Le Dialogue de haut niveau sur le financement du développement recommande la multiplication des sources de mobilisation de fonds et plus d’accent sur les ressources nationales
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Assemblée générale
Soixante-huitième session
31e séance plénière
matin & après-midi
LE DIALOGUE DE HAUT NIVEAU SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT RECOMMANDE LA MULTIPLICATION
DES SOURCES DE MOBILISATION DE FONDS ET PLUS D’ACCENT SUR LES RESSOURCES NATIONALES
Si l’aide publique au développement (APD) demeure à ce jour le mode de financement du développement le plus essentiel, d’autres sources de mobilisation de fonds, publiques ou privées, nationales ou internationales, sont de plus en plus disponibles et doivent être utilisées pour accélérer la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et soutenir le futur programme de développement pour l’après-2015. C’est ce qu’ont estimé aujourd’hui des experts, et des représentants d’États Membres et de la société civile, au cours du deuxième jour du Dialogue de haut niveau sur le financement du développement, organisé par l’Assemblée générale des Nations Unies.
Deux tables rondes et un dialogue informel interactif ont été organisés au cours de la journée, et ont bénéficié de la participation de nombreuses délégations d’États Membres, et de représentants de fonds, organes et programmes du système de l’ONU et de la société civile aux différents échanges.
« La question qui se pose est de savoir comment financer le programme de développement pour l’après-2015 », a expliqué le Conseiller spécial de l’Administrateur du programme de développement pour l’après-2015, du Bureau des politiques de développement du PNUD M. Olav Kjørven.
Bien que l’APD demeure la principale source de financement des programmes de développement pour un grand nombre de pays en développement, la diminution du volume de cette aide depuis deux ans a conduit les experts et participants à souligner qu’il est nécessaire de mobiliser d’autres ressources auprès des secteurs public et privé, et de toutes autres sources de mobilisation de fonds nationales ou internationales. Étant donné que les besoins de financement du développement durable dépassent les ressources publiques disponibles, il serait en effet logique de se tourner vers le secteur privé et ses investisseurs pour combler l’écart existant, a expliqué le représentant de l’Afrique du Sud qui jouait le rôle de modérateur de la première table ronde.
À ce point de vue, le représentant de l’Arabie saoudite a opposé une vue différente. Les investissements privés étant par définition toujours orientés par nature vers la recherche de profits immédiats, ils ne sont pas une option en matière de financement du développement, a-t-il estimé. Le financement du développement requiert en effet que des investissements soient faits dans la fourniture de prestations sociales et de bien publics –eau, énergie, éducation, santé- aux populations.
« Si la communauté internationale avait mis en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre le huitième OMD relatif au partenariat mondial pour le développement, nous n’en serions pas au point où nous nous trouvons aujourd’hui », a regretté pour sa part le représentant de la République-Unie de Tanzanie qui a exhorté les États Membres à honorer leurs promesses en matière d’APD.
Le représentant de Saint-Kitts-et-Nevis, s’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a plaidé pour que les 17 trillions de dollars d’épargne qui dorment dans des coffres-forts à travers le monde soient investis dans la cause de la promotion du développement. Le représentant de l’Allemagne a pour sa part préconisé que l’on augmente le niveau des ressources nationales mobilisées en faveur du développement, afin de réduire la dépendance des pays en développement aux financements internationaux.
Parmi les mesures proposées pour augmenter le nombre de sources nationales de mobilisation de fonds pour le financement du développement, plusieurs intervenants ont soutenu qu’il fallait renforcer l’administration fiscale des pays en développement et élargir ainsi leur assiette fiscale. La Sous-Secrétaire générale au développement économique des Nations Unies a expliqué l’intérêt de ce genre de mesures en comparant des chiffres : dans les pays en développement, seulement 13% du produit intérieur brut (PIB) proviennent de la fiscalité, alors que ce taux est de 34% dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où la collecte des taxes, des impôts et des recettes douanières est plus systématique et mieux organisée.
Un certain nombre de délégations ont encouragé le recours à des financements innovants, comme les taxes carbone et celles sur les transactions financières internationales. Le représentant de la France a, à cet égard, souligné la large palette offerte par ces outils, qui va des incitations et garanties aux taxes de solidarité comme celle imposée par la France sur les billets d’avion, qui a rapporté plus d’un milliard d’euros depuis 2006 au bénéfice de la Facilité internationale d’achat de médicaments (UNITAID).
Le Conseiller spécial du Président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a proposé, quant à lui, de stimuler les marchés financiers locaux des pays en développement afin de les rendre plus attractifs à l’investissement privé.
Dans la perspective de l’après-2015, un des coprésidents du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable a annoncé que le Comité allait organiser des réunions avec le secteur privé et les autres parties prenantes. Le Comité communiquera à l’Assemblée générale, en août 2014, un rapport qui contiendra des recommandations directes et pragmatiques, a-t-il annoncé.
DIALOGUE DE HAUT NIVEAU SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT
Table ronde 2: « La mobilisation de fonds publics et privés, y compris les investissements étrangers directs et les autres apports de capitaux privés, et la promotion du commerce international et du financement viable de la dette, dans le contexte du financement du développement »
À l’ouverture de cette table ronde, le modérateur, M. JEREMIAH NYAMANE KINGSLEY MAMABOLO, de l’Afrique du Sud, a noté que l’épargne mondiale est estimée à 17 trillions (17 milliards de milliards) de dollars en 2012, et il a souhaité qu’une part de cette épargne puisse servir la cause du développement. Il a ajouté qu’étant donné que les besoins de financement du développement durable dépassent les ressources publiques disponibles, il serait logique de se tourner vers le secteur privé pour combler l’écart existant. Il a également appelé à la conclusion du Cycle de négociations commerciales de Doha, afin de restreindre le protectionnisme et améliorer la balance commerciale des pays en développement. M. Mamabolo a aussi plaidé en faveur de la restructuration de la dette souveraine de ces pays.
Intervenant après lui, M. MANSUR MUHTAR, Coprésident du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable, et Directeur exécutif du groupe de la Banque mondiale, a dit que l’aide publique au développement (APD) est aujourd’hui « sous pression », du fait de la crise économique. Il a cependant noté qu’il est possible aujourd’hui de multiplier le nombre de donateurs, notamment en mettant en place des partenariats avec le secteur privé. M. Muhtar a également préconisé une plus grande mobilisation des ressources nationales, qui pourrait avoir lieu en renforçant les capacités nationales de mobilisation desdites ressources. Il a cité l’exemple de la Colombie « qui a vu ses ressources fiscales passer de 50 millions à 50 milliards de dollars grâce au soutien technique du Fonds monétaire international (FMI) ».
Mme SHAMSHAD AKHTAR, Sous-Secrétaire générale au développement économique des Nations Unies, a apporté son soutien à l’option préconisant le renforcement institutionnel en relevant que dans les pays en développement, seulement 13% du produit intérieur brut (PIB) proviennent de la fiscalité, alors que ce taux est de 34% dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle a aussi prôné l’amélioration des règlementations micro et macro prudentielles, afin que les crises mondiales affectent moins le financement du développement. Elle a enfin plaidé pour une meilleure distribution des fonds disponibles en privilégiant l’économie réelle en termes de financements et d’investissements.
M. ERIK BERGLÔF, Économiste en chef et Conseiller spécial du Président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, a proposé de stimuler les marchés financiers locaux des pays en développement afin de les rendre plus attractifs à l’investissement privé. Il a en outre suggéré une diversification des secteurs d’investissement et a préconisé qu’un accent particulier soit mis sur des investissements de longue durée dont les effets seront bénéfiques de manière durable.
Mme RENATE HAHLEN, Directrice générale pour le développement et la coopération d’EuropeAid, organe de la Commission européenne, a relevé que l’APD reste une source de financement incontournable pour les pays les plus vulnérables. Elle a aussi rappelé que le Consensus de Monterrey et la Déclaration de Doha sur le financement du développement ont été clairs sur le fait que chaque État est responsable en premier de son propre développement. Elle a mis en garde contre la tendance qui pousse certains à croire que l’APD traditionnelle pourrait aider à résoudre des problèmes d’un monde qui a connu de nombreuses transformations, et qui fait face à de nouveaux défis.
M. BRUCE GREENWALD, Professeur de finance et de gestion des actifs à l’Université de Columbia à New York, États-Unis, a déclaré que l’industrie manufacturière, qui semble stimuler la croissance mondiale, est en train de mourir, selon le même scénario que celui qui, au siècle dernier, a vu l’agriculture baisser en importance et perdre de son poids économique. Il a précisé que l’industrie manufacturière, qui a connu une migration vers l’Asie, revient désormais dans les pays développés, mais que les emplois qu’elle offre diminuent du fait de la réduction des coûts de production, de l’automatisation, et du fait que les investisseurs sont constamment à la recherche de toujours plus de dividendes et de profits. M. Greenwald a de ce fait prôné le transfert et la diffusion des technologies dans les pays en développement, et la mise en place d’institutions financières nationales fortes, afin de développer le savoir-faire local des pays en développement.
Débat interactif
Au cours du débat interactif qui a suivi, les échanges ont été en grande partie orientés sur la notion de responsabilité partagée entre divers acteurs du développement, et sur les promesses non tenues en matière de financement du développement.
D’entrée de jeu, le représentant de l’Arabie saoudite a rappelé que les investissements privés, tournés vers le profit immédiat, ne sont pas les meilleures options en matière de financement du développement.
Son collègue de la République-Unie de Tanzanie a noté que « les mêmes discours reviennent tout le temps », et que si la communauté internationale avait mis en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre le huitième des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) relatif au partenariat mondial pour le développement, « nous n’en serions pas là ». « Nous, les États Membres, nous ne respectons pas nos propres promesses et ensuite, nous accusons « l’ONU », alors qu’en fait, nous sommes les Nations Unies », a-t-il notamment déploré.
Un représentant de la société civile, membre du Réseau européen sur la dette et le développement, a abondé dans le même sens en rappelant que depuis 10 ans, « les mêmes mots reviennent ». Il a demandé « combien de crises de l’endettement faut-il avoir avant que les institutions financières internationales ne soient reformées? » Sa question a fait dire au représentant de l’Équateur qu’il faudrait créer un nouveau pacte d’investissement qui mettrait des garde-fous pour que les compagnies n’abusent plus de la confiance des pays en leur faisant signer, grâce aux institutions financières internationales, des contrats iniques, comme cela s’est vu en Amérique latine.
Une représentante de la société civile, représentant l’ONG Association du droit des femmes pour le développement, a indiqué que la sexospécificité avait été intégrée au Consensus de Monterrey et à la Déclaration de Doha, mais que la mise en œuvre des termes de ces textes favorables à l’amélioration du statut de la femme n’a pas suivi. « Il ne peut y avoir de développement durable sans respect des droits des femmes et sans égalité hommes-femmes », a-t-elle prévenu.
Le représentant de l’Australie a estimé que c’est la libération du commerce qui pourrait renforcer la croissance. Il a rappelé que les pays les moins avancés (PMA) représentent 12% de la population mondiale, mais contribuent pour à peine 2 à 4% du volume des échanges commerciaux internationaux. Il a ainsi invité la communauté internationale à œuvrer pour la conclusion rapide du Cycle de négociations commerciales de Doha, notamment en trouvant une entente sur son volet agricole, bloqué par la question des subventions. Le Professeur Greenwald, de l’Université de Columbia lui a rétorqué que « la libération du commerce ne va pas sauver les pays en développement, car l’ère de l’agriculture est révolue », et l’économie mondiale est stimulée par l’industrie manufacturière. Il a aussi exhorté la communauté internationale à se tourner vers le commerce des services.
Le représentant de Saint-Kitts-et-Nevis, s’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a plaidé pour que les 17 trillions de dollars épargnés à travers le monde ne restent pas enfermés dans des coffres-forts et soient investis pour la cause du développement. Le représentant de l’Allemagne a proposé pour sa part que soit augmentée la part des ressources nationales mobilisées, afin de réduire la dépendance des pays en développement aux financements internationaux.
Un représentant du secteur privé a ajouté que le financement du développement pourrait bénéficier de la mise en œuvre du principe de « responsabilité sociétale des entreprises », afin que ces dernières investissent dans le secteur social.
Table ronde 3: « L’effet multiplicateur de la coopération technique et financière pour le développement, y compris les sources novatrices de financement, sur la mobilisation de ressources financières nationales et internationales pour le développement durable »
Introduisant ce matin la troisième table ronde du Dialogue de haut niveau sur le financement du développement, M. FRANTIŠEK RUŽIČKA (Slovaquie), membre du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable, a demandé aux participants d’identifier des sources financières autres que l’aide publique au développement (APD). Rappelant que les pays se sont engagés à augmenter l’efficacité de l’aide lors de la Conférence de Paris en 2005, il a appelé à l’établissement de plus de transparence et a demandé que l’on évite les doubles emplois.
M. PERTTI MAJANEN, Coprésident du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable, a indiqué que le Comité avait déjà défini la politique devant régir la conduite de ses travaux et qu’il allait notamment organiser des réunions avec le secteur privé et les autres parties prenantes. En tant que groupe d’experts, nous ne prendrons pas de décisions mais nous communiquerons notre rapport à l’Assemblée générale en août 2014, a indiqué M. Majanen. Le rapport contiendra, a-t-il précisé, des recommandations directes et pragmatiques. Venant à la question de l’APD, il a rappelé que l’objectif qui avait été arrêté de consacrer 0,7% du PIB des nations développées à l’APD, dont 0,15% pour les PMA, n’était pas encore atteint. Il a souhaité que l’APD soit dans l’avenir de meilleure qualité et a préconisé d’utiliser davantage les fonds privés pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté.
M. JON LOMOY, Directeur de la Direction de la coopération au développement à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), s’est réjoui « qu’il n’y ait jamais eu autant de ressources disponibles pour le développement ». Pour renforcer la mobilisation des ressources nationales dans les pays en développement, il a suggéré d’élargir l’assiette fiscale et de mettre un terme aux exonérations fiscales. Il a aussi proposé d’imposer plus efficacement l’exploitation et le commerce des ressources naturelles. En ce qui concerne le financement privé, il a donné l’exemple de la coopération entre les Gouvernements de la Chine et de l’Éthiopie, qui ont utilisé des fonds publics chinois pour susciter la mobilisation d’investissements privés chinois dans l’industrie textile en Éthiopie. Il a suggéré de réformer l’APD, mais pas nécessairement en y faisant des changements radicaux. M. Lomoy a proposé notamment de récompenser les pays qui utilisent au mieux leurs fonds publics. Enfin, il a salué les bons exemples fournis par des pays comme la Slovaquie et la République de Corée qui sont passées de la catégorie des bénéficiaires de l’aide à celle de donateurs.
Mme GARGEE GHOSH, Directrice de l’analyse politique et du financement à la Fondation Bill & Melinda Gates, a indiqué que la Fondation était à la recherche de mécanismes modernes et efficaces qui lui permettraient d’améliorer ses prestations d’aide au développement. La Fondation travaille avec des pays comme l’Arabie saoudite, la Chine, le Brésil et la République de Corée, a-t-elle indiqué, se disant encouragée par l’augmentation des ressources disponibles pour le développement dans ces pays. Elle a expliqué que la Fondation Bill & Melinda Gates menait divers petits projets sur le terrain. Nous voulons aussi favoriser l’apparition d’une nouvelle génération de philanthropes, a poursuivi Mme Ghosh. Elle a également parlé de l’élaboration d’une vision d’avenir dans le secteur de l’extraction minière en Afrique. Par ailleurs, la Fondation Gates offre des garanties pour réduire les risques posés par les capitaux privés investis dans des projets de développement, a-t-elle précisé. L’experte a également parlé des activités menées par la Fondation pour rechercher d’autres sources de financement, notamment en vue de transformer certains prêts en dons, comme cela a été le cas avec la Banque islamique de développement.
M. MAURICIO ESCANERO, Représentant permanent suppléant du Mexique auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a proposé de suivre « l’esprit de Monterrey » pour façonner les priorités de l’après-2015. Il est temps de se préparer à une conférence de suivi de Monterrey, qui pourrait s’appeler « Monterrey + », a-t-il suggéré, souhaitant qu’elle se tienne avant la fin de l’année 2015 pour contribuer efficacement à la définition du programme de développement pour l’après-2015. M. Escanero a estimé que l’inclusion sociale et la coopération internationale pour le développement sont deux éléments essentiels de ce programme. Il a proposé la tenue au Mexique d’une réunion mondiale sur l’inclusion sociale. En outre, le Mexique organisera en avril 2014 la première réunion de haut niveau sur l’efficacité de l’aide et la coopération en faveur du développement, a-t-il annoncé.
Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut utiliser l’aide de manière plus efficace, a déclaré M. GILLES ALFANDARI, économiste au Groupe international des politiques et de partenariats (IPPG) à la Banque mondiale. Il a ensuite proposé que l’accent soit aussi mis sur la mobilisation des ressources nationales, en y renforçant la transparence en améliorant la durabilité des pratiques mises en place. Il a suggéré que l’on procède à des réformes dans les systèmes de subventions existant. En ce qui concerne l’APD, il a averti que son niveau n’augmenterait probablement pas dans un avenir proche et a noté qu’on avait pu observer une certaine fragmentation des ressources issues de ce type d’aide. L’expert a ensuite parlé de l’importance du financement du développement dans les pays touchés par les conflits. Il a invité le secteur public à jouer son rôle de catalyseur pour s’assurer que les financements privés soient utilisés au mieux. Avec la Fondation Gates, nous travaillons sur plusieurs instruments, a-t-il indiqué, citant notamment le lancement d’une initiative axée sur l’obtention de résultats, dont les mesures tendent à pallier les échecs qui peuvent survenir sur un marché donné. Il a ensuite évoqué, comme exemple de mesures issues de cette initiative, l’utilisation de technologies permettant de protéger les récoltes contre les attaques d’insectes. Le secteur privé a les capacités nécessaires dans ce domaine, mais ne savait sans doute pas qu’un marché existait pour ce genre de technologies dans les pays en développement, a-t-il expliqué.
Au cours de la discussion qui a suivi ces exposés, les participants ont souligné la nécessité de renforcer l’efficacité de l’aide et ont fait plusieurs suggestions concernant les différentes sources de revenu. La représentante de Saint-Vincent-et-les Grenadines, parlant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a expliqué qu’il fallait mettre en place dans ces pays un environnement juridique et règlementaire propice aux investissements. Pour favoriser la croissance de ces États, elle a proposé de créer des produits novateurs pour financer les secteurs émergents, ceci avec la collaboration du secteur privé.
Ces financements innovants ont constitué le cheval de bataille de l’intervention du représentant de la France, qui a souligné la large palette offerte par ces outils, qui va des incitations et garanties aux taxes de solidarité. Le représentant a donné plusieurs exemples de formes de financement innovantes, comme la Facilité internationale de financement pour la vaccination, ou la taxe de solidarité sur les billets d’avion, qui a rapporté plus d’un milliard d’euros depuis 2006 au bénéfice de la Facilité internationale d’achat de médicaments (UNITAID).
Toutes les sources de financement doivent jouer un rôle dans la promotion du développement, a demandé, pour sa part, le représentant de l’Union européenne (UE) qui a plaidé essentiellement en faveur de l’efficacité de l’aide. La représentante du Portugal a invité les participants à la table ronde à renforcer les synergies entre les différentes sources de financement.
En ce qui concerne les ressources nationales qui peuvent être consacrées au développement, un représentant de la société civile a invité la communauté internationale à poursuivre la collaboration établie au niveau mondial en matière fiscale et à lutter contre l’évasion fiscale qui fait perdre beaucoup de revenus aux pays en développement.
Une représentante du monde des affaires s’est interrogée sur la véritable intégration du secteur privé dans le financement du développement. Pour améliorer la coopération en faveur du développement, le Président de Telecom Advisory Services a proposé de mettre en place un cadre de financement alliant investisseurs publics et privés. Les niveaux de flux privés sont cependant limités, a averti le représentant de la République de Corée en notant que seulement 2% de ces flux vont aux pays les moins avancés (PMA).
Enfin, la représentante de l’Organisation des missionnairesmédicauxcatholiques a demandé à tous les gouvernements de consacrer une partie de leurs dépenses militaires au secteur social. Elle a aussi demandé aux pays développés d’annuler la dette souveraine des pays en développement. La représentante du Cœur Sacré de Marie a, quant à elle, attiré l’attention sur le manque d’accès des femmes des pays en développement aux services financiers, avant de recommander aux gouvernements de soutenir la microépargne et de canaliser les investissements en faveur du microfinancement.
Dialogue interactif informel: « Le lien entre le financement du développement et la réalisation des objectifs de développement arrêtés au niveau international, notamment ceux du Millénaire, et la promotion du programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015 »
M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili), qui présidait ce dialogue interactif, a ouvert la séance en lisant une déclaration de M. JOHN ASHE, Président de l’Assemblée générale, dans laquelle le Président de la soixante-huitième session de l’Assemblée déclare que le financement du développement est le moteur de tout le processus de réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), ce qui en fait la priorité centrale dans la dernière ligne droite qui reste à parcourir pour atteindre ces objectifs. Il en est de même concernant les préparatifs pour la définition du programme de développement pour l’après-2015. M. Ashe encourage les pays en développement à mobiliser autant que possible leurs ressources nationales, tout en exhortant les pays donateurs à honorer les engagements qu’ils ont pris en termes d’APD. La discussion d’aujourd’hui devrait contribuer aux travaux du Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable, estime le Président de l’Assemblée.
« Comment pouvons-nous intégrer le partenariat mondial renouvelé en faveur du développement au programme de développement pour l’après-2015 ?» C’est la première question posée pour cette discussion, a dit M. Errazuriz. Il a demandé aux participants de réfléchir à l’intégration des trois dimensions du développement durable dans un cadre cohérent de financement. Il leur a aussi demandé de s’appuyer sur le cadre du financement du développement pour élaborer le programme de développement pour l’après 2015.
M. GYAN CHANDRA ACHARYA, Haut-Représentant pour les pays les moins avancés (PMA), les États en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement, a jugé cruciale l’intégration des trois dimensions du développement durable dans les politiques de ces pays pour l’après-2015. Pour assurer un accès au financement à ce groupe de pays, qui ont des besoins spécifiques, il a proposé que l’on se penche sur leurs vulnérabilités particulières. Les États Membres des trois groupes précités, qui sont tous des pays en situation particulière, ont été durement touchés par les nombreuses crises et catastrophes, notamment climatiques, survenues ces dernières années, et les ressources pour faire face à ces difficultés leur manquent cruellement, a-t-il expliqué. M. Acharya a insisté sur le caractère essentiel de l’APD pour ces pays. Le Haut-Représentant a aussi appelé à renforcer l’efficacité de l’aide au développement. Pour cela, il a invité toutes les parties prenantes à participer activement à l’exécution des programmes de développement.
Les pays vulnérables vont être confrontés à des difficultés encore plus importantes au cours des années à venir, a poursuivi M. Acharya qui a demandé qu’une réflexion soit menée sur les moyens qui permettraient de renforcer la résilience de ces États sur le long terme. Il a aussi souligné la nécessité d’élargir la base des donateurs. Il faudra aussi examiner les infrastructures des pays en situation particulière pour s’assurer qu’ils ont les moyens de mettre en œuvre les projets de développement, a préconisé le Haut-Représentant. Il a aussi invité à examiner la question de la durabilité de la dette dans les PMA. Enfin, il a suggéré que la coopération Sud-Sud, qui peut encore être améliorée, soit mieux utilisée. « Il faut veiller à éradiquer la pauvreté tout en jetant les bases d’une croissance économique réelle et inclusive dans les pays en développement, car nous voulons trouver des solutions à long terme », a-t-il souligné.
M. OLAV KJØRVEN, Conseiller spécial de l’Administrateur du programme de développement pour l’après-2015, du Bureau des politiques de développement du PNUD, a parlé du prochain programme de développement pour l’après-2015. Il a rappelé qu’une esquisse des préoccupations de la communauté internationale pour ce programme a été révélée après la tenue de consultations populaires menées dans 88 pays auprès de près d’un million et demi de personnes. Il a ainsi relevé que ces consultations ont permis de noter des secteurs prioritaires tels que la santé et l’éducation, ainsi que l’emploi, la gouvernance et la résolution des conflits. Il a ajouté que la question qui s’impose aussi, dans ce débat, est de savoir comment financer ce programme de développement en préparation.
M. Kjørven s’est ensuite inquiété de la diminution du niveau de l’APD pour la deuxième année consécutive. Il a indiqué que les ressources doivent en conséquence être mobilisées auprès des secteurs public et privé, et des sources nationale et internationale. En ce qui concerne la mobilisation des ressources nationales, il a noté que des mesures doivent être prises pour renforcer l’administration fiscale des pays en développement. Il a en outre évoqué de nouvelles formes de mobilisation de financement telles que les taxes carbone et celles sur les transactions financières internationales. Il a ainsi salué la décision prise par l’Union européenne, qui a récemment adopté cette dernière taxe. Il a félicité l’initiative de la France qui a annoncé vouloir consacrer 10% des revenus issus de cette taxe pour la cause du développement international. Il a en plus salué l’importance grandissante de la coopération Sud-Sud, et il a terminé son intervention en se félicitant de l’éventualité de la tenue d’un sommet sur le financement du prochain programme de développement pour l’après-2015.
M. DANIEL TITELMAN, Directeur de la Division financement du développement de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a rappelé que le Consensus de Monterrey sur le financement du développement couvre six domaines principaux, dont la mobilisation des ressources nationales, le renforcement de l’attractivité pour les capitaux internationaux, et l’amélioration de la coopération technique en faveur du développement. Ce programme reste d’actualité, a-t-il estimé tout en mentionnant les nouveaux défis. Il a indiqué qu’il faudrait mobiliser 120 milliards de dollars par an pour réaliser les six premiers OMD. En outre, la réalisation d’autres objectifs, qui vont au-delà des OMD, exigeront des ressources supplémentaires. Certains ont averti que la lutte contre les effets négatifs des changements climatiques nécessitera des ressources représentant 2% du PIB mondial par an, ce qui est énorme, a-t-il commenté. Il a donc invité la communauté internationale à revoir l’architecture actuelle du financement du développement et à encourager la mobilisation des ressources nationales.
L’expert a rappelé que l’objectif, réitéré à Monterrey, de consacrer 0,7% du PIB des pays industrialisés à l’APD est loin d’être atteint, la moyenne actuelle étant de 0,29% du PIB. Il a estimé qu’il fallait tenir compte des capitaux privés et des flux d’envois de fonds des migrants, qui jouent un rôle de plus en plus important dans le financement du développement. Il a aussi conseillé d’intégrer des fonds existants à la fourniture de biens publics et privés. Il y a toute une série de fonds consacrés à la lutte contre les changements climatiques, qui ont chacun leurs propres modes de financement. Malgré cette grande diversité de financement pour les mesures de lutte contre les changements climatiques, les montants déboursés sont encore insuffisants et les fonds ne sont pas très accessibles aux pays en développement, a-t-il observé.
Les échanges interactifs qui ont suivi les présentations des panélistes et experts ont permis de souligner l’importance de la mobilisation des ressources nationales pour le financement du développement.
Un représentant de l’organisation Viva International a regretté que les promesses relatives à la mobilisation de ressources pour le financement du développement restent trop souvent lettre morte. Il a déploré le manque d’une réelle volonté politique pour faire changer les choses, et a proposé, par exemple, que les États réduisent de 5% le niveau des budgets militaires mondiaux et versent ces fonds à la promotion du développement.
Le représentant de la Jamaïque a dit qu’une réforme profonde des politiques nationales doit être menée afin de renforcer la compétitivité des économies des pays en développement. Son collègue de l’Allemagne a pour sa part insisté sur l’amélioration de la gestion des ressources nationales et a plaidé pour une appropriation nationale des processus de développement.
Le représentant du Soudan a, quant à lui, suggéré une stratégie basée sur l’éradication de la pauvreté, qui pourrait être mise en œuvre avec des ressources provenant de sources innovantes de mobilisation de financement pour le développement. Il a aussi souhaité qu’une attention particulière soit accordée aux pays ayant en situation particulière, comme les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays en développement sans littoral.
Les représentants du Chili et du Mexique ont proposé qu’une conférence de suivi de la Conférence de Monterrey sur le financement du développement puisse se tenir avant 2015, afin d’établir les approches de financement du programme de développement pour l’après-2015. Le représentant du Mexique a précisé que le Gouvernement du Mexique était prêt à organiser une telle rencontre qui devrait également examiner les voies et moyens de mettre en œuvre les recommandations de la Déclaration de Doha sur le financement du développement, et celles de la Conférence Rio+20.
Les pays donateurs doivent renverser la tendance actuelle qui a vu l’APD connaître une baisse du niveau de ses ressources, a exhorté le représentant de la République de Corée. Dans le même temps, une représentante de la société civile a rappelé que les pays pauvres qui remboursent la dette due aux pays riches ne peuvent sécuriser des fonds pour la mise en place de politiques de développement. Elle a appelé à l’adoption d’un mécanisme de restructuration de la dette des pays en développement.
Un représentant du secteur des affaires a déploré la hiérarchisation des modes de financement du développement. Il a noté que la plupart des débats mettent en avant l’APD en premier, alors que ce sont les financements nationaux qui devraient d’abord être considérés. Pour rectifier le tir et stimuler la croissance des pays en développement, il a invité les gouvernements à créer les conditions de développement de leur secteur privé, afin que les entreprises créent des emplois et stimulent la croissance nationale dans chaque pays. Une autre représentante du monde des affaires a demandé le renforcement des capacités des fonctionnaires des pays en développement, afin d’y améliorer l’environnement des affaires.
Un représentant du secteur des affaires, travaillant dans le domaine des technologies de l’information et des communications (TIC), a relevé que les TIC représentaient un secteur critique pour l’essor des pays en développement.
Le représentant de l’Union européenne a fait remarquer que le monde a changé depuis 10 ans, c’est-à-dire depuis l’adoption du Consensus de Monterrey en 2002 au Mexique. Il a par conséquent appelé à la modification du cadre conceptuel du financement du développement.
Remarques de clôture
En procédant à la clôture du Dialogue de haut niveau sur le financement du développement, le Président du dialogue interactif informel, qui s’exprimait au nom du Président de l’Assemblée générale, a salué la contribution remarquable des représentants d’États Membres et d’autres acteurs de la société civile à ce débat. Les discussions ont permis de rappeler l’importance du respect du partenariat mondial établi par le Consensus de Monterrey et la Déclaration de Doha sur le financement du développement, a-t-il souligné. Il a annoncé qu’un compte-rendu de ce Dialogue serait publié à une date ultérieure. Résumant les débats, il a souligné que les délégations étaient d’accord pour que l’on évite les doubles emplois dans les efforts de financement. Certaines délégations ont dit qu’il faut aussi que le cadre conceptuel du financement du développement soit adapté aux nouvelles circonstances économiques et financières mondiales, a-t-il relevé. Il a aussi observé le rôle important reconnu au nouveau Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable. Plusieurs délégations ont d’autre part, demandé qu’une conférence sur cette question se tienne avant la fin de 2015, a aussi noté le Président de séance du dialogue interactif. Des appels ont, en outre, été lancés pour que soit créée une commission du financement du développement qui aurait le statut d’organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC).
Après la crise économique et financière qui a affecté le monde en 2008, les participants ont relevé les risques accrus et la méfiance qui se manifeste à l’égard des institutions financières en général. Ils ont aussi évoqué la nécessité d’assouplir le système financier international pour qu’il réaffecte une petite partie des investissements mondiaux au développement durable. Un point unanimement défendu est celui des ressources nationales, qui ont été jugées cruciales par toutes les délégations, a rappelé le Président de séance. Le rôle qui leur est assigné exige que les pays en développement continuent à renforcer leurs capacités en la matière. Au cours du Dialogue, il a aussi été souligné, d’un débat à l’autre, que la coopération Sud-Sud est appelée à jouer un rôle croissant et de plus en plus important, et qu’elle doit être utilisée pour compléter les sources traditionnelles de financement du développement. Le Président a également noté les appels lancés par plusieurs participants pour que soient conclues, au plus vite, les négociations commerciales du Cycle de Doha. Un commerce juste et équitable a en effet, une fois de plus, été reconnu comme moteur de la création de ressources de développement. Enfin, le Président de séance a estimé que les deux journées durant lesquelles a eu lieu le Dialogue de haut niveau avaient permis d’exprimer à la fois les préoccupations de chaque partie et un certain optimisme sur les capacités de la communauté internationale à surmonter les difficultés du développement durable.
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