Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo affirme que le M23 bénéficie d’un appui extérieur
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Conseil de sécurité
6868e séance – matin
LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE
DU CONGO AFFIRME QUE LE M23 BÉNÉFICIE D’UN APPUI EXTÉRIEUR
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la République démocratique du Congo (RDC), M. Roger Meece, a affirmé devant le Conseil de sécurité, ce matin, que la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) manifestait des « signes d’appui extérieur » et a appelé la communauté internationale à faire preuve d’un engagement ferme soulignant la responsabilité de tous les États concernés.
Le Chef de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), qui intervenait depuis Kinshasa par vidéoconférence, a également insisté sur l’importance de procéder à une réforme complète des secteurs sécuritaires et militaires en RDC.
Présentant au Conseil de sécurité le rapport du Secrétaire général sur la MONUSCO*, M. Meecea affirmé que les forces du M23, qui occupent actuellement la ville de Goma, sont bien approvisionnées en uniformes et en une variété d’armes et de munitions qui, « de toute évidence », ne proviennent pas des stocks des Forces armées de la RDC (FARDC). La MONUSCO, a-t-il ajouté, est également tombée sur des officiers parlant anglais, sur des armes et des équipements surprenants qui avaient été utilisés et sur d’autres signes encore d’un appui extérieur.
« Elles ont toutes les caractéristiques d’une force militaire importante et disciplinée capable de mener des tactiques sophistiquées, y compris des opérations nocturnes qui ne relèvent pas des performances traditionnelles », a affirmé le Représentant spécial, pour qui c’est au Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo au Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533 (2004) de collecter des informations en la matière. La MONUSCO, a-t-il dit, n’a ni le mandat ni les moyens de procéder à des investigations concernant l’origine de capacités aussi impressionnantes.
La « rébellion » en cours n’est pas une réponse à des griefs réels ou imaginaires et va à l’encontre du bien-être de la région, a-t-il enchaîné, faisant par ailleurs observer qu’il était difficile de renforcer l’autorité de l’État lorsqu’un important mouvement armé est en marche.
« Il faut y mettre un terme le plus rapidement possible ce qui nécessite la bonne volonté de l’ensemble de la région et de la communauté internationale à poursuivre son engagement en la matière », a-t-il souligné, se félicitant ensuite des sanctions que l’on envisage d’imposer aux responsables de la rébellion ainsi qu’à tous les auteurs de graves violations des droits de l’homme.
Le Représentant spécial du Secrétaire général a expliqué que la situation sécuritaire dans le Nord-Kivu s’était détériorée de manière significative et que la crise humanitaire touchait des centaines de milliers de Congolais. Des manifestations violentes ont également fait irruption dans d’autres villes du pays depuis l’occupation de Goma par le M23.
M. Meece a affirmé que l’occupation, par le M23, de la capitale provinciale de Goma, avait eu lieu malgré une résistance marquée de l’armée congolaise, appuyée par la MONUSCO, notamment ses hélicoptères d’attaque et ses troupes.
Le Représentant spécial a souligné que cette nouvelle avancée avait provoqué un important mouvement de population, suite notamment à l’évacuation de nombre de travailleurs humanitaires.
En outre, l’occupation de Goma comporte un important risque d’augmentation du nombre de violations graves des droits de l’homme, notamment de meurtres et de recrutements forcés, y compris parmi les mineurs.
Il a été clairement démontré, a dit le Représentant spécial, que le leader du M23, Sultani Makenga, un ancien officier des FARDC qui n’a jamais accepté l’autorité de l’État, a commis de graves violations des droits de l’homme dans le passé, tandis que Bosco Ntanga, qui a initié ce mouvement rebelle, est l’objet d’un mandat d’arrêt émis depuis longtemps par la Cour pénale internationale (CPI). Selon M. Meece, c’est la crainte d’être arrêté qui aurait poussé M. Ntanga à lancer la rébellion.
Le Représentant spécial a poursuivi son intervention en soulignant que le M23 occupait une partie notable de la province du Nord-Kivu et y avait établi une structure formelle d’administration et de gouvernement. Il y a été fait état de nombreux cas d’exécutions sommaires, de recrutement d’enfants et de violences sexuelles.
À ce jour, a-t-il ajouté, le M23 a fait la sourde oreille aux demandes du Conseil de sécurité qui l’engage à se retirer et à cesser ses attaques. M. Meece a ajouté que le M23 ne jouissait pas d’un large appui dans le Nord-Kivu et qu’il n’avait pas réussi à établir une base d’appui ailleurs que dans sa principale zone d’occupation.
Le Chef de la MONUSCO a affirmé que la Mission appuyait de manière active les efforts déployés par la Conférence internationale de la région des Grands Lacs, notamment la création d’une force internationale neutre pour confronter le M23, ainsi que la mise sur pied d’un mécanisme de vérification conjoint.
Il a parlé de l’« engagement robuste » de la MONUSCO sur le terrain et par voie aérienne pour appuyer les FARDC et défendre les centres de population et qui s’est soldé, a-t-il déploré, par plusieurs blessés et un mort parmi les Casques bleus.
Le Représentant spécial a ensuite mis l’accent sur les efforts que mène la MONUSCO pour faire face aux menaces posées par d’autres groupes armés dans les Kivu.
Il s’est aussi inquiété des vides sécuritaires provoqués par le début de la rébellion du M23, précisant que 260 civils avaient été massacrés dans le district de Masisi suite à des accrochages entre le FDLR et le groupe associé Maï-Maï Nyatura, d’une part, et un réseau de groupes locaux connu sous le nom de Raia Mutumboki, de l’autre. À cet égard, il a insisté sur l’importance de mettre un terme à la rébellion du M23 et de lancer des programmes de stabilisation.
Il a également souligné la nécessité de continuer de faire face à la menace posée par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), pour ensuite parler des efforts déployés par la MONUSCO en vue d’aider le Gouvernement à mettre un terme aux activités que mène, dans le district d’Ituri, la milice des Forces de résistance patriotiques en Ituri (FRPI).
Il a aussi fait état de la présence continue de l’Alliance des forces démocratiques et de l’Armée nationale de libération de l’Ouganda dans le nord du Nord-Kivu et des activités du chef de la milice Maï-Maï, Gédéon, qui, a-t-il dit, posent un problème sécuritaire croissant dans la province de Katanga.
Toutes ces menaces, a-t-il averti, ont poussé au maximum les ressources de la MONUSCO qui n’a plus les capacités d’ouvrir une nouvelle base militaire sans devoir en fermer une autre ailleurs dans le pays, d’où l’importance d’une coordination et d’une collaboration rapprochée avec les FARDC et le Gouvernement congolais.
Se penchant ensuite sur le problème de la violence sexuelle, qui demeure une priorité notable de la MONUSCO, M. Meece a déclaré qu’en 2011, les procureurs militaires avaient condamné 213 personnes et qu’un taux similaire était prévu pour l’année 2012.
Il a également parlé de la signature du Plan d’action contre le recrutement d’enfants qui, a-t-il précisé, a été avalisé par le Premier Ministre, le Vice-Premier Ministre et Ministre de la défense et le Ministre de la justice.
Toutes ces questions, a poursuivi le Représentant spécial, soulignent la nécessité de redoubler d’efforts pour assurer une réforme élargie du secteur militaire. La MONUSCO prend part à des discussions approfondies avec les autorités congolaises à ce sujet et des progrès importants ont été réalisés pour établir la base juridique et statutaire concernant l’organisation, la structure et le statut des forces militaires.
Des efforts importants demeurent cependant nécessaires pour clairement définir l’architecture complète du plan de réforme et sa mise en œuvre, ainsi que la mobilisation des contributions nécessaires.
S’agissant du processus électoral, M. Meece a affirmé que l’Assemblée nationale était saisie d’un projet de législation censé à réorganiser la Commission nationale électorale indépendante, une étape essentielle, a-t-il précisé, pour établir le calendrier du déroulement des prochaines élections.
Il a ajouté qu’une commission spéciale avait été établie pour trouver les compromis nécessaires entre les groupes d’opposition afin que cette législation jouisse du plus grand appui possible.
Le Représentant spécial a affirmé qu’au mois de septembre, la MONUSCO avait établi des coordonnateurs de zone dans trois provinces du centre et de l’ouest de la RDC afin d’y remplacer les chefs de bureau qui y étaient traditionnellement en poste. Il a formulé l’espoir qu’ils réussiront à intégrer davantage les efforts de développement et de stabilisation, puis s’est félicité des succès rencontrés par les opérations de stabilisation menées dans l’ouest du pays.
LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (S/2012/838)
Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, dans son rapport, soumis en application de la résolution 2053 (2012) du Conseil de sécurité, traite des progrès accomplis sur le terrain en République démocratique du Congo (RDC), notamment en ce qui concerne les répercussions du programme de désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration sur les effectifs des groupes armés étrangers.
Le Secrétaire général souligne que l’issue des élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011 continue d’empêcher le rétablissement de la confiance dans les institutions nationales et l’instauration d’un dialogue constructif entre les partis politiques. La majorité et l’opposition restent divisées sur la poursuite du processus électoral, notamment l’organisation d’élections provinciales et locales.
Des divergences se sont également fait jour au niveau central sur la situation dans l’est du pays. La mutinerie d’anciens éléments du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) intégrés aux Forces armées de la République démocratique du Congo, qui ont pris le nom de Mouvement du 23 mars (M23), a donné lieu à un regain de violence et au renforcement du contrôle de fait qu’exerce ce mouvement sur certaines zones du Nord-Kivu.
La mutinerie ayant empêché l’armée d’assurer pleinement sa mission, les groupes armés congolais et étrangers ont profité de la situation pour renforcer et étendre leur contrôle sur d’autres zones des Kivu. Dans ces circonstances, les attaques visant les civils se sont intensifiées et la situation humanitaire s’est nettement dégradée, constate M. Ban.
Les informations récurrentes selon lesquelles le M23 recevait de l’aide de pays voisins n’ont fait qu’accroître les tensions dans les deux Kivu. La crise a aussi eu pour effet de réduire considérablement la pression militaire exercée sur les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et, du même coup, l’efficacité des activités de désarmement et de rapatriement de ce groupe armé étranger.
Grâce aux initiatives de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et d’autres partenaires régionaux et internationaux, le dialogue politique entamé au niveau régional n’a pas été interrompu mais la confiance entre la RDC et le Rwanda s’est érodée, souligne encore le Secrétaire général. Celui-ci précise que la création du Mouvement du 23 mars a été annoncée le 6 mai dans un communiqué et présentée comme une décision de l’aile militaire du CNDP résultant de ce que le Gouvernement n’aurait pas, selon elle, donné effet aux accords de paix du 23 mars 2009.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), les besoins humanitaires se sont accrus, notamment parce que la reprise des combats et l’insécurité ont provoqué une augmentation du nombre des déplacés, qui est passé de 1,7 million au début de l’année à 2,24 millions.
Le Secrétaire général rappelle que quatre sommets extraordinaires des chefs d’État et de gouvernement de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs se sont tenus sur le sujet. Ceux-ci ont condamné les actes du M23, qu’ils ont qualifié de force négative, et exigé qu’aucun appui ne soit apporté à un quelconque groupe armé.
Par ailleurs, l’ampleur et la gravité de la crise dans le Nord-Kivu et la multiplication des menaces dans d’autres régions de la partie orientale de la RDC ont amené la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) à augmenter rapidement et adapter vigoureusement ses activités et ses opérations visant à protéger les civils exposés à des menaces imminentes. De nombreux cas de violations des droits de l’homme perpétrées par des éléments du M23 -exécutions sommaires, viols, mauvais traitements, travail et recrutement forcés– ont été enregistrés à mesure que le Mouvement progressait.
M. Ban observe que la mutinerie du M23 continue de menacer gravement la paix et la sécurité dans l’est de la RDC et la région des Grands Lacs, et il se peut, prédit-il, que ce soit le cas encore pendant quelque temps. Il fait part de sa vive préoccupation face au fait que le M23 continue de consolider son contrôle de fait sur le Nord-Kivu, et qu’il tente d’élargir son emprise et de former des alliances avec d’autres groupes armés.
Il se dit profondément préoccupé par les conséquences humanitaires de la mutinerie du M23 et par l’ampleur et la gravité des souffrances de la population du Nord-Kivu et d’autres régions de la partie orientale de la République démocratique du Congo. Les représailles menées contre les civils s’intensifient et alimentent les cycles de haine et de violence entre les communautés. Les organisations humanitaires sont également de plus en plus la cible d’attaques et de restrictions de la liberté de circulation.
Enfin, le Secrétaire général s’inquiète des informations qui continuent de lui parvenir quant au soutien externe qui serait apporté au M23. Il demande à tous ceux qui fournissent cette aide déstabilisante d’y mettre fin immédiatement et définitivement. La souveraineté et l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo sont inviolables, rappelle-t-il, et doivent être pleinement respectées par tous les pays voisins.
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