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DH/CT/741

Yémen: le Comité des droits de l’homme épingle les abus des forces de sécurité, les ratés de la lutte antiterroriste et le non-respect des droits de la femme

14/03/2012
Assemblée généraleDH/CT/741
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Pacte international relatif                                

aux droits civils et politiques                            

Comité des droits de l’homme

Cent-quatrième session

2868e séance – après-midi


YÉMEN: LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME ÉPINGLE LES ABUS DES FORCES DE SÉCURITÉ, LES RATÉS DE LA LUTTE

ANTITERRORISTE ET LE NON-RESPECT DES DROITS DE LA FEMME


Les experts du Comité des droits de l’homme ont poursuivi aujourd’hui leurs travaux entamés lundi, en examinant le cinquième rapport périodique du Yémen.  Ils se sont, entre autres, appesantis sur les abus des forces de sécurité,les dommages collatéraux de la lutte antiterroriste et les entraves à l’exercice des droits de la femme.


L’impact sur les droits de l’homme de la crise politique « née au printemps arabe » a particulièrement préoccupé les experts.  Comme l’a dit la Ministre yéménite des droits de l’homme, le pays a enregistré en 2011, environ « 2 000 martyrs » parmi lesquels 140 enfants, 20 000 blessés et des dégâts matériels importants.


Plusieurs membres du Comité ont voulu savoir ce que fait l’État contre les abus commis par les forces de sécurité.  L’expert de l’Algérie s’est interrogé sur une éventuelle réforme de ces forces.


Comme signe de l’engagement du pays en faveur des droits de l’homme, la délégation yéménite a argué du fait que « plusieurs auteurs de violations ont été arrêtés et traduits devant les tribunaux militaires ».  Elle a reconnu que beaucoup de violations naissaient de la méconnaissance des droits de l’homme par un pan important des forces de sécurité.  Il nous faut poursuivre la sensibilisation avec l’aide des partenaires, a plaidé la délégation.


S’agissant de la lutte contre le terrorisme, les experts se sont attardés sur l’utilisation des drones et leurs dégâts au sein de la population.  « Nous avons débattu de cette question avec les États-Unis mais ces échanges n’ont pas permis de faire la lumière sur les pertes en vies humaines », a déploré la délégation.


La question des droits de la femme a également été largement commentée par les experts du Comité dont le Japonais qui a demandé des précisions sur la manière dont la nouvelle Constitution assurerait le respect de ces droits.


La délégation a invoqué, entre autres, la loi sur les quotas dont l’idée est de parvenir à un taux de 30% de femmes, prioritairement dans les entités dont les membres sont nommés.  Une entité gouvernementale propose aussi des amendements juridiques, a fait savoir la délégation.


Cet après-midi, la délégation du Yémen, composée de quatre personnalités, était conduite par la Ministre des droits de l’homme, Mme Hooriya Mashhoyr Ahmed.


Le Comité des droits de l’homme poursuivra l’examen du rapport périodique du Yémen demain, jeudi 15 mars, à partir de 10 heures, puis se penchera, à partir de 15 heures, sur le rapport périodique du Turkménistan.


EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE


Cinquième rapport périodique du Yémen CCPR/C/YEM/5


Présentation


Mme HOORIYA MASHHOYR AHMED, Ministre des droits de l’homme du Yémen, a affirmé la volonté de son pays de parvenir le plus vite possible à la réalisation des obligations conventionnelles en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  La Ministre a rappelé l’impact de la crise politique de son pays en 2011, née au « printemps arabe ».  Durant des semaines, des dizaines de manifestations pacifiques ont eu lieu dans diverses villes du pays avec pour principale exigence « plus de liberté et de justice ». 


À la suite de ces événements, on a enregistré environ « 2 000 martyrs » parmi lesquels 140 enfants, mais aussi près de 20 000 blessés, ainsi que la destruction de plusieurs infrastructures  publiques.  Jusqu’à ce jour, l’économie du Yémen pâtit de ces évènements, a déclaré Mme Mashhoyr.


Pour éviter que le pays ne plonge dans la guerre civile, le Conseil de coopération du Golfe a proposé une solution qui a été acceptée par tous les acteurs.  Cette initiative conjuguée aux efforts de la communauté internationale, notamment le Conseil de sécurité de l’ONU, a abouti à une sortie de crise dont les objectifs sont la sécurisation et la stabilisation du pays, la reforme de l’armée, l’adoption d’une nouvelle constitution et d’une nouvelle loi électorale, entre autres.


De nombreuses violations des droits de l’homme se sont produites durant ces évènements dramatiques, en plus de celles qui ont souvent été soulignées par le passé, a souligné la Ministre.  Le rapport présenté aujourd’hui, a-t-elle affirmé, apporte des réponses franches aux questions des experts et détaille les mesures législatives sur les libertés d’expression, de religion, d’association ou encore les conditions de vie des prisonniers.  Se voulant plus précise, la Ministre a soutenu que le nouveau Gouvernement a clairement fait part de sa volonté de résoudre les questions du procès des auteurs des violations des droits de l’homme en 2011, et de l’indemnisation des victimes.


Mme Mashhoyr, qui s’est ainsi félicitée de ce que l’État ait pris l’engagement de mieux veiller sur les droits des femmes, a fait part de la détermination de reformer le système de justice pénale, en le conformant encore mieux aux exigences du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 


Venant à la situation des femmes, elle a rappelé que pour la période 2006-2015, un plan stratégique a été mis en place pour lutter contre la discrimination et la violence dont elles font l’objet.  Il est cependant vrai qu’il existe encore dans le pays des lois discriminantes, a avoué la Ministre, en indiquant que son gouvernement a pris la décision de supprimer ces textes.  De manière générale, le projet de réforme constitutionnel vise le système politique et la garantie des droits et libertés des citoyens.


Il importe néanmoins de préciser, a poursuivi la Ministre, que le Gouvernement s’attèle non seulement à résoudre la question des droits de l’homme mais aussi à apporter des réponses aux causes socioéconomiques de « la colère » des jeunes.


Pour faire la preuve de sa détermination, le Gouvernement envisage la création d’une commission indépendante des droits de l’homme.  S’agissant des arrestations arbitraires qui seraient en cours dans le pays, la Ministre a indiqué que le Gouvernement avait déjà décidé de la libération des personnes injustement et illégalement détenues.


Avant de conclure, la Ministre a tenu à souligner certaines entraves à l’application des droits de l’homme.  La pauvreté, notamment chez les femmes, constitue l’une des grandes menaces aux droits de l’homme.  La méconnaissance des droits de l’homme chez certains professionnels, comme le personnel carcéral, en est une autre.  Il nous faut la coopération de tous les partenaires pour lever ces obstacles et améliorer la situation des droits de l’homme dans notre pays, a souligné la Ministre.


Questions des experts


M. LAZHARI BOUZID, Expert de l’Algérie, a demandé des précisions sur le mouvement séparatiste dans le sud du pays.  La décentralisation administrative envisagée signifie-t-elle que l’idée de la sécession est complètement écartée? Qu’en est-il des manifestants arrêtés dans cette région et de la réintégration envisagée des militaires? 


L’expert a par ailleurs remarqué que la Constitution actuelle ne prévoit pas de mécanisme d’application du Pacte.  Que compte faire le Gouvernement?  Peut-il garantir la mise en œuvre du Pacte dans l’ensemble du pays compte tenu de la situation d’urgence?  Quelles sont les mesures envisagées pour la création de la commission indépendante des droits de l’homme? 


M. Bouzid a aussi voulu savoir si une réforme du secteur de la sécurité était envisagée, compte tenu des abus de pouvoir.  Peut-on porter plainte contre les forces de l’ordre?  Le Gouvernement contrôle-t-il l’ensemble des forces armées? s’est attardé l’expert.


M. YUJI IWASAWA, Expert du Japon, a voulu connaître les progrès réalisés contre la discrimination.  De quelle manière, la nouvelle Constitution assurera-t-elle un respect plus strict des droits de la femme.  Quel est le taux de participation des femmes aux élections et quelles sont les mesures prises pour recruter des procureures, des juges et des policières?  


L’expert a également voulu savoir si les frais de scolarité étaient supprimés pour les filles issues de familles pauvres.  Combien de femmes sont en prison après avoir purgé leur peine? a-t-il demandé, avant de s’interroger sur la protection des communautés marginalisées, notamment celle d’Al-Akhdam.


Quel est le taux de polygamie?  Et pourquoi, a encore demandé l’expert, avoir maintenu un article de loi faisant l’apologie du viol conjugal?  Comment l’État s’assure-t-il du consentement de la femme avant le mariage?  La femme peut-elle divorcer sans que sa famille n’ait à rembourser la dote? 


M. Iwasawa n’est pas resté là.  Il a relevé l’inégalité des sexes devant l’héritage et le laxisme face aux crimes d’honneur.  Les femmes victimes de violence domestique ont-elles un réel accès à la justice?  Pourquoi le trafic d’enfants n’est-il pas considéré comme un crime? a encore demandé l’expert qui s’est aussi attardé sur l’exploitation sexuelle des jeunes filles, l’absence de registre d’état civil dans les zones rurales et la poursuite des enrôlements d’enfants?


M. GERALD NEUMAN, Expert des États-Unis, a observé que la peine de mort était appliquée à un éventail bien trop large de crimes, touchant les délits sexuels ou la diffusion de fausses rumeurs.  La loi interdit-elle la peine de mort pour les crimes commis avant l’âge de 18 ans? 


Pourquoi la lapidation figure-t-elle toujours dans les textes de lois?  Comment sont punies les mutilations génitales féminines?  M. Neuman a aussi souhaité des statistiques sur les cas de flagellation et d’amputation mais également sur les châtiments corporels à l’école. 


Est-il exact qu’on enquête rarement sur les crimes commis par les responsables du Gouvernement? a-t-il encore voulu savoir.  Et qu’en est-il des assassinats ciblés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme?  L’expert a aussi voulu des précisions concernant les enquêtes sur les milices.


M. MICHAEL O’FLAHERTY, Expert d’Irlande, s’est inquiété de la pénalisation de certains actes sexuels.  Il s’est ensuite intéressé à la future commission vérité-réconciliation.


M. AHMED AMIN FATHALLA, Expert d’Égypte, s’est quant à lui intéressé aux mesures prises pour sécuriser le pays, étant donné la grande circulation des armes? 


Mme JULIA ANTONELLA MOTOC, Experte de la Roumanie, a voulu savoir en quoi la loi d’amnistie serait-elle favorable au respect des droits de l’homme.


M. KRISTER THELIN, Expert de la Suède, s’est interrogé sur la volonté du Gouvernement d’adopter un plan en faveur des réfugiés.


Réponse de la délégation


Répondant aux experts, la délégation a d’abord souligné qu’une politique de décentralisation poussée a été déjà mise en place en faveur du sud.  Les autorités locales examinent actuellement les contours de cette décentralisation et au cours des réunions organisées, le sud a la possibilité de donner son avis.  Il est certain, a affirmé la délégation, que la nouvelle Constitution contiendra des décisions objectives sur cette partie du pays dont aucun ressortissant n’est emprisonné actuellement.  Le Yémen, qui est partie à 160 traités internationaux, a toujours adopté des lois conformes à ces traités.


Concernant la sécurité, la délégation a reconnu la présence de groupes terroristes dont Al-Qaida et la faiblesse de l’autorité de l’État dans certaines zones.  Si nous ne pouvons faire du Yémen un pays sûr, l’insécurité touchera aussi les pays voisins et, partant, le reste de la communauté internationale, a-t-elle prévenu.


Concernant la commission indépendante des droits de l’homme, la délégation a indiqué que la loi sur la transition lui avait déjà donné naissance.  Son mandat et sa mission sont en train d’être approfondis par le Gouvernement et la société civile.  D’ici à un an, la structure aura vu le jour et commencé à jouer son rôle de promotion et de protection des droits de l’homme.


La délégation a ensuite abordé la question des détentions arbitraires, en reconnaissant la persistance d’une grande méconnaissance des droits de l’homme par un large pan des forces de sécurité.  Plusieurs auteurs de violations ont été arrêtés et seront traduits devant les tribunaux militaires.  C’est le signe de l’engagement du pays à faire respecter les droits de citoyens, s’est félicitée la délégation, en affirmant que les enquêtes et le prononcé des peines continuent. 


La délégation a expliqué, s’agissant des droits des femmes, qu’il existe une entité gouvernementale qui propose, entre autres, des amendements aux lois.  Parmi les dernières propositions acceptées, la délégation a cité celles qui permettent aux femmes mariées à un non-yéménite d’avoir les mêmes droits que les autres femmes mariées.  Au plan politique, une loi sur les quotas a été adoptée avec l’idée de parvenir à un taux de 30% de femmes, prioritairement dans les entités dont les membres sont nommés par l’État.  Autre évolution, aujourd’hui les femmes peuvent devenir juges ou travailler dans la police.  Leur nombre est en constante augmentation.  En outre, des dispositions vont être très bientôt réexaminées en vue de mettre fin aux mariages précoces, entre autres.


En outre, des mesures sont prises pour encourager la scolarisation des filles.  La délégation a ensuite expliqué que les femmes qui ont commis des crimes d’honneur restent souvent en prison à la demande de leur propre famille.  S’agissant des minoritaires, la délégation a affirmé que la communauté Al-Akhdam s’isole d’elle-même.


La charia régit la polygamie et la femme a le droit de demander le divorce, a poursuivi la délégation, en estimant que les restrictions imposées à la liberté de mouvement des femmes n’étaient pas aussi sévères que l’on peut le penser.  À ce jour, a-t-elle poursuivi, aucune femme n’a porté plainte pour viol conjugal.  Des cas existent certes, mais ce n’est pas un phénomène généralisé. 


Le pays ne connaît en outre aucun cas de mariage forcé et si tel était le cas, une telle union serait déclarée nulle par la charia.  En vertu de la charia, a reconnu la délégation, seul un homme peut hériter car la femme n’avait pas la responsabilité de subvenir aux besoins de la famille.  Mais le Gouvernement, a affirmé la délégation, encourage une interprétation plus égalitaire de la loi islamique. 


Au sujet de la traite des enfants, la délégation a reconnu l’absence de données sur ce problème même si tout semble indiquer que la situation s’améliore.  La délégation a aussi reconnu qu’aucune disposition n’est prévue contre les châtiments corporels.  Quant aux enfants soldats, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a veillé à leur libération et à leur réintégration.  Des comités militaires sont en outre chargés d’enquêter sur l’âge des nouvelles recrues.


Un projet prévoit par ailleurs de réduire de 30% le nombre des mutilations génitales féminines; le représentant des institutions religieuses ayant confirmé que cette pratique n’avait rien à voir avec la religion.  Mais à ce jour, aucune sanction n’est prévue.


Revenant à la situation politique, la délégation a avoué que l’amnistie a été privilégiée dans le cadre de la justice transitionnelle, tout en mettant l’accent sur le dialogue et l’indemnisation des victimes.  La Commission Vérité et réconciliation n’a aucun pouvoir judiciaire mais elle est censée faire en sorte que les pratiques néfastes du passé ne se reproduisent plus.


Le Gouvernement, a avoué la délégation, n’a pas de chiffre sur le terrorisme et les exécutions extrajudiciaires.  Les échanges qui ont eu lieu avec les États-Unis sur l’utilisation de drones et des stratégies de lutte contre le terrorisme n’ont pas permis de faire la lumière sur les pertes en vies humaines. 


En 2011, le Yémen a accueilli un nombre important de réfugiés originaires de la corne de l’Afrique.  De nombreux accords ont été signés pour une bonne intégration des réfugiés dans la société même si beaucoup d’entre eux continuent de vivre dans les camps.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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