Devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial pour la Guinée-Bissau soutient la constitution d’une coalition élargie au sein du futur gouvernement de transition
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Conseil de sécurité
6963e séance – après-midi
DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL POUR LA GUINÉE-BISSAU SOUTIENT
LA CONSTITUTION D’UNE COALITION ÉLARGIE AU SEIN DU FUTUR GOUVERNEMENT DE TRANSITION
« Un gouvernement inclusif pourrait être formé dans les jours, voire
dans les heures à venir », assure le représentant de la Guinée-Bissau
Présentant, cet après-midi, au Conseil de sécurité le rapport du Secrétaire général sur l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et sur les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays (BINUGBIS), le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Guinée-Bissau, M. José Ramos-Horta, a souligné que le règlement des problèmes dans le pays nécessitait un solide appui politique et financier de la part de la communauté internationale. Citant les derniers accords sur le processus de transition politique, il a demandé aux membres du Conseil d’examiner sérieusement l’appel lancé par les Bissau-Guinéens pour que les Nations Unies dirigent le processus électoral.
S’adressant pour la première fois au Conseil de sécurité depuis son entrée en fonctions, le Représentant spécial a indiqué qu’il avait organisé, depuis son arrivée en Guinée-Bissau, début février, des consultations avec les parties prenantes nationales. M. Ramos-Horta a estimé que « l’élite politique de la Guinée-Bissau était pleinement responsable des problèmes du pays ». Les militaires ont suivit cette élite parce qu’ils ont voulu s’immiscer dans l’arène politique. Il a expliqué que l’échec des dirigeants avait entraîné des violations des droits de l’homme, favorisé l’impunité, la criminalité organisée et le trafic de drogues.
À cet égard, M. Ramos-Horta a estimé qu’une étape importante avait été franchie avec l’arrestation de l’ancien chef d’état-major de la marine, Bubo Na Tchuto, et deux autres Bissau-Guinéens, grâce à une opération menée par l’agence américaine antidrogue. « C’est un message fort qui a été adressé à l’élite bissau-guinéenne et à ceux qui utilisent le pays comme voie de transit pour le trafic de drogues », a-t-il expliqué. M. Ramos-Horta a vivement encouragé le renforcement de la présence internationale dans le pays en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Concernant la situation économique et sociale du pays, qui demeure précaire, le Représentant spécial a fait remarquer que l’aide internationale demeurait insuffisante et que les revenus du pays étaient encore trop faibles. Beaucoup dépend de la récolte et de la commercialisation de la noix de cajou, a-t-il indiqué, en s’inquiétant notamment des risques d’insécurité alimentaire. Il a aussi mentionné les difficultés auxquelles est confronté le Gouvernement de la Guinée-Bissau pour payer les salaires des fonctionnaires, ce qui donne lieu à des grèves, et pour fournir des services de base comme l’eau et l’électricité. En matière de santé publique, il a averti des risques accrus d’épidémie de choléra avec le début de la saison des pluies.
« Tout n’est cependant pas négatif », a poursuivi le Représentant spécial, en signalant que les Bissau-Guinéens étaient pacifiques et n’avaient jamais opté pour la criminalité et la violence ethnique, le pays ayant un des plus faibles taux de criminalité en Afrique. « Des programmes de diplomatie préventive plus proactifs pourraient permettre à la Guinée-Bissau de devenir un modèle de réussite », a-t-il estimé.
M. Ramos-Horta a assuré qu’il avait pris les mesures nécessaires pour que tous les acteurs internationaux impliqués dans la situation en Guinée-Bissau s’expriment d’une même voix, grâce à un dialogue avec les États membres clefs de l’Union africaine, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union européenne et de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). Les partenaires internationaux ont tous reconnu la nécessité de former un nouveau gouvernement de transition plus inclusif et d’adopter une feuille de route consensuelle avec l’engagement de tenir des élections avant la fin de l’année. Tous sont aussi d’accord pour restaurer l’ordre constitutionnel au plus tard à la fin de l’année, sur la base de la décision de la CEDEAO adoptée à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire.
Le Représentant spécial a ensuite présenté les récents évènements, comme la retraite organisée en avril par la Commission parlementaire afin de parachever un projet de pacte de régime de transition. En outre, le 28 avril, le Président de transition, M. Serifo Nhamadjo, avait annoncé qu’un gouvernement inclusif serait bientôt formé et que les élections se tiendraient d’ici à la fin de l’année. Les 29 et 30 avril, toutes les partis politiques et militaires, ainsi que les organisations de la société civile et les dirigeants religieux, avaient trouvé un accord sur trois points: la prorogation de la période de transition jusqu’au 31 décembre 2013, avec élections prévues en novembre; la formation d’un gouvernement de transition inclusif; et l’élection d’un Président de la Commission nationale électorale.
Il a aussi présenté les deux phases de la transition: soutenir le retour à l’ordre constitutionnel par le biais d’élections et assister le renforcement des institutions étatiques après les élections, par le biais de réformes. Tous les partis politiques doivent s’unir en un gouvernement d’unité nationale, a souhaité M. Ramos-Hortas. Il a plaidé en faveur d’une coalition élargie permettant un partage du pouvoir pour aboutir à un raffermissement de l’État. À cet égard, l’appui de la communauté internationale, a-t-il insisté, devrait être renforcé.
M. Ramos-Hortas a aussi insisté sur la nécessité de réformer et moderniser le système judiciaire, l’administration publique et les forces de défense. Des partenaires dans la région sont prêts à appuyer la constitution d’une armée plus professionnelle, a-t-il indiqué.
Invité à prendre la parole, le représentant de la Guinée-Bissau a salué la recommandation du Secrétaire général de prolonger d’un an le mandat du BINUGBIS. « Nous assistons de plus en plus à une entente entre les différents acteurs nationaux et à une convergence des positions des organisations internationales partenaires de la Guinée-Bissau », a-t-il dit. Il a expliqué que son pays s’apprêtait à rentrer dans une nouvelle phase de transition, souhaitant ainsi un retour à l’ordre constitutionnel le plus rapidement possible.
Le Président de transition mène des négociations intenses en vue de la formation d’un « gouvernement inclusif qui pourrait voir le jour dans les jours, voire dans les heures à venir », a indiqué le représentant bissau-guinéen. Il a averti que son pays ne pourrait, à lui seul, faire face à tous ces changements et a remercié la communauté internationale pour son aide passée et future.
La Guinée-Bissau et son peuple demeurent confiants dans l’avenir du pays, a-t-il dit, en s’appuyant sur le renforcement des institutions de l’État, en particulier de la justice. Citant les difficultés auxquelles son pays était actuellement confronté, comme la grève du syndicat des professeurs qui pourrait compromettre l’année scolaire, les problèmes affectant le commerce des noix de cajou et la quasi-ruine de l’économie du pays, il a insisté pour que la communauté internationale fournisse d’urgence une aide à son pays.
Intervenant en sa qualité de Présidente de la formation « Guinée-Bissau » de la Commission de consolidation de la paix (CCP), la représentante du Brésil a fait siennes les inquiétudes exprimées le 1er mars dernier par le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) en ce qui concerne l’augmentation du trafic de drogues en Guinée-Bissau, en particulier depuis le coup d’État d’avril 2012. Elle a regretté qu’aucun financement n’ait été trouvé pour soutenir les activités de l’ONUDC qui devra fermer ses locaux en Guinée-Bissau d’ici à la fin mai. Elle a estimé que la récente arrestation de plusieurs responsables de haut rang de Guinée-Bissau, qui sont impliqués dans le trafic de drogues, démontrait la nécessité pour la communauté internationale de maintenir sur place des capacités permanentes d’évaluation et d’appui aux institutions nationales en matière de lutte contre le trafic de drogues.
Sur le plan politique, des développements prometteurs ont été réalisés, s’est-elle félicitée, en citant l’examen en cours par l’Assemblée nationale d’un projet de « pacte » destiné à remplacer les arrangements de transition. Elle s’est également félicitée de la signature, le 30 avril, d’un accord de principes pour le retour à la normalité constitutionnelle. La reprise de la collaboration de la CCP avec la Guinée-Bissau devrait, a-t-elle souhaité, s’appuyer sur un instrument révisé qui reflétera les priorités nationales en matière de consolidation de la paix.
Le représentant de la Côte d’Ivoire, parlant au nom de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a rendu hommage au Représentant spécial « qui a su, en un laps de temps, renouer le fil du dialogue au niveau national et avec les partenaires internationaux engagés dans le règlement de la crise ». La CEDEAO n’a ménagé, quant à elle, aucun effort pour faciliter le rétablissement de l’ordre constitutionnel et assurer un niveau de sécurité raisonnable pour la population, grâce au déploiement de la Mission de sécurité de la CEDEAO (ECOMIB). Cependant, le soutien complémentaire de la communauté internationale reste nécessaire pour assurer la conclusion du programme de transition et relever les défis dans les domaines politique, sécuritaire, économique et social.
Le représentant a rappelé que la décision sur la date de transition a été prise par les chefs d’État de la CEDEAO, après consultation avec toutes les parties prenantes du pays. Il a aussi insisté pour que la communauté internationale soutienne la transition. La CEDEAO, a-t-il assuré, reste engagée dans la réforme du secteur de la sécurité et notamment la lutte contre l’impunité. Sur le plan économique et social, la communauté internationale devrait apporter un soutien aux domaines importants de la culture de la noix de cajou et de l’éducation, a-t-il estimé. Il faudrait aussi, a-t-il insisté, que les sanctions soient levées. Les États membres de la CEDEAO continueront à soutenir le respect des droits de l’homme, ainsi que la collaboration étroite entre le Gouvernement de transition et l’Assemblée nationale de la Guinée-Bissau, a-t-il assuré.
Le représentant de la Côte d’Ivoire a, enfin, formulé les propositions suivantes: l’adoption de la feuille de route révisée de la transition qui prévoit la tenue des élections législatives avant fin 2013; la fin de toute interférence résiduelle des militaires et leur engagement dans la lutte contre le trafic de drogues; l’élaboration d’un programme d’action à moyen et long termes par la communauté internationale notamment pour la restructuration des secteurs de la défense et de la justice; l’entente des partenaires sur les modalités afin de rendre le processus inclusif; et un accord de la communauté internationale sur les modalités d’extension de l’aide d’urgence.
S’exprimant au nom de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), le représentant du Mozambique, a salué l’évolution positive qui se dessine actuellement en Guinée-Bissau, marquée notamment par la décision d’organiser des élections cette année. Il a cependant appelé à la prudence, compte tenu des difficultés que connaît le pays sur tous les plans. C’est pourquoi, a-t-il dit, il est important de redynamiser le mandat du BINUGBIS. Il s’est aussi déclaré favorable à la création d’un groupe d’experts pour combattre les réseaux de trafic de drogues. Par ailleurs, le représentant a soulevé le problème de la pêche illégale le long des côtes de la Guinée-Bissau. La communauté internationale, a-t-il estimé, doit agir de manière plus concertée. Le mandat de la BINUGBIS devrait être renforcé pour veiller au respect des droits de l’homme, a-t-il souhaité, en attirant l’attention sur les violations commises dans le pays.
Cette séance d’information intervenait après l’envoi en Guinée-Bissau d’une mission d’évaluation technique interinstitutions, dépêchée par le Secrétaire général du 18 au 27 mars 2013, et quelques jours avant l’expiration du mandat du BINUGBIS, le 31 mai 2013. Cette mission avait pour principal objectif de formuler des recommandations sur les aménagements à apporter au mandat, à la structure et aux effectifs du BINUGBIS, ce que le rapport du Secrétaire général précise au chapitre des recommandations.
LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU
Rapport du Secrétaire général sur l’évolution de la situation en Guinée-Bissau, notamment sur l’action visant à rétablir l’ordre constitutionnel, et sur les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (S/2013/262)
Dans ce rapport, le Secrétaire général note que les problèmes de la Guinée-Bissau semblent insurmontables au regard de la faiblesse de l’État et des indicateurs socioéconomiques qui restent alarmants, mais que le pays n’a pas sombré dans un conflit ouvert. L’abondance des ressources naturelles du pays pourrait, souligne-t-il, servir d’assise solide pour son développement socioéconomique. Cependant, seules une situation politique et des conditions de sécurité stables peuvent aider à faire de cette promesse une réalité qui profite à l’ensemble de la population.
Cette stabilité exigera de toutes les parties nationales qu’elles renoncent au conflit militaro-politique cyclique qui vise à satisfaire des intérêts égoïstes, insiste le Secrétaire général. Elle exigera également que les partenaires internationaux s’engagent à travailler avec les acteurs nationaux pour concrétiser à long terme la paix, la sécurité et le développement. Il faudra, pour ce faire, que les autorités de facto s’engagent clairement en faveur du rétablissement de l’ordre constitutionnel.
Bien que les négociations aient progressé entre la Commission parlementaire et d’autres parties nationales sur la version définitive du pacte de transition, constate avec préoccupation le Secrétaire général, les divergences concernant la durée de la transition et les mesures à prendre ne se sont pas dissipées. Si les élections ne sont pas une fin en soi pour les parties nationales, elles placent cependant beaucoup d’espoir dans le processus politique en cours, qui devrait être l’occasion d’apporter des solutions viables aux problèmes sociaux, économiques, politiques et militaires, en vue d’édifier l’État. M. Ban engage vivement les parties nationales à mettre à profit cette ambition commune.
M. Ban Ki-moon estime que la recherche d’une solution politique devrait être envisagée sous un angle plus large et comprendre deux phases. La première, allant jusqu’aux élections, et la deuxième phase, de quatre ans, consacrée à l’application de réformes essentielles. C’est pourquoi, il demande donc aux parties nationales d’œuvrer de bonne foi à l’établissement d’un nouveau pacte de transition et d’un plan par étape consensuel, assorti d’échéances électorales clairement définies, et à la formation d’un gouvernement provisoire ouvert à la participation de tous. L’ONU soutient les efforts que les parties nationales déploient pour parvenir à un consensus concernant le plan de transition et, dès que les autorités élues seront en place, mettre en œuvre un train de réformes à moyen terme.
Rappelant que le pays a été touché par des grèves, notamment dans les secteurs de l’éducation, des finances, de la santé, de la justice, des douanes et des télécommunications, le Secrétaire général estime que cela met en lumière des problèmes témoignant de façon symptomatique du besoin d’entreprendre de profondes réformes et de redynamiser l’économie. La situation des enfants bissau-guinéens, qui n’ont pu assister à 30% des cours pendant l’actuelle année scolaire, est la malheureuse illustration du prix élevé des problèmes socioéconomiques qui perdurent.
Le pays a besoin de la reconnaissance internationale que lui procureraient les consultations électorales s’il veut renouer pleinement avec ses partenaires internationaux et mobiliser une aide substantielle afin de mener les réformes urgentes et de relancer l’économie, remarque aussi le Secrétaire général.
Il souligne aussi les conséquences de la criminalité organisée et du trafic des drogues transnationaux et invite à prendre des mesures efficaces à leur encontre, dans une perspective internationale et régionale et avec un partenariat avec les pays, d’origine, de transit et de destination. Si le Conseil de sécurité charge un groupe d’experts de combattre activement les réseaux de trafic de stupéfiants et de faciliter l’adoption de sanctions sélectives contre les trafiquants et leurs complices, l’ONUDC se tiendra prête à mettre à disposition ses compétences spécialisées pour contribuer à la constitution et au fonctionnement du groupe.
Le Secrétaire général recommande plusieurs modifications du mandat actuel du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau(BINUGBIS). Ainsi, le Bureau devrait, entre autres, contribuer à une concertation politique inclusive et à la réconciliation nationale pour favoriser le retour à l’ordre constitutionnel, ainsi que réunir les conditions propices à l’organisation et à la conduite d’élections transparentes et crédibles. Le Bureau serait aussi chargé de renforcer les institutions démocratiques et d’améliorer la capacité des organes de l’État de fonctionner conformément aux règles constitutionnelles. Il devrait en outre fournir des conseils et un appui stratégiques et techniques en vue de la mise en place de systèmes efficaces et rationnels de maintien de l’ordre, de justice pénale et d’administration pénitentiaire.
Le BINUGBIS devrait en outre fournir des conseils et un appui stratégiques et techniques aux autorités nationales et aux parties intéressées, dont la CEDEAO et sa mission en Guinée-Bissau, pour appliquer les stratégies nationales de réforme du secteur de la sécurité et de renforcement de l’état de droit et mettre en place un système de justice militaire conforme aux normes internationales. Il les aiderait également à lutter contre le trafic de stupéfiants et la criminalité transnationale organisée,
Pour que l’ONU puisse fournir des services d’appui essentiels à la Guinée-Bissau pendant la période qui entourera les élections, M. Ban Ki-moon propose de proroger le mandat du Bureau jusqu’au 31 mai 2014.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel