DH/CT/746

Le Comité des droits de l’homme s’attarde sur la brutalité policière, les faiblesses du système judiciaire et la situation des femmes au Cap-Vert

21/03/2012
Assemblée généraleDH/CT/746
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Pacte international relatif

aux droits civils et politiques

Comité des droits de l’homme

Cent-quatrième session

2877e séance – matin


LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME S’ATTARDE SUR LA BRUTALITÉ POLICIÈRE, LES FAIBLESSES

DU SYSTÈME JUDICIAIRE ET LA SITUATION DES FEMMES AU CAP-VERT


Le Comité des droits de l’homme a examiné, ce matin et malgré l’absence d’un rapport formel, la mise en œuvre au Cap-Vert du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Les 18 experts se sont attardés sur la brutalité policière, les faiblesses du système judiciaire et la situation des femmes.


L’expert du Royaume-Uni s’est notamment inquiété de la brutalité policière qui semble surtout cibler les enfants des rues et les gangs.  Le Représentant permanent du Cap-Vert auprès des Nations Unies, et unique membre de la délégation, a assuré que ces cas étaient isolés.


Il a en revanche reconnu que son pays pâtit énormément de l’infiltration de la criminalité organisée en Afrique de l’Ouest.  Aujourd’hui, des jeunes capverdiens sont recrutés comme mules par les trafiquants de drogues.


Confronter la criminalité organisée qui a plus d’argent et d’armes est toujours difficile, a rappelé le représentant qui a fait état d’une exaspération menant parfois la police à « dépasser les bornes ».  


La réaffectation des ressources à la lutte contre cette criminalité a été invoquée par le représentant pour expliquer les faiblesses du système judiciaire, dans lequel les experts ont relevé des retards préoccupants dans l’examen des dossiers.  Le représentant du Cap-Vert a aussi argué du nombre insuffisant de juges. 


La situation des femmes a également préoccupé les experts. Le représentant a reconnu les blocages culturels mais s’est vanté du fait que le Gouvernement actuel compte huit femmes ministres contre sept hommes. 


« Malgré tous les progrès accomplis, nous sommes conscients qu’il nous reste encore beaucoup à faire.  La population ne nous laisse pas dormir sur nos lauriers et devient de plus en plus exigeante », a affirmé le représentant.


L’expert du Royaume-Uni lui a rappelé que son pays n’a toujours pas présenté le rapport initial que le Comité attend pourtant depuis 1994.  Le représentant a expliqué que ce retard découle tout simplement du fait que le Cap Vert ne peut pas affecter à temps-plein du personnel à cette seule tâche.  La priorité a toujours été donnée à l’action plutôt qu’à la présentation de rapports aux organes internationaux, s’est-il défendu.


À l’issue de ce débat, les experts du Comité ont discuté des meilleurs moyens de remédier au retard dans l’examen des rapports.  Ils se retrouveront jeudi 22 mars, à partir de 15 heures.


EXAMEN DE LA SITUATION DANS DES PAYS EN L’ABSENCE DE RAPPORT, CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 70 DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR DU COMITÉ


Examen de la situation au Cap-Vert


Présentation


M. ANTONIO PEDRO MONTEIRO LIMA, Représentant permanent du Cap-Vert auprès des Nations Unies, a expliqué pourquoi son pays n’a pas été en mesure de présenter son rapport initial, attendu depuis 1994.  Le Comité a certes envoyé une requête au Gouvernement en 2011, mais la mobilisation des experts s’est avérée trop compliquée et a rendu impossible la présentation d’un rapport en temps voulu.  La Commission nationale des droits humains a néanmoins rédigé un rapport préliminaire pendant que le rapport officiel est en cours d’élaboration. 


Le retard enregistré, a insisté le représentant, ne vient d’une peur de présenter un rapport sur les droits de l’homme, mais simplement du fait que le pays a très peu de personnes capables de s’atteler à la tâche, de manière constante.  La priorité a toujours été donnée au terrain plutôt qu’aux rapports pour les organes internationaux.  Ce que nous sommes parvenus à faire dans les domaines des droits de l’homme et sociaux, s’est vanté le représentant, a bénéficié au Cap-Vert qui est une société très ouverte jouissant d’un énorme prestige dans sa lutte contre la pauvreté, l’iniquité et toute atteinte aux droits de l’homme.  « Le Cap-Vert a fait son travail ». 


Le pays, a assuré le représentant, est au premier rang en matière de liberté de la presse et n’a pas à cacher son bilan en matière de consolidation de la démocratie.  Sans ressources naturelles connues, nous avons réussi à faire avancer le pays, s’est-il félicité.  La corruption n’existe pratiquement pas, la vie politique se déroule de manière civilisée sans crainte de débordement sanglant, et la justice est indépendante.  Qui plus est, le Cap-Vert fournit tous les ans des rapports aux institutions de Bretton Woods et à l’ONU qui permettent d’apprécier l’évolution du Cap-Vert dans différents domaines. 


Le Cap Vert, a-t-il enchainé, est l’un des rares pays d’Afrique en mesure de réaliser tous les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), un objectif impossible à atteindre sans une attention particulière au respect des droits de l’homme.  M. Lima a souligné la maturité politique de la population capverdienne, nourrie par son accès à l’éducation.  Un pays qui avance est un pays qui a su faire confiance à ses élites et aux capacités de son peuple, a-t-il affirmé, se vantant du sérieux dont ont fait preuve les dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays.


Questions des experts


M. NIGEL RODLEY, Expert du Royaume-Uni, a regretté l’absence d’un rapport attendu depuis longtemps.  Le Cap-Vert, a-t-il rappelé, a pourtant présenté des rapports à d’autres organes des Nations Unies.  Il s’est aussi étonné que le rapport de la société civile ait été élaboré par la Commission nationale des droits de l’homme, un organe qui dans d’autres pays, est placé sous l’autorité du Gouvernement.  En outre, le rapport semble incomplet puisqu’il y manque des données chiffrées.


Le fonctionnement de la Commission nationale est-il conforme aux Principes de Paris?  Peut-on obtenir des données précises sur la brutalité policière?  Qu’en est-il des enquêtes et des dédommagements éventuellement versées aux victimes?


« Les châtiments corporels sont-ils systématiques dans les écoles et dans les familles capverdiennes »? a ensuite demandé l’expert qui a aussi souhaité des informations sur le trafic des êtres humains, étant donné que le Ministère de la justice a reconnu lui-même que le pays est une zone de transit. 


L’expert a néanmoins salué les dispositions de la Constitution du Cap-Vert, notamment son article 12, qui semble donner au droit international la primauté sur le droit interne.


Réponse de la délégation


Après avoir promis que les corrections seront dûment apportées aux informations contradictoires, la délégation a expliqué que les tribunaux capverdiens n’ont pas vraiment de raison d’invoquer le Pacte car le système judiciaire du pays s’attache déjà à en promulguer tous les principes et à diffuser les droits de l’homme. 


Le représentant a reconnu que le Cap-Vert pâtit énormément de l’infiltration du crime organisé en Afrique de l’Ouest.  On a ainsi vu des hydravions atterrir dans les îles les moins peuplées du pays et des jeunes recrutés comme mules par les trafiquants de drogues.  Le Gouvernement, a avoué la délégation, a beaucoup de mal à contrôler l’ensemble du territoire car le pays est un archipel de plusieurs dizaines d’îles.  Des appels ont donc été lancés aux partenaires comme la France, le Portugal et l’Espagne, pour le contrôle des zones maritimes et aériennes.


Confronter le crime organisé qui a plus d’argent et d’armes est toujours difficile, a rappelé le représentant qui a fait état d’une exaspération menant parfois la police à « dépasser son rôle ».  On confond parfois efficacité et sévérité mais, a rassuré la délégation, les cas de policiers qui frappent les enfants sont des cas isolés.


La délégation a convenu que l’arsenal judiciaire avait encore des faiblesses, mais toute personne qui a besoin d’un avocat y a immédiatement accès.  Les retards enregistrés dans l’examen des dossiers judiciaires est imputable au nombre insuffisant de juges ainsi qu’à la réaffectation des ressources à la lutte contre la criminalité organisée.  Il faut aussi garder à l’esprit que le pays a hérité des lourdeurs administratives portugaises.  La délégation a réfuté toute tentative de l’État à « tordre le cou à la loi » et à ralentir ou empêcher l’accès au Procureur de la République.


Après avoir rassuré les experts sur le fait que les châtiments corporels sont dûment condamnés par la loi, la délégation a reconnu que l’alcoolisme est un grave problème au Cap-Vert, lequel explique en partie le taux élevé de violence domestique.  Nous devons faire évoluer les mentalités, a reconnu la délégation, en se vantant déjà du fait que le Gouvernement capverdien compte huit femmes ministres contre sept hommes.  Il a aussi parlé d’un projet qui permet aux femmes victimes de violence d’avoir immédiatement accès à une avocate.


La surpopulation carcérale, a aussi reconnu la délégation, est le résultat de la hausse de la criminalité et du manque de structures qui ne permet pas de séparer les différents types de criminels.  « Malgré tous les progrès accomplis, nous sommes conscients qu’il nous reste encore beaucoup à faire.  La population ne nous laisse pas dormir sur nos lauriers et devient de plus en plus exigeante », a affirmé la délégation.


Questions des experts


M. CORNELIUS FLINTERMAN, Expert des Pays-Bas, a tout de même relevé certaines dispositions de la Constitution contraires au Pacte.  Avez-vous une loi antiterroriste?  Avez-vous une loi sur l’égalité des sexes? 


L’expert a également souhaité avoir des détails sur l’accès à la santé reproductive et sexuelle.  « Pourriez-vous nous donner des informations sur les abus sexuels sur les enfants »? a-t-il demandé au représentant du Cap-Vert.  Il a également évoqué le processus électoral, en demandant des détails sur les dernières consultations de 2011.


Réponse de la délégation


« Au Cap-Vert, il n’y a pas de cas d’esclavage », a clamé la délégation.  « Il peut y avoir quelques cas de travail d’enfants, mais la servitude n’a plus droit de cité chez nous ».


 Il n’existe pas non plus de loi spécifique sur le terrorisme, a ensuite relevé le représentant.  En ce qui concerne l’égalité entre les sexes, elle a confirmé que la loi, qui couvrait la période 2005-2009, a été prorogée.  L’égalité, a-t-il assuré, est un principe de base du fonctionnement de la société capverdienne.  Elle a tout de même reconnu que des blocages culturels font que les femmes ne sont pas souvent enclines à se lancer en politique.  Mais en 2010, les filles étaient plus nombreuses à l’école que les garçons, a noté la délégation, soutenant que l’autonomisation de la femme est sur la bonne voie au Cap-Vert.  


En ce qui concerne les abus sexuels sur les mineurs, elle a affirmé que les gens saisissent immédiatement la justice.  Quant aux dernières élections au Cap-Vert, elle s’est vantée du fait que les processus électoraux n’ont jamais donné lieu à des bains de sang.  S’agissant des dernières consultations de 2011, elle a souligné que les différends ont été réglés par les tribunaux compétents.


Mme CHRISTINE CHANET, Experte de la France, a fait observer que lorsque la délégation capverdienne s’était présentée sans rapport à l’Examen périodique universel, elle avait été encouragée à recourir à des experts.  Cette démarche aurait pu être utile.


Elle a ensuite demandé des précisions sur l’indépendance de la magistrature, en estimant important d’officialiser le système de nomination.  Quel est le rôle du Haut Conseil dans la nomination, la rémunération et la discipline des magistrats?  Ces derniers ont-ils suffisamment de moyens pour gérer les affaires dans les meilleurs délais?  Le pays dispose-t-il de centres spéciaux pour les délinquants juvéniles?


L’experte a ensuite observé que le Cap-Vert a de nombreuses lois sur les personnes handicapées.  Où en est le pays en ce qui concerne les maladies mentales? Par ailleurs, comment s’y prend le pays pour garantir une totale liberté de la presse?  La diffamation est-elle sanctionnée?


Mme Chanet a également réclamé plus de précisions sur les minorités, ainsi que sur les expulsions d’immigrés illégaux.  Le Cap Vert n’a pas de loi sur l’immigration, a-t-elle constaté.  Comment s’y prend-il pour gérer les importants flux migratoires depuis l’Afrique de l’Ouest?  Elle a notamment évoqué le cas d’une confrontation sanglante avec des ressortissants de Guinée-Bissau.  L’experte a également demandé des précisions sur la diffusion du Pacte.


Réponse de la délégation.


La délégation a indiqué que les problèmes liés à l’absence de moyens dans la magistrature affectaient l’ensemble de l’appareil judiciaire du pays.  Elle a ensuite fait savoir que plusieurs organisations internationales avaient fait l’éloge de la liberté de la presse au Cap-Vert et a précisé ne pas avoir connaissance de procès pour diffamation. 


Au Cap-Vert, les minorités n’existent pas en tant que telles.  Il y a en revanche des migrants qui sont « la nouvelle richesse du pays ».  La confrontation évoquée est un cas isolé, a affirmé la délégation, tout en reconnaissant qu’il y avait des problèmes avec l’immigration illégale.  Il a cependant assuré que les personnes qui risquent la peine de mort ne sont pas extradées.


Remarques finales


Mme ZONKE ZANELE MAJODINA, Présidente du Comité et Experte de l’Afrique du Sud, a remercié le représentant du Cap-Vert qui a répondu aux questions des experts, en l’absence d’un rapport formel du pays.


Le Comité a ensuite tenu une discussion d’ordre procédural, notamment sur les moyens d’améliorer son fonctionnement.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.