« La République centrafricaine doit être remise sur les rails », insiste la Représentante du Secrétaire général pour ce pays devant le Conseil de sécurité
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Conseil de sécurité
6899e séance – matin
« LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE DOIT ÊTRE REMISE SUR LES RAILS », INSISTE LA REPRÉSENTANTE
DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR CE PAYS DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ
« Le Président François Bozizé s’engage à constituer un gouvernement
d’unité nationale », assure le délégué de la République centrafricaine
La Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en République centrafricaine (BINUCA), Mme Margaret Vogt, a fait un exposé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, sur les évènements récents qui ont suivi le soulèvement de la coalition Séléka de rebelles dans ce pays, ainsi que les pourparlers de paix de cette semaine à Libreville qui ont abouti à la signature de trois accords. Le Conseil a également entendu un exposé de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Zainab Hawa Bangura, sur les conclusions de sa visite en République centrafricaine (RCA) du 5 au 12 décembre 2012, qu’elle effectuait pour la première fois depuis son entrée en fonctions.
Intervenant par vidéoconférence depuis Libreville, au Gabon, Mme Vogt a présenté le rapport* du Secrétaire général sur la situation en RCA et sur les activités du BINUCA, publié le 21 décembre, en ajoutant des informations importantes sur les évènements récents ayant eu un impact considérable sur la situation sociale, politique et sécuritaire de ce pays et ayant entravé les travaux des entités de l’ONU. Elle a fait ainsi référence à l’offensive menée le 10 décembre contre le Gouvernement par une coalition de groupes rebelles qui a entraîné l’occupation d’un certain nombre de villes. Le Représentant permanent de la République centrafricaine, M. Charles-Armel Doubane, invité à s’exprimer devant le Conseil, a affirmé que le rapport du Secrétaire général était « complètement obsolète » du fait de l’évolution de la situation sur le terrain, faisant en outre observer que le rapport avait été présenté non pas depuis Bangui mais depuis Libreville.
La période considérée a également été marquée par des évolutions importantes, comme la révision du Code électoral, a indiqué Mme Vogt. La Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) a adhéré à l’Accord global de paix de Libreville de 2008, ouvrant ainsi la voie à la mise en œuvre du programme de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR), a-t-elle ajouté. Le Gouvernement a aussi conclu un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), qui a permis de retrouver l’appui financier de nombreux bailleurs de fonds après trois années de blocage.
Ces avancées ont cependant été compromises par la résurgence d’une rébellion, a rappelé Mme Vogt, en précisant que la coalition Séléka, créée le 12 décembre et composée de plusieurs groupes rebelles, avait pris le contrôle de plusieurs villes sans rencontrer de résistance de la part de l’armée nationale. « Cela est révélateur de la faiblesse des forces armées du pays », a-t-elle commenté.
C’est dans ce contexte que, le 17 décembre, le Président tchadien, M. Idriss Deby Itno, a déployé des troupes en République centrafricaine afin de s’interposer entre les forces rebelles. Le nouveau contingent tchadien, qui devait être placé sous contrôle de la Mission de consolidation de la paix de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (MICOPAX), n’a pas empêché les rebelles de capturer la ville de Sibut, a fait remarquer Mme Vogt. Cela a entraîné l’évacuation des membres du personnel de l’ONU et de leurs familles ainsi que le déploiement rapide de contingents du Cameroun, de la République du Congo, du Gabon et d’un autre contingent du Tchad. En outre, le Gouvernement a demandé le soutien de forces sud-africaines, et la France a déployé des forces supplémentaires à Bangui. Mme Vogt a expliqué que la décision de la communauté internationale d’évacuer son personnel avait envoyé un signal fort aux pays de la région. Si la MICOPAX avait auparavant réduit ses forces, en prévision du retrait final envisagé en 2013, elle a pu modifier son mandat et fournir des troupes pour défendre Bangui.
Mme Vogt a indiqué qu’elle avait engagé des pourparlers, comme l’avaient demandé les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), lors du sommet de N’Djamena le 21 décembre. Dans ce cadre, elle s’est rendue deux fois à Brazzaville pour rencontrer le Président de la République du Congo, M. Denis Sassou Nguessou, a-t-elle indiqué. L’Équipe des Nations Unies a aidé à structurer la médiation et à rédiger un accord de cessez-le-feu, tandis que le BINUCA a coopéré avec l’équipe de la CEEAC, a-t-elle assuré. « Le rôle que les Nations Unies ont joué a été grandement apprécié », a-t-elle dit.
Le Président François Bozizé, critiqué par les dirigeants de la région pour son manque d’ouverture, a dû s’engager à constituer un gouvernement d’unité nationale, a expliqué Mme Vogt avant de présenter les trois accords qui viennent d’être signés. Le premier est une déclaration de principe visant à résoudre la crise politique et la crise sécuritaire en RCA. Le deuxième est un accord de cessez-le-feu qui doit entrer en vigueur dans les 72 heures suivant sa signature. Le troisième est un accord politique qui définit les modalités du partage du pouvoir et de la période de transition.
Résumant cet accord politique, Mme Vogt a précisé que le Président allait rester au pouvoir jusqu’à la fin de 2013. Un premier ministre issu de l’opposition sera nommé et un gouvernement d’unité nationale sera constitué, comprenant la majorité présidentielle, l’opposition démocratique, les groupes politico-militaires qui ont signé l’accord de Libreville, la coalition Séléka ainsi que la société civile. Ce gouvernement ne pourra pas être renversé par le Président au cours de la période de transition. Il devra organiser des élections législatives, procéder aux réformes des secteurs judiciaire, économique et social, ainsi que mettre en œuvre le programme de DDR.
Mme Vogt a rappelé l’amélioration de la situation sécuritaire qui a précédé les troubles récents, notamment à la suite du lancement du programme de DDR. Le nord-ouest du pays a été épargné jusqu’ici par les attaques rebelles, a-t-elle fait observer. « Nous avons suivi de près les incidents qui se sont produits sans pour autant penser que les rebelles prendraient le contrôle de la moitié du pays », a déclaré Mme Vogt. Leur avancée est davantage la conséquence de l’incapacité des forces gouvernementales que de la puissance de ces groupes, a-t-elle fait remarquer. Elle a aussi donné des précisions en ce qui concerne la situation humanitaire en République centrafricaine qui reste, a-t-elle prévenu, extrêmement délicate et souffre du manque d’accès.
En conclusion, Mme Vogt a insisté sur la nécessité d’établir un dialogue global, portant sur toutes les difficultés qui touchent le pays. « La République centrafricaine est un peu l’orpheline de l’aide internationale », a-t-elle rappelé, en invitant à renforcer désormais cette aide. Elle a aussi espéré que les accords signés seraient appliqués et demandé une participation politique ferme sur le terrain en ce qui concerne le désarmement, la démobilisation et la réintégration. Elle a recommandé que le BINUCA procède à une évaluation stratégique pour redéfinir ses besoins, en appelant la communauté internationale à s’impliquer davantage, notamment sur le plan financier. Des capacités civiles doivent y être déployées, a-t-elle insisté.
Pour sa part, la Représentante spéciale du Secrétaire général sur les violences sexuelles commises en période de conflit a souligné que la violence sexuelle dans le pays est liée aux problèmes de la sécurité. La violence généralisée englobe aussi bien des enlèvements sous la menace que des mariages forcés, a-t-elle précisé. « Le souhait principal des femmes que j’ai rencontrées est de vivre dans la sécurité. » Elle a plaidé en faveur d’un meilleur suivi et demandé à tous les groupes armés d’appliquer les ordres de prévention de la violence sexuelle.
Mme Bangura a aussi évoqué un incident survenu lors d’une opération de remise d’enfants. Il est important, a-t-elle dit, que les autorités nationales prennent en main la lutte contre les violences sexuelles. Mme Bangura a aussi invité à discuter avec les dirigeants militaires pour qu’ils respectent leurs engagements dans ce domaine. L’équipe d’experts sur les violences sexuelles va maintenant être déployée en République centrafricaine, a-t-elle dit en souhaitant que les États Membres lui apportent leur appui.
« J’encourage le système des Nations Unies à remettre la République centrafricaine sur les rails », a insisté la Représentante spéciale sur les violences sexuelles commises en période de conflit. Elle a également insisté sur la nécessité de définir une réponse intégrée pour lutter contre les violences sexuelles. Ce n’est qu’en réglant les problèmes de sécurité qu’il sera possible de mettre fin aux violences sexuelles dans le pays, a-t-elle affirmé.
Le Gouvernement de la République centrafricaine, a assuré son représentant, s’attèle progressivement à la construction d’un « véritable État droit. Le Président François Bozizé s’est engagé à constituer un gouvernement d’unité nationale, a précisé M. Charles-Armel Doubane. Il a fait remarquer que les Centrafricains en avaient assez des différends, qu’ils avaient « enfin compris » et qu’ils discutaient maintenant des moyens de sortir de cette « énième crise » qui secoue leur pays. Le danger de la guerre est manifeste, a-t-il averti. C’est pourquoi, a-t-il estimé, les pourparlers qui se déroulent actuellement à Libreville sont la seule issue pour le pays. « Ma délégation fonde un grand espoir sur une solution juste et équilibrée capable d’amener de manière définitive la paix en République centrafricaine », a-t-il dit, en se félicitant à cet égard de la signature d’un accord avec la rébellion. M. Doubane a ensuite remercié les différents acteurs qui ont contribué à l’évolution positive de la situation, dont nombre d’entre eux, a-t-il fait observer, travaillent dans l’ombre. « Agir pour amener la paix en République centrafricaine, c’est agir pour amener la paix dans la sous-région et l’Afrique tout entière », a-t-il estimé avant de conclure.
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