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CS/10551

La Conseillère juridique de l’ONU informe le Conseil de l’opposition de la Somalie et de ses voisins à la création de tribunaux spécialisés dans la lutte contre la piraterie

22/02/2012
Conseil de sécuritéCS/10551
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité                                        

6719e séance – matin                                       


LA CONSEILLÈRE JURIDIQUE DE L’ONU INFORME LE CONSEIL DE L’OPPOSITION DE LA SOMALIE ET DE SES VOISINS À LA CRÉATION DE TRIBUNAUX SPÉCIALISÉS DANS LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE


À la veille de la Conférence de Londres sur la Somalie et quatre mois après l’adoption de la résolution 2015, le Conseil de sécurité s’est de nouveau penché sur la possibilité de créer des juridictions spécialisées pour juger les personnes soupçonnées de piraterie aux larges des côtes somaliennes et dans d’autres États de la région.  Après une première étude, la Conseillère juridique des Nations Unies a indiqué que les pays de la région s’y opposent.


Depuis le rapport du Secrétaire général en date du 15 juin 2011, le nombre des États qui poursuivent les auteurs d’actes de piraterie au large des côtes somaliennes s’est maintenu à 20, et le nombre total des poursuites en cours est passé de 1 011 à 1 063, dont plus de 600 dans la région.  Selon la Conseillère juridique, Mme Patricia O’Brien, le Kenya, Maurice, les Seychelles, la Somalie et la République-Unie de Tanzanie craignent que la création de juridictions spécialisées ne détourne des ressources judiciaires déjà limitées.  Il reste encore à prouver, reconnaît-elle, que ces tribunaux seront pleinement utilisés.


En effet, en 2011, les trois coalitions navales qui participent à la lutte contre la piraterie n’avaient formulé que trois demandes de comparution au Kenya et aux Seychelles impliquant 42 suspects.  Le Conseiller spécial du Secrétaire général, M. Jack Lang, avait lui-même dit en janvier 2011 que 90% des personnes arrêtées en mer étaient relâchées.


Devant une activité qui, en 2011, a rapporté 170 millions de dollars aux pirates contre 110 millions en 2010, avec des demandes de rançon se chiffrant à 5 millions de dollars en moyenne, le représentant de la France a rappelé la proposition « audacieuse » de M. Jack Lang de créer une cour somalienne spécialisée, temporairement délocalisée en République-Unie de Tanzanie ou ailleurs. 


Le représentant a souligné l’absence d’une législation en Somalie, les faibles capacités judiciaires ainsi que le nombre et le niveau insuffisants des professionnels de la justice.  S’il s’est dit partisan d’une « somalisation » du traitement judiciaire de la piraterie, il a prévenu qu’elle ne saurait se résumer aux capacités judiciaires au Somaliland et au Puntland.  Une approche, a relevé le représentant du Royaume-Uni, qui est conforme aux préférences des autorités somaliennes pour de nouveaux tribunaux au sein de la Somalie plutôt qu’en dehors du pays. 


Face à l’« optimisme prudent » de son homologue américain, le représentant de la Fédération de Russie s’est néanmoins déclaré encouragé par le fait que le Conseil de sécurité semble penser qu’il faille adopter des mesures supplémentaires.  Il s’est dit favorable à une participation directe de spécialistes étrangers hautement qualifiés dans les processus de lutte contre ce fléau.  La représentante de la Chine a dit avoir pris note de l’opposition aux juridictions spécialisées. 


Avec d’autres délégations, elle a rappelé que les solutions aux problèmes de la Somalie ne se trouvent pas en mer mais « à terre », et a insisté sur l’aide internationale à la réalisation de la paix et du développement.


M. Youri Fedotov, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies pour la drogue et le crime (UNODC), n’a pas dit autre chose lorsqu’il a prôné une approche interagences plus ferme qui tienne compte non seulement des aspects judiciaires et de respect de l’état de droit, mais aussi des causes sous-jacentes de la piraterie.


« Pour ne pas donner l’impression que le Conseil de sécurité veut juguler la piraterie pour les seuls intérêts économiques de quelques États », le représentant de l’Afrique du Sud a attiré l’attention sur les problèmes de la pêche illégale et des décharges au large des côtes de la Somalie qui représentent à ses yeux une partie intégrante du problème de la piraterie en Somalie.


LA SITUATION EN SOMALIE


Rapport du Secrétaire général sur les juridictions spécialisées dans la lutte contre la piraterie en Somalie et dans d’autres États de la région (S/2012/50)


Exposés et déclarations


Présentant le rapport du Secrétaire général S/2012/50, Mme PATRICIA O’BRIEN, Conseiller juridique des Nations Unies, a affirmé que le coût humain de la piraterie au large des côtes somaliennes était incalculable, précisant que même si le nombre d’attaques avait baissé en 2011, 265 otages étaient toujours détenus à la fin de la même année.  Depuis 2006, 20 États ont traduit en justice dont la Somalie, les Seychelles, le Kenya, Maurice et la République-Unie de Tanzanie qui entreprennent ces activités avec l’appui de l’ONU, « ou envisagent de le faire ».  Au regard des ressources nationales qui doivent être consacrées à ces activités et des risques sécuritaires, Mme O’Brien a engagé la communauté internationale à accorder un ferme appui aux pays de la région par des contributions au Fonds d’affectation spéciale.


Mme O’Brien a ensuite précisé que les tribunaux demandés par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2015 (2011) avaient été créés par les États eux-mêmes conformément à leur droit interne.  Les autorités des cinq pays concernés ne souhaitent par créer des tribunaux spécialisés dans la piraterie car cela risque de divertir des ressources judiciaires déjà limitées.  Par ailleurs, il reste encore à prouver que ces tribunaux seraient pleinement utilisés.


Passant ensuite en revue les grandes lignes du rapport du Secrétaire général, la Conseillère juridique a indiqué que ce document détermine combien de dossiers pourraient être traités chaque année si les capacités des cinq États de la région étaient maximisées, soit 1 250 poursuites par an et jusqu’à 10 suspects pour chaque cas.  Le renforcement requis des capacités pourrait être réalisé en un espace de deux ans dans le Puntland et le Somaliland, et après un an dans les autres juridictions.


Le coût de l’appui à cette initiative serait d’un peu plus de 7 millions de dollars pour les deux régions somaliennes et de 9,5 millions de dollars pour les autres pays.  MmeO’Brien a fait état d’un décalage, en expliquant qu’en 2011, les trois coalitions navales qui participent à la lutte contre la piraterie n’avaient formulé que trois demandes de comparution au Kenya et au Seychelles impliquant 42 suspects.  Mme O’Brien a avoué ne pas connaître les raisons qui expliqueraient ce faible chiffre et a recommandé une analyse de cette question.


Elle a en effet rappelé que le Conseiller spécial du Secrétaire général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, M. Jack Lang, avait signalé en janvier 2011 que 90% des personnes arrêtées en mer étaient relâchées.  La Sous-secrétaire générale a indiqué que les Seychelles avaient manifesté leur disposition à héberger un centre régional qui servirait de point focal pour l’appui régional et international aux poursuites engagées contre les personnes soupçonnées d’actes de piraterie et pour la logistique des transfèrements par les forces navales.


Mme O’Brien a averti que les comparutions dans la région se retrouveraient dans un goulet d’étranglement à moins que l’assistance internationale veille à ce qu’il y ait suffisamment d’espaces carcéraux pour accueillir les coupables, « idéalement en Somalie ».


Elle a aussi indiqué que les Seychelles ouvriraient au courant de l’année un centre régional pour la coordination des renseignements et des comparutions dans le cadre de la lutte contre la piraterie.  Elle a expliqué que ce centre serait capable de suivre la trajectoire des financements et de constituer des dossiers sur les personnes qui assurent le financement et l’organisation des attaques.


M. YURI FEDOTOV, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), a indiqué qu’en 2011, les pirates avaient obtenu 170 millions de dollars de rançon contre 110 millions en 2010, et que les demandes de rançon moyenne se chiffraient aux alentours de 5 millions de dollars, contre 3 ou 4 millions les années précédentes.  Une somme de 10 millions de dollars a été versée en une seule fois pour un navire citerne, a insisté le Directeur. 


Les revenus de la piraterie provoquent une hausse notable des prix dans la corne de l’Afrique et continuent d’alimenter le trafic de drogues, d’armes, d’alcool et d’êtres humains.  Il existe des preuves désormais de la coopération entre Al-Chababet Al-Qaida.


Outre le Programme mondial contre le blanchiment d’argent, l’UNODC a organisé en 2011 deux Conférences internationales sur les flux financiers illicites.  Créé en 2009 avec un budget de 500 000 dollars, le Programme de lutte contre la piraterie a en 2012 une enveloppe de 40 millions de dollars, et 16 millions de dollars seront versés cette année à l’appui technique.  L’UNODC a construit une « prison modèle » à Hargaisa, dans le Somaliland, alors qu’une académie pénitentiaire est en cours de construction à Garowe, dans le Puntland.  Des prisons ont également été rénovées au Kenya et dans les Seychelles.


Le Directeur exécutif de l’UNODC a ensuite fait savoir que 1 116 Somaliens avaient été traduits en justice pour des actes de pirateries dans 20 pays différents, 688 dans la région dont à Maurice qui a signé un accord d’extradition avec l’Union européenne.  M. Fedotov a reconnu que la question des enfants pirates est un problème complexe.  En l’absence de certificats de naissance ou autres formes de carte d’identité, les tribunaux du Kenya et des Seychelles déterminent leur âge par un examen médical.  Sur 252 individus soupçonnés d’actes de piraterie dans ces deux pays, 7 auraient moins de 18 ans. 


Le Programme de lutte contre la piraterie est en train de mettre sur pied un programme spécial pour les jeunes somaliens qui viendra compléter les activités du PNUD dans les domaines de la microfinance pour montrer aux jeunes qu’il y a d’autres alternatives à la piraterie. 


La question de la piraterie, a estimé le Directeur exécutif, exige une approche interagences plus ferme tenant compte non seulement des aspects judiciaires et de respect de l’état de droit, mais également des causes profondes de la piraterie, aussi bien en Somalie que dans les places financières de la planète.


M. SERGEY N. KAREV(Fédération de Russie) a affirmé que le rapport du Secrétaire général montrait clairement qu’il reste beaucoup de questions à régler avant de créer un mécanisme judiciaire efficace.  Le rapport confirme que les activités des pirates prospèrent et se développent.  Cette situation est due avant tout, a-t-il expliqué, à la situation politique et militaire en Somalie.  Il a dit n’avoir observé aucun signal qui montrerait une amélioration importante de la situation concernant les poursuites contre les pirates.  La Fédération de Russie juge important de poursuivre les efforts visant à renforcer le potentiel judiciaire et de maintien de l’ordre dans la région. 


S’il a fait état des ressources limitées des systèmes judiciaires des États côtiers, il s’est néanmoins déclaré encouragé par le fait que le Conseil de sécurité semble penser qu’il faille adopter des mesures supplémentaires en vue de poursuivre les pirates, sachant que le futur mécanisme devra reposer sur les organes judiciaires nationaux de la région.  Il s’est en outre dit favorable à une participation directe de spécialistes étrangers hautement qualifiés dans les processus de lutte contre la piraterie.


M. MANJEEV SINGH PURI (Inde) a posé la question des coûts avant de se prononcer sur la création d’une juridiction extraterritoriale.  La solution au problème de la piraterie ne se trouve pas en mer mais « à terre », a-t-il aussi rappelé, en jugeant important que les institutions fédérales somaliennes suivent la feuille de route avec sincérité et engagement.  Le représentant a appuyé le renforcement des capacités nationales et régionales pour l’élaboration d’une législation et d’un système judiciaire antipiraterie.  La poursuite de ceux qui sont impliqués dans le financement de la piraterie et le partage d’informations et de preuves entre États, y compris s’agissant de la libération des otages, sont tout aussi importants, a conclu le représentant. 


M. LOTFI BOUCHAARA (Maroc) a estimé que lutter efficacement contre la piraterie exige un dispositif complet de mesures et d’actions concrètes comme la mise en place d’un cadre juridique efficace et la mise à disposition des ressources humaines et financières nécessaires.  Afin d’assurer l’efficacité des différentes juridictions, il est essentiel d’avoir un personnel juridique bien formé.  S’agissant des juridictions extraterritoriales, le représentant a voulu que la perspective des pays concernés soit prise en compte.  Il a également insisté sur le fait que l’action contre la piraterie devait également inclure des poursuites contre les personnes soupçonnées de financer et de commanditer ces actes.  Enfin, M. Bouchaara a engagé la communauté internationale à s’attaquer aux causes sous-jacentes du problème, en veillant notamment à la stabilisation de la Somalie.


M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a dit manifester un optimisme prudent à l’égard du rapport du Secrétaire général.  Il s’est déclaré préoccupé par les informations liées à l’expansion géographique des actes de piraterie.  Il a dit attendre avec intérêt l’ouverture du centre de renseignement régional sur la piraterie.  Toute augmentation des affaires à traiter dans la région doit également passer par un accroissement des espaces carcéraux, a-t-il affirmé, en mettant l’accent sur l’importance de la construction et du bon fonctionnement d’institutions carcérales en Somalie et dans la région. 


Les États-Unis continueront pour leur part de poursuivre de façon agressive les suspects, a-t-il expliqué.  Il s’est dit conscient que les experts de l’UNODC, du PNUD et du Groupe de contact comprennent clairement les problèmes et les besoins.  Les contributions au Fonds d’affectation spéciale sont importantes pour permettre la mise en œuvre de toutes les mesures spécifiques contenues dans le rapport du Secrétaire général, a-t-il ajouté.


M. NÉSTOR OSORIO (Colombie) a estimé qu’il appartient à la Somalie d’assumer la responsabilité de réprimer les actes de piraterie, afin de mettre un terme à l’impunité dont jouissent les pirates.  Il est donc essentiel à ses yeux d’avancer vers la création d’un ordre juridique somalien.  Il faut aussi renforcer la capacité juridictionnelle de la Somalie et créer des institutions pénitentiaires permettant aux condamnés de purger leur peine, a-t-il ajouté.  Il a ainsi suggéré de revoir les lois et la procédure pénales somaliennes afin de les mettre en conformité avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.


En ce qui concerne la création de tribunaux spécialisés en Somalie et dans d’autres pays de la région, le représentant a souhaité qu’ils aient une compétence large afin de poursuivre tant les affaires de piraterie que celles impliquant des personnes accusées de financer et d’organiser les actes de piraterie.  Si un tribunal était créé en dehors de la Somalie, il faudrait l’accord du Gouvernement fédéral de transition, a estimé M. Osorio.  Il a enfin insisté pour que, outre le renforcement des capacités judiciaires et pénitentiaires des pays de la région, les capacités de la Somalie soient renforcées grâce aux ressources du Fonds d’affectation spéciale.


Mme GUO XIAOMEI (Chine) a affirmé que les causes profondes des problèmes que connait la Somalie se trouvaient « à terre » et a engagé les autorités fédérales à développer une stratégie intégrée pour redresser le pays.  Elle a également appelé la communauté internationale à poursuivre ses efforts pour aider la Somalie à atteindre la paix et le développement.  La représentante a estimé que la poursuite et l’incarcération des pirates somaliens étaient un aspect important de la lutte contre la piraterie et a indiqué que sa délégation était disposée à envisager la création d’une cour spécialisée dans la région.  Elle a pris note des défis que rencontre cette idée et a poussé la communauté internationale à trouver la solution la plus efficace possible, tout en tenant compte du point de vue des pays de la région.  Mme Xiaomei a aussi insisté sur l’importance du renforcement des capacités des pays de la région.


M. FRANCISCO VAZ PATTO (Portugal) s’est félicité des recommandations contenues dans le rapport.  Il a cependant souhaité que la Somalie soit davantage impliquée dans tous les efforts.  Aucune solution ne sera durable tant que la Somalie, dans son ensemble, ne sera pas capable d’affronter le problème avec des lois, des tribunaux et un système judiciaire dignes de ce nom.  Il faut, a-t-il dit, « une solution somalienne à un problème qui trouve ses racines en Somalie ».  Il faut contribuer au renforcement des capacités somaliennes, à sa relance économique, à son développement social et à l’amélioration de son secteur de la sécurité.  Les juridictions extraterritoriales, a estimé le représentant, ne devraient être que des mesures temporaires tant que la situation en Somalie n’est pas stabilisée. 


M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a noté la baisse du nombre d’attaques de pirates en 2011, grâce à des mesures efficaces telles que les opérations des forces navales et l’application de meilleures pratiques de gestion pour la protection contre la piraterie.  Il a estimé que le rapport du Secrétaire général dont est saisi le Conseil de sécurité offre une bonne base pour progresser vers la création d’un système efficace de poursuites judiciaires et d’incarcération des pirates.  « Nous sommes bien conscients que la Somalie ne peut seule faire face à la piraterie », a-t-il dit, en soulignant la dimension internationale qu’a prise ce phénomène au cours de ces dernières années.  Le représentant a fait part de l’expérience nationale de son pays, en soulignant le rôle que joue la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG), qui avait été créée avec l’appui des Nations Unies.  Cette initiative a contribué à renforcer l’ensemble du système judiciaire, a-t-il expliqué.  M. Rosenthal a souhaité que les Nations Unies assistent les États de la région pour qu’ils puissent avoir la capacité de traduire en justice et d’incarcérer les pirates.


M. EMMANUEL BONNE (France) a constaté qu’il n’y avait pas, aujourd’hui, de réponse judiciaire cohérente et efficace.  Le premier obstacle est de taille, a-t-il dit, citant l’absence de législation somalienne.  À cet égard, le message aux autorités somaliennes doit rester ferme, a-t-il dit, regrettant que l’effort législatif requis face à l’ampleur du phénomène n’ait pas été mené.  Le représentant a ensuite fait état des capacités judiciaires somaliennes limitées en raison de la faiblesse du nombre et du niveau de formation des professionnels de la justice ainsi que de la situation d’insécurité, y compris dans le Puntland et le Somaliland.  Il a ainsi rappelé que M. Jack Lang avait, dans son rapport sur les questions liées à la piraterie en début 2011, proposé une solution audacieuse consistant à créer une cour somalienne spécialisée, temporairement délocalisée, à Arusha comme l’a accepté la République-Unie de Tanzanie, ou ailleurs.  Le représentant a estimé qu’il n’était pas raisonnable de penser que les pays de la région pouvaient faire face, seuls, à l’ampleur des efforts judiciaires.


Le délégué français a affirmé que la priorité absolue allait à l’adoption de la législation somalienne.  Il faut, a-t-il dit, que tous les acteurs, Bureau des affaires juridiques, PNUD, UNODC, se consacrent à un suivi de cette question et, si nécessaire, fassent appel au Conseil si de nouveaux obstacles apparaissent.  S’agissant du renforcement des capacités judiciaires, la France croit, a-t-il ajouté, qu’il faut préserver le souci d’une véritable « somalisation » du traitement judiciaire de la piraterie qui ne saurait se résumer au développement des capacités pénitentiaires dans le Somaliland et le Puntland.


M. RAZA BASHIR TARAR (Pakistan) a estimé que, nonobstant la baisse enregistrée en 2011, les menaces posées par les pirates demeuraient préoccupantes.  Il a appelé à l’adoption d’une stratégie à long terme concertée et d’une approche intégrée pour faire face à ce problème.  Les poursuites et les sanctions imposées aux pirates complèteront les activités menées par les forces navales pour les intercepter, a-t-il ajouté.  Il s’est félicité de l’assistance accordée par le Kenya et les Seychelles, tout en insistant sur la nécessité de tenir compte de l’avis de la Somalie.


Le représentant a ensuite dit appuyer la création d’un centre de détention aux Seychelles, et a souhaité que la prochaine réunion du Groupe de contact sur la Somalie examine les capacités d’hébergement pénitentiaires des pays concernés.  À son tour, il a souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la piraterie et a estimé à ce titre que la Mission de l’Union africaine en Somalie devait bénéficier d’un appui supplémentaire.


M. CHRISTOPHE EICK(Allemagne) a pris note de la tendance à la baisse en 2011 du nombre d’attaques et du nombre d’otages détenus et de navires interceptés et a, en revanche, constaté que la menace posée par la piraterie et les vols à main armée demeurait aussi importante qu’auparavant.  Le représentant a exhorté les institutions fédérales de transition somaliennes à adopter, avant la fin de la période de transition, et tel que prévu dans la feuille de route, une législation permettant de poursuivre les auteurs d’actes de piraterie et de les incarcérer.  Dans l’intervalle, il sera essentiel de promouvoir et de renforcer les efforts déployés par les États de la région en vue de poursuivre les pirates, a-t-il préconisé en citant en particulier les initiatives lancées par les Seychelles, le Kenya, Maurice et la République-Unie de Tanzanie.


M. AGSHIN MEHDIYEV (Azerbaïdjan) a rappelé que la piraterie est strictement définie par le droit international.  La plus importante caractéristique de ce crime vient de la nécessité de lutter contre cette criminalité qui affecte tous les États.  En traduisant leurs auteurs en justice, les États ne protègent pas seulement leurs propres intérêts mais aussi ceux des autres États.  Le représentant a dit avoir noté les différentes vues des États de la région sur l’établissement d’une cour extraterritoriale somalienne ou un centre de poursuite régional dans un État tiers.  En l’occurrence, a-t-il dit, le consentement de tous les États de la région reste une condition essentielle à une coopération réussie.  Il a ajouté que les efforts de la Somalie doivent dûment être appuyés par la communauté internationale, en particulier le Fonds d’affectation spéciale.  À long terme, a-t-il rappelé à cette même communauté internationale, la lutte contre la piraterie requiert le rétablissement de la paix, de la sécurité et de l’état de droit en Somalie et du développement économique et social du peuple somalien. 


M. BASO SANGQU (Afrique du Sud) s’est dit favorable à la création de tribunaux spécialisés en Somalie, conformément aux souhaits du Gouvernement somalien, même si la situation sécuritaire dans ce pays reste difficile.  Toutefois, a-t-il ajouté, si ces tribunaux ne peuvent être saisis que pour des infractions et crimes de piraterie, on risque de ne pas consacrer suffisamment de ressources à la poursuite de crimes tout aussi graves.  Il a donc partagé les conclusions du rapport qui préconise d’évaluer le nombre d’affaires qui seraient soumises à ces juridictions spécialisées avant de s’embarquer dans ce projet coûteux.  Le représentant a aussi abordé un problème qui ne figure pas au rapport, celui de la pêche illégale et des décharges au large des côtes de la Somalie.  Si nous ne prenons pas de décision sur cette question, nous allons donner l’impression que le Conseil de sécurité veut juguler la piraterie uniquement pour les intérêts économiques de certains pays qui sont menacés par ce problème, a-t-il observé.   


M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a rappelé que la piraterie serait le principal sujet de discussion de la Conférence de Londres sur la Somalie qui se tiendra demain.  Il a noté les nombreux obstacles qui entravent encore la capacité de la Somalie dans ce domaine et a dit apprécier que des poursuites judiciaires soient menées par les États de la région.  À cet égard, il a partagé les conclusions du rapport selon lequel le renforcement des capacités de ces pays devrait permettre aussi des poursuites dans d’autres domaines du droit.  Il a aussi soutenu les efforts de l’UNODC et du PNUD visant à renforcer les capacités judiciaires du Puntland et du Somaliland, approche qui est conforme aux préférences des autorités somaliennes qui souhaitent la création de nouveaux tribunaux au sein de la Somalie plutôt qu’en dehors du pays.  Le représentant a aussi salué les efforts menés pour permettre aux pirates reconnus coupables de purger leur peine dans des prisons somaliennes.  M. Lyall Grant a appelé les partenaires de la communauté internationale à travailler de concert pour créer un modèle durable de poursuites judiciaires dans la région.


M. ELLIOTT OHIN (Togo) a encouragé les États et le secteur du transport maritime à contribuer au Fonds d’affectation spéciale et exhorté l’ensemble des agences de l’ONU à apporter leur assistance multiforme à la Somalie et aux États de la région.  Dans le cadre des mesures spécifiques, le Togo, a-t-il dit, souscrit à l’idée que l’assistance à apporter à chaque État dépend des besoins particuliers de celui-ci.  Le représentant a exhorté le Conseil à envisager la mise en place des juridictions antipiraterie dans les États de la région ainsi que la création d’un centre régional des poursuites.  Il s’est dit persuadé que ces mesures contribueront « à dissuader les auteurs des actes de piraterie dans les autres régions, notamment dans celle du golfe de Guinée ».


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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