Assemblée générale: M. Ban Ki-moon dessine les contours de la « réaction prompte et décisive », troisième pilier du concept de la responsabilité de protéger
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Assemblée générale
Soixante-sixième session
Dialogue interactif informel
Matin & après-midi
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE: M. BAN KI-MOON DESSINE LES CONTOURS DE LA « RÉACTION PROMPTE
ET DÉCISIVE », TROISIÈME PILIER DU CONCEPT DE LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER
Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a présenté, aujourd’hui devant l’Assemblée générale, son quatrième rapport annuel sur le concept de la responsabilité de protéger*, dessinant, face à des cas de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique ou de crimes contre l’humanité, les contours de la « réaction prompte et décisive », troisième pilier dudit concept.
« L’inaction ne peut pas être une option pour notre communauté des nations. » « Nous devons défendre les responsabilités fondamentales des Nations Unies. »
Pour le Secrétaire général, l’adoption du principe de la responsabilité de protéger au Sommet mondial de 2005 a constitué une « réalisation fondatrice, non seulement pour les Nations Unies, mais aussi pour les populations du monde ».
Dans son rapport de 2009, le premier sur la notion de « responsabilité de protéger », le Secrétaire général avait souligné que celle-ci s’articulait sur trois piliers: la responsabilité première de l’État en matière de protection; l’assistance internationale et le renforcement des capacités; et une réaction résolue et en temps voulu.
C’est ce dernier pilier qui était, aujourd’hui, au cœur du dialogue interactif informel de l’Assemblée générale, le quatrième organisé par l’Assemblée générale depuis 2009, et auquel ont participé une cinquantaine d’États Membres.
En 2005, dans le Document final du Sommet mondial, les chefs d’État et de gouvernement avaient accepté à l’unanimité de « mener en temps voulu une action collective résolue, par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre VII », lorsque les « moyens pacifiques se révèlent inadéquats » et que « les autorités nationales n’assurent pas la protection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité ».
« Plus jamais ça » est le cri le plus souvent lancé, a rappelé M. Ban. « Mais, ce qui me hante, c’est la crainte que nous ne soyons pas à la hauteur de cet appel. » Le concept de la responsabilité de protéger vient ainsi, selon lui, « à point nommé ».
Il a constaté qu’au cours de l’année et demie écoulée, cette notion avait été plus que jamais d’actualité. En Syrie, a-t-il estimé, « nous ne pouvons pas détourner le regard alors que la spirale de la violence sectaire augmente, devient incontrôlable, que l’urgence humanitaire est de plus en plus pressante et que la crise s’étend au-delà des frontières. Les efforts entrepris doivent trouver une solution politique ».
« Le rôle des Nations Unies ne consiste pas à remplacer ou supplanter l’État dans la protection de sa population, mais plutôt de l’aider quand il n’est pas en mesure de le faire », a jugé, de son côté, le Président de la soixante-sixième session de l’Assemblée générale, M. Nassir Abdulaziz Al-Nasser.
« La réaction internationale a donc pour but de renforcer et non de saper la souveraineté nationale », a-t-il ajouté, précisant que, dans son rapport, le Secrétaire général encourageait à examiner les liens étroits qui existent entre la prévention et la réaction, ainsi que les outils de mise en œuvre de la responsabilité de protéger. Il s’est d’ailleurs félicité que le Secrétaire général ait désigné 2012, « Année de la prévention ».
Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, M. Adama Dieng a relevé également que les actions du troisième pilier pouvaient contribuer, en fin de compte, à jouer un rôle préventif. Il a donné l’exemple de l’émergence d’un système de justice pénale internationale, qui est essentiellement un mécanisme de réaction mais qui remplit une fonction importante dans la prévention du génocide et d’autres crimes connexes.
Le Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović, a, une nouvelle fois, exprimé sa réticence face aux mesures coercitives dont il faut, dit-il, limiter les dégâts. Il a affirmé préférer des mesures comme l’embargo sur les armes et toute sanction « intelligente », c’est-à-dire qui ne vise pas la population.
Pour le Secrétaire général de l’ONU, comme pour le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, la responsabilité de protéger ne vient pas en contradiction avec celle de la souveraineté nationale, mais le réaffirme et le renforce.
MM. Ban, Al-Nasser et Eliasson, de même que de nombreux autres intervenants au cours du dialogue interactif, se sont également félicités de l’initiative lancée en 2011 par le Brésil sur « la protection responsable ». Le Gouvernement brésilien a, sur ce sujet, facilité la tenue d’un débat large et constructif entre les États Membres, lesquels, écrit le Secrétaire général dans son rapport, lui ont accordé beaucoup d’attention.
DIALOGUE INTERACTIF INFORMEL SUR LE « RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER: RÉAGIR DE MANIÈRE PROMPTE ET DÉCISIVE »
Déclarations liminaires
M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER, Président de la soixante-sixième session de l’Assemblée générale, a espéré que le dialogue interactif d’aujourd’hui permettrait de préciser la perception collective du troisième pilier de la responsabilité de protéger, qui est « la nécessité d’une réponse décisive en temps opportun ». Il a rappelé que c’est lors du Sommet mondial de 2005 que les chefs d’État et de gouvernement rassemblés ici aux Nations Unies avaient adopté le concept, dont l’objectif est de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. Cet engagement s’est imposé du fait d’échecs de la communauté internationale de prévenir des tragédies, comme à Srebrenica, au Rwanda et au Kosovo, a-t-il souligné. Il a expliqué que les gouvernements ont voulu non seulement renouveler leur engagement de protéger la population mais aussi pouvoir répondre de façon collective lorsqu’ils sont confrontés à certains gouvernements qui ne veulent pas ou ne peuvent pas protéger leurs citoyens contre des atrocités de masse.
Pour continuer la discussion sur ce concept, des débats informels ont été organisés à l’Assemblée générale depuis 2009, a rappelé le Président, avec pour base des rapports pertinents du Secrétaire général. Reconnaissant que la communauté internationale a progressé dans la définition du concept, il a estimé que certains aspects mériteraient encore d’être affinés. Il a souligné la controverse qui subsiste en ce qui concerne le délai de la réponse et la surveillance de la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité. Mais, a-t-il rassuré, le rôle des Nations Unies ne consiste pas à remplacer ou supplanter l’État dans la protection de sa population, mais plutôt de l’aider quand il n’est pas en mesure de le faire. La réaction internationale a donc pour but de renforcer et non de saper la souveraineté nationale.
Dans son rapport, le Secrétaire général nous encourage à examiner les liens étroits qui existent entre la prévention et la réaction, ainsi que les outils de mise en œuvre de la responsabilité de protéger. M. Al-Nasser s’est félicité que Ban Ki-moon ait désigné 2012 comme l’ « Année de la prévention ». La prévention est au cœur même de la responsabilité de protéger, le recours à la force devant intervenir en dernier recours en tenant compte des conséquences, a-t-il rappelé. Enfin, il a salué l’initiative du Brésil sur « la protection responsable » qui a apporté des éléments utiles au débat. C’est un appel lancé aux intervenants internationaux afin qu’ils agissent de manière responsable à toutes les étapes de la mise en œuvre de ce concept.
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, qui présentait son quatrième rapport annuel sur la responsabilité de protéger, a affirmé que l’adoption de ce principe au Sommet mondial de 2005 avait constitué une réalisation fondatrice, non seulement pour les Nations Unies, mais aussi pour les populations du monde.
L’Holocauste, les champs de la mort au Cambodge, les génocides au Rwanda et à Srebrenica ont en particulier soulevé des questions troublantes concernant la volonté et la capacité de la communauté internationale à protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, de la purification ethnique, des crimes contre l’humanité et des incitations au crime.
« Plus jamais ça » est le cri le plus souvent lancé, a-t-il dit. « Mais, ce qui me hante, a-t-il ajouté, c’est la crainte que nous ne soyons pas à la hauteur de cet appel. » Le concept de la responsabilité de protéger vient, selon lui, à point nommé. Pour ces millions de victimes, il aurait dû être mis en œuvre plus tôt, a-t-il estimé.
Des dialogues informels entrepris depuis 2009 ont résulté le constat que le concept de la responsabilité de protéger ne vient pas en contradiction avec la souveraineté nationale, mais, au contraire, réaffirme cette souveraineté comme une responsabilité positive des gouvernements à protéger leurs populations. De même, il a été reconnu que la souveraineté ne doit pas être un bouclier derrière lequel les États commettent les crimes les plus graves contre leurs peuples.
Selon le Secrétaire général, lorsque des mesures non coercitives échouent ou se montrent inadéquates, d’autres mesures devraient être examinées, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, par les organes intergouvernementaux appropriés. Ceci comprend, a-t-il dit, des sanctions et, dans des circonstances extrêmes, l’usage de la force.
L’initiative sur la protection responsable présentée par le Brésil est bienvenue, a en outre estimé M. Ban, ajoutant qu’il ne devrait pas y avoir d’abus du principe de responsabilité de protéger. « Mais les craintes sur ces abus, a-t-il dit, ne devraient pas nous inhiber face à l’incitation et à la violence grave. »
Le Secrétaire général a souligné que la responsabilité de protéger se limitait à quatre des crimes les plus violents: le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et la purification ethnique.
M. Ban a noté qu’au cours de l’année et demie écoulée, la responsabilité de protéger avait été plus que jamais mise en avant. Il a ainsi fait état, évoquant les déclarations faites par la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme et les deux Conseillers spéciaux, des situations en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Kirghizistan, en Libye, au Soudan du Sud, au Soudan, en Syrie, au Yémen et en République démocratique du Congo (RDC).
La situation en Syrie est un cas, a-t-il dit, soulignant le coût immense en vies humaines et l’échec du principe de responsabilité de protéger. Il a notamment félicité l’Assemblée générale pour sa réaction dynamique face à cette crise. « Nous ne pouvons pas détourner le regard alors que la spirale de la violence sectaire augmente, devient incontrôlable, que l’urgence humanitaire est de plus en plus pressante et que la crise s’étend au-delà des frontières. Les efforts entrepris doivent trouver une solution politique. »
« Essayons de toutes nos forces de poursuivre le dialogue sur la responsabilité de protéger », a poursuivi M. Ban. « L’inaction ne peut pas être une option pour notre communauté des nations, a-t-il conclu. Nous devons défendre les responsabilités fondamentales des Nations Unies. »
M. ADAMA DIENG, Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide, a indiqué que l’engagement pris par les États Membres en 2005 de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, de l’épuration ethnique et des crimes contre l’humanité est considéré, à juste titre, comme un tournant important dans la promotion des principes qui fondent l’ONU. Les progrès accomplis depuis lors, en vue de promouvoir et d’affiner le concept de la responsabilité de protéger, nous encouragent à persévérer et à aller de l’avant, a-t-il dit. Les trois premières éditions du dialogue ont ouvert la voie à la conversation qui est en cours aujourd’hui.
M. Dieng a noté que, dans son dernier rapport sur la question, le Secrétaire général encourage à explorer les liens qui pourraient exister entre les trois piliers de la responsabilité de protéger. Le Secrétaire général propose également que soit engagée une réflexion plus approfondie sur la possibilité de renforcer les liens entre prévention et intervention. Il a aussi souligné l’idée que la mise en œuvre des deux premiers piliers peut apporter des éléments de réponse, les actions du troisième pilier pouvant en fin de compte jouer un rôle préventif. M. Dieng a donné l’exemple de l’émergence d’un système de justice pénale internationale, qui est essentiellement un mécanisme de réaction mais qui joue un rôle important dans la prévention du génocide et d’autres crimes connexes.
Il a expliqué qu’il existe un large éventail d’instruments dans le cadre du troisième pilier. Il a invité à étudier les conséquences de la mise en œuvre de chacun d’entre eux et de comprendre les conditions qui permettent d’en optimiser l’utilisation. Tous les instruments mentionnés dans les rapports du Secrétaire général nécessitent la création de partenariats, de plates formes et de structures qui puissent en assurer l’efficacité, a-t-il dit. Il a insisté sur l’importance de ces associations pour la mise en œuvre du troisième pilier. De l’avis de M. Dieng, nous avons tous -États Membres, organisations internationales, régionales et sous-régionales, société civile- des rôles respectifs à jouer. Il a noté que le rapport du Secrétaire général souligne plusieurs domaines qui peuvent être améliorés, notamment grâce au dialogue en cours.
Table ronde et dialogue interactif sur le troisième pilier de la responsabilité de protéger: Réagir de manière prompte et décisive
M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé qu’il avait présidé l’Assemblée générale lorsque le principe de la responsabilité de protéger avait été adopté au Sommet mondial de 2005. Ce principe doit être assumé par les États Membres, a-t-il rappelé en estimant qu’il renforce même le principe de la souveraineté nationale.
M. Eliasson a mis l’accent sur l’aspect prévention, qui avait été considéré au départ comme un élément primordial de la responsabilité de protéger, un aspect clef qui a tendance à être oublié, a-t-il dit. À cet égard, il a souligné que tous les instruments existaient pour trouver un règlement pacifique des différends avant que ne se produise une catastrophe.
Il a jugé utiles les propositions faites par le Brésil. La responsabilité de protéger est un concept, une norme morale et politique, mais pas encore juridique. Elle vise deux éléments fondamentaux: la sécurité humaine et la responsabilité des États vis-à-vis de leur population.
Examinant le principe de responsabilité de protéger sous l’angle des droits de l’homme, M. IVAN ŠIMONOVIĆ, Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme, a expliqué que la souveraineté implique une obligation de l’État de protéger sa population contre des crimes odieux. C’est l’idée du premier pilier. Le deuxième pilier a pour point de départ la solidarité entre les peuples et les nations. Dans ce cadre, des mesures peuvent être prises pour aider les pays qui n’ont pas les moyens de protéger leurs populations. Le troisième pilier implique des mesures coercitives, qui ont souvent un prix en matière de droits de l’homme. Nécessaires, ces mesures doivent être évitées dans la mesure du possible, a estimé le Haut-Commissaire adjoint.
Le Bureau de la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a 58 bureaux dans le monde entier qui mettent en garde contre les risques de violations des droits de l’homme, en vertu du deuxième pilier de la responsabilité de protéger. Nous travaillons, dans ce cadre, au renforcement des capacités nationales, notamment de la police judiciaire et du système de justice. M. Šimonović a, une nouvelle fois, exprimé sa réticence face aux mesures coercitives dont il faut limiter les dégâts. Il a dit préférer des mesures comme l’embargo sur les armes et toute sanction « intelligente », c’est-à-dire qui ne vise pas la population. La Haut-Commissaire aux droits de l’homme a elle-même utilisé d’autres voies, notamment lorsqu’elle a demandé au Conseil de sécurité de renvoyer des affaires devant la Cour pénale internationale, comme cela a été le cas pour la Libye.
M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a notamment estimé que le cadre conceptuel de la responsabilité de protéger devait être abordé de façon globale plutôt que de manière sélective. L’idée de construire des ponts entre les principes de la non-ingérence et ceux des normes humanitaires et des droits de l’homme internationaux est particulièrement importante, a-t-il dit. Il a salué, dans ce cadre, la proposition « tout à fait novatrice » du Brésil. Il s’est félicité du fait qu’il s’agissait là d’une initiative émanant de la région de l’Amérique latine, « une des premières régions à avoir intégré le principe de responsabilité de protéger ».
M. YOUSSOUFOU BAMBA (Côte d’Ivoire) a souligné que la discussion d’aujourd’hui se place dans le contexte de l’actualité récente, notamment la situation en Syrie et dans le nord du Mali. La responsabilité de protéger a été trop longtemps occultée, alors que la réalité qu’elle représente, à savoir protéger les populations contre les génocides, les crimes de guerre, les nettoyages ethniques et les crimes contre l’humanité, est omniprésente dans toutes les situations de conflit.
Il a plaidé en faveur de l’incorporation de ce principe tant au niveau régional qu’international dans l’architecture des systèmes de sécurité collective, ainsi que des mécanismes de diplomatie préventive, de prévention, de gestion et de règlement des conflits, de maintien de la paix et de consolidation de la paix. En ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest, il a cité l’exemple de l’intervention des forces de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) lors du premier conflit au Libéria en 1990, qui, à son avis, s’apparente parfaitement à l’opérationnalisation du troisième pilier de la responsabilité de protéger.
Le représentant a également mentionné l’adoption de la Déclaration des principes d’Abuja, en 1991, qui concerne les droits fondamentaux des citoyens de la CEDEAO, puis, en 1999, la mise en place du Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité dans la sous-région. Ce mécanisme a été complété en 2001 par le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, et, en 2008, par le Cadre de prévention des conflits de la CEDEAO. M. Bamba a ensuite rappelé que la CEDEAO est intervenue également en Sierra Leone en 1997, en Guinée-Bissau en 1998, et en Côte d’Ivoire en 2002. Elle est actuellement déployée en Guinée-Bissau et attend l’autorisation du Conseil de sécurité pour un déploiement au Mali.
Le représentant a aussi rappelé les faits pertinents qui concernent son pays, la Côte d’Ivoire. Après la résolution 1975 (2011) du Conseil de sécurité de l’ONU, qui prévoyait notamment le renforcement de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), le Secrétaire général s’était vu contraint, après une escalade des attaques contre le camp du Président, de donner instruction à la Mission de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher le recours aux armes lourdes. C’est ainsi que, le 9 avril 2011, l’ONUCI a engagé une opération militaire visant à empêcher les menaces à la sécurité des populations civiles d’Abidjan et à l’ensemble des personnels civils et militaires des Nations Unies dans le pays. Les forces françaises de la Licorne ont apporté le soutien nécessaire à l’ONUCI, a-t-il aussi rappelé.
Le représentant ivoirien a invité, au sortir de crises, à mettre l’accent sur l’éducation et la sensibilisation à la responsabilité de protéger, à tous les échelons de la société et en particulier au niveau des éléments armés. Il a également souligné le rôle important des organisations régionales et sous-régionales, les invitant à s’approprier le principe et à le concrétiser dans leurs mécanismes de règlement des conflits.
M. ALEX BELLAMY, Professeur de sécurité internationale à la Griffith Asia Institute, en Australie, a affirmé que le principe de la responsabilité de protéger s’appliquait partout, mettant l’accent sur l’importance de la diplomatie préventive ou les missions d’établissement des faits. Il convient, a-t-il dit, de tirer les leçons de l’expérience, et de mettre en œuvre, le cas échéant, les Chapitres VII et VIII de la Charte des Nations Unies. Il faut, selon lui, intervenir rapidement au début des crises et passer rapidement à des mesures plus fermes. Le recours à la force, qui est toujours une tragédie, s’avère parfois nécessaire lorsque l’on est confronté aux pires crimes, a-t-il également reconnu. M. Bellamy a, entre autre, souligné le rôle du Conseil de sécurité, lequel, a-t-il dit, doit prendre des décisions en temps voulu.
Débat interactif
Le dialogue interactif, auquel ont participé une cinquantaine d’intervenants, a été lancé par la délégation de l’Union européenne qui a soulevé l’importance qu’il y a à poursuivre la mise au point des mesures mentionnées par le Secrétaire général dans son rapport, comme l’alerte rapide, la médiation ou la diplomatie préventive, pour peaufiner les paramètres de la « réaction résolue et en temps voulu », troisième pilier de la responsabilité de protéger.
La communauté internationale doit donc faire d’un nouvel engagement et d’une plus grande confiance dans l’utilisation de ces outils que la Charte des Nations Unies met à sa disposition pour régler les différends, a déclaré la représentante du Brésil, pays qui a lancé, en 2011, une initiative sur la « protection responsable ». L’intérêt des États Membres pour cette notion a été confirmé tout au long du dialogue. L’accent mis sur la diplomatie préventive est capital, a insisté la représentante brésilienne, car la prévention est le meilleur élément de la responsabilité de protéger.
La prévention et la réaction sont d’égale importance, sont étroitement liées et se renforcent mutuellement. C’est ce qu’ont soutenu plusieurs délégations, comme l’Australie, le Royaume-Uni et l’Italie, partageant ainsi l’avis exprimé par le Secrétaire général dans son rapport. Du même avis, le représentant de la République de Corée a averti du risque de trop se concentrer sur le troisième pilier. Comme initiative de prévention, le Danemark et l’Australie se sont prévalus de celle qu’ils ont lancée avec le Ghana et le Costa Rica, qui consiste à envoyer des points focaux sur le terrain pour éviter des atrocités de masse.
Car, au stade actuel, le pilier 3 « réaction résolue et en temps voulu » suscite un certain malaise, a estimé le délégué de l’Argentine. Son homologue du Venezuela n’a pas dit autre chose lorsqu’il a argué que les interventions en Côte d’Ivoire et en Lybie ont marqué un tournant. Le représentant de la Fédération de Russie a carrément estimé que l’expérience de la Libye a nui au concept de la responsabilité de protéger, avant que celui de la France ne se défende. Pour ce dernier, la responsabilité de protéger est « un concept tourné vers l’action », qui permet de sauver des vies. De nombreuses victimes ont ainsi pu être évitées en Libye, a-t-il rappelé, soulignant que la zone d’exclusion aérienne avait empêché Kadhafi de bombarder des civils dans les régions éloignées. La réalité en Libye est cependant plus complexe qu’on la présente, a tempéré le représentant de Singapour, croyant savoir que certains membres du Conseil de sécurité qui ont voté pour une intervention dans ce pays le regrettent.
Son homologue libyen a, quant à lui, jugé « trop lente » la réaction de la communauté internationale en Syrie, une situation que beaucoup ont présenté comme l’exemple concret d’un cas nécessitant une « réaction résolue et en temps voulu ». Le représentant de la Belgique s’est dit choqué que la communauté internationale n’ait pas assumé cette responsabilité envers une population civile massacrée par son gouvernement syrien. Évitons, a mis en garde le représentant de la Tunisie, une application sélective de la responsabilité de protéger. Ses homologues de la République islamique d’Iran et de la Malaisie ont demandé à la communauté internationale de se garder d’une politique de deux poids deux mesures.
Mais la « réaction résolue et en temps voulu » ne se résume pas au recours à la force, a assuré le représentant de la Suisse, regrettant que le débat se soit excessivement focalisé là-dessus. Ses homologues de la Norvège et du Qatar ont acquiescé.
La Suisse a souligné le rôle de la justice pénale internationale dans les cas où l’État concerné n’assume pas sa propre responsabilité à l’égard de sa population et des auteurs des crimes. Il s’est dit convaincu de la nécessité d’une pratique « plus uniforme et plus systématique » de renvoi des situations à la Cour pénale internationale (CPI). La menace du recours à la CPI est un moyen préventif, a commenté le représentant de la République de Corée. Prévention et non-réaction, a semblé dire le représentant de Singapour pour qui le troisième implique explicitement le recours à la force ou à des mesures coercitives contre la volonté des États. Les deux premiers piliers « ne sont que des façades », a-t-il tranché.
Insistant sur la prévention, beaucoup d’intervenants ont, par ailleurs, reconnu le rôle important des organisations régionales et sous régionales dans l’application de la responsabilité de protéger. Ils ont aussi, à l’instar du Chili et du Vice Secrétaire général, le rôle crucial desONG et de la société civile dans l’alerte rapide. La délégation de l’Union européenne a invité les réseaux de la société civile à prendre une part active à l’approche adoptée par la communauté internationale et le représentant du Liechtenstein a proposé d’interdire l’exercice du droit de veto lorsqu’il s’agit de la responsabilité de protéger.
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