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CS/11000

Le Procureur de la CPI souligne l’importance de travailler avec le Gouvernement libyen pour élaborer une « stratégie globale pour la justice »

08/05/2013
Conseil de sécuritéCS/11000
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité                                        

6962e séance – matin


LE PROCUREUR DE LA CPI SOULIGNE L’IMPORTANCE DE TRAVAILLER AVEC LE GOUVERNEMENT

LIBYEN POUR ÉLABORER UNE « STRATÉGIE GLOBALE POUR LA JUSTICE »


La CPI est un « partenaire nécessaire et important »

pour mettre fin à l’impunité, affirme le représentant de la Libye


Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, a présenté, ce matin au Conseil de sécurité, son cinquième rapport en application de la résolution 1970 (2011), en soulignant l’importance de travailler avec le Gouvernement de la Libye en vue d’élaborer une « stratégie globale pour la justice ». 


Mme Bensouda a également fait le point sur les recours en admissibilité présentés par le Gouvernement de la Libye concernant les affaires Saif al-Islam Qadhafi, fils de l’ancien dictateur libyen, et Abdullah Al-Senussi, l’ancien chef des services de sécurité du pays.


De son côté, le représentant de la Libye a estimé que la Cour pénale internationale était un « partenaire nécessaire et important » pour mettre fin à l’impunité et pour aider son pays à bâtir des capacités techniques dans le domaine judiciaire.


Il a assuré que son gouvernement était engagé à rompre tout lien avec les pratiques de l’ancien régime.  De même, il a mis l’accent sur sa détermination à « organiser des procès impartiaux, justes et transparents pour tous les auteurs de crimes ou de violations des droits de l’homme pendant « la révolution contre le tyran Qadhafi » et pendant son régime qui a duré plus de 40 ans.  « Personne ne sera au-dessus de la loi », a-t-il assuré.


Invoquant une disposition du Statut de Rome, qui définit les règles de procédure de la CPI, la Libye a en effet demandé à juger elle-même Saif al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi. 


Les enquêtes de la Cour relatives à ces affaires ont ainsi été suspendues, a précisé le Procureur.  Mme Bensouda a indiqué que la Chambre préliminaire devait se prononcer dans un « avenir proche » sur les propositions faites par toutes les parties concernant l’examen de l’affaire Saif al-Islam Qadhafi. 


Le fils de l’ancien dirigeant libyen est poursuivi, a-t-elle précisé, pour des crimes graves, notamment des meurtres et des viols, qui auraient été commis pendant la révolution de 2011, en particulier entre le 15 et le 28 février.  Elle a ajouté que le Bureau du Procureur avait présenté sa réponse concernant la demande d’irrecevabilité de l’affaire Al-Senussi. 


Quels que soient les résultats de la procédure de recevabilité en cours, la Libye est « engagée dans l’évolution du droit », a expliqué le Procureur de la CPI, en notant que le pays était en mesure d’établir la norme pour les années à venir sur les moyens de déterminer les relations entre la Cour et les États en ce qui concerne les procédures nationales. 


« En assurant des procès équitables, justes et transparents pour tous les auteurs présumés, tout en continuant à respecter la procédure judiciaire de la CPI, la Libye peut donner un exemple durable aux autres États », a déclaré Mme Bensouda, qui s’est dite « encouragée par les progrès importants réalisés dans la transformation de la Libye ».


Toutefois, ces signes de progrès ne peuvent pas, selon elle, « éclipser les difficultés que rencontre le pays qui a hérité de tant d’années d’impunité ».  L’occasion est aujourd’hui offerte à la Libye de connaître son propre « procès de Nuremberg », en lui permettant, a-t-elle affirmé, de « sceller l’état de droit, le respect des procédures judiciaires et des droits de l’homme pour les générations futures ».


Le 26 février 2011, condamnant la violence et l’usage de la force contre des civils, le Conseil de sécurité, par sa résolution 1970 (2011), imposait une série de sanctions contre le régime de Mouammar Qadhafi et saisissait le Procureur de la CPI de la situation.


Cette saisine, a rappelé le représentant de l’Australie au cours de l’échange qui a suivi l’exposé du Procureur de la CPI, était « nécessaire dans la transition en cours, non seulement pour régler les affaires contre les deux accusés mais aussi dans le cadre de la réforme du système judiciaire du pays ».


Les délégations se sont toutes félicitées des efforts entrepris par le Gouvernement libyen en vue de poursuivre la démocratisation du pays.  Face aux défis que doit relever le pays, la justice et la responsabilisation seront des éléments fondamentaux de la transition vers la paix durable en Libye, a noté la déléguée des États-Unis.


Pour la France, le respect par la Libye de ses obligations internationales est un « indice clef de son attachement à l’état de droit ».  Son représentant a souligné la nécessité d’« éviter de parler de compétition entre la Libye et la CPI ».  « La Libye a des obligations en vertu de la résolution 1970 (2011), elle les respecte, et c’est là le vrai sujet », a-t-il dit. 


Le représentant du Maroc s’est, quant à lui, félicité de la tendance en cours visant à donner la priorité au système judiciaire libyen, en respectant ainsi le principe de complémentarité et en tenant compte du fait que les actions des autorités judiciaires libyennes se fonderont sur des critères objectifs. 


La Fédération de Russie a, au contraire, regretté que les enquêtes ne se limitent qu’à « prendre pour cibles d’anciennes figures proches de l’ancien dirigeant libyen ».  « Peu de progrès ont été réalisés malgré les procédures lancées », a jugé le délégué russe, en constatant qu’aucune procédure n’avait été initiée contre les forces de la rébellion.  Il a également relevé que les enquêtes sur les pertes en vies humaines causées par les opérations de l’OTAN n’avaient encore donné aucun résultat.


LA SITUATION EN LIBYE


Déclarations


Mme FATOU BENSOUDA, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a estimé qu’en dépit de progrès importants sur la voie de la démocratie, de l’état de droit et du respect des droits de l’homme, de nombreux défis subsistaient dans le pays. 


La détermination du Conseil lorsqu’il a renvoyé la situation en Libye n’était pas seulement de rendre responsables les auteurs de crimes, mais également d’assurer une paix durable pour le peuple libyen, a-t-elle affirmé.  Le Conseil doit néanmoins continuer d’aider la Libye en cette période difficile qu’elle affronte.  « Ce n’est, a-t-elle dit, que grâce à nos efforts conjoints et coordonnés que la justice et la paix sauront prévaloir. »


Le Procureur a indiqué qu’à la suite de la recevabilité des contestations présentées par le Gouvernement libyen concernant les cas de Saif al-Islam Qadhafi et d’Abdullah Al-Senussi, et conformément au Statut de Rome, les enquêtes relatives à ces affaires ont été suspendues. 


L’examen de l’affaire Saif al-Islam Qadhafi a progressé à un stade où il reste pour la Chambre à se prononcer sur les propositions faites par toutes les parties, a-t-elle dit, en précisant que la Chambre devrait le faire dans un avenir proche.


La semaine dernière, son Bureau a présenté sa réponse à la contestation de la Libye sur la recevabilité de l’affaire Al-Senussi.  Il est louable que la Libye invoque ses droits en vertu du Statut de Rome par le biais d’une procédure judiciaire, a-t-elle estimé.  Ce faisant, la Libye démontre, selon elle, une compréhension complète de la différence entre le mandat politique du Conseil et le mandat judiciaire de la CPI, même si le Conseil a renvoyé la situation devant la CPI.


Plus important encore, a observé Mme Bensouda, la Libye est engagée dans l’évolution du droit: quels que soient les résultats, le processus de recevabilité en cours à la CPI établira la norme pour les années à venir sur les moyens de déterminer les relations entre la Cour et les États en ce qui concerne les procédures nationales. 


En assurant des procédures judiciaires équitables, justes et transparentes pour tous les auteurs présumés, tout en continuant à respecter le processus judiciaire de la CPI, la Libye peut donner un exemple durable pour les autres États, a déclaré le Procureur.


Compte tenu de l’ampleur des crimes commis en Libye et des défis auxquels fait face le nouveau Gouvernement libyen, le mandat de la CPI reste essentiel pour mettre fin à l’impunité dans le pays, a ajouté Mme Bensouda.  Son Bureau, a-t-elle assuré, continue donc de mener des enquêtes sur les crimes commis en Libye.


Le Bureau du Procureur continue d’être préoccupé par les allégations de crimes commis par les rebelles, y compris l’expulsion de résidents de Tawergha qui n’ont pas été en mesure de rentrer dans leurs foyers, la persécution présumée de groupes ethniques qui auraient eu des liens avec le régime de Qadhafi, et des incidents spécifiques, comme l’exécution présumée de 50 personnes à l’hôtel Mahari, à Syrte, en octobre 2011, et des accusations de détention arbitraire, de torture, de meurtres et de destruction de biens lors d’opérations du Gouvernement libyen et de milices à Bani Walid, en septembre 2012.


La complémentarité et la coopération sont les éléments déterminants qui définissent les relations entre la Cour et les systèmes de justice nationaux.  Elles sont essentielles, a-t-elle souligné, pour que la justice internationale soit rendue en vertu du Statut de Rome. 


Elles sont surtout essentielles, a-t-elle précisé, pour garantir que les poursuites judiciaires menées contre quelques-uns ne se traduisent pas en impunité pour beaucoup d’autres.  C’est la raison pour laquelle le Bureau du Procureur continue d’explorer les possibilités de renforcer mutuellement les activités judiciaires avec le Gouvernement de la Libye en favorisant la complémentarité.


Le Procureur a en outre souligné l’importance de travailler avec le Gouvernement de la Libye en vue d’élaborer une stratégie globale pour la justice.  Le Bureau, a-t-elle dit, est encouragé de voir les progrès importants réalisés dans la transformation de la Libye, y compris les premières élections démocratiques depuis plus de quatre décennies, l’installation d’un nouveau gouvernement en novembre dernier et la nomination d’un nouveau procureur général le mois dernier.


Mais, ces signes de progrès ne peuvent pas, a estimé Mme Bensouda, éclipser les difficultés que rencontre le pays qui a hérité de tant d’années d’impunité.  L’occasion de réaliser la justice en Libye est l’occasion pour ce pays de connaître son « Nuremberg », lui permettant, a-t-elle affirmé, de sceller la primauté de l’état de droit, le respect des processus judiciaires et des droits de l’homme pour les générations futures.


M. GARY QUINLAN (Australie) a rappelé que le Conseil de sécurité avait demandé à deux reprises à la Cour pénale internationale (CPI) de jouer un rôle direct, en vertu d’une résolution relative au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, pour connaître de la situation au Darfour et de celle en Libye.  En ce qui concerne cette dernière situation, il a souligné le caractère complémentaire de la Mission d’appui des Nations Unies, du régime des sanctions du Conseil de sécurité et des procédures pénales internationales qui avaient été lancées.  Par la résolution 2095, adoptée en mars dernier, le Conseil de sécurité a réitéré l’appel au Gouvernement de la Libye pour qu’il continue à faire preuve de volonté pour poursuivre en justice les personnes accusées de crimes relevant de la compétence de la CPI, a rappelé le représentant.  Il a également souligné l’importance pour le Gouvernement libyen de respecter les règles de recevabilité de la Cour.


M. Quinlan a souligné que la saisine de la CPI concernant la Libye était nécessaire dans la transition en cours, non seulement pour régler les affaires contre les deux accusés mais aussi dans le cadre de la réforme du système judiciaire du pays.  Les autorités libyennes ont la responsabilité de respecter l’état de droit, a aussi rappelé le représentant.  La CPI, a-t-il précisé, n’est compétente que pour juger les personnes qui sont responsables de crimes graves.  La Libye doit donc assumer sa responsabilité pour traduire devant ses juridictions nationales les auteurs d’autres crimes, a-t-il indiqué.  Le représentant a aussi demandé à la Libye de continuer à travailler avec la CPI pour garantir la poursuite d’enquêtes sur toutes les allégations de crimes internationaux graves.  Une bonne coordination entre la Cour et le Conseil de sécurité est essentielle, a-t-il ajouté, avant de demander au Conseil de renforcer son soutien aux activités de la Cour. 


M. KIM SOOK (République de Corée) a rappelé que pour garantir une bonne transition en Libye, des efforts devaient être entrepris pour renforcer la sécurité dans le pays.  Il a toutefois noté les progrès énormes accomplis à ce jour, citant notamment la tenue d’élections.  La Libye doit coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat, a-t-il insisté.  À cet égard, il s’est félicité des contacts déjà établis entre les autorités libyennes et la Cour, en demandant qu’ils soient régularisés.  Le représentant a rappelé que la décision de juger les deux personnes accusées devrait être prise par la Chambre préliminaire de la Cour qui bénéficie d’une indépendance judiciaire.  En ce qui concerne la capacité de la Libye à traiter des crimes passés et à promouvoir l’état de droit, il a salué le rôle joué par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye.  Il faut aider les autorités libyennes à mener les poursuites lorsque les affaires peuvent être jugées par les juridictions nationales, a-t-il estimé.  La responsabilisation est la clef de la paix durable en Libye, a souligné le représentant, avant d’encourager le Procureur de la CPI à veiller à ce que les autorités libyennes coopèrent bien avec la Cour.


M. EVGENY ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a estimé que les poursuites judiciaires en ce qui concerne les auteurs de crimes graves en Libye continuent de piétiner.  Après le conflit, les enquêtes se limitent à prendre pour cibles d’anciennes figures proches de l’ancien dirigeant libyen, a-t-il remarqué.  Peu de progrès ont été réalisés malgré les procédures lancées, a-t-il dit, en notant qu’aucune procédure n’a été initiée contre les forces de la rébellion.  Le fait que l’autorité de l’État ne soit pas établie dans tout le pays encourage la poursuite des violences, a-t-il souligné.  Le représentant a également relevé que les enquêtes sur les pertes en vies humaines causées par les opérations de l’OTAN n’aient encore donné aucun résultat, en s’interrogeant sur l’intérêt que porte l’ONU à cette question.


Ce n’est pas la CPI qui doit traiter de tous les crimes commis en Libye, a rappelé le représentant de la Fédération de Russie.  Dans quelle mesure doit-on appliquer le principe de complémentarité? a-t-il demandé.  Notant que la crise libyenne a un impact délétère sur l’administration de la justice, il a émis des doutes sérieux sur la possibilité de mener une enquête judiciaire conforme aux normes internationales à l’encontre des deux accusés.  La question de la recevabilité devra être examinée par la Cour, a-t-il estimé, en se demandant ce qui empêche vraiment la Libye de poursuivre les procédures contre ces personnes.  Il a estimé que la valeur ajoutée du dialogue interactif qui a eu lieu hier entre le Conseil de sécurité et le Procureur reste encore vague, car, a-t-il dit, « nous n’avons pas reçu de réponses à toutes nos questions ».  Si on envisage ce format à l’avenir, nous prendrons des décisions au cas par cas, a-t-il dit, en estimant que ce n’est peut-être pas la voie à suivre.


M. SHEN BO (Chine) a déclaré que la communauté internationale devait continuer à fournir un appui et une assistance au peuple libyen afin de lui permettre de répondre aux défis auxquels il est confronté.  Le délégué chinois a espéré que la Cour pénale internationale, dans ses activités, saura jouer un rôle positif dans le cadre de la reconstruction nationale de la Libye.


M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) s’est félicité des progrès accomplis par la Cour dans les affaires Saif al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi.  Il a estimé qu’il était de la plus grande importance de maintenir la coopération du Conseil de sécurité avec la CPI et le Bureau du Procureur.  Les autorités libyennes ont l’obligation, a-t-il ajouté, de respecter le travail de la CPI et du Bureau du Procureur.  Ce travail doit se faire sans entraves et sans restriction, a-t-il estimé.


Quelle que soit la décision prise concernant la recevabilité des contestations présentées par le Gouvernement libyen, le Bureau du Procureur devra maintenir sa participation dans les deux procédures et suivre de près les différentes étapes, a-t-il dit.  Toutes les mesures doivent être prises pour protéger les preuves et les témoins, en attendant que cette décision soit rendue, a-t-il insisté.  Le représentant s’est en outre dit préoccupé par les crimes sexuels commis pendant le conflit, en espérant que des enquêtes seront menées sur ces affaires.


M. PAUL MCKELL (Royaume-Uni) s’est félicité des efforts en cours pour traduire en justice tous les membres de l’ancien régime libyen qui ont commis des crimes internationaux graves.  Il a encouragé les autorités libyennes à accorder une amnistie à certains, tout en demandant de poursuivre en justice tous les auteurs de crimes graves.  Le Royaume-Uni contribue aux efforts de la Libye, a-t-il dit, en expliquant que son pays avait envoyé en Libye un conseiller pour la justice pour aider les autorités nationales à mener la réforme du système judiciaire.  Le représentant a également appuyé les enquêtes en cours sur les crimes sexuels.  Il s’est ensuite félicité du niveau de coopération du Gouvernement libyen avec la CPI.  Notant les remises en question de la recevabilité de la CPI dans les deux affaires pendantes, il a encouragé les autorités libyennes et la CPI à travailler de manière constructive pour résoudre ces questions de procédure.  Avant de conclure, le représentant britannique a demandé que la détention des deux accusés se fasse conformément aux règles de droit international, notamment en leur garantissant l’accès à un avocat.


M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) a rappelé que son pays faisait partie du Groupe d’amis sur la responsabilité de protéger.  Il s’est dit encouragé par les réalisations du nouveau Gouvernement libyen, tout en restant préoccupé par les grandes difficultés auxquelles le pays doit faire face, comme la prolifération des armes et les activités terroristes, ainsi que les problèmes politiques qui sapent l’autorité de l’État.  Le Gouvernement libyen doit cependant être encouragé dans son processus de réconciliation et de redressement.  M. Gasana, qui a pris note de la coopération de la Libye avec la CPI, a émis l’espoir que les deux personnes accusées par la CPI pourraient être jugées par les juridictions libyennes.  Il est important, a-t-il souligné, que la communauté internationale fournisse une assistance aux capacités libyennes pour juger les crimes du passé.


De manière générale, le représentant du Rwanda a expliqué que la lutte contre l’impunité doit être au centre de la mission du Conseil de sécurité.  Une justice internationale robuste est nécessaire pour mettre fin à l’impunité, a-t-il rappelé.  Pour y parvenir, il faut que cette justice soit indépendante, libre de toute ingérence politique et respecte le principe de la souveraineté des États, a-t-il insisté.  La CPI, a-t-il dit, n’a pas été à la hauteur de ces aspirations.  Le représentant a estimé en effet qu’elle avait été sélective dans la poursuite d’auteurs de crimes internationaux graves.  Il a indiqué que, par une note verbale du 2 mai 2013 adressée au Conseil de sécurité, le Kenya avait présenté des arguments critiques à l’égard des méthodes de travail du Procureur de la CPI.  Comment une justice équitable peut-elle être rendue si la décision du Conseil de sécurité de renvoyer une affaire devant la CPI est bloquée par le veto de ses membres permanents, a-t-il demandé.  Il a espéré que le Conseil de sécurité pourra bientôt se pencher sur la préoccupation croissante des États Membres à cet égard.


M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a souligné que la Libye était sortie de la dictature et du despotisme pour entrer dans une nouvelle ère de la démocratie, du respect de l’état de droit et des droits de l’homme.  Il a affirmé que les autorités libyennes s’étaient engagées à ne pas protéger les suspects de crimes contre l’humanité et qu’elles ne tolèreraient pas l’impunité.  Elles ont entamé des enquêtes sérieuses en vue de garantir des procès équitables conformes aux normes internationales, a-t-il expliqué.  Elles ont insisté sur leur volonté de coopérer avec la CPI, a-t-il ajouté.


Le représentant du Maroc s’est félicité de la tendance en cours visant à donner la priorité au système judiciaire libyen, en respectant ainsi le principe de complémentarité et en tenant compte du fait que les actions des autorités judiciaires libyennes se fonderont sur des critères objectifs.  Il a assuré de la volonté de son pays de continuer sa coopération avec la Libye afin de mettre en place des institutions nationales qui fonctionnent efficacement, y compris des institutions de justice transitionnelle.


M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan) a rappelé que son pays n’était pas partie au Statut de Rome, qui avait institué la Cour pénale internationale, mais qu’il avait reconnu la responsabilité de la communauté internationale de poursuivre les auteurs de crimes graves.  Il s’est félicité de la coopération que le Bureau du Procureur de la CPI a développée avec les autorités libyennes, en saluant la volonté de celles-ci de mener des enquêtes et des procès équitables dans le respect du droit international.  Notant que les autorités libyennes ont estimé qu’une affaire déférée à la CPI n’est pas recevable et doit être examinée par une juridiction nationale, il a cependant dit attendre la décision de la Chambre préliminaire de la CPI qui doit statuer sur cette question de recevabilité.  Il a par ailleurs pris note des enquêtes toujours en cours, notamment celles qui concernent les auteurs de violence sexuelle ou des individus se trouvant hors du pays.  Enfin, il a encouragé le Gouvernement libyen, qui s’est engagé à le faire, à poursuivre ses efforts de lutte contre l’impunité.


Mme MARIA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a jugé encourageant de reconnaître le fait que l’on ne peut pas maintenir un paradigme de justice indépendant de celui de la paix, en mettant ainsi l’accent sur la nécessité de passer à un nouveau paradigme qui associe la justice et la paix.  S’appuyant sur l’expérience de son pays, la représentante de l’Argentine a affirmé que, grâce à la justice et à la mémoire, il était possible de parvenir à instaurer une paix durable.


Lorsque des crimes atroces ont été commis, a-t-elle fait remarquer, il ne peut y avoir de paix sans la justice.  C’est pourquoi, il est essentiel, a-t-elle dit, que le Gouvernement libyen mette en œuvre une stratégie générale en vue de lutter contre l’impunité.  Mme Perceval s’est également félicitée du dialogue constructif entre le Gouvernement libyen et le Bureau du Procureur.  Elle a, par ailleurs, exhorté l’OTAN à coopérer avec les autorités libyennes dans les enquêtes visant à faire la lumière sur les victimes civiles de bombardements. 


M. MASOOD KHAN (Pakistan) a rappelé que son pays n’était pas partie au Statut de Rome mais qu’il reconnaissait les droits et obligations des États qui sont membres de la Cour pénale internationale.  Tout en notant les progrès accomplis par la Libye ainsi que les défis auxquels elle est toujours confrontée, il a appelé tous les groupes armés à déposer les armes et à s’engager dans un processus démocratique.  Faisant référence à l’exception d’irrecevabilité de la CPI qui avait été soulevée par les autorités libyennes, le représentant a émis l’espoir que la Cour sera en mesure de répondre de manière positive à la demande faite par ces autorités d’assurer les procès contre Abdullah Al-Senussi et Saif al-Islam Qadhafi en Libye.  Tout en comprenant que la CPI insiste pour suivre le déroulement de ces deux procès en Libye, il a toutefois fait observer qu’il est important également pour le Gouvernement libyen de conduire ces procès pour démontrer son engagement à mener des procès équitables.  Il a aussi encouragé la coopération entre, d’une part, la Cour et le Gouvernement libyen, et d’autre part, l’OTAN et le Gouvernement libyen.  Le système de justice internationale a prouvé que les mécanismes judiciaires nationaux peuvent être efficaces et moins coûteux, a-t-il dit avant de conclure.


Mme ROSEMARY DICARLO (États-Unis) a estimé que la Libye continuait de faire des progrès grâce aux engagements pris par son gouvernement, le premier à avoir été démocratiquement élu depuis plus de 40 ans.  Face aux défis que doit relever le pays, la justice et la responsabilisation seront des éléments fondamentaux de la transition vers la paix durable en Libye.  La représentante des États-Unis a exhorté la Libye à respecter ses obligations internationales, y compris au titre de la résolution 1970 (2011).


Mme DiCarlo s’est également dite préoccupée par les crimes sexuels commis, en rappelant que leurs auteurs doivent être poursuivis par la justice.  Elle a également mis l’accent sur la nécessité d’assurer une justice de transition, conforme au respect des droits de l’homme, et a invité la Libye à mettre en œuvre une stratégie globale de justice devant prendre en compte les crimes du passé.


Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a salué la visite à La Haye, le 19 avril dernier, du Procureur général de la Libye et du point focal libyen pour la CPI, afin de discuter de la coopération pour avancer dans les enquêtes, selon le principe de la complémentarité.  Elle s’est également félicitée de l’intention du Procureur de se rendre à Tripoli pour approfondir ces échanges.  Le Procureur doit compter sur l’appui de tous les États, y compris ceux qui ne sont pas parties au Statut de Rome, a-t-elle rappelé.  Mme Lucas a ensuite dit attendre avec intérêt la décision de la Cour sur la recevabilité des deux affaires dont elle est saisie.  Quelle que soit cette décision, le Bureau du Procureur devra être informé des décisions prises par les autorités libyennes dans ces affaires, a-t-elle dit.


Mme Lucas s’est par ailleurs inquiétée des allégations de violences sexuelles et de l’emploi d’enfants en Libye.  Elle a insisté sur la nécessité de protéger les victimes de ces actes.  En ce qui concerne les allégations de crimes commis par les forces rebelles, elle a partagé les préoccupations du Procureur concernant la situation à Tawergha, où les violences perpétrées contre la population civile par des milices de Misrata pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.  Mme Lucas a également jugé inadmissibles les actes de représailles à l’encontre de civils, comme l’indique le rapport du Procureur.  Les auteurs de ces actes doivent être tenus responsables, a-t-elle insisté, en se félicitant à cet égard des efforts déployés par le Procureur.  En conclusion, elle a encouragé les autorités libyennes à établir une stratégie globale pour mettre fin aux crimes et à l’impunité en Libye.


M. MARTIN BRIENS (France), rappelant que la Libye, en dépit de ses difficultés, avait demandé à juger elle-même Saif al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi, a estimé qu’il était à l’honneur de ce pays sortant d’un conflit de souhaiter ainsi assumer ses responsabilités.  Il s’est félicité du fait que le Gouvernement libyen ait choisi de présenter ses recours en admissibilité en pleine conformité avec le Statut de Rome, et donc en pleine conformité avec la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité.  Comme le Procureur l’a rappelé, en vertu du droit, la décision finale reviendra aux juges de la CPI, a-t-il rappelé, en se disant convaincu que la Libye, conformément à la résolution 1970 (2011), s’y pliera.  Le respect, par la Libye, de ses obligations internationales est un indice clef de son attachement à l’état de droit.  Il faut éviter de parler de compétition entre la Libye et la CPI.  La Libye a des obligations en vertu de la résolution 1970 (2011), elle les respecte, c’est là le vrai sujet.  C’est aussi une leçon pour d’autres pays qui refusent de s’engager dans un processus judiciaire avec la Cour, contrairement aux décisions de ce Conseil, a souligné M. Briens.


M. Briens a également affirmé que l’utilisation du viol comme arme de terreur et arme de guerre était un crime auquel le Conseil de sécurité porte une attention particulière.  Le délégué de la France a mis l’accent sur la nécessité de mettre en place une stratégie globale pour mettre fin aux crimes et à l’impunité en Libye.  Il a par ailleurs jugé que le Conseil de sécurité devait être rigoureux et mieux organiser sa coopération avec la CPI lorsqu’il saisit celle-ci.  C’est aussi un des enseignements que nous retirons du débat public sur l’interaction avec la CPI organisé l’an dernier sous l’égide du Guatemala, et du dialogue interactif d’hier.  « Il faut que nous soyons en mesure de traiter mieux et plus rapidement les demandes de soutien et de coopération de la Cour, dans le cadre du groupe de travail informel sur les tribunaux », a-t-il suggéré.


M. KODJO MENAN (Togo) s’est félicité de la reprise de contacts entre le Bureau du Procureur de la CPI et les autorités libyennes.  Il a cependant averti que ces discussions ne seront perçues comme constructives et fructueuses que si elles favorisent la poursuite des auteurs des crimes commis, que ce soit sur le sol libyen ou à l’extérieur du pays.  Il a souhaité que les poursuites visent toutes les parties, pour corriger l’impression d’une justice de vainqueur.  La CPI devra également veiller à ce que sa coopération avec les autorités libyennes rectifie les effets pervers de toute loi d’amnistie, a-t-il ajouté.  En ce qui concerne la complémentarité, le représentant a estimé que la poursuite et le jugement des auteurs des crimes incombaient, au premier chef, aux autorités libyennes.  Il existe des indications dans l’affaire Abdullah Al-Senussi pouvant établir que le Gouvernement libyen semble pouvoir poursuivre la même affaire que la CPI, a-t-il dit, en précisant que le Togo attendait les décisions des chambres saisies pour les deux affaires.


S’agissant des enquêtes en cours, le représentant a souligné que les crimes à caractère sexiste ne doivent pas rester impunis, que les enquêtes soient menées à leur terme et que les poursuites soient engagées contre les auteurs.  Il s’est aussi dit préoccupé par les informations récurrentes relatives à des organisations de défense des droits de l’homme faisant état de violations graves de ces droits, sous la forme de torture ou d’autres mauvais traitements infligés à des personnes d’origine africaine en raison de leur affiliation présumée avec le régime Qadhafi.  Le Togo exprime aussi sa vive préoccupation concernant les crimes commis par les forces rebelles à Tawergha et invite les autorités libyennes à faire répondre les auteurs de leurs actes.


M. IBRAHIM O. A. DABBASHI (Libye) a affirmé que le Procureur de la Cour avait donné des informations sur la coopération excellente qui existe entre la Cour pénale internationale, le Bureau du Procureur et les autorités judiciaires libyennes, des relations basées, a-t-il dit, sur la complémentarité, la justice et le caractère intolérable de l’impunité. 


Concernant les affaires Saif al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi, le Procureur général libyen a décidé qu’il pouvait mener les enquêtes, a rappelé le représentant.  Les circonstances de ces arrestations ont été faites en pleine conformité avec les normes internationales, de même que les poursuites contre ces personnes et d’autres responsables de crimes atroces, a-t-il assuré.  Tous les arrangements techniques avaient été mis en place pour commencer les procès au terme des enquêtes, a-t-il ajouté. 


Le délégué libyen a également exprimé l’intérêt de son pays à rompre tout lien avec les pratiques de l’ancien régime, en insistant ainsi sur le respect de l’état de droit.  Il a mis l’accent sur la détermination de la Libye à organiser des procès impartiaux, justes et transparents pour tous les auteurs de crimes ou de violations des droits de l’homme pendant la révolution contre le tyran Qadhafi et pendant son régime qui a duré 40 ans.  Personne ne sera au-dessus de la loi, a-t-il assuré.


Le représentant a estimé que la CPI était un partenaire nécessaire et important pour mettre fin à l’impunité et aider le pays à bâtir des capacités techniques.


Par ailleurs, le délégué libyen a fait état des actes récents perpétrés contre le Congrès général, en faisant remarquer qu’ils avaient été commis par des jeunes ayant des intérêts personnels.  Dans la situation que traverse actuellement le pays, il est naturel d’assister à des actes immatures, a-t-il souligné.  Ces actes ne feront pas dérailler le processus de transformation politique, a-t-il souligné, en précisant que le Gouvernement était capable de faire face à ce genre d’excès.  Il ne fera pas appel à la force, sauf en cas de violation majeure de la loi, a-t-il dit avant de conclure.


Reprenant la parole, le Procureur de la Cour pénale internationale a précisé que le Conseil de sécurité ne discutait pas aujourd’hui de la situation au Kenya, mais a voulu toutefois répondre aux remarques du représentant du Rwanda.  La CPI continuera toujours à respecter l’égalité souveraine des États, a-t-elle assuré.  Elle a rappelé l’information contenue dans la lettre adressée par le Kenya au Conseil de sécurité, qui, selon elle, tente de politiser les procédures judiciaires de la CPI.  Cette lettre n’a pas été transmise à la Cour, a-t-elle indiqué.  En outre, elle a fait valoir que c’est à la présidence de la CPI de nommer les juges et de les affecter aux différentes chambres de la Cour en fonction du travail à accomplir.  Elle a rejeté toute insinuation faite en ce qui concerne la nomination d’une juge.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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