaient défaut à la MINUAR en 1994 », a–t-il dit en demandant à ce que ces avancées soient consolidées.


« Prévenir, c’est enfin juger », a-t-il encore dit, en se félicitant de l’adoption du Statut de Rome et de l’action du Tribunal pénal international pour le Rwanda.  Soulignant le rôle de la Cour pénale internationale qui est permanente et opérationnelle, M. Araud a estimé qu’il n’y a aucune excuse à l’inaction et que le Conseil a le pouvoir de déférer la situation de la Syrie à la CPI.  Il a ainsi fustigé les paralysies du Conseil de sécurité face à des crimes graves par un usage abusif du droit de veto.  La France, a indiqué M. Araud, travaille actuellement à l’élaboration d’un code de conduite volontaire des cinq membres permanents, visant à la limitation et à l’usage du droit de veto lorsque de tels crimes sont en jeu.  « Nous le devons, notamment, au peuple syrien », a-t-il dit.


La leçon que l’on avait pu tirer au lendemain du génocide rwandais, qui avait conduit à l’extermination de 20% de la population nationale, dont 70% étaient des Tutsis, était que ce crime abominable aurait pu être évité, a déclaré Mme RAIMONDA MURMOKAITÉ (Lituanie).  Elle a cependant fait observer qu’une année plus tard, un terrible massacre était commis à Srebrenica.  Le Sommet mondial de 2005 a permis, s’est-elle félicitée, de s’entendre sur le principe de la responsabilité de protéger (R2P), suivie de la nomination par le Secrétaire général de deux Conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger.  La représentante a estimé que la responsabilité de protéger à laquelle les États Membres s’étaient engagés en 2005 doit être appliquée de manière constante.  Il incombe en premier lieu aux gouvernements de protéger leur population, y compris par le biais d’une éducation aux droits de l’homme et de mesures préventives visant à contrer les messages extrémistes, les discours de haine et toute forme de discrimination.


La représentante a indiqué que l’existence d’institutions nationales légitimes et responsables et de fondations solides en matière d’état de droit, de bonne gouvernance, et de respects des droits humains pour tous était essentielle pour la prévention d’atrocités de masse.  Elle a déclaré que la justice et la responsabilisation devraient être assurées aux niveaux national et international.  À cet égard, elle a particulièrement salué le rôle du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) chargé de poursuivre les auteurs du génocide.  Elle a regretté que trop de criminels échappent encore à la justice à travers le monde.  Tout en saluant l’adoption de cette résolution marquant le vingtième anniversaire du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, la représentante de la Lituanie a souhaité que la communauté internationale prenne conscience de sa responsabilité morale de tout mettre en œuvre pour qu’il n’y ait plus de crimes contre l’humanité au XXIe siècle. 


M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili) a rappelé que, seulement 4 ans après l’adoption de la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Cour internationale de Justice (CIJ) avait décidé que les obligations mises à la charge des États par la Convention de prévenir et de punir ce crime en temps de paix ou de guerre, sont des obligations erga omnes c’est-à-dire qu’elles s’étendent à ceux qui ne sont pas parties à ce texte.  Il a souligné que le génocide germe dans des sociétés divisées qui favorisent un sentiment d’exclusion.  Le non-respect des droits de l’homme est un signal d’alarme qui devrait déclencher une réaction de la part des autorités nationales et internationales, a-t-il dit.  À cet égard, il a salué l’initiative du Secrétaire général « Les droits avant tout », qui réaffirme le rôle central des droits de l’homme dans le système des Nations Unies, ainsi que l’importance du travail du Bureau du Conseiller spécial pour la prévention du génocide et des atrocités massives. 


M. Errázuriz a plaidé en faveur de la diplomatie préventive en recommandant d’utiliser efficacement les mécanismes d’alerte précoce.  À cet égard, il a souligné le rôle important des organisations internationales, régionales et sous-régionales, des dirigeants locaux et religieux, des femmes et des jeunes, de la société civile et des médias.  Il faudrait aussi améliorer les mécanismes de coordination entre ces différents acteurs, a-t-il ajouté.  Il incombe à chaque État de protéger sa population contre les violations massives et généralisées des droits de l’homme, a-t-il rappelé.  Le représentant a ensuite mis l’accent sur le rôle des tribunaux internationaux qui, a-t-il dit, garantissent la responsabilisation et œuvrent contre l’impunité.  Il a rappelé que la Cour pénale internationale avait été créée pour connaître notamment du crime de génocide.  Enfin, il a réitéré la demande faite par sa délégation aux pays dotés du droit de veto pour qu’ils s’abstiennent d’utiliser ce droit dans des situations de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de génocide ou d’épuration ethnique.


M. GARY FRANCIS QUINLAN (Australie) a affirmé que l’inaction de l’ONU en 1994 restait l’une des phases les plus sombres de l’histoire de cette Organisation.  L’autorisation par le Conseil de sécurité d’une nouvelle mission de maintien de la paix en République centrafricaine avec la protection des civils en son centre envoie un message clair selon lequel les atrocités doivent cesser, a—t-il déclaré. 


Le représentant australien a mis l’accent sur la nécessité d’agir pour mettre un terme aux atrocités de masse en Syrie.  Le renvoi de la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale (CPI) n’a que trop tardé, a-t-il estimé.  M. Quinlan a appuyé la proposition faite par la France d’élaborer un code de conduite volontaire des cinq membres permanents, visant à la limitation à l’usage du droit de veto lorsque des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre sont en jeu.


Le travail de prévention doit être délibéré et systématique, a-t-il dit.  En matière de prévention, le chômage des jeunes et, plus largement, la marginalisation de ceux-ci est un défi les plus graves à relever pour les années à venir, a-t-il fait observer, en soulignant également le rôle important de l’éducation.  Enfin, le délégué australien a insisté sur la nécessité de continuer les efforts en vue de mettre fin à l’impunité.


M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a déclaré qu’il ne suffisait pas de se souvenir en cette réunion commémorative du génocide au Rwanda.  Si la responsabilité première de protéger les populations vulnérables incombe aux États Membres, les évènements de 1994 ont montré que lorsque les États ne sont pas en mesure d’agir de manière décisive, la communauté internationale doit le faire à leur place, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.  M. Lyall Grant a ensuite demandé aux États Membres qui ne l’ont pas encore fait de devenir partie à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).  La lutte contre l’impunité, a observé le représentant, a été considérablement renforcée en 20 ans grâce aux activités du Tribunal pénal international pour le Rwanda, a-t-il assuré.  « Grâce à la CPI, nous avons maintenant une juridiction permanente qui peut être saisie par le Conseil de sécurité ou par le Procureur de la Cour lui-même de situations pour lesquelles les États ne peuvent ou ne veulent pas agir. »


Le représentant du Royaume-Uni s’est également félicité de constater que la protection ces civils était devenue la pierre angulaire des mandats des opérations de maintien de la paix actuelles, comme le montre l’exemple de la MINUSCA, créée la semaine dernière.  En outre, la communauté internationale s’est dotée de mécanismes d’alerte précoce, a-t-il dit, tout en faisant observer que l’alerte anticipée demeurait insuffisante.  Chaque État Membre, les membres du Conseil de sécurité et, en particulier, ses membres permanents, doivent faire preuve de volonté politique pour agir rapidement.  Un Conseil de sécurité uni a permis d’éviter des atrocités de masse en Côte d’Ivoire et en Libye, a-t-il rappelé, en déplorant cependant qu’il ait échoué jusqu’à présent en ce qui concerne la Syrie.  « Nous avons les outils pour dire ‘ plus jamais ’, il est temps de se donner les moyens de les user », a lancé le représentant avant de conclure.


Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a déclaré que le génocide de 1994 avait mis en évidence la nécessité pour les Nations Unies de renforcer leurs capacités pour répondre aux violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et d’accorder une attention plus grande à la prévention des atrocités de masse.  Il a été un élément catalyseur pour développer le principe de responsabilité de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité.  Ce principe, que le Luxembourg soutient pleinement, avait été réaffirmé lors du Sommet mondial de 2005.  Depuis 2005, le Conseil de sécurité a invoqué la responsabilité de protéger à plusieurs reprises, le plus récemment pour le Soudan du Sud, le Yémen, le Mali et la République centrafricaine.  Le Conseil doit continuer sur cette voie et donner corps au principe de la responsabilité de protéger dans toutes ses dimensions.


Le Luxembourg réaffirme son plein appui au Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide et à son rôle d’alerte rapide, a assuré la représentante.  Elle a rappelé qu’à l’initiative de sa délégation, le Conseiller spécial avait pu s’exprimer, pour la première fois, devant le Conseil de sécurité réuni en séance publique, le 22 janvier dernier, pour tirer la sonnette d’alarme au sujet de la République centrafricaine.  Les membres du Conseil doivent porter une attention particulière aux signes précurseurs d’atrocités, dans une logique de prévention.  Des efforts soutenus sont nécessaires pour mettre fin à l’incitation à la haine et à l’intolérance.  La mise en œuvre de l’initiative « Les droits avant tout » -« Rights up Front »-, que le Secrétaire général et le Vice-Secrétaire général avaient lancée en décembre dernier, contribuera elle aussi à renforcer la capacité des Nations Unies et de ce Conseil à réagir à temps.  Après avoir rappelé la création du TPIR en novembre 1994 et ses objectifs, Mme Lucas a salué les progrès remarquables réalisés par le Tribunal pour développer une jurisprudence internationale, rendre justice aux victimes, appréhender les fugitifs et juger les personnes responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du droit international humanitaire. 


Elle a terminé en souhaitant que la commémoration du génocide rwandais soit aussi un moment d’inspiration à l’action pour prévenir le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre que ce soit pour la Syrie, le Soudan du Sud ou la République centrafricaine où le Conseil doit tout faire pour être à la hauteur de ses responsabilités.  « Notre objectif doit être de traduire l’impératif moral du ‘ plus jamais ça ’ en action concrète », a-t-elle insisté.


M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) s’est félicité des efforts du Gouvernement rwandais pour la réconciliation et la restauration de la paix et pour la relance économique du pays.  La communauté internationale devrait se doter de tous les outils nécessaires pour éviter l’éclatement de tels événements, a-t-il dit.


Le Document final du Sommet mondial de 2005 met la prévention des crimes au cœur de la responsabilité des États, a-t-il rappelé.  La communauté internationale devrait, a estimé M. Cherif, non seulement évaluer constamment l’efficacité des moyens d’action et se doter d’un système d’alerte précoce.  Tout en faisait observer que si le génocide des Tutsis au Rwanda a pu échapper à la vigilance de la communauté internationale, le représentant tchadien a regretté qu’elle demeure malheureusement encore impuissante à prévenir d’autres crimes de masse dans d’autres parties du monde.


Face à des atrocités commises à grande échelle, il appartient aux États et aux Nations Unies de prendre leurs responsabilités pour y mettre un terme avant qu’il ne soit trop tard, a souligné le délégué tchadien.  Il a également jugé essentiel de mettre en place des systèmes judiciaires solides aux niveaux national et international pour lutter contre l’impunité. 


Mme JOY OGWU (Nigéria) a fait abondamment référence à la notion de la responsabilité de protéger, en rappelant ses trois piliers, tels que définis dans le Document final du Sommet mondial de 2005: il incombe au premier chef à l’État concerné de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique; il incombe à la communauté internationale d’encourager et d’aider les États à s’acquitter de cette responsabilité; et il incombe à la communauté internationale de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour protéger les populations menacées.  Si un État n’assure manifestement pas la protection de ses populations, a rappelé la représentante, la communauté internationale doit être prête à mener une action collective pour protéger ces populations, conformément à la Charte des Nations Unies.  Mme Ogwu a tout particulièrement insisté sur l’importance d’adhérer aux mécanismes d’alerte précoce, qui présentent l’avantage de pouvoir identifier les signes avant-coureurs d’une tragédie comme celle qui s’est déroulée au Rwanda en 1994.  Citant le Secrétaire général lors de la commémoration du vingtième anniversaire du génocide à Kigali le 7 avril dernier, elle a estimé que, « comme les génocides résultent d’une planification minutieuse, les violations des droits de l’homme doivent être considérées comme des précurseurs à des conflits et des atrocités ».  La lutte contre l’impunité et la prévention des atrocités de masse, a assuré en conclusion Mme Ogwu, restent des priorités pour le Nigéria, qui adhère à plusieurs instruments juridiques internationaux.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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