En cours au Siège de l'ONU

CS/11066

Appuyés par le Vice-Secrétaire général de l’ONU, des journalistes demandent au Conseil de sécurité de faire plus pour protéger les professionnels des médias en période de conflit armé

17/07/2013
Conseil de sécuritéCS/11066
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

APPUYÉS PAR LE VICE-SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, DES JOURNALISTES DEMANDENT AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE FAIRE PLUS

POUR PROTÉGER LES PROFESSIONNELS DES MÉDIAS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ


« Il est choquant et inacceptable que

 90% des meurtres de journalistes restent impunis », soulignent de nombreuses délégations


Quatre représentants des médias sont venus dresser, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, un constat accablant des menaces ciblant les journalistes dans les zones de combats, à l’occasion d’un débat public consacré à la protection des civils dans les conflits armés, en particulier des journalistes.


« Aujourd’hui, il n’y a plus aucun respect pour les journalistes de carrière », a expliqué le correspondant de la chaîne américaine NBC, M. Richard Engel, qui couvre les guerres, les révolutions et les transitions politiques dans le monde depuis 15 ans, et qui avait récemment été pris en otage en Syrie.


Auparavant, les journalistes bénéficiaient d’une certaine protection, y compris dans les zones les plus reculées, car leur travail sur le terrain était généralement bien compris.  Maintenant, les journalistes sont tous « des trouble-fête » que l’on range dans une catégorie nébuleuse entre les blogueurs, les militants, voire les combattants armés, a-t-il déploré.


Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), 121 journalistes ont été tués, l’an dernier, dans le monde; plus de 200 ont été emprisonnés et beaucoup d’autres ont été la cible d’actes de violence parce qu’ils exercent ce métier.


« Dans les rues de Mogadiscio, on m’appelle l’homme mort qui continue de marcher », a expliqué le correspondant somalien de l’Agence France Presse, M. Mustafa Haji Abdinur.  « À présent, ce sont les reporters qui, en raison des attaques dont ils sont la cible, font l’actualité », a-t-il fait remarquer.


« Qui peut et veut protéger les journalistes? » a lancé aux membres du Conseil de sécurité, la Directrice exécutive d’Associated Press (AP), Mme Kathleen Carroll, qui dirige les bureaux de cette agence de presse dans 97 pays.


« Je ne peux pas assurer personnellement la protection de mes journalistes », a-t-elle reconnu, en expliquant que leur sécurité n’était ni un sujet politique, ni un cri de ralliement professionnel, mais une obligation vis-à-vis de leurs familles.


« Chaque fois qu’un journaliste est attaqué, c’est un observateur de moins pour faire respecter les droits », a affirmé le Vice-Secrétaire général des Nations Unies, M. Jan Eliasson, qui a rappelé que des médias indépendants et pluralistes étaient les piliers des sociétés viables.


« Le moins que l’on puisse faire, a-t-il insisté, est de mener une enquête et de traduire en justice les responsables de tels actes ».  Plus de 600 journalistes ont été tués au cours de la dernière décennie.  « Il est choquant et inacceptable que 90% de ces meurtres ou assassinats restent impunis », a-t-il lancé.  De nombreuses délégations, dont celle de la France, ont également dénoncé cette impunité.


« Si on ne se préoccupe pas d’arrêter les auteurs des attaques contre les journalistes, cela donne l’impression que les journalistes méritent ces risques et leur situation », a estimé le photo-reporter, M. Ghaith Abdul-Ahad, du quotidien britannique The Guardian.


Ce débat public du Conseil de sécurité a permis à ses membres, ainsi qu’à une quarantaine de délégations, de condamner sans équivoque toutes les formes de violences commises à l’encontre des civils pendant les conflits et, en particulier, à l’encontre des journalistes.


« Les journalistes sont nos yeux et nos oreilles dans les quatre coins du monde.  Ils tirent la sonnette d’alarme sur les tensions qui alimentent une crise ou un conflit, sur des crimes de guerre et d’autres violations », a souligné la représentante des États-Unis.  Elle a également fait remarquer que les femmes étaient de plus en plus la cible des attaques, notamment sexuelles.


Plusieurs délégations ont aussi rappelé que des instruments internationaux pertinents devraient être mis en œuvre, notamment l’article 79 du Protocole additionnel 1 aux Conventions de Genève de 1949, qui stipule que « les journalistes qui accomplissent des missions professionnelles périlleuses dans des zones de conflit armé seront considérés comme des civils et seront protégés en tant que tels ».


Cette responsabilité de protéger en temps de conflit incombe, en premier lieu, aux États, a souligné le représentant de la Fédération de Russie.  La question de la protection des journalistes, a-t-il fait remarquer, figure parmi les priorités de l’UNESCO et est inscrite à l’ordre du jour du Conseil des droits de l’homme. 


« Le Conseil de sécurité doit, quant à lui, limiter l’examen de la protection des journalistes dans le cadre des conflits armés », a insisté le délégué russe.  Ce point de vue a également été souligné par plusieurs États d’Amérique latine, dont le Brésil, l’Équateur et le Venezuela.


L’an dernier, l’UNESCO avait adopté le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes, qui vise à lutter contre l’insécurité de ces professionnels; tandis que le Conseil des droits de l’homme, contribue, à travers divers rapports, à documenter les violences commises à leur encontre.


En 2006, à l’initiative de la France et de la Grèce, le Conseil de sécurité avait adopté à l’unanimité la résolution 1738 (2006) sur la protection des civils dans les conflits armés, visant à prévenir les actes de violence à l’encontre des journalistes.  Par cette résolution, le Conseil condamne, entre autres, toute attaque délibérément perpétrée contre des journalistes et demande à toutes les parties de mettre fin à ces pratiques.


À l’instar d’autres délégations, la France et la Grèce se sont inquiétées, aujourd’hui, des attaques de plus en plus systématiques ciblant les blogueurs, qu’ils soient journalistes professionnels ou simples «  cybercitoyens ».  Le représentant de la Nouvelle-Zélande a estimé qu’il ne suffit plus que le Conseil de sécurité réponde à cette question en invoquant une résolution datant de plus de six ans.  Les journalistes doivent avoir accès à leurs sources d’information et bénéficier d’une protection sur le terrain, a-t-il précisé.


C’est la première fois, depuis l’adoption de la résolution 1738 (2006), que le Conseil de sécurité tient aujourd’hui, sous la présidence des États-Unis, un débat public sur la question de la protection et de la sécurité des journalistes et, surtout, qu’il invite des journalistes à s’exprimer dans ce cadre.



PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ


Protection des journalistes


Lettre datée du 3 juillet 2013, adressée au Secrétaire général par la Chargée d’affaires par intérim de la Mission permanente des États-Unis auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2013/393)


Déclarations liminaires


M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que la liberté d’expression est un droit fondamental énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.  C’est le pilier de toute société viable qui se nourrit de médias indépendants et pluralistes, a-t-il dit.  Au cours de la dernière décennie, plus de 600 journalistes ont été tués, a-t-il fait remarquer, en rappelant qu’il y a à peine 10 jours, un journaliste somalien avait été assassiné.  Ce n’est malheureusement pas un cas isolé, a-t-il dit. 


L’an dernier, rien qu’en Syrie, 41 journalistes ont été tués.  En Iraq et en Afghanistan, 108 journalistes ont été tués depuis 2006, la majorité travaillant pour des médias locaux.  Les attaques dont ils sont la cible prennent aussi la forme d’enlèvements, d’intimidation et d’arrestations illégales.  Les femmes journalistes sont aussi victimes de harcèlement sexuel et de viol, a ajouté M. Eliasson.


Chaque fois qu’un journaliste est attaqué, c’est un observateur de moins pour faire respecter les droits, a souligné le Vice-Secrétaire général.  Le moins que l’on puisse faire est de mener une enquête et de traduire en justice les responsables de tels actes.


Le Vice-Secrétaire général a indiqué que le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, approuvé en avril 2012 à l’initiative de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a pour objectif de créer un environnement libre et sûr pour les médias tant dans les situations de conflit que dans les situations de paix.  Il a ajouté que la nécessité d’assurer la liberté d’expression et l’accès aux médias indépendants avait été mise en exergue dans un rapport relatif au programme de développement pour l’après-2015.  Si le Plan d’action insiste surtout sur la nécessité de renforcer cette protection dans certains pays, il ne faudrait pas non plus négliger cette protection dans les autres pays.


Toutes les entités des Nations Unies sont encouragées à contribuer à cette protection et le Conseil de sécurité peut jouer un rôle important en réagissant lorsque les journalistes sont attaqués, a estimé M. Eliasson.  Il a proposé au Conseil de sécurité d’examiner en particulier les menaces dont sont victimes les journalistes et les atteintes à la liberté d’expression.


« Tous les journalistes, de tous les médias, doivent être en mesure de faire leur travail.  Lorsqu’ils peuvent s’exprimer librement, le monde entier en bénéficie », a-t-il dit avant de conclure.


« Toute personne qui entre dans la rédaction d’Associated Press, au siège de cette agence de presse, à New York, passe devant un large panneau édifié pour rendre hommage aux 31 journalistes tombés depuis la création de l’agence, il y a 167 ans », a expliqué Mme KATHLEEN CARROLL, Directrice exécutive d’AssociatedPress(AP) et Vice-Présidente du Conseil d’administration du Comité pour la protection des journalistes (CPJ).


« Chaque jour, je passe devant ce panneau et j’y vois notamment les portraits de Nazeh Darwazeh, tué en avril 2003 dans la bande de Gaza, de Sahel Ibrahim, tué dans une explosion en Iraq en 2005, d’Ahmed Hadi Naji, mort à Badgad en 2007, d’Anthony Mitchell, décédé au Cameroun dans un accident d’avion », a-t-elle énuméré. 


Nombre de ces journalistes qui ont été tués dans l’exercice de leur métier sont tombés dans des embuscades, ont été attaqués par des foules en colère lors de troubles civils ou ont été tués par des mortiers ou des obus.  « D’autre, encore, sont morts dans des accidents d’avion ou d’hélicoptère, comme mon amie Sharon Herbaugh, la seule femme journaliste à figurer sur ce mur d’honneur », a-t-il ajouté.


« Aujourd’hui, la plupart des journalistes qui meurent à travers le monde ne sont pas pris dans des tirs croisés, ils sont tués à cause de ce qu’ils font », a-t-elle dit.


Plus de 30 journalistes sont tués chaque année et, dans la plupart des cas, les assassins ne sont pas punis.  Selon les conclusions du CPJ, la plupart des journalistes sont assassinés dans leur ville natale en couvrant des sujets tels que le crime ou la corruption et, très souvent, par des gens qui les connaissent et suivent leur travail.


Nombre de dirigeants dans le monde se plaignent que les journalistes sont trop « fouineurs ».  Les journalistes posent des questions ou prennent des photos qui bien souvent, ne plaisent pas aux puissants.  Cependant, les journalistes représentent des citoyens ordinaires.  Une attaque contre un journaliste est une attaque par procuration contre la population, a-t-elle expliqué. 


Aujourd’hui, le produit du travail d’un journaliste est accessible à n’importe quel citoyen, et vise, le plus souvent, à informer sur l’actualité, comme par exemple en Syrie, a-t-elle expliqué.  Ce travail enrichit aussi ce que les journalistes apprennent sur le monde tous les jours.


« Qui va protéger les journalistes de la télévision, de la radio ou de la presse écrite?  Qui veut les protéger? » a-t-elle lancé aux membres du Conseil de sécurité.  « La sécurité des journalistes n’est pas un sujet politique, ni un cri de ralliement professionnel.  « Aujourd’hui, je ne peux pas personnellement protéger tous les journalistes d’AP.  J’essaie de le faire avec mes moyens car, chaque jour, je passe devant ce panneau de portraits et j’ai à l’esprit que ces journalistes tués ont laissé des familles et des enfants derrière eux », a-t-elle dit en conclusion.


M. MUSTAFA HAJI ABDINUR, de l’Agence France Presse (AFP), qui a travaillé comme correspondant en Somalie, a indiqué que, dans les rues de Mogadiscio, on l’appelle un « homme mort qui marche encore ».  « Mon histoire n’est pas unique mais j’ai personnellement eu de la chance », a-t-il reconnu, en soulignant que ce sont bien souvent les reporters qui sont au centre de l’actualité du fait des attaques dont ils font l’objet.  Il a indiqué qu’il y avait eu 18 journalistes tués en Somalie en 2012 et 4 depuis le début de l’année.  Il n’y a pas d’ennemi unique, a-t-il dit, en précisant qu’un responsable de la sécurité peut jeter un journaliste en prison parce qu’il n’apprécie pas ce qu’il écrit ou un jeune garçon peut vous abattre dans la rue.  Parfois les autorités poursuivent en justice les auteurs de crimes contre les journalistes mais, a-t-il regretté, cela est rare.


Pourquoi veut-on être journaliste dans ces conditions? s’est-il interrogé.  M. Abdinur a répondu qu’il était très attaché au droit à l’information et à l’indépendance des médias.  Il a insisté sur la nécessité de prendre des mesures afin de renforcer le système de justice en Somalie.  Comme mesure immédiate, il a proposé de mener des enquêtes impartiales.  Beaucoup de mes confrères ont dû quitter la Somalie à cause du danger auquel ils étaient exposés, a-t-il dit.  Tous mes collègues qui ont été tués étaient motivés par la volonté d’informer la population.  « Nous continuerons à le faire », a-t-il assuré.


M. RICHARD ENGEL, correspondant à l’étranger en chef de la chaîne NBC News, a expliqué qu’il avait couvert plusieurs conflits à travers le monde, été enlevé en Syrie, il y a six mois, et s’était fait, à plusieurs reprises, arrêter par des gouvernements ou s’était vu refuser des visas d’entrée dans des pays. 


Il a ensuite fait part de la confusion qu’il a vécue, il y a quelques semaines, sur la Place Taksim, à Istanbul, en Turquie, tandis qu’il couvrait des affrontements entre une centaine de manifestants et les forces de l’ordre.  « Beaucoup de manifestants couvraient cet événement avec des téléphones portables.  Je me suis posé la question de savoir: qui sont ces personnes?  Sont-elles toutes des journalistes? » a-t-il expliqué. 


Pour M. Engel, la protection des journalistes est une question difficile car elle nécessite de s’interroger sur ce qu’est un journaliste et sur ce qu’est un militant. 


Auparavant, les journalistes étaient un peu comme des diplomates; on considérait qu’ils avaient besoin d’une certaine protection car ils étaient dépêchés dans des endroits reculés, a-t-il rappelé.  « Nous avions un statut moins officiel que les diplomates mais, généralement, notre rôle était bien compris et cela avait fonctionné pendant plus d’un siècle », a-t-il souligné.


« Il y avait, sur la Place Taksim, des journalistes, des blogueurs, des militants, et parmi ces derniers, certains portaient des armes.  J’ai aussi, a-t-il dit, passé beaucoup de temps avec des rebelles en Syrie.  Nombre de ces rebelles avaient des appareils photos, prenaient part aux combats et se considéraient eux-mêmes comme des journalistes », a-t-il poursuivi. 


Il a ensuite illustré un peu plus sa confusion à travers l’exemple d’un militant qui, en Égypte, utilisait Twitter pour critiquer le Gouvernement ou la police et était suivi par 15 000 personnes.  Cette personne est par ailleurs très efficace pour assurer la couverture des évènements et communiquer des informations, a-t-il reconnu.  « Dans ce cas, que faut-il faire si elle est arrêtée?  Est-ce que l’on considère qu’elle est journaliste?  Doit-on la libérer au nom de la liberté d’expression? » a-t-il demandé. 


Aujourd’hui, a conclu M. Engel, « il n’y a plus aucun respect pour les journalistes de carrière ».  « Nous sommes tous des trouble-fête et nous faisons tous partie de cette catégorie nébuleuse. »  Il a suggéré aux membres du Conseil d’envisager deux campagnes: l’une pour protéger la liberté d’expression et l’autre pour protéger les professionnels de l’information.


M. GHAITH ABDUL-AHAD, correspondant au quotidien britannique The Guardian, a fait remarquer qu’on utilisait souvent les journalistes pour faire pression et essayer de faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre.  Il a aussi regretté qu’on ne se préoccupait pas d’arrêter les auteurs des attaques contre les journalistes, ce qui donne l’impression que les journalistes méritent ces risques et cette situation pénible.  « Pourquoi fait-on ce métier?  Pour être témoin de conflits », a-t-il répondu.  « Est-ce de l’orgueil?  Nous préférerions parfois que notre équipe soit remplacée par une équipe d’infirmières mais nous devons cependant être sur place pour réaliser nos reportages », a-t-il dit.


M. Abdul-Ahad a donné le témoignage des accusations injustifiées portées contre lui lorsqu’il avait été arrêté en Libye.  « Le gardien de prison venait me voir pour m’accuser d’être, avec les autres journalistes, à l’origine de la révolution », a-t-il expliqué.  « Mais s’il n’y avait pas de foule dans les rues, on ne viendrait pas! », s’est-il exclamé.  « On préférerait, a-t-il dit, être assis à nos bureaux ».  Il a insisté sur le devoir des journalistes de se rendre sur place en cas de répression dans un pays.


Le journaliste a ensuite dénoncé le sentiment d’impunité qui prévaut lorsqu’on s’attaque à un journaliste.  Lorsqu’il était détenu en Afghanistan, c’est son employeur, The Guardian, qui a obtenu sa libération, tandis que dans le même cas en Libye c’est l’ONU qui a joué un rôle clef pour sa libération.  La réunion d’aujourd’hui est extraordinaire, s’est-il ému, avant de lancer un appel pour qu’on continue à laisser les journalistes faire leur travail dans les situations où leur mission doit être accomplie.


Déclarations


« Les journalistes devraient avoir la liberté de diffuser des informations sans craindre des représailles », a affirmé M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni).  Malheureusement, a-t-il souligné, l’an dernier a été l’une des années les plus sanglantes pour les journalistes et peu de choses ont changé cette année.  Appuyant pleinement la résolution 1738 (2006) du Conseil de sécurité, il a rappelé que toutes les parties en conflit devraient remplir leurs obligations relatives à la protection des civils, y compris les journalistes.  Il a ensuite mis l’accent sur le rôle de la société civile et d’organisations comme le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), qui peut, a-t-il dit, aider les journalistes à se protéger face aux risques liés à l’exercice de leur profession.  Par ailleurs, l’impunité doit cesser à l’égard de ceux qui tuent des journalistes.  Le meurtre, a-t-il rappelé, est l’une des formes les plus atroces de censure.


M. LIMBIYE KADANGHA-BARIKI (Togo) a rappelé que rien que pour l’année 2012, 121 journalistes avaient été tués, et plus de 200 emprisonnés.  Il a ajouté que le meurtre des journalistes en période de conflit armé avait connu une augmentation de 49% en 2012 par rapport à l’année précédente dans les conflits en Somalie et en Syrie, alors que les journalistes sont protégés par des instruments internationaux de droit humanitaire.  Le représentant s’est ensuite félicité de l’organisation, sous l’égide de l’Union africaine, de l’atelier sur la sécurité et la protection des journalistes africains.  Il a suggéré que ce type d’initiative puisse concourir à l’établissement d’un instrument régional contraignant, garant de la protection des journalistes en situation de conflit armé.


Les attaques contre les professionnels de l’information, a estimé M. Kadangha-Bariki, tiennent à des raisons inhérentes à l’inadaptation de la protection aux pratiques de guerre.  Il a précisé ensuite que les avancées des moyens de communication, au cours de ces 20 dernières années, étaient telles que les informations, dans les conflits modernes, sont devenues des « armes » que les belligérants soit convoitent, soit tiennent à détruire en visant les journalistes qui les fabriquent.  Il a indiqué que « l’intention des belligérants de dissimuler les preuves des atrocités les pousse à vouloir contraindre les journalistes au silence, et éviter les poursuites judiciaires ».  Il a également relevé que des journalistes, voulant se protéger, portaient souvent une arme, ou se font accompagner par des hommes armés, diluant ainsi la réalité de la protection dont ils jouissent.  Le représentant a aussi souligné que l’impunité des auteurs d’attaques contre les journalistes explique, pour une large part, la persistance des violations de leur protection en situation de conflit armé.  Il a estimé que la poursuite effective des auteurs de ces violations constituerait une réelle dissuasion pour ces groupes armés non étatiques qui ne se sentent pas liés par les instruments internationaux de protection des journalistes.


M. LI BAODONG (Chine) a souligné les risques énormes que courent les journalistes lorsqu’ils couvrent des conflits armés et condamné tous les actes de violence dont ils sont la cible.  La protection des journalistes dans les conflits armés est une partie importante de la question de la protection des civils dans ces conflits, a-t-il reconnu.  Les journalistes font partie de la population civile et ne prennent pas part aux conflits, a-t-il rappelé.  Il incombe donc à la communauté internationale de protéger les journalistes en cas de conflit armé.  Les États doivent, à titre individuel, assurer la protection des journalistes qui travaillent sur leur territoire, a-t-il ajouté.  Le représentant a également souligné que les parties au conflit doivent respecter leurs obligations en vertu de la Convention de Genève sur la protection des civils.  Il a aussi insisté sur la nécessité de traduire en justice les auteurs d’attaques contre les journalistes.


La Chine se félicite des efforts menés par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et les autres organismes des Nations Unies pour renforcer la protection des journalistes.  Il a aussi appelé les journalistes à respecter les principes d’impartialité et d’objectivité et à éviter de prendre parti dans un conflit.  Le Conseil de sécurité devrait, a-t-il proposé, adopter une stratégie intégrée de prévention des conflits et de consolidation de la paix qui prévoit le renforcement de la protection des civils.  Les peuples du monde placent de grandes attentes dans le Conseil de sécurité qui se doit, par conséquent, de respecter les droits et principes de la Charte de l’ONU. 


M. GARY FRANCIS QUINLAN (Australie), notant que la majorité des victimes parmi les journalistes étaient des personnes employées localement, a regretté que leur meurtre reste souvent impuni.  Ces professionnels des médias sont pourtant les premiers à attirer l’attention sur les violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire, a-t-il dit.  Il a ainsi cité l’exemple de la Syrie, où 42 journalistes ont été tués en 2012, et celui du Mali, où la liberté de la presse n’a plus été respectée en 2012, après le coup d’État militaire.  Ce ne sont pas uniquement les journalistes traditionnels qui sont touchés mais aussi ceux qui utilisent les nouveaux moyens de communication, a-t-il noté. 


Le représentant a appelé les parties à un conflit armé à respecter le droit international visant la protection des civils, en particulier les dispositions spécifiques sur la protection des journalistes.  Le Conseil de sécurité peut faire davantage dans ce domaine, a-t-il estimé.  M. Quinlan s’est félicité, à cet égard, de la résolution du Conseil de sécurité qui a créé l’Opération des Nations Unies en Somalie (ONUSOM) et qui rappelait au Gouvernement somalien son obligation de protéger les journalistes.  Il a suggéré que le Conseil prévoie, dans les mandats des missions de maintien de la paix, la question de la liberté de la presse dans le cadre du soutien aux institutions d’état de droit.  Le Conseil doit aussi examiner les façons de mettre fin à l’impunité, a-t-il ajouté.


M. GÉRARD ARAUD (France) a rappelé que la France avait proposé, il y a plus de six ans, en partenariat avec la Grèce, un projet de résolution sur la question de la protection des journalistes en zones de conflits qui avait donné lieu à l’adoption de la résolution 1738 par le Conseil de sécurité.  Il a ensuite regretté que malgré ces mesures, les persécutions qui s’exercent contre les journalistes n’ont pas diminué, notamment en 2012 qui aura été l’année la plus meurtrière avec des journalistes tués, emprisonnés et parfois torturés.  Il a précisé que les femmes journalistes étaient parfois délibérément visées, victimes de harcèlement et de violences sexuelles.  Il a noté également que les blogueurs, qu’ils soient journalistes professionnels ou simples « cyber-citoyens » sont aussi ciblés de manière de plus en plus systématique.  Le représentant a ensuite souligné qu’en Libye avant, et en Syrie aujourd’hui, les journalistes subissent les persécutions des régimes qui cherchent à les museler.  Il a ainsi rappelé qu’une centaine de journalistes ont été tués en Syrie depuis le début du conflit, parmi lesquels quatre Français.  Il a également évoqué les journalistes français Didier François et Édouard Elias, enlevés en Syrie il y a un mois et toujours détenus.  Il a par ailleurs fait remarquer que les journalistes locaux étaient les plus visés sur tous les terrains de conflits comme c’est le cas en Somalie où cinq journalistes locaux ont été tués depuis le début de l’année.


Il incombe en premier lieu aux gouvernements de protéger les journalistes, a insisté le représentant, en précisant que cela devrait passer notamment par la lutte contre l’impunité pour les auteurs de violences.  « Quatre-vingt-dix pour cent des meurtres de journalistes restent impunis et c’est inacceptable », a-t-il martelé.  Le représentant a donc invité la communauté internationale et, en particulier, le Conseil de sécurité à agir pour la protection des journalistes qui sont, a-t-il dit « les yeux et les oreilles de la communauté internationale ».  Il a suggéré que les opérations de maintien de la paix puissent assurer la protection des journalistes, en tant que « civils menacés ».  Les violences contre les journalistes ne se limitent pas aux situations de conflits armés, a-t-il rappelé, en soulignant que la liberté d’expression doit être respectée partout.


M. VITALY I. CHURKIN (Fédération de Russie) a déclaré que les violences perpétrées contre les journalistes dans les conflits armés étaient inadmissibles, en soulignant que la fonction qu’ils accomplissent était très importante à la fois sur le plan du droit international et sur le plan humanitaire.  Il a rappelé que la protection des journalistes incombait en premier lieu aux parties antagonistes, tout en reconnaissant que les organisations internationales et régionales devraient contribuer à ces efforts.  Les cadres juridiques nécessaires existent déjà et il n’est pas besoin de les réviser, a-t-il estimé, en souhaitant seulement que les pays qui ne sont pas parties aux instruments juridiques internationaux pertinents y adhèrent.  Le représentant s’est félicité que la question de la protection des journalistes figurait parmi les priorités de l’UNESCO et était également inscrite à l’ordre du jour du Conseil des droits de l’homme.  Le Conseil de sécurité doit, quant à lui, limiter l’examen de la protection des journalistes dans le cadre des conflits armés.


Le représentant a regretté que, malgré tous ces efforts, les droits des journalistes soient souvent ignorés, comme lors des frappes aériennes de Belgrade en 1999 et à Tripoli en 2011.  Il a aussi regretté qu’aucune suite n’ait été donnée aux enquêtes mentionnées dans un rapport du Conseil des droits de l’homme sur ces questions.  Le représentant a également dénoncé les livraisons illégales dans le territoire de la Libye en violation de l’embargo imposé par le Conseil de sécurité.  Par ailleurs, il a appelé les représentants des médias à prendre des mesures de prudence pour eux-mêmes et pour les personnes qui les accompagnent.  « Chercher à livrer des informations sensationnelles en dépit du bon sens peut s’avérer très risqué », a-t-il prévenu.


M. KIM SOOK (République de Corée) a salué la résolution adoptée en 2012 par le Conseil des droits de l’homme sur la sécurité des journalistes et appelé à mettre un terme aux attaques contre cette profession.  Il a déploré en particulier la violence dont sont victimes les journalistes en Syrie, où entre 111 et 153 journalistes auraient été tués depuis le début de la crise.  Il a également jugé troublante la situation en Somalie: selon Reporters Sans Frontières, 18 journalistes auraient été tués en 2012.  Il a aussi condamné l’enlèvement, le mois dernier, de la journaliste néerlandaise, Judith Spiegel, et de son mari par un groupe armé au Yémen.


M. Kim a exigé la poursuite en justice des auteurs des actes de violence à l’encontre des journalistes.  Dénonçant l’impunité fréquente dans ce domaine, il a rappelé la responsabilité qui incombe aux gouvernements.  Il s’est aussi inquiété des attaques spécifiques dont sont victimes les femmes journalistes.  Le représentant a ensuite encouragé la coopération entre les institutions des Nations Unies, les États Membres et la société civile lorsqu’il s’agit de la protection des journalistes.  Il a salué, à cet égard, le Plan d’action des Nations Unies pertinent, ainsi que le rôle de la société civile dans sa mise en œuvre.  Enfin, il a souhaité que cette protection bénéficie aux journalistes pris dans leur ensemble, y compris à ceux qui travaillent pour l’Internet et ceux qu’on appelle des « citoyens reporters ».


M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a fait observer que les journalistes, tout en étant parfois au service d’une des parties en conflit, restent et demeurent des civils qui doivent, de ce fait, bénéficier de la protection résultant de leur statut en vertu du droit international humanitaire.  Il a également noté que les journalistes appartiennent à une classe sociale particulièrement vulnérable et exposée aux enlèvements, aux harcèlements, aux intimidations, aux incarcérations et aux morts violentes.  Étant donné que les journalistes sont des civils, leur protection revient de droit au gouvernement du pays en conflit, conformément à la résolution 1738 (2006) du Conseil de sécurité, a-t-il rappelé.  Il a cependant ajouté que la communauté internationale devrait créer un environnement qui offre des mesures incitatives aux gouvernements des pays en conflit, afin que ces derniers puissent véritablement protéger les journalistes en période de conflit. 


Le représentant a par ailleurs décrié la situation internationale défavorable aux journalistes, en mettant l’accent sur la situation des femmes journalistes qui sont encore plus vulnérables.  Il a également regretté le fait que les auteurs de crimes contre les journalistes soient très rarement poursuivis en justice, comme le laissent voir des données du Fonds des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) qui relève qu’en 2012, une proportion d’un crime sur 10 seulement, commis contre des journalistes, a donné lieu à une condamnation dans le monde.  Il a souhaité que la protection des journalistes puisse continuer d’être intégrée dans la stratégie globale de protection des civils en période de conflit, conformément au droit international humanitaire.


Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a précisé qu’« une presse libre témoignait toujours de la vivacité d’uns société démocratique, et inversement, son absence était une marque certaine d’autoritarisme ».  En temps de conflit armé, le rôle des journalistes acquiert encore une autre dimension, car leur travail contribue à faire que le monde sache, a-t-elle indiqué.  Le métier de journalistes s’accompagne de plus en plus de risques mortels, a-t-elle dit, en évoquant le meurtre du journaliste somalien Libaan Abdullahi Farah, tué en Somalie, il y a 10 jours, le sixième depuis le début de l’année.  Elle a également noté que 54 journalistes avaient été tués depuis le début de cette année, tandis que 51 autres sont morts en Syrie depuis 2011.  Des données qui, de l’avis de sa délégation, devraient susciter une attention particulière dans les rapports du Secrétaire général des Nations Unies consacrés à la protection des civils.


La représentante a condamné toutes les attaques physiques ou autres, visant de façon délibérée les journalistes, ainsi que toute forme d’intimidation.  Elle a rappelé que la résolution 1738 du Conseil de sécurité prescrit que les journalistes en temps de conflit armé doivent être considérés comme des personnes civiles et doivent être respectés et protégés en tant que telles.  En cas de violations, les États ont la responsabilité de mettre fin à l’impunité et de traduire les auteurs en justice, a-t-elle ajouté.  Mme Lucas a également encouragé une coopération accrue entre les gouvernements, les organisations internationales, la société civile et les représentants des médias.  « Les journalistes assument leur responsabilité pour protéger la vérité, le Conseil de sécurité doit assumer la sienne en assurant la protection des journalistes », a-t-elle conclu.


M. AGSHIN MEHDIYEV (Azerbaïdjan) a rappelé que le droit international établissait des dispositions claires pour la protection des journalistes et que, par ailleurs, les règles internationales du droit international humanitaire s’appliquaient aux journalistes exposés à des risques dans l’exercice de leur métier en période de conflits armés.  Il a fait remarquer que d’autres efforts avaient été déployés au niveau international, notamment l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 1738 (2006) et du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes.  « La première victime de la guerre est la vérité », a-t-il dit, en rendant hommage au travail des journalistes qui travaillent dans les zones de combats pour informer le monde entier des derniers événements.  Il a estimé qu’il était important que le Conseil de sécurité maintienne son attention sur cette question et rappelle à toutes les parties en conflit qu’elles doivent prévenir les attaques contre les journalistes mais aussi punir les auteurs de violations à leur égard.


M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a salué le travail accompli par les journalistes qui veillent à ce que le monde reste bien informé.  Leur rôle est essentiel pour éclairer notre travail au Conseil de sécurité, a-t-il reconnu.  Le représentant s’est dit constamment préoccupé par les informations concernant les attaques perpétrées contre des journalistes.  Il s’est aussi dit préoccupé par le non-respect des obligations des parties à un conflit en matière de protection des journalistes et, en particulier, les traitements cruels et inhumains dont ils sont victimes.  Si le nombre d’exactions dont sont victimes les journalistes a diminué dans certains pays, la situation de ces professionnels en Somalie et en Syrie ne s’améliore pas, a-t-il observé.  Il a proposé que le Conseil de sécurité prévoie la protection des journalistes en tant que groupe de « civils gravement menacés lors de conflits armés ». 


Le représentant a ensuite mis l’accent sur le rôle réciproque des médias pour assurer la protection des civils, notamment leur rôle de catalyseur pour préserver la paix.  Il faudrait, a-t-il souligné, veiller à ce que les journalistes assument la responsabilité morale de présenter des informations équilibrées et exactes.  Il a rappelé que lors du génocide au Rwanda en 1994, des médias avaient manipulé l’information de manière destructrice pour inciter à la haine, a-t-il rappelé, en citant en particulier une station de radio qui encourageait les citoyens à descendre dans la rue pour tuer ceux qu’ils désignaient de « cafards ».  En même temps, a-t-il reconnu, les médias rwandais avaient été un instrument de réconciliation en établissant des liens entre les peuples.


M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a estimé que l’actualité quotidienne démontrait combien ce débat public était une question des plus pertinentes.  Il a ensuite estimé que la résolution 1738 (2006) du Conseil de sécurité avait contribué à faire prendre conscience du rôle qu’endossent les journalistes et des risques qu’ils prennent dans le cadre de la couverture d’un conflit armé.  Malgré le dispositif international existant, a-t-il fait remarquer, le nombre de victimes parmi les journalistes n’a cessé d’augmenter.  Pour la seule année 2012, 32 journalistes ont été tués.  Il a émis l’espoir que les efforts du Conseil de sécurité puissent mettre davantage l’accent sur la mission particulière des journalistes.


« L’espérance de vie d’un journaliste qui couvre un conflit est déterminée, en raison des risques, tous les 24 heures », a-t-il dit, en citant les propos d’une journaliste africaine.  « La protection des journalistes, particulièrement en temps de guerre, est donc une nécessité car elle traduit des impératifs du droit à la liberté d’expression et du droit à l’information », a-t-il dit.  Le droit fondamental des journalistes à la vie et à l’exercice de leur métier en sécurité et sans contrainte doit être garanti, a-t-il insisté.  Dans ce contexte, il a appelé les États Membres, les organisations de la société civile et les organismes des droits de l’homme à poursuivre leurs efforts en ce sens.


M. SAHEBZADA AHMED KHAN (Pakistan) a invité à examiner la question de la protection des journalistes sous un nouvel angle, à la lumière de la nature de plus en plus complexe des situations de conflit et des frontières de plus en plus floues entre les parties belligérantes dans les conflits armés non internationaux.  Il faudrait aussi faire la différence entre les correspondants de guerre et les journalistes indépendants, et garder à l’esprit les nouvelles tendances que connaît cette profession.  Les journalistes sont des civils, a-t-il rappelé, en citant l’article 9 du Protocole additionnel 1 aux Conventions de Genève.


Il semble que le problème ne réside pas dans le manque de dispositions juridiques internationales mais dans l’incapacité de les appliquer, a fait observer M. Khan.  Il a faudrait s’engager en faveur d’une campagne de sensibilisation coordonnée afin de souligner ces dispositions et les conséquences de leur violation.  Il faudrait également mettre fin à l’impunité dont bénéficient les auteurs des violences à l’encontre des journalistes, a-t-il ajouté.  Pour M. Khan, le Conseil de sécurité pourrait jouer un rôle important en renforçant ces messages. 


Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a souligné que le journalisme était un outil fondamental pour l’exercice de la liberté d’expression et pour faire la lumière sur les violations des droits de l’homme dans les conflits armés.  Pour assurer la protection des journalistes, elle a appelé à respecter le droit international humanitaire et à garantir la reddition de comptes.  Les journalistes qui accomplissent des missions dans les situations de conflits armés, comme le mentionne le Protocole additionnel 1 aux Conventions de Genève, doivent être considérés comme des civils dont on doit assurer la protection, a-t-elle rappelé.  Ce sont des non-combattants qui méritent cette protection pour eux-mêmes et leur matériel, a-t-elle insisté.  La représentante s’est dite très préoccupée par l’augmentation du nombre de journalistes tués.  Elle a émis l’espoir que le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité contribuerait à renforcer les mesures de protection des journalistes pendant et après les conflits.


« On dit souvent que la première victime de la guerre, c’est la vérité.  Aujourd’hui, les personnes chargées d’informer sont les deuxièmes victimes de la guerre », a fait remarquer la représentante de l’Argentine.  Elle a regretté que certains organes de presse essayent de faire des économies en ayant recours à des employés à temps partiel ou intérimaires, s’abstenant ainsi de leur garantir de bonnes conditions de travail.  La précarité de leur travail augmente les risques qu’ils courent et les articles sont payés 70 dollars en dépit des risques graves auxquels ils sont exposés.  Elle a également regretté que 60% des 995 meurtres de journalistes dans les conflits armés restent impunis.  Avant de conclure, elle a rendu hommage au journaliste Robert Cox, qui, dans les années 1970, avait été arrêté après avoir dénoncé les disparitions et les meurtres arbitraires dans son pays.


« Les journalistes sont nos yeux et nos oreilles dans les quatre coins du monde.  Ils tirent la sonnette d’alarme sur les tensions qui découlent d’un conflit, sur des crimes de guerre et d’autres violations », a souligné Mme ROSEMARY DICARLO (États-Unis). 


Ces informations, a-t-elle poursuivi, sont aussi importantes pour permettre au Conseil de sécurité de mener à bien son travail.  Elle a illustré son propos par les reportages sur les crimes de masse en ex-Yougoslavie, dans les années 1990, ou ceux réalisés en Libye, en 2011, et qui ont permis au Conseil de sécurité d’agir rapidement. 


Pour la délégation des États-Unis, la résolution 1738 (2006) rappelle que les journalistes qui travaillent dans les zones de conflits armés sont protégés.  « Compte tenu de la contribution des journalistes à ses travaux, le Conseil de sécurité doit faire tout ce qu’il peut pour assurer leur protection », a-t-elle estimé. 


La représentante a également insisté pour que le Secrétaire général inclut la dimension de la protection des journalistes dans ses rapports et pour que les opérations de maintien de la paix œuvrent à faire en sorte que les responsables et les parties en conflit connaissent leurs obligations en ce qui concerne la sécurité des journalistes.


Mme DiCarlo a ensuite appuyé le Plan action des Nations Unies de 2012 sur la sécurité des journalistes et a encouragé les États Membres à mettre en place des programmes de protection volontaire pour protéger les journalistes dans les zones de conflit.  Elle a, par ailleurs, plaidé pour une approche sexospécifique sur cette question car les femmes journalistes, a-t-elle souligné, sont victimes de violences particulières.


M. LUIZ ALBERTO FIGUEIREDO MACHADO (Brésil) a rappelé que la couverture fiable et indépendante des crises par les médias pouvait attirer l’attention du Conseil de sécurité sur ces situations.  Il a assuré que son gouvernement, qui est membre du Groupe de l’UNESCO chargé de cette question, était engagé à la protection des journalistes.  Le représentant a centré son intervention sur l’importance du respect du droit à la vie privée.  Il s’est inquiété, à cet égard, de la surveillance des conversations privées des journalistes, en estimant que cela pouvait leur faire courir des risques supplémentaires.  La surveillance illégale des communications par les parties qui ne participent pas au conflit va à l’encontre de la transparence et du respect de la vie privée, a-t-il soutenu.  Le représentant du Brésil a aussi plaidé en faveur d’une gouvernance transparente de l’Internet.  Il a ajouté que les programmes secrets de surveillance pouvaient constituer une violation à la fois du droit à la vie privée et de la souveraineté des États.  Les pays membres du Marché commun du Sud (MERCOSUR) ont demandé aux Nations Unies d’aborder cette question et d’élaborer des règles pour garantir le respect de ces droits, a-t-il indiqué.


M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande) a souligné que, parfois, les médias pouvaient contribuer à transformer les conflits et il a insisté sur la nécessité de la présence de médias indépendants dans les zones de combats.  Il a ensuite fait remarquer qu’en observant la liste des journalistes tués en Syrie, cette année, on pouvait constater qu’un grand nombre des victimes n’étaient pas affiliées à des médias d’information traditionnels.  Cette démocratisation de la couverture ne doit pas mener à ce que certains journalistes aient davantage de protection que d’autres, a-t-il insisté.  Le droit international humanitaire, a-t-il rappelé, protège les nouveaux médias, tels que les sites Web, les vidéos en ligne et les blogueurs.  Le représentant a considéré, par ailleurs, qu’il n’était plus suffisant, aujourd’hui, que cette question soit abordée par le Conseil de sécurité à travers une résolution qui date depuis six ans.  « Nous devons tous appuyer les médias en tant qu’acteur important permettant au Conseil de sécurité d’agir de manière préventive », a-t-il estimé.


M. RON PROSOR (Israël) a rappelé que, dans un « Moyen-Orient en flammes », où les peuples réclament le respect de leurs droits démocratiques et libertés, le chaos et la confusion règnent.  Il a rendu hommage aux journalistes qui risquent leur vie pour témoigner de ces situations et qui sont même les cibles d’attaques, de Bagdad à Damas, et de Téhéran à Khartoum.  Il a regretté que les États arabes imposent des restrictions aux voix des journalistes.  Chaque voix doit pourtant se faire entendre, a-t-il estimé.  M. Prosor a assuré que les médias de son pays rendaient compte de tous les aspects de la société.  Les journalistes n’ont pas à y craindre les arrestations et exécutions arbitraires, a-t-il soutenu.  Certains journalistes préfèrent faire des reportages sur les questions qui concernent « la seule démocratie au Moyen-Orient » plutôt que de risquer leur vie ailleurs, a-t-il fait remarquer.  Une société ne peut être véritablement libre si les citoyens ne peuvent pas poser de questions et dire ce qu’ils pensent, a-t-il rappelé.


M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili) s’est félicité que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et le Secrétaire général aient mis l’accent sur le rôle crucial que jouent les journalistes pour dénoncer les souffrances de la population civile dans les conflits armés, comme l’a aussi fait le Conseil de sécurité en adoptant une résolution sur ce sujet en 2006 dans le cadre de la protection des civils dans les conflits armés.  Il a souligné le double problème qui se pose dans ce domaine, à savoir l’insécurité et l’impunité.  Il a déploré que 121 journalistes aient été tués en 2012 et que seulement un sur 10 cas de meurtres de journalistes fasse l’objet d’une enquête.  Il a demandé aux États de mener des enquêtes et de poursuivre en justice les auteurs de ces violences.  Il a appuyé le travail du Conseil des droits de l’homme dans ce domaine.  Il n’est pas nécessaire, a-t-il estimé, d’adopter de nouvelles normes internationales dans ce domaine mais plutôt de veiller à l’application de celles qui sont existent déjà.


Mme RAIMONDA MURMOKAITÉ (Lituanie) a salué le travail important des journalistes et des blogueurs pour défendre les libertés fondamentales, en particulier dans les zones de conflit.  Les journalistes de l’Internet ont été frappés plus durement qu’auparavant, a-t-elle remarqué.  Notant avec inquiétude que l’impunité règne dans ce domaine, elle a demandé à tous les États de garantir la sécurité des civils et en particulier des journalistes.  Le Ministre des affaires étrangères de la Lituanie a mis au premier plan la protection des journalistes, a-t-elle indiqué. « Notre expérience à l’OSCE a renforcé notre conviction sur l’importance des organisations régionales dans ce domaine », a-t-elle dit.  Avant de conclure, la représentante a demandé au Secrétaire général d’inclure des dispositions sur la protection des journalistes dans ses rapports sur la protection des civils dans les conflits armés.


M. THOMAS MAYR-HARTING (Union européenne) s’est dit très préoccupé par les actes de violences dont les journalistes, y compris les blogueurs, sont de plus en plus la cible au cours d’un conflit armé.  Ces actes, a-t-il précisé, sont commises par différentes parties en conflit, dont des acteurs non étatiques.  Il a également mis en évidence le fait que les femmes journalistes sont exposées à des violences sexuelles.  Le délégué de l’Union européenne s’est aussi inquiété de la tendance à limiter l’accès aux infrastructures permettant aux journalistes de travailler.  Il a demandé à tous les États Membres d’assurer aux journalistes une protection et de leur permettre de faire leur travail sans entrave.  M. Mayr-Harting a encouragé le Conseil de sécurité à aborder davantage la question de la protection des journalistes, y compris lors de déclarations publiques et il a demandé au Secrétaire général de souligner la sécurité des représentants de la presse dans ses rapports sur les situations de conflit. 


M. MASUD HUSAIN (Canada) a rendu hommage à deux journalistes canadiennes tuées dans l’exercice de leurs fonctions, Michelle Lang, tuée en Afghanistan, et Zahra Kazemi, décédée dans une prison iranienne après avoir été arrêtée pour avoir pris des photos de la prison où elle avait été ensuite enfermée à Téhéran.  Le Canada condamne les attaques dirigées intentionnellement contre des journalistes et le personnel des médias, a déclaré le représentant.  Ce sont des attaques contre des civils, a-t-il précisé, avant d’appeler à traduire en justice les responsables de ces actes haineux.  Les journalistes ont aussi le devoir de ne pas prendre de risque inutile, a-t-il ajouté.  Le Canada, a-t-il assuré, travaille avec des partenaires clefs dans le but d’améliorer la liberté d’expression dans le monde.


M. GERHARD THALLINGER (Autriche) a souligné que les travaux du Conseil de sécurité dépendaient également des informations indépendantes et précises fournies par les journalistes.  Il a ensuite fait remarquer que la Syrie était, cette année, en tête de liste des pays les plus meurtriers pour les journalistes, tout en demandant de ne pas oublier les journalistes qui sont tués en dehors des zones de combats parce qu’ils écrivent sur des affaires locales.  Le représentant a ensuite estimé que le Conseil pouvait bénéficier des contributions importantes du Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. Frank La Rue, en particulier en l’invitant à participer à des débats publics comme celui d’aujourd’hui.


M. EDUARDO ULIBARRI-BILBAO (Costa Rica) a noté que les agressions délibérées commises contre les journalistes visaient à neutraliser leurs sources d’information et à porter atteinte au caractère privé de leurs communications.  Les entraves au droit à la liberté d’expression, notamment la torture et l’assassinat de journalistes, ont pour but d’empêcher que la société puisse être informée de façon indépendante, a-t-il expliqué.  Il a aussi remarqué que les agressions sur des journalistes étaient souvent des actes de représailles.  Il s’agit d’une méthode perverse de répression, a-t-il estimé.


Le représentant a demandé à la communauté internationale de protéger les journalistes et demander des comptes à leurs agresseurs.  Cette responsabilité s’étend à tout le système des Nations Unies.  Il a salué le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, ainsi que le rôle de l’UNESCO qui a élaboré, puis rendu l’application de cette initiative plus dynamique.  Les efforts des organisations professionnelles et organisations de la société civile qui œuvrent en faveur de cette protection doivent être soutenus, a-t-il estimé.  Avant de conclure, il a rappelé que son pays avait accueilli, en mai dernier, la célébration par l’UNESCO de la Journée mondiale de la liberté de la presse, en organisant une conférence sur ce thème.


Mme DRAGANA ANĐELIĆ (Bosnie-Herzégovine) a estimé que, chaque jour, les Nations Unies déployaient des efforts pour protéger les civils lors des conflits armés.  Elle a réaffirmé l’engagement de son pays à protéger les civils et à promouvoir la mise en œuvre de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité à cet égard.  « Il n’y a aucune justification au fait que des groupes armés attaquent des civils », a-t-elle insisté.  Par ailleurs, les journalistes et autres professionnels des médias font souvent l’objet de pressions particulières, a-t-elle reconnu, en appelant à la nécessité, pour toutes les parties armées à un conflit, de respecter leur obligation de les protéger.  Elle a ensuite appuyé l’idée de fournir, dans les rapports du Secrétaire général sur les situations de conflit, des informations plus détaillées sur la protection des journalistes.  Elle a, par ailleurs, rappelé que la Bosnie-Herzégovine avait, dans les années 1990, et même après, terriblement souffert de la rhétorique enflammée incitant à la guerre civile.


M. PAUL SEGER (Suisse) a indiqué qu’il avait récemment accordé un entretien au journaliste Patrick Vallélian, qui avait survécu miraculeusement à un incident à Homs, en Syrie, tandis que son collègue français, Gilles Jacquier, y avait perdu la vie.  Il a souligné que l’incident en question avait toutes les apparences d’un piège.


Le représentant a ensuite estimé que l’impunité, qui est souvent un corollaire de la portée politique du travail des journalistes, pouvait être considérée comme l’une des principales causes des attaques répétées dont ils sont victimes.  « Les médias ne peuvent être libres si les journalistes sont délibérément pris pour cibles ou si leurs agresseurs restent impunis », a-t-il insisté.  Il a conclu en soulignant que tant que les journalistes continueront d’être harcelés ou même tués, en raison de leur travail, la liberté des médias ne restera qu’un vain mot.


M. HUSSEIN HANIFF (Malaisie) a rappelé que les journalistes étaient des civils qui doivent être protégés en temps de conflit armé en vertu du droit international.  Les auteurs d’attaques contre ces professionnels, a-t-il insisté, ne peuvent pas rester impunis.  Soulignant le caractère unique du travail accompli par les journalistes, il a reconnu que les journalistes travaillaient souvent dans des situations dangereuses.  Il incombe donc aux États de garantir la sécurité des journalistes dans les zones de conflit, a-t-il estimé.  Il a demandé aux responsables des médias de mieux préparer leurs journalistes et autres professionnels dépêchés sur le terrain à faire face à des situations extrêmes.  Le représentant s’est dit choqué par le fait que les journalistes sont de plus en plus victimes de la violence.  Les Nations Unies, a-t-il estimé, ont un rôle important à jouer pour lutter contre l’impunité dans ce domaine.  Les progrès réalisés en matière de communication devraient permettre d’améliorer la sécurité des journalistes, a-t-il ajouté. 


S’il a reconnu la responsabilité des parties à un conflit de protéger les journalistes, M. NKOLOI NKOLOI (Botswana) a néanmoins tenu à insister sur celle des États qui sont tenus de mettre en place les mesures visant le respect et la protection du travail journalistique.  Il les a donc invités à mettre au point des lois punissant sévèrement les violations des droits de l’homme, comme le prévoient les Conventions de La Haye et de Genève et leurs Protocoles additionnels.  Le représentant a tout de même tenu à dire qu’avant de « dépêcher » les journalistes dans les zones de conflit, les médias qui les emploient devraient, au préalable, les préparer à faire face à des situations extrêmes.  Les conseils doivent aussi être offerts à leurs familles et autres structures d’appui pour les aider à mieux se protéger en travaillant dans un environnement à risques.  Appelant à une coopération entre les États, le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale (CPI), le représentant a particulièrement appelé le Conseil de sécurité à faire sa part et à, « peut-être plus vigoureusement », saisir la CPI de toutes les situations qui menacent la paix et la sécurité internationales.  La CPI, a-t-il insisté, est la seule juridiction internationale habilitée à lancer des enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.


M. MIGUEL CAMILO RUIZ BLANCO (Colombie) a affirmé que son pays œuvrait à la protection et à la promotion de la liberté de la presse.  Le Président colombien, M. Juan Manuel Santos, qui a une formation de journaliste, a précisé le représentant, s’est engagé à plusieurs reprises à cet égard, afin de prévenir toute menace qui porterait atteinte à la liberté et à l’indépendance des journalistes.  


Les journalistes qui couvrent les conflits exercent le droit fondamental des citoyens à fournir des informations sur les crises qui donnent lieu à des violences.  Dans ce contexte, la Colombie interprète l’intérêt du Conseil de sécurité sur cette question comme un travail complémentaire à celui réalisé par des institutions spécialisées qui ont, notamment, la compétence d’agir à cet égard, telles que l’UNESCO et le Conseil des droits de l’homme, a-t-il précisé. 


Il a, par ailleurs, indiqué que son gouvernement avait mis en œuvre des mesures destinées à protéger les journalistes dans des environnements où se trouvent des éléments violents, comme cela a été le cas en Colombie.  Ce traitement particulier des journalistes est basé sur l’article 20 de la Constitution, garantissant notamment le droit de tout citoyen à la liberté d’expression et d’opinion, ainsi que le droit à être informé de manière impartiale ou à établir des médias de masse.


M. MICHEL SPINELLIS (Grèce) a souligné que les États disposaient des instruments juridiques nécessaires à la protection des journalistes dans les conflits armés.  Il a cité la résolution 1738 du Conseil de sécurité et le droit international humanitaire, dont la quatrième Convention de Genève et son Protocole additionnel 1.  Il s’est particulièrement félicité du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.  Outre les États, le rôle de la société civile est crucial, a-t-il dit, en soulignant celui de l’ONG « RISC-Reporters Instructed in Saving Colleagues », créée après la mort de Tim Hetherington, un photographe américain tué alors qu’il couvrait le conflit en Libye en 2011.  Le représentant a conclu en rappelant qu’en collaboration avec l’UNESCO et le Costa Rica, son pays avait organisé, pour la deuxième fois consécutive, au mois de mai dernier, une manifestation sur la protection des journalistes, à l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse. 


M. RYSZARD STANISŁAW SARKOWICZ(Pologne) a souligné le rôle crucial que jouent les journalistes dans les processus démocratiques.  Ils sont, a-t-il dit, « les yeux et la voix de la société civile ».  Les citoyens journalistes ont beaucoup contribué aux changements politiques en Tunisie et en Libye, a-t-il remarqué.  À cet égard, le représentant a souhaité que la protection des journalistes bénéficie à tous les fournisseurs de nouvelles, professionnels et non professionnels, ainsi qu’aux sources des journalistes.


La Pologne soutient les activités menées en faveur de la liberté d’expression, a-t-il dit, mentionnant par exemple les ateliers sur les leçons apprises par les journalistes en matière de démocratie que son pays a organisés sur les leçons apprises par les journalistes en matière de démocratie.  Le représentant a salué les efforts entrepris en 2012 dans ce domaine, notamment avec l’adoption du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.  La Pologne travaille sur les dispositions internationales applicables en la matière en vue d’améliorer la sécurité du personnel de presse, a-t-il ajouté.  M. Sarkowicz a aussi mentionné une conférence internationale sur la sécurité des journalistes, organisée récemment à Varsovie, par les ambassades de l’Autriche et de la Suisse.


M. HERMAN SCHAPER (Pays-Bas) a indiqué que son pays avait décidé d’encourager « l’utilisation de nouveaux moyens pour faire du journalisme » et de contribuer ainsi à la protection de « ses messagers ».  Les encouragements consistent, entre autres, à financer le développement du « StoryMaker APP », qui est une application permettant aux citoyens ordinaires et aux journalistes professionnels dans les zones de conflit à raconter immédiatement leur histoire par téléphone portable à des millions de personnes dans le monde sans pour autant compromettre le caractère privé et la sécurité de leur propre équipement informatique.  L’APP comprend aussi un guide de formation interactif à une couverture indépendante et sans risques.  L’application est gratuite et peut être téléchargée à partir du site. 


En matière de protection, les Pays-Bas ont créé la « Freedom Online Coalition », qui est une coalition interrégionale de 21 pays datant de 2011.  Elle s’est engagée à faire respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales et plusieurs de ses membres ont ainsi créé « Digital Defenders Partnership » pour promouvoir des solutions innovantes pour maintenir l’accès à l’Internet.  Le Partenariat appuie aussi les journalistes, les blogueurs et les cyberactivistes qui se trouvent menacés et facilite le déploiement de « l’internet d’urgence » dans les pays où il n’existe pas d’accès à l’Internet.  Les Pays-Bas sont prêts à collaborer avec les membres du Conseil pour assurer une meilleure protection des journalistes courageux qui veillent à ce que « la vérité ne soit pas la première victime des conflits », a-t-il dit avant de conclure.


M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a affirmé que le Gouvernement syrien veillait à tenir informé de la situation qui prévaut actuellement dans le pays.  Il a assure que près de 160 journalistes avaient été autorisés à entrer en Syrie entre les mois de mars et mai 2012.  Le Gouvernement syrien a, par ailleurs, exhorté les journalistes à ne pas accéder au territoire syrien de manière illégale car cela les exposait à des dangers.  Il a regretté que cette recommandation n’ait pas été entendue par certains.  Des journalistes s’infiltrent en Syrie de manière illégale et avec l’aide de groupes terroristes, a-t-il dit.


Le représentant a ensuite expliqué que des groupes terroristes avaient visé des journalistes étrangers, tout comme des journalistes syriens.  « Ce matin, M. Engel n’a pas dévoilé l’identité de ses ravisseurs mais il s’agissait de groupes terroristes, qui détiennent encore deux journalistes français », a-t-il affirmé.  Le représentant a également fait remarquer que son gouvernement avait collaboré avec le Croissant-Rouge syrien pour localiser les journalistes enlevés.  Il a aussi fait remarquer que des médias syriens avaient été la cible de mesures visant à les museler et que des infrastructures des médias avaient fait l’objet d’assauts de la part de groupes armés.


M. ASOKE KUMAR MUKERJI (Inde) a, à son tour, reconnu que la protection des journalistes, quelle que soit la situation dans laquelle ils travaillent, incombe en premier lieu aux États.  Il a néanmoins tenu à rappeler « certaines précautions de base ».  Les journalistes, a-t-il dit, doivent opérer conformément aux lois des pays qu’ils couvrent, s’ils veulent profiter pleinement de la protection qu’offrent ces lois.  L’entrée des journalistes dans une zone de conflit doit se faire légalement, a rappelé le représentant, en soulignant la nécessité pour les journalistes d’observer une stricte neutralité et impartialité, afin d’éviter de devenir eux-mêmes parties au conflit. 


Si les journalistes prennent ces simples précautions, a estimé le représentant, il sera plus aisé pour les États de les protéger, de faciliter leur travail et de faire en sorte qu’ils deviennent un catalyseur du règlement du conflit et de la consolidation de la paix.  Les efforts du Conseil de sécurité et de la communauté internationale, a-t-il estimé, doivent, avant tout, avoir pour objectif d’aider les autorités nationales à améliorer leurs mécanismes de protection des journalistes et à générer une plus grande sensibilisation à ces questions.  Pour les États, c’est la manière la plus viable d’assumer leur responsabilité de protéger les journalistes dans les situations de conflit, a conclu le représentant.


M. ABDOU SALAM DIALLO (Sénégal) a déploré que les professionnels des médias continuent de faire l’objet de traitements les plus inacceptables et rendu « un vibrant hommage à tous ces martyrs ».  Ces professionnels jouent un rôle crucial dans la manifestation de la vérité en période de conflit armé, a-t-il noté, car ils contribuent à la prise de conscience par la communauté internationale.  Il a prôné une approche inclusive capable de renforcer la protection des acteurs de la presse et la reddition de comptes pour les responsables de telles exactions.  Il a salué, à cet égard, la pertinence du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité.


M. Diallo a proposé d’aider les gouvernements qui en ont besoin à se doter des instruments juridiques et institutionnels nécessaires à la poursuite des responsables d’actes de violence contre les journalistes.  Ces mesures devraient être corroborées par l’engagement des professionnels des médias à prévenir ou limiter les risques encourus, a-t-il ajouté.  M. Diallo a également invité le Conseil de sécurité à renforcer son action en faveur de la protection des journalistes, notamment en mettant à la disposition des missions de maintien de la paix des Nations Unies les moyens humains, techniques et juridiques nécessaires à cette protection. 


M. DAVID ČERVENKA (République tchèque) s’est dit très préoccupé par l’escalade des violences commises à l’encontre des journalistes et a salué les efforts réalisés dans le domaine de la promotion de la sécurité de ces professionnels des médias tant par l’UNESCO que par le Conseil des droits de l’homme.  Il est tout à fait crucial que les États Membres respectent et garantissent le respect des instruments internationaux pertinents, notamment l’article 79 du Protocole additionnel 1 aux Conventions de Genève de 1949, qui stipule que les journalistes qui accomplissent des missions professionnelles périlleuses dans des zones de conflit armé sont considérés comme des personnes civiles.  Il a rappelé que le Conseil de sécurité avait mis en exergue ce principe, de manière unanime, en adoptant sa résolution 1738, en 2006.


Mme SIGNE BURGSTALLER (Suède), s’exprimant également au nom du Danemark, de la Finlande, de l’Islande et de la Norvège, a souligné le rôle crucial des journalistes dans la compréhension des situations de conflits et a assuré que les pays nordiques étaient déterminés à garantir leur protection.  La présence des journalistes permet souvent d’éviter des atrocités, a-t-elle souligné.  Compte tenu de la détérioration de la situation des journalistes au cours de la dernière décennie, les pays nordiques se félicitent de l’adoption du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité, qui vise une plus grande coopération entre les organismes des Nations Unies, les États Membres et les autres parties prenantes.  Elle s’est également félicitée de l’adoption d’une résolution par le Conseil des droits de l’homme sur la sécurité des journalistes, en septembre 2012. 


« La communauté internationale doit exiger le respect de l’obligation de protection des journalistes en vertu du droit international humanitaire », a souligné la représentante.  Dans ses résolutions, le Conseil de sécurité doit envoyer un message clair qu’aucune violation contre les civils et les journalistes ne sera tolérée, a-t-elle demandé.  Les crimes commis contre les journalistes ne doivent pas restés impunis, a-t-elle insisté, en rappelant, à cet égard, la nécessité de régler les problèmes de corruption, de combattre la criminalité transnationale organisée et de garantir l’état de droit.  Mme Burgstaller a aussi estimé qu’il faudrait former les forces armées aux questions relatives à la protection des journalistes.  La Suède, en coopération avec d’autres pays, a pris des mesures pour contribuer au renforcement de cette protection, a-t-elle assuré.


M. XAVIER LASSO MENDOZA (Équateur) a d’abord rappelé qu’il incombait aux États Membres d’assurer la protection de leurs populations civiles.  « Cette protection, a-t-il dit, doit être assurée à chacun, quelle que soit la profession qu’il ou elle exerce ».  Il a ensuite appelé les États Membres à faire preuve de prudence afin d’éviter de porter de jugement hâtif sur la mort d’un journaliste en la qualifiant d’atteinte à la liberté d’expression alors qu’en réalité, c’est parfois la conséquence d’un acte de délinquance.


Le représentant a rappelé que la protection des journalistes en période de conflit armé était régie par le droit international humanitaire.  Il a appelé à respecter les mandats respectifs des différents organes des Nations Unies afin d’éviter tout double emploi dans les efforts entrepris dans ce domaine.


« C’est le Conseil des droits de l’homme qui est habilité à travailler sur les questions ayant trait à la protection des journalistes, a-t-il fait remarquer, en précisant que cet organe disposait des mécanismes de suivi ».  Le représentant a mis en garde contre le risque de « politiser » cette question en la portant, a-t-il dit, « devant un organe hautement politique tel que le Conseil de sécurité ».


M. JULIO ESCALONA (Venezuela) a réitéré l’appui de sa délégation à la protection des journalistes dans les conflits armés, tout en rappelant que cette responsabilité incombait aux États souverains qui doivent agir dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international humanitaire.  Le rôle des Nations Unies lors d’un conflit armé doit être neutre, objectif et impartial, a-t-il souligné.  M. Escalona a parlé de la Brigade d’intervention déployée pour neutraliser les groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo, en émettant la crainte qu’elle puisse créer un précédent dangereux.


Le représentant a aussi remarqué l’utilisation de drones dans les conflits armés et émis l’espoir qu’ils ne seraient pas utilisés comme instruments de guerre.  Il semble qu’on puisse tout faire au nom de la protection des civils, a-t-il dit.  Lorsqu’on parle de la protection des journalistes, on parle non seulement des journalistes professionnels mais aussi de tous ceux qui, depuis chez eux ou leur lieu de travail, dénoncent les violences dans leur pays, a-t-il fait observer.  Il par ailleurs dénoncé les médias qui attisent la haine.  Citant les cas d’Edward Snowden et de Julian Assange, il a estimé que ces deux personnes étaient des professionnels de la communication et méritaient, à ce titre, une protection.


M. JUN YAMAZAKI (Japon) a souligné que Conseil de sécurité, à qui incombe la responsabilité de la paix et de la sécurité internationales, doit entendre directement les témoignages des journalistes qui ont travaillé sur le terrain en période de conflit armé.  Les attaques contre les journalistes constituent des attaques à la liberté d’expression, a-t-il affirmé.  Grâce à leur travail courageux, les journalistes mettent en évidence les violations des droits de l’homme et les crises humanitaires.  Les journalistes ne sont pas seulement des défenseurs de la liberté d’expression, mais ils jouent aussi un rôle important pour établir les fondations de la démocratie. 


M. Yamazaki a appelé à lutter plus activement pour mettre fin à l’impunité dont bénéficient les auteurs de violences à l’encontre des journalistes.  Lorsque des journalistes japonais avaient été tués, le Gouvernement japonais avait demandé des informations aux pays concernés et exigé que justice soit rendue, a-t-il dit.  Le représentant a ensuite attiré l’attention sur le cas des journalistes qui n’opèrent pas dans des situations de conflit armé mais qui se trouvent malgré tout en grand danger dans l’exercice de leur profession.  Le Conseil de sécurité devrait trouver des moyens pour mieux protéger les journalistes en période de conflit et encourager les bonnes pratiques dans le domaine de leur protection.


M. YEHOR PYVOVAROV (Ukraine) a tenu à rappeler que plus de 20 journalistes ukrainiens avaient perdu la vie dans l’exercice de leur profession sur les lignes de front.  De l’avis de sa délégation, le débat public d’aujourd’hui devrait être axé sur la question suivante: « Comment les Nations Unies et, en particulier, le Conseil de sécurité, peuvent-ils davantage contribuer à assurer la protection des journalistes face aux violences et préserver leur sécurité dans les points les plus chauds du globe? »


Rappelant que son pays appuyait fermement le Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes, le représentant a plaidé pour un renforcement de la coopération avec les ONG professionnelles qui contribuent à améliorer la sécurité des représentants des médias.  Par ailleurs, il a estimé que l’un des aspects les plus complexes de la protection des journalistes était l’absence de mécanisme de suivi et de mise en œuvre des instruments internationaux portant sur cette question. 


Il est essentiel, a souligné le représentant, de faire une distinction, au niveau de l’ONU, entre les activités journalistiques menées en période de conflit, d’une part, et les activités d’espionnage, d’autre part.  Il a fait remarquer que, dans plusieurs pays, des allégations d’espionnage avaient servi à justifier des détentions arbitraires ou à refuser l’accès à des zones de combat.  


SHEIKH MESHAL HAMAD M.J. AL-THANI (Qatar) a rappelé que la présence de journalistes professionnels dans une zone de conflit était essentielle pour informer sur la réalité sur le terrain.  Le travail des journalistes permet de transmettre la vérité, aussi bien en temps de paix qu’en période de conflit, a-t-il estimé.  Notant une augmentation des attaques perpétrées contre les journalistes, il a dénoncé, en particulier, les attaques commises contre les journalistes syriens, ainsi que celles contre les journalistes travaillant dans les territoires palestiniens occupés.


Un journaliste ne peut s’acquitter de sa noble tâche que s’il peut travailler en toute liberté et s’il peut avoir accès à toutes les régions, a expliqué le représentant du Qatar.  Il a indiqué que son pays avait organisé, en janvier 2012, une formation sur les journalistes dans les zones dangereuses.  La protection des journalistes dans les zones de conflit constitue une priorité pour la sécurité dans le monde, a-t-il insisté, en exigeant que les forces d’occupation respectent la liberté des journalistes.  Le représentant a enfin demandé de lutter contre l’impunité à l’égard des personnes responsables des attaques contre les journalistes.


M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a axé son intervention sur le risque de voir l’information utilisée comme un instrument de propagande de la part de grandes chaînes commerciales internationales.  Il a illustré son propos en citant la manipulation d’images qui montrait des rebelles arrivés sur une place en Libye alors qu’il s’agissait, en réalité, d’une mise en scène, a-t-il expliqué.  « Ce genre de manipulation expose également les journalistes à des risques », a-t-il prévenu.  Revenant notamment sur les déclarations des représentants du Brésil et de l’Équateur, il a considéré, à l’instar de ses homologues, que la surveillance et l’espionnage à grande échelle avaient mis à mal les sources des journalistes et les exposaient à des dangers sans qu’ils puissent prendre de précaution.


M. RICHARD NDUHUURA (Ouganda) a souligné la nécessité de redoubler d’efforts collectifs visant à résoudre pacifiquement les conflits et à protéger les civils.  Les parties aux conflits armés devraient respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme, a-t-il rappelé.  Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels constituent, a-t-il souligné, une bonne base pour la protection des civils et, en particulier, des journalistes.


Le représentant a dénoncé les attaques commises contre les journalistes, qui ont coûté la vie à 121 d’entre eux en 2012.  Reconnaissant que la plupart des journalistes s’acquittaient de leur mission avec professionnalisme et objectivité, il a signalé que certains avaient cependant pris parti dans un conflit et s’étaient engagés dans des activités incompatibles avec leur statut, notamment l’espionnage.  Il a averti du risque qu’ils courent, ainsi de la perte de leur statut de civil, qui est essentiel pour leur protection.  Avant de conclure, le représentant de l’Ouganda s’est félicité de l’adoption du Plan d’action des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité et il a dit attendre avec intérêt sa mise en œuvre.


M. LEVENT ELER (Turquie) a souligné que les reportages envoyés du front nous rappellent l’importance de préserver la paix et la sécurité internationales.  Il a salué le travail précieux des journalistes et du personnel de presse, malgré des conditions souvent dangereuses.  Prenant l’exemple de la Syrie, il a expliqué qu’en tant que pays voisin, la Turquie était devenue une plaque tournante pour les journalistes qui se rendent dans ce pays.  « Nous faisons notre possible pour faciliter leur travail », a-t-il assuré.  Il a également assuré que la Turquie donnait aux journalistes l’accès aux camps de réfugiés syriens se trouvant sur son territoire.  La Turquie, a-t-il ajouté, a fourni son assistance aux journalistes nationaux ou étrangers qui ont été enlevés ou blessés en Syrie et en Libye.  Enfin, le représentant a estimé qu’il faudrait combler les vides juridique et administratif aux niveaux national et international en matière de protection des journalistes.  Il a cependant salué les efforts entrepris dans ce domaine par les Nations Unies et ses institutions.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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