« Le Conseil de sécurité doit appuyer le travail de la Cour afin de mettre fin à l’impunité au Darfour », insiste le Procureur de la CPI, Mme Fatou Bensouda
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Conseil de sécurité
6974e séance – matin
« LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DOIT APPUYER LE TRAVAIL DE LA COUR AFIN DE METTRE FIN À L’IMPUNITÉ AU DARFOUR »,
INSISTE LE PROCUREUR DE LA CPI, MME FATOU BENSOUDA
Au cours de l’exposé semestriel sur la situation au Darfour, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, a réitéré son appel en faveur de la lutte contre l’impunité des auteurs des graves crimes commis dans cette région et invité le Conseil à être à la hauteur des attentes des victimes. Elle a notamment encouragé le Conseil de sécurité à adopter une approche créative dans ses contacts avec les organisations œuvrant dans cette voie, en particulier la CPI.
Mme Bensouda a dénoncé les mesures prises par certains individus affiliés au Gouvernement du Soudan et à des groupes armés, qui continuent de commettre des violences à l’encontre des civils, à saper le processus de paix et à ignorer les appels lancés par le Conseil. C’est pourquoi, a-t-elle expliqué, le Conseil a déféré cette situation à la Cour.
Le Procureur a dénoncé les bombardements aériens attribués à une seule partie au conflit, l’utilisation de violences sexuelles en tant qu’armes de guerre, ainsi que les obstacles à la fourniture de l’aide humanitaire. Elle a aussi partagé les préoccupations de la Coordonnatrice de l’ONU pour les secours d’urgence, Mme Valerie Amos, face aux 300 000 personnes déplacées depuis le début de cette année.
Le Procureur a également exhorté le Gouvernement du Soudan à procéder aux arrestations des personnes présumées responsables des attaques contre l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD).
Le représentant du Soudan, qui a réfuté toutes les accusations portées contre son gouvernement, a estimé que les allégations de violences sexuelles étaient fondées sur les seules informations publiées par la presse. Il n’existe, selon lui, aucune preuve établissant la responsabilité du Gouvernement du Soudan. Le Conseil de sécurité, a-t-il cependant fait remarquer, avait gardé le silence devant les atrocités commises par les groupes rebelles.
Le représentant du Soudan a voulu donner la preuve que son gouvernement était attaché à la lutte contre l’impunité, en citant la création d’un tribunal des droits de l’homme et la nomination d’un procureur spécial dans le contexte de la mise en œuvre du Document de Doha. Il a en outre estimé que le Bureau du Procureur ne pouvait pas se saisir de questions qui préoccupent les pays africains en ignorant délibérément la compétence, en la matière, de leur système judiciaire.
Les poursuites engagées par le Gouvernement soudanais en vertu de la loi contre le terrorisme n’entraînent pas systématiquement de poursuites en justice pour les crimes commis par les forces gouvernementales, a fait observer Mme Bensouda. Contrairement aux annonces répétées et, malgré la multiplication de juridictions « spéciales » censées poursuivre les auteurs de crimes graves commis au Darfour, aucune procédure judiciaire n’a été menée, a constaté le représentant de la France.
Certains membres du Conseil, comme le Luxembourg, ont regretté que les mandats d’arrêt délivrés par la CPI en 2007 contre Ahman Harun, Ali Kushayb, Omar Al-Bashir et Raheem Hussein n’aient toujours pas été exécutés. De manière générale, le représentant des États-Unis a constaté le manque de coopération du Gouvernement soudanais avec la Cour.
Une coopération avec la CPI est également attendue de la part des autres pays, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome, et des organisations internationales, ont insisté plusieurs intervenants. Certains ont jugé inacceptable le manque de coopération du Tchad, un État partie au Statut de Rome, qui a accueilli le Président soudanais sur son territoire, le 26 mars dernier. Le Procureur a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pas pris de mesures après les sept communications officielles qu’il a reçues des juges de la CPI.
« C’est avec un fort sentiment de frustration, et même de désespoir, que j’interviens aujourd’hui, devant le Conseil, sur la situation au Darfour », a dit le Procureur au début de son exposé. Prenant note de la profonde déception du Procureur face à l’inaction du Conseil de sécurité, le représentant des États-Unis a souhaité que le Conseil discute plus avant de la question du suivi des décisions de la Cour.
En ce qui concerne les rapports entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, le délégué du Guatemala a émis l’espoir que leur coopération se poursuivra sur les aspects juridiques, sans toutefois entraîner une politisation de ce processus. Depuis l’initiative du Guatemala en octobre 2012 et le dialogue interactif informel de mai dernier, les relations entre la CPI et le Conseil ont commencé à se renforcer de manière positive, a reconnu le Procureur, tout en avertissant qu’il restait encore beaucoup à faire dans ce sens.
De leur côté, les trois pays africains membres du Conseil de sécurité, qui ne sont pas parties au Statut de Rome, ont soulevé des objections sur les procédures et méthodes de travail de la Cour concernant la situation au Darfour. Le représentant du Maroc a rappelé que la décision d’arrêter le Président soudanais Al-Bashir n’avait jamais fait l’objet d’un consensus international. En outre, a fait remarquer pour sa part son homologue du Rwanda, les chefs d’État des pays de l’Union africaine avaient adopté, depuis 2009, des décisions demandant le report des procès afin de ne pas compromettre les efforts visant à promouvoir une paix durable. Le Conseil de sécurité gagnerait beaucoup à améliorer sa coopération et sa communication avec la Cour, ne serait-ce qu’en accusant réception des notifications qui lui sont adressées, a estimé, quant à lui, le représentant du Togo.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN
Exposé
Mme FATOU BENSOUDA, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a exprimé d’emblée sa frustration, et même son désespoir, à l’occasion de la présentation du dix-septième rapport établi par son Bureau concernant la situation au Darfour. Elle a regretté que chaque intervention du Procureur de la Cour devant le Conseil ait été suivie par l’inaction. Cette profonde déception n’est pas une surprise pour le Conseil, a-t-elle souligné. Le Procureur a indiqué que son Bureau partageait les préoccupations de la Coordonnatrice des secours d’urgence de l’ONU, Mme Valerie Amos, face aux 300 000 personnes déplacées rien qu’au cours des cinq premiers mois de 2013, chiffre qui dépasse largement ce qui a été enregistré au cours des deux dernières années.
Elle a rappelé les problèmes majeurs qui se posent au Darfour, c’est-à-dire les bombardements aériens attribués à une seule partie au conflit, l’utilisation de violences sexuelles en tant qu’armes de guerre, les obstacles à la fourniture d’aide humanitaire ainsi que l’impunité pour les auteurs de ces crimes. Elle a partagé l’inquiétude du Conseil quant au risque de voir ces problèmes influer sur le financement et le soutien aux crimes contre les civils.
Mme Bensouda a noté en particulier les inquiétudes du Conseil en ce qui concerne les mesures prises par certains individus affiliés au Gouvernement du Soudan et à des groupes armés, qui continuent de commettre des violences à l’encontre des civils, à saper le processus de paix et à mépriser les exigences du Conseil. Tant que ces personnes jouiront de l’impunité, elles continueront de poser une menace à la paix et à la sécurité internationales, a-t-elle averti.
C’est pourquoi, a expliqué le Procureur, le Conseil a déféré cette situation devant la Cour. Elle a assuré que son Bureau avait fait ce qu’il devait faire, en invitant le Conseil de sécurité à être à la hauteur des attentes des victimes du Darfour et à traduire en justice les auteurs des crimes. « N’ignorons pas les effets disproportionnés des actes de ces criminels sur des millions de personnes », a-t-elle lancé.
Le Gouvernement du Soudan doit mettre fin à l’impunité au Darfour en procédant à l’arrestation des personnes présumées responsables des attaques contre l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) et doit faciliter le travail du personnel humanitaire, comme le demande le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, a estimé Mme Bensouda. Elle a encouragé l’ONU et l’Union africaine à travailler en coopération avec son Bureau pour suivre les progrès accomplis dans ce sens. Les poursuites engagées par le Gouvernement soudanais en vertu de la loi contre le terrorisme n’entraînent pas systématiquement de poursuites en justice pour les crimes commis par les forces gouvernementales, a-t-elle fait remarquer.
Mme Bensouda a donc encouragé l’Union africaine à s’engager dans une discussion sur les recommandations en matière de justice au Darfour émises par son Groupe de haut niveau sur le Darfour.
Le Procureur a également noté les allégations selon lesquelles un inculpé, M. Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, aussi connu sous le nom de Ali Kushayb, serait impliqué dans des incidents survenus en avril 2013 dans la région centrale du Darfour. Des témoins auraient vu cet individu roulant dans un véhicule du Gouvernement soudanais avec des membres de la Police centrale de réserve, des services de la police secrète et des frontières et de milices affiliées au Gouvernement. Un nombre important d’hommes armés ont pris pour cible la population civile, incendié des maisons, des magasins et du bétail et se sont livrés à des pillages. Plus de 100 civils sont morts lors de cet incident, sans compter les nombreux blessés et les 30 000 personnes déplacées vers le Tchad. Les civils déplacés appartiennent pour la plupart à l’ethnie Salamat, mais il y en a d’autres qui sont membres d’ethnies non arabes, a précisé Mme Bensouda. Selon des observateurs, le Gouvernement du Soudan aurait voulu apaiser les membres des tribus Misseriya et Ta’isha qui ont participé à la milice Janjaouite, en leur permettant de s’approprier les terres des Salamat.
Mme Bensouda s’est dite aussi très préoccupée par l’implication de MM. Ahmad Harun et Abdel Raheem Hussain, deux inculpés par la CPI, dans des crimes commis ailleurs au Soudan. Elle a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pas pris de mesures après les sept communications officielles des juges de la CPI concernant les déplacements du Président soudanais au Tchad.
Le Procureur a ensuite rappelé que, lors de sa visite sur le terrain du 20 au 23 mai 2013, Mme Amos avait rencontré trois inculpés de la CPI, dont le Président Omar Al-Bashir. Elle a demandé à l’ONU de se livrer à une analyse approfondie sur l’utilité de ces contacts et prévenu des risques de manipulation. Enfin, elle a encouragé le Conseil de sécurité à se montrer créatif dans ses contacts avec les organisations travaillant sur la situation au Darfour, en particulier avec la CPI. Depuis l’initiative du Guatemala en octobre 2012 et le dialogue interactif informel de mai dernier, les relations entre la CPI et le Conseil ont commencé à se renforcer de manière positive, s’est-elle réjouie, tout en avertissant qu’il restait encore beaucoup à faire dans ce sens.
Déclarations
M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a regretté profondément que les mandats d’arrêt délivrés par la Cour pénale internationale (CPI) contre Ahman Harun, Ali Kushayb, Omar Al-Bashir et Raheem Hussein n’aient toujours pas été exécutés. Il s’est dit également préoccupé par les restrictions continues que les autorités soudanaises imposent au travail et aux mouvements de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) d’accéder aux théâtres des combats et d’enquêter, notamment, sur les cas signalés de violences sexuelles. Il a en outre pointé du doigt la poursuite des bombardements aériens aveugles par l’armée de l’air soudanaise et la recrudescence des violences intercommunautaires. Il a condamné les actes de violences sexuelles et sexistes ainsi que les violences à l’égard des enfants.
Le représentant a demandé à tous les États, parties ou non au Statut de Rome, et à toutes les organisations régionales et internationales concernées de coopérer pleinement avec la CPI. Il importe, a-t-il estimé, que le Conseil de sécurité réfléchisse à ce qu’il peut faire pour aider la Cour, notamment pour répondre aux cas de non-coopération.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis), notant les progrès réalisés dans les procédures lancées par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale concernant la situation au Darfour, a émis l’espoir que cela permettra d’engager les premiers procès. Il a regretté que le Gouvernement du Soudan s’obstine à ne pas coopérer avec la CPI. Les personnes faisant l’objet de mandats d’arrêt continuent leur fuite et traversent des frontières internationales, a-t-il déploré. Ces individus ne doivent pas circuler librement, a-t-il insisté, en rappelant l’interdiction de voyager que leur ont imposée certains États. Il a exhorté les autres États à en faire de même. Le représentant a également regretté le manque de coopération de la part de certains États, en faisant remarquer que le 26 mars dernier, le Tchad, qui est un État partie au Statut de Rome, n’a pas respecté son obligation de coopérer avec la Cour en accueillant sur son territoire le Président soudanais pour la quatrième fois depuis le lancement de son mandat d’arrêt. Les États-Unis souhaitent discuter du suivi des décisions de la CPI, a-t-il dit.
Le représentant a ensuite noté avec préoccupation que, selon les experts, le Gouvernement du Soudan n’avait pas rempli ses engagements en vertu du Document de Doha qui prévoit notamment l’établissement d’un système de justice crédible. Il a rappelé que plusieurs soldats soudanais étaient accusés d’avoir commis des violences contre des membres d’une tribu. Les États-Unis sont aussi préoccupés par les violences croissantes, notamment les bombardements aériens, les violences sexuelles et autres, ainsi que les attaques ciblant des soldats de la paix. Il a aussi déploré les entraves à l’accès du personnel humanitaire et condamné fermement les attaques commises contres les Casques bleus. Il a prévenu que l’impunité pour les crimes au Darfour envoyait aux autorités de Khartoum un message ambigu. Le Gouvernement du Soudan doit faire beaucoup plus et le Conseil de sécurité doit insister pour que ce Gouvernement remplisse ses obligations, a-t-il souligné avant de conclure.
M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a condamné fermement la poursuite des combats au Soudan, et s’est dit préoccupé par les violations des droits de l’homme au Darfour. Il a encouragé le Gouvernement du Soudan, y compris le Procureur spécial, à poursuivre les auteurs des crimes graves commis au Darfour. Il a regretté le fait que le Document de Doha n’eût pas été totalement mis en œuvre, en encourageant ainsi le Gouvernement du Soudan et tous ses signataires à l’appliquer. Le succès du Document de Doha dépendra de la volonté des parties signataires à respecter ses dispositions, a-t-il estimé.
Le délégué, qui a souligné que son pays n’avait pas adhéré au Statut de Rome, a rappelé que les chefs d’État des pays de l’Union africaine avaient adopté, depuis 2009, des décisions demandant le report des procès afin de ne pas compromettre les efforts visant à promouvoir une paix durable. Il a mis l’accent sur l’importance d’une coopération sincère entre le Conseil de sécurité et les organisations régionales.
M. JOSÉ ALBERTO BRIZ GUTIÉRREZ (Guatemala) a demandé au Gouvernement du Soudan et à toutes les parties concernées de coopérer avec le Procureur de la CPI. Le Guatemala, a-t-il déclaré, se félicite du travail d’enquête mené par le Bureau du Procureur. Le représentant s’est dit ensuite très préoccupé par les attaques aériennes menées par les forces soudanaises contre des civils. Il s’est dit aussi alarmé par le nombre croissant de personnes déplacées et par les violences sexuelles et sexistes, ainsi que par les attaques perpétrées contre les Casques bleus. Toutes ces atteintes à la paix et à la sécurité sapent le processus de paix, a-t-il fait remarquer. Rappelant les mandats d’arrêt lancés par le Bureau du Procureur contre quatre individus, le représentant du Guatemala a estimé que le manque de coopération de la part du Gouvernement soudanais était inacceptable. Il a également regretté le manque de coopération d’autres États qui ont accueilli des personnes visées par des mandats d’arrêt de la CPI. Le représentant a souligné qu’il était essentiel de renforcer la coopération entre le Conseil de sécurité et la CPI, en souhaitant notamment qu’il y ait un suivi des décisions du Conseil de sécurité à cet égard. Il a également émis l’espoir que la coopération entre les deux instances se poursuive sur les aspects juridiques, sans toutefois entraîner une politisation de ce processus. Face à l’impunité et au non-respect des obligations de coopération avec la Cour, la communauté internationale doit faire preuve d’unité, a-t-il insisté.
M. MARTIN BRIENS (France) a rappelé que près de neuf ans après la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité, quatre individus inculpés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et l’un d’entre eux également de génocide, continuaient de se soustraire à l’action de la Cour, au vu et au su de tous, malgré les mandats d’arrêt émis contre eux. Ces quatre personnes, poursuivies pour le massacre et le déplacement de milliers de civils, ou accusées d’avoir perpétré un génocide par des méthodes qu’ils espéraient invisibles, telles que le viol, la persécution, le blocage intentionnel d’accès à l’aide humanitaire, demeurent à des fonctions clefs. Ils sont en mesure d’ordonner de nouvelles exactions, a-t-il ajouté.
Le délégué de la France a affirmé que le Soudan n’assumait pas ses responsabilités. Contrairement aux annonces répétées et à la multiplication de juridictions « spéciales » censées poursuivre les auteurs de crimes graves commis au Darfour, aucune procédure judiciaire n’a été menée, a—t-il déclaré, en relevant en outre que la mise en œuvre du processus de paix connaissait de graves lacunes. C’est pourquoi, M. Briens a mis l’accent sur la nécessité d’encourager la coopération de tous, d’isoler et de sanctionner les criminels et de retrouver l’unité du Conseil de sécurité. Il a déploré, ainsi, le fait que certaines délégations refusaient de constater la dégradation pourtant continue et indiscutable de la situation humanitaire et de la situation en matière de sécurité.
M. SAMIR SHARIFOV (Azerbaïdjan), rappelant que son pays n’était pas signataire du Statut de Rome, a indiqué qu’il prenait cependant note des efforts entrepris par le Bureau du Procureur pour enquêter sur les crimes graves au Darfour. Ses activités, a-t-il insisté, doivent respecter strictement les dispositions de la résolution 1593 (2005) du Conseil de sécurité. Le délégué a également déploré les attaques contre le personnel humanitaire et les soldats de maintien de la paix de la MINUAD. Avant de conclure, il a souligné la nécessité pour la communauté internationale d’appuyer la mise en œuvre du Document de Doha, qui est, a-t-il dit, indispensable pour assurer une paix durable au Darfour.
Après avoir rappelé que son pays ne faisait pas encore partie du Statut de Rome, M. KODJO MENAN (Togo) a noté qu’en ce qui concerne la coopération entre les Nations Unies, le Conseil de sécurité, les États et la Cour pénale internationale, plusieurs incertitudes et déficits évoqués lors de l’exposé de décembre dernier, semblent persister dans celui qu’a fait, ce matin, le Procureur de la Cour. Le Conseil de sécurité gagnerait beaucoup à améliorer sa coopération et sa communication avec la Cour, ne serait-ce qu’en accusant réception des notifications qui lui sont adressées, a-t-il dit. Par ailleurs, le Togo souhaite que les relations entre la CPI et les États respectent strictement le principe de complémentarité qui implique, pour les États concernés, l’obligation première de poursuivre et de juger les auteurs des crimes. Le Togo regrette l’absence de progrès, depuis décembre 2012, concernant les poursuites des personnes suspectées et encourage les États concernés à faire jouer le principe de complémentarité. Le représentant du Togo a ajouté que dans le cadre de leur coopération avec la CPI, les États semblent souvent moins généreux envers la défense qu’ils ne le sont vis-à-vis du Bureau du Procureur. Malgré l’obligation pour les chambres d’assurer un procès équitable en vertu de l’article 64.2 du Statut de Rome, a-t-il fait remarquer, la CPI elle-même considère que l’appui qu’elle pourrait apporter à la défense pour faciliter la coopération des États, est plutôt une obligation de moyens et non pas une obligation de résultats.
M. EVGENY ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a réaffirmé que son pays appuyait les efforts déployés par la CPI pour mener les enquêtes sur les crimes graves commis au Darfour. Le délégué russe s’est dit préoccupé par la détérioration de la situation au Darfour, en particulier par la multiplication des affrontements armés entre les différentes tribus, causés le plus souvent, selon lui, par une compétition pour les ressources naturelles.
La solution aux questions humanitaires réside, a-t-il estimé, dans la normalisation politique et militaire, la reprise du processus de paix et le développement économique du Darfour. Il a, notamment, mis l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre le Document de Doha.
Le représentant de la Fédération de Russie a par ailleurs souligné l’importance pour le Procureur de la CPI d’ouvrir de nouvelles enquêtes criminelles, par exemple pour poursuivre les responsables du meurtre des dirigeants du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE). La Cour a pour mandat de s’acquitter des fonctions judiciaires et pénales à l’égard des coupables, a-t-il rappelé, en précisant que ses actions ne devraient pas mettre en porte-à-faux les efforts politiques. Sa délégation, a-t-il dit, a pris note des nouvelles directives (A/67/828-S/2013/210), publiées le 3 avril dernier, par le Secrétaire général en ce qui concerne les rapports entre fonctionnaires des Nations Unies et les personnes objet d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître de la Cour. La Fédération de Russie, a-t-il ajouté, suit de très près les enquêtes sur les attaques menées contre le personnel de la MINUAD.
Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a déclaré que son pays était profondément préoccupé par la poursuite des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire au Darfour. Le Conseil de sécurité, en février 2013, s’était déclaré préoccupé par la grave situation humanitaire à laquelle était confrontée la population du Darfour et avait demandé à nouveau qu’il soit mis fin à tous les actes de violence contre les civils, au recrutement d’enfants dans les rangs des groupes armés et à d’autres violations graves des droits des enfants, a-t-elle rappelé.
Le Gouvernement du Soudan est tenu de coopérer avec la Cour, a rappelé la représentante. La résolution du Conseil de sécurité a également demandé à tous les autres États Membres et les organisations régionales de coopérer avec la CPI. Un aspect crucial de cette coopération est l’exécution des mandats d’arrêt, a poursuivi la représentante de l’Argentine. Quatre mandats d’arrêt lancés par la Cour depuis 2007 pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité ne sont toujours pas exécutés, a-t-elle déploré. La représentante de l’Argentine a regretté la position adoptée par le Gouvernement du Soudan à l’égard de la Cour, en faisant remarquer que c’est le peuple soudanais lui-même qui est victime de ces crimes. Elle a également regretté que le Tchad, un État partie au Statut de Rome, ne se fût pas acquitté, à plusieurs occasions, de son obligation de coopérer avec la CPI. C’est pourquoi, elle a appelé le Tchad à respecter ses obligations en vertu du Statut de Rome. Elle a aussi appelé les autres États et les organisations régionales, notamment l’Union africaine, à travailler ensemble pour coopérer pleinement avec la Cour afin d’empêcher que l’impunité ne l’emporte.
L’Argentine estime que les États non parties au Statut de Rome, en refusant de reconnaître la compétence de la Cour pour les actes commis par leurs ressortissants au cours d’opérations établies ou autorisées par le Conseil, contredisent le Statut de Rome et affaiblissent la crédibilité du Conseil et le rôle de la Cour. La clause exemptant l’ONU de payer les frais de renvoi n’est pas seulement une contradiction avec le Statut de Rome, mais montre aussi l’incapacité de l’Organisation à examiner la question du financement des renvois, tout en mettant en péril les activités du Bureau du Procureur et la viabilité de la Cour à long terme, a-t-elle estimé.
M. MASOOD KHAN (Pakistan) a appelé à mettre en place une stratégie multidimensionnelle globale pour parvenir à instaurer la paix au Darfour. Il a appuyé les efforts déployés par l’Union africaine en ce sens, en souhaitant également que les efforts déployés par l’Organisation de la coopération islamique (OIC) soient pris en compte. Il a invité les parties concernées à mettre en œuvre le Document de Doha. Se déclarant préoccupé par les attaques commises au Darfour, il a demandé que les auteurs de ces attaques soient traduits en justice. L’ONU et la CPI sont deux organisations distinctes qui ont leur propre mandat, a-t-il tenu à rappeler. La communauté internationale doit soutenir les efforts visant à instaurer une paix et une stabilité durables auxquelles aspirent les peuples de la région, a-t-il souligné. « Nous devons faire plus pour aider à résoudre ce problème très complexe d’une manière globale », a-t-il dit.
M. LOTFI BOUCHAARA (Maroc) a salué les avancées enregistrées sur le plan politique et s’est félicité de la tenue de la Conférence des donateurs pour le Darfour, à Doha, en avril dernier. Il s’est dit préoccupé par les combats sur place. Le Maroc plaide depuis toujours en faveur d’un règlement politique entre l’ensemble des parties concernées et réaffirme son attachement au respect du droit international humanitaire, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Soudan, a-t-il assuré.
Le représentant a estimé que la situation actuelle au Soudan méritait tout le soutien de la communauté internationale afin de permettre un retour à la paix et à la sécurité. Il a noté que le Soudan avait consenti de nombreux sacrifices dans le cadre de l’Accord de paix global et du Document de Doha. Il a rappelé que la décision d’arrêter le Président soudanais Al-Bashir n’avait jamais fait l’objet d’un consensus international.
Mme SOHN SUNG-YOUN (République de Corée) a constaté que les violences se poursuivaient au Darfour. Elle a souhaité que les allégations à ce sujet soient clarifiées. Concernant les activités de la CPI, elle s’est félicitée des progrès accomplis et des procédures qui ont été lancées. Elle a également salué les enquêtes menées par le Procureur de la Cour. La représentante a rappelé qu’il incombe en premier lieu au Soudan de coopérer pleinement avec la CPI. La représentante a également demandé au Conseil de sécurité d’examiner quelles mesures prendre pour assister la CPI dans la mise en œuvre de son mandat. « Nous attendons aussi qu’une enquête soit menée sur les allégations de crimes graves perpétrés au Darfour et nous engageons le Procureur à mener ces enquêtes », a-t-elle ajouté.
M. BO SHEN (Chine) a déclaré que la situation au Darfour était complexe, en particulier compte tenu du contexte de sécurité, de stabilité et de reconstruction. C’est pourquoi le processus politique est essentiel, a-t-il souligné. Rappelant que le Document de Doha a formé le socle pour la paix au Darfour, il a exhorté tous les signataires à en assurer la pleine mise en œuvre. S’adressant en particulier aux groupes rebelles, il les a appelés à renoncer à la violence et à adhérer au Document de Doha. Le représentant a émis l’espoir que la Cour jouera un rôle positif à cet égard. Réaffirmant la position de la Chine concernant l’implication de la Cour dans la situation au Darfour, il a insisté sur la nécessité pour le Conseil de sécurité d’accorder toute l’importance nécessaire au rôle des organisations régionales dans ce processus, comme la Ligue des États arabes et l’Union africaine.
Mme PHILIPPA JANE KING (Australie) a exhorté le Conseil de sécurité à fournir un ferme appui aux efforts de réconciliation politique qui sont étayés dans le Document de Doha pour la paix au Darfour. Mme King s’est également inquiétée du climat d’impunité qui prévaut au Darfour, en appelant notamment à ce qu’une enquête en bonne et due forme soit faite pour faire la lumière sur les conséquences des bombardements aériens menées par les Forces armées soudanaises. Il est inacceptable, a-t-elle dit, que le personnel de la MINUAD soit empêché d’enquêter sur un bombardement aérien opéré par les Forces armées soudanaises, de faire la lumière sur les informations faisant état de violences sexuelles et de fournir une aide humanitaire aux victimes de violences intercommunautaires.
Mme King a ensuite profondément regretté le manque de coopération dont fait preuve, selon le Procureur de la CPI, le Gouvernement du Soudan avec la Cour. Elle a appelé le Conseil de sécurité à faire davantage pour appuyer la Cour et assurer la coopération du Soudan. Tout échec en la matière risque de saper le rôle potentiellement dissuasif des références que fait le Conseil de sécurité à la CPI dans ses résolutions, a-t-elle averti. La représentante s’est aussi dite profondément déçue par le fait que certains États parties au Statut de Rome aient manqué à leur obligation de coopérer avec la Cour pour appréhender les quatre Soudanais qui sont l’objet de mandats d’arrêt lancés par le Bureau du Procureur. Les comités de sanctions du Conseil de sécurité devraient prendre en compte les mandats d’arrêt et les citations de la CPI afin d’assurer une plus grande cohérence entre les listes des individus visés par les sanctions et les poursuites engagées par la Cour.
La représentante de l’Australie a regretté par ailleurs que la CPI eût été critiquée lors du Sommet de l’Union africaine, en faisant observer que la majorité des enquêtes avaient été lancées par la Cour à la demande d’États africains. Le Conseil de sécurité doit appuyer fermement le travail de la Cour et réfléchir aux meilleurs moyens de l’aider à mettre un terme à l’impunité au Darfour, a-t-elle estimé.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a dit partager le sentiment de frustration exprimé par le Procureur de la CPI dans sa déclaration. Il a notamment déploré le fait que le calendrier de la mise en œuvre du Document de Doha était loin d’être respecté. Faisant référence aux meurtres de dirigeants du Mouvement pour la justice et l’égalité, il a jugé que les attaques menées contre des personnes ayant accepté de déposer les armes étaient inacceptables.
Il a regretté le manque de coopération du Soudan avec la CPI, en particulier concernant les trois mandats d’arrêt lancés contre des autorités du pays. Le Conseil de sécurité doit examiner ce qu’il peut faire pour aider la Cour à exécuter son mandat, a assuré le représentant du Royaume-Uni.
M. DAFFA-ALLA ELHAG ALI OSMAN M. (Soudan) a, tout d’abord, expliqué que sa participation à cette réunion du Conseil de sécurité ne voulait pas dire que le Soudan reconnaissait la compétence de la Cour pénale internationale. Son pays, a-t-il précisé, n’est pas partie au Statut de Rome. Il a souhaité rectifier les informations données au cours de la réunion et réfuté les accusations portées contre son gouvernement. Il a cité des témoignages qui ont déjà contesté les accusations de génocide et de nettoyage ethnique. Le conflit au Darfour est un conflit interne qui n’a pas à dépasser les frontières internationales, a soutenu le représentant. Il a estimé que le Bureau du Procureur ne pouvait pas se saisir de questions qui préoccupent le continent africain en méprisant les compétences des systèmes judiciaires africains. Le Gouvernement soudanais est attaché à la lutte contre l’impunité, a-t-il assuré, en rappelant qu’il avait créé un tribunal des droits de l’homme et nommé un procureur spécial dans le contexte de la mise en œuvre du Document de Doha. Ce procureur spécial a été saisi de plus de 53 affaires, dont 30 concernent le nord du Darfour, qui ont conduit à 17 condamnations. Tout ceci, a-t-il conclu, témoigne de la volonté et de la compétence du système judiciaire soudanais.
Le représentant a également rejeté les allégations de bombardements aériens par les Forces armées soudanaises contre la population civile. Son gouvernement, a-t-il précisé, a le droit de mener des activités de défense nationale pour faire face à des rebelles révolutionnaires. Ces groupes de rebelles ont tué des responsables soudanais qui s’étaient engagés sur la voie de la paix et commis des crimes contre l’humanité, a-t-il rappelé. En dépit des atrocités commises, a-t-il observé, le Conseil de sécurité n’a pas levé le petit doigt. Il a, au contraire, dénoncé les déclarations faites à propos des violences sexuelles qui se fondent sur des rapports fournis par les médias. Il a rappelé que le président du Conseil de sécurité avait déjà rejeté les preuves provenant des médias.
La Coordonnatrice des secours d’urgence des Nations Unies, Mme Valerie Amos, en se rendant récemment au Soudan, a montré qu’elle était en mesure de représenter une organisation internationale qui défend les principes de la Charte, a déclaré le représentant. Au cours de sa visite, a-t-il rappelé, elle a rencontré le Président du Soudan, avant de se rendre au Darfour. Mme Amos a réaffirmé que les mouvements rebelles étaient responsables du déplacement des personnes et de la situation humanitaire dans les États du Kordofan méridional et du Nil bleu, a-t-il ajouté. La situation au Darfour s’est considérablement améliorée par rapport à 2003, a-t-il assuré, avant de demander au Conseil de sécurité d’accompagner tous les efforts déployés en faveur de la paix et de la sécurité.
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