En cours au Siège de l'ONU

CS/10950

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq exprime sa préoccupation face à la recrudescence des tensions dans le pays

21/3/2013
Conseil de sécuritéCS/10950
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

6937e séance - matin


LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR L’IRAQ EXPRIME SA

PRÉOCCUPATION FACE À LA RECRUDESCENCE DES TENSIONS DANS LE PAYS


Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, M. Martin Kobler, a exprimé, ce matin devant le Conseil de sécurité, sa préoccupation face à la recrudescence des tensions dans le pays, en particulier depuis les nouvelles manifestations survenues dans l’ouest, tout en mettant l’accent sur les risques de déstabilisation engendrés par la crise syrienne.


Le Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), dont le mandat expire le 24 juillet prochain, présentait au Conseil le deuxième rapport* du Secrétaire général soumis en application du paragraphe 6 de la résolution 2061 (2012).


M. Kobler a entamé son exposé en faisant état de deux événements significatifs et contradictoires qui ont récemment eu lieu en Iraq.  Il a ainsi d’abord rappelé que le 27 février, la compagnie aérienne Iraqi Airways avait repris ses vols à destination du Koweït après 22 années d’interruption.  M. Kobler a indiqué que ce fait témoignait de la volonté résolue des dirigeants iraquiens et koweïtiens d’ouvrir un nouveau chapitre de leurs relations.


Quelques jours plus tard, le 4 mars, plus de 40 soldats syriens et 10 Iraquiens ont été tués en Iraq, tandis que cette semaine, une série d’attaques terroristes atroces ont causé de nouvelles victimes innocentes.  « Ces incidents montrent à quel point les Iraquiens sont confrontés à des problèmes indissociables, notamment au risque de déstabilisation due à la violence en Syrie », a déclaré M. Kobler.


Depuis le mois de décembre, a ajouté le Représentant spécial, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues dans l’ouest du pays pour exprimer leurs doléances, leurs demandes étant essentiellement centrées sur les questions des droits de l’homme et de l’accès aux services de base.  « Ces gens se sentent vulnérables, exposés au danger et exclus », a souligné le Représentant spécial.


Cette agitation dans les rues se reflète également au niveau politique, a indiqué M. Kobler, précisant que les ministres du bloc sunnite Iraqiya continuaient, depuis quatre mois, de boycotter les sessions du Cabinet.


Le Gouvernement a lancé plusieurs initiatives en vue de répondre aux exigences des manifestants, a ensuite indiqué le Chef de la MANUI, saluant ces efforts qui, a-t-il dit, « ont donné quelques résultats ».  Un comité ministériel présidé par le Vice-Premier Ministre Hussain Al-Shahristani a, par exemple, annoncé la libération d’environ 3 400 prisonniers.  En outre, toutes les femmes détenues ont été transférées dans leurs gouvernorats d’origine, où elles purgeront

le reste de leur peine.  « Ces mesures constituent une réponse directe aux demandes des manifestants », a dit M. Kobler.  Enfin, a-t-il ajouté, le comité ministériel a rétabli les prestations de retraite pour 11 000 retraités du secteur public qui étaient membres de l’ancien régime baasiste.


M. Kobler a indiqué que depuis le début des manifestations, il avait cherché à promouvoir un dialogue politique inclusif et direct et la réconciliation nationale, et offert ses bons offices, d’abord comme relais d’échange d’information entre les manifestants et le Gouvernement.


La MANUI, a-t-il dit, est un « acteur impartial », qui « garde la même distance à l’égard de toutes les parties », mais elle « n’est pas neutre en ce qui concerne l’obligation de respect des droits de l’homme », a-t-il ajouté, faisant référence à des cas de violence à l’encontre de manifestants auxquels il s’est opposé.  La Mission a ainsi appelé le Gouvernement à exercer la plus grande retenue et à répondre rapidement aux demandes populaires.


Les manifestations persistent depuis près de trois mois, a expliqué M. Kobler, notant que la méfiance entre les Chiites, les Sunnites, les Kurdes et d’autres communautés était profonde et menaçait la cohésion nationale.  Les membres de chaque groupe ethnique et social continuent d’être la cible d’attaques terroristes, d’assassinats, d’enlèvements, y compris en raison de leur foi, a-t-il dit.


Au total, les actes de terrorisme commis au cours de la période allant de novembre 2012 à la fin de février 2013 ont coûté la vie à près de 1 300 civils.  Plus de 3 090 Iraquiens innocents ont été blessés, tandis que 591 éléments des forces de sécurité iraquiennes ont été tués et 1 002 autres blessés.


Les relations entre le Gouvernement central et le Gouvernement de la région du Kurdistan continuent d’être tendues, a également observé le Chef de la MANUI, estimant que le partage des immenses ressources naturelles de l’Iraq d’une manière juste et équitable constitue une condition sine qua non au rétablissement de la confiance.


Par ailleurs, l’Iraq s’est engagé à renforcer ses relations avec ses voisins, a poursuivi M. Kobler, citant en particulier les progrès accomplis en vue de la normalisation de ses relations avec le Koweït, dont la prise de mesures positives en vue de la réalisation des obligations qui incombent encore à l’Iraq en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.


Le Représentant spécial a aussi souligné que plus d’une année s’était écoulée depuis que la MANUI avait fait des efforts considérables pour faciliter le transfert humanitaire des résidents du camp d’Achraf vers la zone du camp de transit temporaire d’Hurriya et leur réinstallation dans des pays tiers.  L’urgence de la réinstallation des résidents est apparue clairement le 9 février dernier, lorsqu’une attaque a fait 8 morts et 40 blessés.  Le Gouvernement reste responsable de la sécurité des résidents, a-t-il rappelé.


La seule solution durable serait d’installer les résidents en dehors de l’Iraq, a estimé M. Kobler.  Il a ainsi salué la décision du Gouvernement albanais d’accueillir 200 résidents du camp d’Achraf dès le mois prochain.  L’Albanie, a-t-il dit, est le premier pays à accepter d’accueillir un grand nombre de ces résidents.  Il a exhorté d’autres pays à lui emboîter le pas.  M. Kobler a de même exhorté les résidents à coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).


Le Représentant spécial a également mis l’accent sur les efforts humanitaires importants qui se concentrent sur les réfugiés syriens, les rapatriés en provenance de Syrie et les personnes déplacées à l’intérieur de l’Iraq.  L’Iraq, a-t-il dit, héberge actuellement près de 120 000 ressortissants syriens en quête de sécurité et d’aide humanitaire.  La majorité de la population réfugiée syrienne se trouve actuellement dans la région du Kurdistan et, chaque jour en moyenne, 800 personnes entrent dans le pays. 


En outre, environ 80 000 Iraquiens ont fui la Syrie pour retourner en Iraq au cours des derniers mois, portant à plus de 1,2 million de personnes le nombre d’Iraquiens déplacés.  Les rapatriés et les déplacés internes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, a prévenu M. Kobler.  Il a demandé au Gouvernement iraquien d’accroître et d’accélérer l’assistance fournie aux rapatriés iraquiens en provenance de Syrie et d’assurer leur réintégration rapide.


Une autre source de préoccupation, a dit le Chef de la MANUI, vient des questions liées aux droits de l’homme et à l’administration de la justice.  « Chaque cas de torture est un cas de trop.  Les confessions obtenues par la force sont inacceptables », a-t-il notamment déclaré, abordant la situation des détenus, en particulier dans les prisons placées sous l’autorité du Ministère de l’intérieur.  


Il a réitéré l’appel du Secrétaire général à l’Iraq pour qu’il envisage un moratoire sur toutes les exécutions, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale.


De son côté, en prenant la parole, le Représentant permanent de l’Iraq auprès des Nations Unies, M. Hamid Al-Bayati, a reconnu l’impasse politique dans laquelle se trouve actuellement son pays.  Il a parlé des manifestations qui ont lieu dans plusieurs villes pour demander, entre autres, l’adoption d’une loi d’amnistie générale et la libération des prisonniers. 


Il a précisé que les manifestations avaient cependant dévié de leurs objectifs et avaient été infiltrées par des groupes terroristes.  La présence d’acteurs étrangers et régionaux, qui ont détourné les demandes légitimes des citoyens iraquiens, a été dévoilée lorsque ces personnes ont brandi des drapeaux de l’armée syrienne libre et des portraits de dirigeants étrangers, a-t-il expliqué. 


Le représentant a énuméré les demandes des manifestants qui ont abouti, comme la libération de détenus et le retour d’officiers dans l’armée.  Il a par ailleurs indiqué que le Ministère de l’intérieur avait tiré la sonnette d’alarme à propos de tout langage qui incite à la haine sectaire et constitue ainsi une menace directe à la sécurité de la nation.


Les manifestations restent cependant pacifiques, a-t-il fait valoir, comme a pu constater la mission des Nations Unies en visite sur le terrain en février dernier. 


Au cours des dernières années, l’Iraq a traversé plusieurs crises qui ont finalement abouti à des résultats positifs, a-t-il observé, citant à cet égard l’adoption de la Constitution et la tenue d’élections. 


Il a toutefois attiré l’attention sur l’instabilité causée par le conflit syrien dans toute la région.  Il a rappelé que des soldats syriens, qui s’étaient rendus aux autorités iraquiennes, avaient été tués par des terroristes armés ayant infiltré l’Iraq le 4 mars 2013.  Ceci prouve bien que le conflit syrien entraîne une instabilité dans la région, a indiqué M. Al-Bayati.  Le Groupe Al-Qaida a d’ailleurs revendiqué ces meurtres commis en collaboration avec le groupe terroriste Al Nusra Front.


Les civils iraquiens sont moins victimes de la violence du terrorisme qu’en 2009-2011, a ensuite estimé M. Al-Bayati, tout en craignant une recrudescence de cette violence dans les prochains mois à cause de la situation prévalant au niveau régional. 


Beaucoup des groupes rebelles, dont Al-Qaida, sont toujours actifs en Iraq, a-t-il prévenu, signalant que la situation est toujours critique à Bagdad, Kirkuk, Ninewa, Salah Al Din, Al Anbar et Diyala. 


Le Gouvernement iraquien a condamné l’attaque du Camp Hurriya, commise le 9 février 2013 et a lancé une enquête, a dit le représentant.  Par ailleurs, il a signalé que la Commission électorale indépendante avait fait en sorte que les élections provinciales se tiennent le 20 avril 2013.


Sur les plans économique et social, le représentant a fait part des progrès importants accomplis par l’Iraq, citant notamment l’augmentation du taux de croissance économique, qui a été de 10% en 2012.  Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), cette croissance atteindra 13,5% en 2013, ce qui fait de l’Iraq une des économies dont la croissance est la plus forte au niveau mondial. 


En outre, à la fin de 2012, l’Iraq était devenu le deuxième producteur de pétrole parmi les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), après l’Arabie saoudite.  Le représentant a aussi noté que le budget de l’État avait augmenté de 18% cette année par rapport à 2012. 


Il a ensuite parlé de la Foire internationale de Bagdad, qui a eu lieu en novembre 2012, et des accords bilatéraux signés à cette occasion.  L’Iraq s’attache aussi à attirer les investissements et investit lui-même dans des projets de logement et dans les communications et les technologies de l’information.  Il a précisé que 80% des Iraquiens étaient possesseurs d’un téléphone portable.


Sur les plans régional et international, M. Al-Bayati a assuré que son pays continuait à développer des relations avec les pays de la région et en particulier avec le Koweït.  Un litige relatif à la compagnie aérienne Iraqi Airways a ainsi été réglé par le versement à la compagnie Kuwaiti Airlines par l’Iraq d’un montant de 500 millions de dollars.  Ces efforts devraient ouvrir la voie à des relations bilatérales basées sur le respect mutuel et l’intérêt commun, a-t-il espéré.


Il a aussi évoqué la Conférence du Conseil des ministres pour le logement et la construction arabes, qui a eu lieu à Bagdad en décembre 2012, et la Conférence sur les prisonniers palestiniens et arabes qui s’est tenue également dans la capitale iraquienne. 


Le représentant a cité les autres conférences internationales auxquelles l’Iraq a participé au cours des derniers mois, sur des questions comme les armes chimiques ou la sécurité.  L’Iraq a aussi participé à la réunion des donateurs en faveur de la situation humanitaire en Syrie, a-t-il ajouté. 


En conclusion, le représentant iraquien a exhorté les membres du Conseil de sécurité à aider son pays de telle sorte qu’il puisse sortir du régime des sanctions qui lui ont été imposées au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies à la suite de l’invasion du Koweït.  « L’Iraq d’aujourd’hui n’est pas celui d’avant 2003 », a-t-il assuré, citant les propres fermes du Secrétaire général dans son rapport.  « L’Iraq doit retrouver son statut d’avant 1990. »


*     S/2013/154


LA SITUATION CONCERNANT L’IRAQ


Deuxième rapport du Secrétaire général présenté en application du paragraphe 6 de la résolution 2061 (2012) (S/2013/154)


Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, rend compte, dans ce rapport, des progrès accomplis depuis quatre mois par la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) dans l’accomplissement de toutes les tâches dont elle est chargée.


Il y traite des principaux faits nouveaux dans le domaine politique et sur le plan de la sécurité ainsi que des événements de portée régionale et internationale concernant l’Iraq.


Le Secrétaire général constate ainsi que si tous les membres du Gouvernement de collaboration nationale ont continué d’affirmer leur volonté d’édifier en Iraq un avenir pacifique fondé sur la tolérance, les tensions politiques se sont néanmoins aggravées pendant la période considérée, qui a vu une multiplication des incidents menaçant la sécurité.


M. Ban se dit préoccupé par la recrudescence des tensions en Iraq, en particulier depuis les nouvelles manifestations survenues dans l’ouest du pays.  Il demande instamment au Gouvernement de continuer à faire preuve de la plus grande retenue à l’égard des manifestants qui, de leur côté, devraient continuer à exprimer leurs revendications de manière pacifique.


Il encourage vivement le Gouvernement iraquien à mener rapidement des enquêtes sur les allégations faisant état de violations des droits de l’homme, de manière transparente.  À cet égard, il se félicite de la constitution d’un comité interministériel et espère qu’il pourra mener à bien rapidement son examen des revendications formulées par les manifestants, conformément à la Constitution et à l’état de droit.


Il lance également un appel à toutes les parties pour qu’elles  redoublent d’efforts en vue de trouver des solutions aux questions politiques, législatives et juridiques qui se posent depuis longtemps en engageant un dialogue sérieux, dans un esprit de compromis et de souplesse.  La MANUI reste prête à aider le Gouvernement iraquien et ses institutions et offre ses bons offices à cette fin.


Le Secrétaire général demeure en outre préoccupé par l’instabilité continue des relations entre le Gouvernement iraquien et le gouvernement régional du Kurdistan.  Il engage les deux parties à reprendre le dialogue sur des solutions qui reposent sur les principes de respect mutuel et de fédéralisme fondés sur la Constitution.


Un partage transparent et responsable des pouvoirs et des ressources est essentiel pour assurer le maintien de la stabilité politique, de la croissance économique et de la prospérité pour tous, écrit Ban Ki-moon, ajoutant qu’il n’y a pas d’autre option qu’une coexistence pacifique dans un État fédéral uni en Iraq.


Par ailleurs, il encourage toutes les parties à veiller à ce que les élections aux conseils des gouvernorats du 20 avril se déroulent conformément au calendrier actuellement prévu, de manière pacifique et ordonnée, et à l’abri de toute violence.  Il réitère l’engagement continu de l’ONU à l’appui des préparatifs électoraux en cours et du renforcement des capacités électorales de l’Iraq sur les plans technique et institutionnel.


Le Secrétaire général prend note avec satisfaction de l’appui fourni aux réfugiés syriens dans le nord (camp de Domiz) et encourage le Gouvernement iraquien à continuer de garantir une entrée libre à tous les Syriens en quête de protection.


Il condamne en revanche l’attaque qui a été lancée le 9 février contre le camp Hurriya, et réitère l’appel qu’il a adressé au Gouvernement iraquien pour qu’il mène rapidement une enquête approfondie sur l’incident qui s’est produit et qu’il en traduise les auteurs en justice.  Il demande à l’Iraq d’assurer la sûreté et la sécurité de tous les résidents, conformément au mémorandum d’accord du 25 décembre 2011.


Il demande en outre aux résidents et à leurs représentants d’engager sans tarder un dialogue sur cette question, de façon responsable et constructive.  Il implore également les résidents à répondre de manière constructive au processus de réinstallation du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).  Le refus de coopération de certains résidents constitue un obstacle majeur au succès de ce processus, observe-t-il.


Réitérant le ferme attachement de l’ONU à la recherche d’une solution pacifique et durable pour les résidents du camp Hurriya et du camp Nouvel Iraq, il exprime sa gratitude aux États Membres qui ont offert des possibilités de réinstallation aux résidents de ces camps et lance un appel aux autres pour qu’ils suivent leur exemple.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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