En cours au Siège de l'ONU

CS/10653

Le Conseil de sécurité décide de sanctions ciblées contre cinq responsables du coup d’État en Guinée-Bissau

18/05/2012
Conseil de sécuritéCS/10653
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

6774e séance – après-midi


LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DÉCIDE DE SANCTIONS CIBLÉES CONTRE

CINQ RESPONSABLES DU COUP D’ÉTAT EN GUINÉE-BISSAU


Il exige du « Commandement militaire » qu’il prenne

des mesures immédiates pour rétablir et respecter l’ordre constitutionnel


Le Conseil de sécurité a décidé, cet après-midi, de sanctions ciblées à l’encontre de cinq individus ayant « joué un rôle de premier plan » dans le coup d’État du 12 avril 2012 en Guinée-Bissau, tout en exigeant du « Commandement militaire » qu’il prenne des « mesures immédiates pour rétablir et respecter l’ordre constitutionnel, y compris un processus électoral démocratique ».


Par sa résolution 2048 (2012), adoptée à l’unanimité, le Conseil de sécurité a également créé un comité chargé, notamment, de suivre l’application des mesures d’interdiction de voyager aux cinq responsables militaires, dont les noms figurent en annexe du texte, et de désigner éventuellement d’autres personnes passibles des mêmes sanctions.  Le « Comité » devra adresser au Conseil, dans un délai de 30 jours, un premier rapport sur ses travaux.


Ces mesures s’appliquent à ceux qui « cherchent à empêcher le retour à l’ordre constitutionnel, ou prennent des mesures qui compromettent la stabilité de la Guinée-Bissau, en particulier ceux qui ont joué un rôle de premier plan dans le coup d’État du 12 avril 2012 et qui visent, par leurs actes, à porter atteinte à l’état de droit, à contester la primauté du pouvoir civil et à aggraver l’impunité et l’instabilité dans le pays ».


Le Conseil de sécurité a, en outre, engagé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à poursuivre ses efforts de médiation aux fins du rétablissement de l’ordre constitutionnel, en étroite coordination avec les Nations Unies, l’Union africaine et la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). 


Le Portugal, auteur du texte, a souligné qu’il s’agissait ici de respecter les principes démocratiques de tout État basé sur l’état de droit.  Le représentant s’est dit préoccupé par les rapports faisant état de violations des droits de l’homme et a appelé à ce que les responsables soient traduits en justice. 


Le Conseil continuera de suivre de près l’évolution de la situation, a-t-il assuré.  La résolution, a-t-il ajouté, souligne aussi l’importance de la médiation dans le règlement de la crise en Guinée-Bissau, ainsi que de la coordination entre la CEDEAO, l’Union africaine, l’Union européenne et la CPLP. 


Le délégué du Maroc a rappelé que son pays avait été un des premiers à condamner le coup d’État.  Le Maroc, a-t-il rappelé, a soutenu les efforts de la CEDEAO et des autres acteurs impliqués dans cette crise en faveur de la coordination.  Le représentant a, enfin, salué le sens politique et l’esprit de compromis dont ont fait preuve les délégations directement concernées pour aboutir à un texte consensuel.


De son côté, le Togo a notamment souhaité qu’à l’avenir le Conseil de sécurité s’abstienne de faire une distinction entre le caractère licite ou illicite du trafic de drogues en Afrique de l’Ouest.


LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU


Texte du projet de résolution S/2012/337


Le Conseil de sécurité,


Rappelant la déclaration de son président en date du 21 avril 2012 (S/PRST/2012/15) et les déclarations à la presse sur la situation en Guinée-Bissau des 12 avril et 8 mai,


Réitérant sa ferme condamnation du coup d’État militaire perpétré le 12 avril 2012 par la hiérarchie militaire, qui a remis en cause le processus électoral démocratique en Guinée-Bissau, ainsi que de la constitution d’un « commandement militaire » par les auteurs du coup d’État,


Rappelant la condamnation unanime du coup d’État militaire par la communauté internationale, y compris l’Union africaine (UA), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), l’Union européenne (UE) et la Commission de consolidation de la paix,


Prenant note des efforts entrepris par l’UA, la CEDEAO, la CPLP et l’UE face à la crise actuelle et des efforts de médiation menés par la CEDEAO en réaction au récent coup d’État militaire,


Soulignant qu’une coordination active et étroite doit s’instaurer entre les partenaires internationaux pour permettre de rétablir l’ordre constitutionnel et d’arrêter une stratégie globale de stabilisation pour aider la Guinée-Bissau à surmonter ses difficultés dans les domaines politique, de la sécurité et du développement,


Prenant note des appels que lui a lancés le Gouvernement de la Guinée-Bissau en faveur d’une réaction face à la crise actuelle,


Prenant note également de la libération du Président par intérim, Raimundo Pereira, du Premier Ministre, Carlos Gomes Júnior, et d’autres responsables qui étaient détenus,


Déplorant que le « Commandement militaire » continue de refuser de se plier à ses exigences, tendant à voir rétablir immédiatement l’ordre constitutionnel, rétablir le Gouvernement démocratique de la Guinée-Bissau et reprendre le processus électoral interrompu par le coup d’État militaire,


Se déclarant préoccupé par les informations faisant état de pillages, y compris le pillage de biens publics, de violations des droits de l’homme et d’atteintes à ces droits, de mauvais traitements infligés aux détenus, de la répression de manifestations pacifiques et de restrictions à la liberté de circulation imposées par le « Commandement militaire » à un certain nombre de personnes, comme il ressort du rapport spécial du Secrétaire général sur la situation en Guinée-Bissau (S/2012/280), et soulignant que les responsables de telles violations et atteintes doivent en répondre,


Condamnant tous les actes de violence, notamment ceux commis à l’encontre de femmes et d’enfants, et soulignant la nécessité de prévenir les violences,


Notant avec une profonde préoccupation l’inquiétante situation humanitaire engendrée par le coup d’État et ses conséquences négatives sur l’activité économique du pays,


Soulignant l’importance de la mise en œuvre de la réforme du secteur de la sécurité, y compris l’exercice d’un contrôle civil efficace et responsable sur les forces de sécurité, en tant qu’élément crucial pour la stabilité à long terme en Guinée-Bissau, comme cela est envisagé dans la feuille de route établie par la Guinée-Bissau, la CEDEAO et la CPLP, et soulignant aussi la responsabilité qui incombe aux forces de police en Guinée-Bissau de protéger les institutions publiques et la population civile,


Déplorant l’ingérence illicite des dirigeants militaires dans le processus politique en Guinée-Bissau et s’inquiétant du fait que l’ingérence des militaires dans la vie politique et les conséquences du trafic de drogues et de la criminalité organisée en Guinée-Bissau ont gravement entravé les efforts déployés pour instaurer l’état de droit et la bonne gouvernance et pour mettre fin à l’impunité et à la corruption,


Se déclarant gravement préoccupé par les incidences négatives du trafic de drogues et de la criminalité organisée sur la Guinée-Bissau et la sous-région,


Se disant profondément préoccupé par la possible intensification du trafic de drogues en conséquence du coup d’État militaire,


Soulignant que, pour être durable, toute solution à l’instabilité qui règne en Guinée-Bissau devrait comporter des mesures concrètes de lutte contre l’impunité et garantir que les responsables d’assassinats à motivation politique et d’autres crimes graves, tels que les activités liées au trafic de drogues et les atteintes à l’ordre constitutionnel, soient traduits en justice,


Soulignant également l’importance de la stabilité et de la bonne gouvernance pour le développement social et économique durable de la Guinée-Bissau,


Réaffirmant qu’il faut défendre et respecter la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la Guinée-Bissau,


Sachant que la Charte des Nations Unies lui confère la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales,


Agissant en vertu de l’Article 41 du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,


1.    Exige du « Commandement militaire » qu’il prenne des mesures immédiates pour rétablir et respecter l’ordre constitutionnel, y compris un processus électoral démocratique, en veillant à ce que tous les soldats regagnent leurs casernes, et que les membres du « Commandement militaire » renoncent à leurs fonctions d’autorité;


2.    Souligne que toutes les parties prenantes nationales et les partenaires bilatéraux et multilatéraux internationaux de la Guinée-Bissau doivent rester déterminés à rétablir l’ordre constitutionnel, comme cela est affirmé au paragraphe 1 ci-dessus, et, dans ce contexte, engage la CEDEAO à poursuivre ses efforts de médiation aux fins du rétablissement de l’ordre constitutionnel, en étroite coordination avec l’ONU, l’UA et la CPLP;


3.    Prie le Secrétaire général de participer activement à ce processus, de manière à harmoniser les positions respectives des partenaires bilatéraux et multilatéraux internationaux, en particulier l’UA, la CEDEAO, la CPLP et l’UE, et à garantir la coordination et la complémentarité maximales des initiatives internationales, aux fins de l’élaboration d’une stratégie globale et intégrée assortie de mesures concrètes visant à mettre en œuvre la réforme du secteur de la sécurité et les réformes politiques et économiques, à réprimer le trafic de drogues et à lutter contre l’impunité;


Interdiction de voyager


4.    Décide que tous les États Membres prendront les mesures nécessaires pour empêcher les personnes dont le nom figure à l’annexe de la présente résolution ou qui ont été désignées par le Comité créé par le paragraphe 9 ci-dessous d’entrer sur leur territoire ou d’y passer en transit, étant entendu qu’aucune disposition du présent paragraphe n’oblige un État à refuser à ses propres ressortissants l’entrée sur son territoire;


5.    Décide que les mesures imposées par le paragraphe 4 ci-dessus ne s’appliquent pas dans les cas suivants:


a)    Lorsque le Comité établit, au cas par cas, que le voyage se justifie par des raisons humanitaires, y compris un devoir religieux;


b)    Lorsque l’entrée ou le passage en transit sont nécessaires aux fins d’une procédure judiciaire;


c)    Lorsque le Comité établit, au cas par cas, qu’une dérogation serait dans l’intérêt de la paix et de la réconciliation nationale en Guinée-Bissau et la stabilité régionale;


Critères de désignation


6.    Décide que les mesures prévues au paragraphe 4 s’appliquent aux individus désignés par le Comité, conformément à l’alinéa b) du paragraphe 9:


a)    Qui cherchent à empêcher le retour à l’ordre constitutionnel, ou prennent des mesures qui compromettent la stabilité de la Guinée-Bissau, en particulier ceux qui ont joué un rôle de premier plan dans le coup d’État du 12 avril 2012 et qui visent, par leurs actes, à porter atteinte à l’état de droit, à contester la primauté du pouvoir civil et à aggraver l’impunité et l’instabilité dans le pays;


b)    Qui agissent pour le compte des individus identifiés à l’alinéa a) ou en leur nom ou sur leurs instructions, ou qui leur fournissent soutien ou financement;


7.    Note que ce soutien ou financement peut consister notamment, mais sans s’y limiter, à utiliser le produit de la criminalité organisée, dont la culture, la production et le commerce illicites de stupéfiants et de leurs précurseurs en provenance de la Guinée-Bissau ou en transit dans le pays;


8.    Engage vivement les États Membres à communiquer au Comité les noms des individus qui répondent aux critères énoncés au paragraphe 6 ci-dessus;



Nouveau comité des sanctions


9.    Décide de créer, conformément à l’article 28 de son règlement intérieur provisoire, un comité du Conseil de sécurité composé de tous ses membres (ci-après « le Comité »), qui s’acquittera des tâches suivantes:


a)    Suivre l’application des mesures imposées au paragraphe 4;


b)    Désigner les personnes passibles des mesures imposées au paragraphe 4 et examiner les demandes de dérogation prévues au paragraphe 5 ci-dessus;


c)    Arrêter les directives qui pourraient être nécessaires pour faciliter la mise en œuvre des mesures imposées ci-dessus;


d)    Adresser au Conseil dans un délai de trente jours un premier rapport sur ses travaux et faire ensuite rapport au Conseil lorsque le Comité l’estimera nécessaire;


e)    Entretenir un dialogue avec les États Membres et les organisations internationales, régionales et sous-régionales intéressés, en particulier ceux de la région, notamment en invitant leurs représentants à le rencontrer afin d’examiner la question de l’application des mesures;


f)    Solliciter de tous les États et organisations internationales, régionales et sous-régionales toutes informations qu’il jugerait utiles concernant les actions qu’ils auront engagées pour appliquer les mesures de façon effective;


g)    Examiner les informations faisant état de violations ou du non-respect des mesures imposées par la présente résolution et y donner la suite qui convient;


10.   Demande à tous les États Membres de faire rapport au Comité dans les cent vingt jours suivant l’adoption de la présente résolution sur les mesures qu’ils auront prises pour donner effet au paragraphe 4;


11.   Prie le Secrétaire général de lui présenter un rapport initial sur l’application du paragraphe 1 ci-dessus quinze jours au plus tard après l’adoption de la présente résolution et de lui rendre compte régulièrement par la suite, tous les quatre-vingt-dix jours, de la mise en œuvre de tous les éléments de ladite résolution, ainsi que de la situation humanitaire en Guinée-Bissau;


Volonté d’examiner la situation


12.   Affirme qu’il suivra en permanence l’évolution de la situation en Guinée-Bissau et se tiendra prêt à examiner l’opportunité des mesures énoncées dans la présente résolution, y compris de leur renforcement par des mesures additionnelles telles qu’un embargo sur les armes et des mesures financières, de leur modification, de leur suspension ou de leur levée, en fonction des progrès accomplis en ce qui concerne la stabilisation du pays, et le retour à l’ordre, conformément à la présente résolution;


13.   Décide de rester activement saisi de la question.



Annexe


Interdiction de voyager


1.    Général António INJAI (également connu sous le nom d’António INDJAI)


Nationalité:

Bissau-guinéenne

Date de naissance:

20 janvier 1955

Lieu de naissance:

Encheia, secteur de Bissorá, région de l’Oio
(Guinée-Bissau)

Parents:

Wasna Injai et Quiritche Cofte

Fonction officielle:

Général de corps d’armée – chef d’état-major
des forces armées

Passeport:

Passeport diplomatique n AAID00435

Date de délivrance:

18 février 2010

Lieu de délivrance:

Guinée-Bissau

Date d’expiration:

18 février 2013


António Injai a pris part personnellement à la planification et à la conduite de la mutinerie du 1er avril 2010, qui a abouti à l’arrestation illégale de Carlos Gomes Júnior, Premier Ministre, et de José Zamora Induta, alors chef d’état-major des forces armées; au cours de la période électorale de 2012, en tant que chef d’état-major des forces armées, Injai a menacé de renverser les autorités élues et de mettre un terme au processus électoral; António Injai a de nouveau participé à la planification opérationnelle du coup d’État du 12 avril 2012. Au lendemain de ce coup d’État, le premier communiqué du « Commandement militaire » a été diffusé par l’état-major des forces armées, dirigé par le général Injai.


2.    Général de division Mamadu TURE (également connu sous le nom de N’KRUMAH)


Nationalité:

Bissau-guinéenne

Date de naissance:

26 avril 1947

Fonction officielle:

Chef d’état-major adjoint des forces armées

Passeport:

Passeport diplomatique n DA0002186

Date de délivrance:

30 mars 2007

Lieu de délivrance:

Guinée-Bissau

Date d’expiration:

26 août 2013


Membre du « Commandement militaire » qui a assumé la responsabilité du coup d’État du 12 avril 2012.


3.    Général Estêvão NA MENA


Nationalité:

Bissau-guinéenne

Date de naissance:

7 mars 1956

Fonction officielle:

Inspecteur général des forces armées


Membre du « Commandement militaire » qui a assumé la responsabilité du coup d’État du 12 avril 2012.



4.    Général de brigade Ibraima CAMARÁ (également connu sous le nom de « Papa Camará »)


Nationalité:

Bissau-guinéenne

Date de naissance:

11 mai 1964

Parents:

Suareba Camará et Sale Queita

Fonction officielle:

Chef d’état-major des forces aériennes

Passeport:

Passeport diplomatique n AAID00437

Date de délivrance:

18 février 2010

Lieu de délivrance:

Guinée-Bissau

Date d’expiration:

18 février 2013


Membre du « Commandement militaire » qui a assumé la responsabilité du coup d’État du 12 avril 2012


5.    Lieutenant colonel Daba NAUALNA (également connu sous le nom de Daba Na Walna)


Nationalité:

Bissau-guinéenne

Date de naissance:

6 juin 1966

Parents:

Samba Naualna et In-Uasne Nanfafe

Fonction officielle:

Porte-parole du « Commandement militaire »

Passeport:

Passeport SA000417

Date de délivrance:

29 octobre 2003

Lieu de délivrance:

Guinée-Bissau

Date d’expiration:

10 mars 2013


Porte-parole du « Commandement militaire » qui a assumé la responsabilité du coup d’État du 12 avril 2012.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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