L’Envoyé spécial conjoint pour la Syrie reconnait la non-application du plan en six points et interroge l’Assemblée générale sur la voie à suivre
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sur la situation en Syrie
matin
L’ENVOYÉ SPÉCIAL CONJOINT POUR LA SYRIE RECONNAIT LA NON-APPLICATION DU PLAN
EN SIX POINTS ET INTERROGE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE SUR LA VOIE À SUIVRE
M. Kofi Annan, Envoyé spécial conjoint de l’ONU et de la Ligue des États arabes pour la crise syrienne, a demandé aujourd’hui à l’Assemblée générale: « quelles sont les options? » En « toute franchise », il a reconnu que son plan en six points n’est pas mis en œuvre et que si cela ne change pas, une guerre civile risque d’éclater en Syrie.
M. Kofi Annan s’exprimait au cours d’une réunion à laquelle ont pris part le Président de l’Assemblée générale, le Secrétaire général de l’ONU, celui de la Ligue des États arabes et le Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme. Une vingtaine de délégations a fait des commentaires.
L’Envoyé spécial conjoint a lancé plusieurs accusations: le Président syrien n’a pas démontré un changement de politique lors de sa dernière intervention devant le Parlement, l’opposition a intensifié ses attaques et la situation a été aggravée par des bombardements qui indiquent qu’un troisième acteur est entré en jeu. M. Annan a réclamé un « modèle clair » pour assurer une transition démocratique en Syrie.
Leplan Annan reste la « pièce maîtresse » des efforts, a répondu le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, même s’il a souligné que les massacres de Houla, la semaine dernière, et d’Al-Koubeir, hier, ont « enlevé toute légitimité » au Président syrien et à son gouvernement.
Le « plan Annan » devait déboucher sur la cessation des combats le 10 avril pour les troupes syriennes, et le 12 avril pour l’opposition. Il devait également assurer la mise en place d’un processus politique ouvert, dirigé par les Syriens; assurer l’acheminement de l’aide humanitaire; accélérer la libération des personnes arbitrairement détenues; assurer aux journalistes la liberté de circulation; et faire respecter la liberté d’association et le droit de manifester pacifiquement des Syriens.
Compte tenu de la détérioration de la situation, le Secrétaire général de l’ONU s’est dit ouvert à toute discussion sur la façon d’agir de manière efficace. Personne, a-t-il prévenu, ne peut prédire comment la situation en Syrie va évoluer. Nous devons nous préparer à toute éventualité et être prêts à répondre à divers scenarios possibles, a-t-il estimé.
Son homologue de la Ligue des États arabes, M. Nabil Elaraby, a rappelé que le Conseil des ministres de la Ligue ne demande pas au Conseil de sécurité de recourir à la force. Il plaide plutôt pour des pressions politiques, économiques et commerciales. De telles pressions, a rétorqué le représentant de la Fédération de Russie, ne feraient qu’aggraver la situation des Syriens. Il a jugé « contreproductif, dangereux et prématuré » de dire que le plan Annan n’a pas fonctionné.
Il a également exhorté les États Membres à ne pas céder à la pression de l’opposition « dont l’action se limite à appeler les capitales étrangères ». Les livraisons d’armes ne font que verser de l’huile sur le feu et donner de la marge à la « troisième force terroriste », a-t-il averti.
La Syrie est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer le succès du mandat de M. Kofi Annan, a affirmé son représentant en assurant que son gouvernement n’a aucun problème avec la partie de l’opposition qui revendique des réformes légitimes. Plusieurs appels ont été lancés pour que l’opposition syrienne s’unisse.
« Situation catastrophique », « perspective d’une guerre fratricide », la vingtaine de délégations qui a pris la parole n’a en effet cessé de multiplier les marques d’inquiétude face au point de non-retour que semble avoir atteint la Syrie et des répercussions sur la stabilité de la région dans son ensemble.
Craignant, comme le représentant de l’Inde, qu’une solution militaire n’enflamme la situation et ne provoque une guerre civile, une majorité de délégations a réaffirmé son attachement au plan Annan. Le représentant du Qatar a demandé une date butoir pour la mise en œuvre dudit plan alors que son homologue du Canada a prôné un élargissement de la Mission de supervision des Nations Unies en Syrie (MISNUS).
Plusieurs appels ont également été lancés pour que la Cour pénale internationale (CPI) soit saisie de la situation en Syrie. Mais le représentant de Cuba s’est inquiété du fait que les informations dont dispose la communauté internationale sont « imprécises et sujettes à manipulation ». Son homologue du Nicaragua a carrément cru reconnaître dans les différentes positions aujourd’hui celles qui prévalaient avant l’intervention de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Lybie. La représentante des États-Unis a raillé la « théorie du complot ridicule » mise en avant par les autorités syriennes.
Son homologue de la France a annoncé que son pays accueillerait, au début du moins de juillet, la troisième réunion du Groupe des Amis du peuple syrien qui sera « l’occasion de réaffirmer le soutien au plan Annan, à l’action de la MISNUS et à la poursuite des pressions nécessaires sur le régime syrien ».
L’Assemblée générale avait commencé sa réunion par une minute de silence pour les victimes des atrocités commises en Syrie. Sa prochaine séance sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
Déclarations
M. NASSIR ABDULAZIZ AL-NASSER, Président de la soixante-sixième session de l’Assemblée générale, a rappelé les atrocités des 25 et 26 mai à Houla et celles commises hier à Al-Koubeir. Sur le dossier syrien, a-t-il rappelé, l’Assemblée ne fait qu’assumer sa responsabilité, consacrée par la Charte, en matière de paix et de sécurité internationales. L’Assemblée, a insisté le Président, offre à la communauté internationale un mécanisme viable en cas d’impasse dans les autres organes de l’ONU.
Nous devons, a-t-il pressé, trouver un moyen de mettre fin à la violence et à la crise humanitaire et de faciliter une solution pacifique, inclusive et élaborée par les Syriens eux-mêmes. Le Président a exhorté tous les États à travailler avec l’Envoyé spécial conjoint et à exercer leur influence sur les parties syriennes. Nous devons avoir un dialogue franc et axé sur les résultats. Nous devons agir vite, a-t-il conclu, avant de déclarer une minute de silence en mémoire de ceux qui ont été tués par les actions brutales en Syrie.
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a estimé qu’au cours de ces derniers mois, il est devenu évident que le Président Assad et son gouvernement ont perdu toute légitimité. Le dernier massacre d’Houla a jeté une lumière crue sur cette perte de légitimité. Le Secrétaire général a confié qu’il vient juste d’apprendre que des observateurs de l’ONU, qui tentaient de se rendre dans d’autres lieux de massacre, ont essuyé des tirs d’armes légères.
Rien n’indique vraiment, a poursuivi M. Ban Ki-moon, que le Gouvernement de la Syrie respecte ses engagements vis-à-vis du plan en six points approuvés par le Conseil de sécurité, il y a plus de deux mois. Pour leur part, de nombreux éléments de l’opposition ont malheureusement pris les armes et déclaré qu’ils ne respecteraient plus le plan. Cette incapacité du régime et de l’opposition de s’engager dans un dialogue politique significatif donne un pronostic extrêmement grave. Plus ce conflit dure, plus il sera difficile d’aller à la paix et à une éventuelle réconciliation.
La communauté internationale doit reconnaître cette réalité et agir, avec unité et volonté commune. Nos priorités restent claires, a souligné le Secrétaire général: arrêter la violence et protéger le peuple syrien et ses droits, apporter de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin et avancer vers une solution politique à la crise. Le plan Annan, a-t-il estimé, reste la pièce maîtresse de ces efforts. Dans le même temps, compte tenu de la détérioration de la situation, le Secrétaire général s’est dit ouvert à toute discussion sur la façon d’agir de manière efficace.
Personne ne peut prédire comment la situation en Syrie va évoluer. Nous devons nous préparer à toute éventualité et être prêts à répondre à divers scenarios possibles, a-t-il prévenu. Soulignant la responsabilité des pays voisins, M. Ban Ki-moon a regretté que le Gouvernement syrien ait refusé l’entrée sur son sol de l’adjoint de l’Envoyé spécial conjoint, M. Nasser Al-Kidwa. Cette situation est inacceptable, a prévenu le Secrétaire général.
La Syrie est au croisement des chemins, a-t-il poursuivi. Il a appelé le Président Assad à mettre en œuvre le plan en six points, à permettre aux observateurs de l’ONU de faire leur travail et à faciliter l’accès à l’aide humanitaire. Aux États Membres, il a demandé d’exercer toute leur influence sur les deux parties pour aider l’Envoyé spécial conjoint à remplir sa mission importante.
M. NABIL ELARABY, Secrétaire général de la Ligue des États arabes, a fait observer que 15 mois s’étaient écoulés depuis le début de la crise syrienne. Il a réclaméun arrêt immédiat et complet de la violence, avant de passer en revue les efforts déployés par la Ligue, évoquant notamment l’initiative du 27 août sur l’établissement d’un régime pluraliste en Syrie et l’organisation d’élections démocratiques. La Ligue a également mis un terme à la participation de la Syrie à ses réunions et à ses différents organes. Elle a aussi décrété un boycott économique, et exhorté toutes les parties à collaborer avec l’Envoyé spécial conjoint pour la mise en œuvre de son plan en six points. À l’instar du Secrétaire général, il a, lui aussi, déploré que l’Adjoint de l’Envoyé spécial conjoint se soit vu refusé l’entrée en Syrie.
Le Conseil des Ministres de la Ligue, a enchainé M. Elaraby, ne demande pas au Conseil de sécurité de recours à la force. Il plaide plutôt pour des pressions politiques, économiques et commerciales. Le Secrétaire général a appelé les États arabes à rappeler leur ambassadeur en poste à Damas. Il a exhorté l’opposition syrienne à surmonter ses divergences et à assumer ses responsabilités. Cette crise s’est transformée en une crise arabe, s’est alarmé le Secrétaire général, avant de réaffirmer son attachement à une solution pacifique à la crise syrienne.
M. KOFI ANNAN, Envoyé spécial conjoint de l’ONU et de la Ligue des États arabes pour la crise syrienne, a reconnu qu’on lui avait confié une tâche « extrêmement difficile » et s’est indigné des massacres commis à Houla et à Al-Koubeir.
Je dois être franc, a-t-il enchainé, et confirmer que le plan en six points n’est pas mis en œuvre. La crise ne fait que s’aggraver, la violence empire et le pays est de plus en plus divisé et radicalisé. M. Annan a indiqué que les autorités syriennes avaient affirmé que les principaux obstacles à la paix sont les actions des groupuscules armés. Toutes les parties doivent répondre à l’appel, mais le premier responsable demeure néanmoins le Gouvernement, a-t-il cependant ajouté.
M. Annan a ensuite fait savoir qu’il y a six jours, il avait exhorté le Président syrien à prendre des mesures « audacieuses ». Il faut faire beaucoup plus et le Président Al-Assad n’a pas démontrer un changement de politique lors de sa dernière intervention devant le Parlement syrien, a-t-il déploré. Il a reconnu que l’opposition a intensifié ses attaques et que la situation a été aggravée par des bombardements qui indiquent qu’un troisième acteur est entré en jeu. Si cela ne s’arrête pas, une guerre civile risque d’éclater et tous les Syriens seraient alors perdants. Alors, quelles sont les options?
Pour M. Annan les États Membres ont la responsabilité commune d’agir rapidement. Plus nous attendrons, plus la situation se radicalisera et plus il sera difficile de trouver une issue politique à la crise, a-t-il averti. Il faut trouver la volonté et un terrain commun d’entente car les interventions individuelles ne permettront pas de résoudre la crise. À ce titre, il a réclamé un « modèle clair » pour assurer une transition démocratique en Syrie. Si nous nous unissons et agissons dans un même élan, nous pourrons éviter le pire et permettre à la Syrie de sortir de la crise. Dans l’intérêt du peuple syrien, la communauté internationale doit s’unir et agir à l’unisson, a-t-il martelé.
M. IVAN ŠIMONOVIĆ, Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme, a rappelé que le Conseil des droits de l’homme a tenu une session extraordinaire sur la situation en Syrie, vendredi dernier, et qu’il a demandé au Comité interministériel syrien d’enquêter sur les évènements de Houla, d’en identifier publiquement les responsables et de garder les preuves pour de futures poursuites pénales ou processus judiciaires.
La situation en Syrie, a-t-il prévenu, peut donner lieu à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité. C’est pourquoi, a-t-il rappelé, l’appel au Conseil de sécurité pour qu’il en saisisse la Cour pénale internationale (CPI) devient encore plus urgent. En raison d’un manque d’accès en Syrie, la Commission internationale d’enquête indépendante mène ses travaux en interrogeant des témoins et victimes dans les pays voisins.
Le 24 mai, la Commission a pu conclure que la plupart des violations des droits de l’homme sont commises par l’armée et les services de sécurité syriens. La Commission a aussi documenté des violations commises par des groupes armés antigouvernementaux. Quant aux explosions dans des centres à forte population, la Commission n’a pas été en mesure de les attribuer à l’une ou l’autre partie.
La semaine dernière, le Bureau de la Haut-Commissaire a achevé une mission dans les pays voisins de la Syrie qui lui a permis de conclure à la poursuite des violations graves des droits de l’homme en Syrie. Vendredi dernier, a-t-il rappelé, j’ai averti le Conseil des droits de l’homme du fait que la Syrie est au bord d’une guerre civile de grande ampleur et que la situation pourrait déstabiliser toute la région. Les combats, qui ont eu lieu, la semaine dernière, au Liban, soulignent le risque d’une propagation de la crise.
Le Haut-Commissaire adjoint a appelé l’Assemblée et le Conseil de sécurité à s’unir et à parler d’une même voix à tous les Syriens pour les convaincre de s’éloigner du précipice et d’entamer de véritables négociations sur un processus pacifique de changement.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) s’est tout d’abord félicité qu’en faisant observer une minute de silence, le Président de l’Assemblée générale avait répondu à la demande de sa délégation, lors d’une précédente réunion consacrée à la Syrie.
Il a ensuite commenté le massacre commis hier à Al-Khoubeir qui, a-t-il relevé, a été commis la veille de la réunion du Conseil de sécurité sur la Syrie, ce qui prouve que les auteurs de ce massacre cherche à attirer sur eux l’attention de la communauté internationale et à intensifier la pression exercée sur le Gouvernement syrien.
M. Ja’afari a expliqué qu’hier, les Forces armées nationales sont intervenues lors que 17 personnes cherchaient à tuer des civils à Al-Khoubeir. Les heurts avec ces « terroristes » ont fait un mort et quatre blessés. Mais selon un médecin légiste, le massacre aurait été commis cinq heures avant l’intervention des forces syriennes. Les images diffusées sur les chaînes internationales ne sont pas celles des vraies victimes, a affirmé le représentant, en promettant que la télévision syrienne diffuserait bientôt les images. Ce scenario est la répétition de celui d’Houla, s’est-il indigné.
Il a affirmé que le Gouvernement syrien cherchait des mécanismes de coopération « sains » pour mettre un terme à l’effusion de sang. La Syrie est prête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer le succès du mandat de M. Kofi Annan, a-t-il affirmé. Le Gouvernement n’a aucun problème avec l’opposition qui revendique d’ailleurs des réformes légitimes.
Plusieurs parties, a aussi prévenu le représentant, doutent de l’efficacité du plan Annan. Il a évoqué l’incident du navire qui transportait vers la Syrie et via le Liban, des armes en provenance de la Turquie. Il a également évoqué la création du Front des révolutionnaires de la Syrie qui, a-t-il indiqué, cherche à unifier tous les groupes de l’opposition syrienne autour du slogan « la bataille pour la libération de la Syrie est née ».
Le représentant s’est insurgé contre les États qui tentent de justifier les actes terroristes et la livraison d’armes à ces groupes. Les attaques contre les bâtiments du Gouvernement, les assassinats de fonctionnaires, les explosions dans les raffineries, les raids contre les hôpitaux et le personnel médical, sont-ce là des actes de défense et d’expression démocratique? a-t-il accusé.
Pour M. Ja’afari, quiconque s’acharne à envoyer illicitement des armes en Syrie et à rejeter l’accusation claire d’encouragement aux groupes liés à Al-Qaida est un complice du terrorisme et doit rendre de comptes. Comment le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, ancien juge à la CPI de surcroit, a-t-il pu rendre un jugement à distance sur la situation sur le terrain, lequel contredit le rapport des observateurs de l’ONU?
Le représentant a affirmé que le Gouvernement syrien avait condamné les atrocités commises et mis rapidement sur pied une commission d’enquête pour faire la lumière sur les faits. Mais, s’est-il interrogé, où sont les aides que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a promises depuis six mois? Il a précisé qu’aucune aide n’était arrivée en Syrie à part celle du Programme alimentaire mondial (PAM). Il s’est également insurgé contre les « sanctions illégales unilatérales » que certains États « se plaisent à imposer à des dizaine de millions de Syriens innocents ». Il aurait préféré, a-t-il conclu, que le Secrétaire général de la Ligue arabe prône une action du Conseil de sécurité conforme au Pacte arabe de défense commune. Il a fait remarquer que cette réunion coïncide avec le quarante-cinquième anniversaire de l’occupation israélienne des territoires syriens.
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