Les experts du CEDEF saluent les progrès à Djibouti mais relèvent un déficit dans l’application des lois, compte tenu des « pesanteurs sociales »
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
Quarante-neuvième session
991e et 992e séances – matin et après-midi
LES EXPERTS DU CEDEF SALUENT LES PROGRÈS À DJIBOUTI MAIS RELÈVENT UN DÉFICIT DANS L’APPLICATION DES LOIS, COMPTE TENU DES « PESANTEURS SOCIALES »
Les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) ont examiné aujourd’hui, pour la première fois, les efforts de Djibouti en matière d’égalité entre les sexes et ont relevé, ce faisant, un déficit dans l’application des lois.
L’ensemble des experts ont salué les progrès considérables engrangés depuis 1999, dans un pays de près de 700 000 habitants qui n’a accédé à l’indépendance qu’en 1977. Mais devant leur impatience, la Ministre de la promotion de la femme et du planning familial, qui a présenté les rapports de son pays sur la mise en œuvre de la CEDAW*, a reconnu des « pesanteurs sociales » persistantes malgré l’évolution juridique et les mesures de discrimination positive.
Ce n’est pas par manque de volonté politique, mais l’État doit relever tellement de défis que dans certaines situations, les droits de l’homme reviennent à garantir le droit à l’alimentation. Certains droits sont prioritaires, a plaidé la Ministre.
Elle a argué que lors de la ratification de la CEDAW en 1998, la représentation des femmes dans la vie politique et publique était quasi inexistante. « Il n’y avait aucune femme au Parlement, aucune femme dans les représentations communales, aucune femme ministre ou secrétaire générale, ni présidente de commune ou de parti ».
En 2003, pour la première fois, 7 femmes sont entrées au Parlement et en 2009, elles sont au nombre de 9 sur 65 députés, soit 14%. En 2008, Djibouti a mis en place des quotas imposant 20% de femmes dans les fonctions électives.
Que fait le Gouvernement pour contenir les incidences négatives des us, coutumes et traditions en matière des droits de la femme ont demandé les experts; celle de l’Égypte invitant Djibouti à s’appuyer sur les expériences d’autres pays musulmans quant à l’intégration de la charia dans la législation nationale, d’une manière conforme à la CEDAW.
Notant que 42% de la population vit avec moins de deux dollars par jour, l’experte de la Suisse s’est étonnée que le taux de croissance moyen de 5%, observé à Djibouti depuis 2006, ne se soit pas traduit par une évolution concrète puisque 68% des femmes sont encore sans emploi.
La Ministre de la promotion de la femme s’est défendue en citant le Fonds social de développement (FSD) ainsi que la Caisse populaire d’épargne et de crédit (CPEC), dont la création a été motivée par le souci de promouvoir l’émancipation économique des femmes. Elle a aussi parlé des efforts en matière d’alphabétisation, dont la proclamation de la Journée nationale de la scolarisation des filles; l’octroi de « bourses pour jeune fille »; la distribution de nourriture aux familles rurales qui scolarisent leur fille et la mise en place de cantines et dortoirs pour les élèves d’origine rurale.
La Ministre s’est enorgueillie du fait que le 3 juillet dernier, 33 communautés ont renoncé publiquement à la pratique de l’excision après trois années d’intenses efforts de sensibilisation.
Le Comité poursuivra ses travaux demain, vendredi 22 juillet, à partir de 10 heures, avec l’examen du quatrième rapport périodique de Singapour.
* Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
Présentation du rapport initial et des deuxième et troisième rapports périodiques de Djibouti (CEDAW/C/DJI/1-3)
Madame HASNA BARKAT DAOUD, Ministre de la promotion de la femme et du planning familial de Djibouti, a déclaré que son pays a ratifié la quasi-totalité des instruments fondamentaux ayant trait à l’égalité pour la dignité et les droits de tous les êtres humains. Outre la CEDAW ratifiée en 1998, Djibouti a ratifié, en février 2005, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que le Protocole facultatif relatif aux droits des femmes en Afrique. Elle a aussi adhéré à la Charte africaine des droits et du bien-être des enfants et à la Déclaration solennelle des chefs d’État et de gouvernement africains sur l’égalité entre les hommes et les femmes.
La Ministre a précisé que le rapport, présenté aujourd’hui et couvrant la période 1999-2009, a été élaboré sous la coordination de son ministère et la supervision du Comité interministériel de coordination, et ce, en étroite collaboration avec la Commission nationale des droits de l’homme. Elle a rappelé que lors de la ratification de la « Convention » en 1998, la représentation de la femme dans les sphères politique et de prise de décisions était alors quasi inexistante. « Il n’y avait aucune femme au Parlement, aucune femme dans les représentations communales, aucune femme ministre ou secrétaire générale, aucune présidente de commune ou de parti ».
Les réformes entreprises ont permis entre autres: l’adoption de la loi instituant des quotas d’au moins 10% dans les fonctions électives et hautes fonctions de l’État; l’adoption de la Stratégie nationale pour l’intégration de la femme dans le développement en 2002; et l’adoption du décret d’application pour les hautes fonctions de l’État à au moins 20%.
En 2003, pour la première fois, 7 femmes sont entrées au Parlement et en 2009, elles sont au nombre de 9 sur 65 députés, soit 14%. Depuis 1999, elles occupent des postes ministériels, 3 en 2011, et depuis 2006, elles ont accès aux conseils régionaux et municipaux. On dénombre 14 conseillères municipales, 7 conseillères régionales, une maire adjointe, une femme présidente de commune, une femme présidente de parti politique et une femme ambassadrice en 2011.
Sur le plan de l’éducation, en dépit de la volonté affichée, le pourcentage des filles ne dépassait guère 39% dans les cycles primaire et secondaire en 1999 avec un taux de déperdition conséquent par la suite. Malgré la réforme du système éducatif en 1999, qui a rendu obligatoire la scolarité jusqu’à 16 ans, un comportement discriminatoire relatif à la scolarité de filles persiste encore. Parmi les mesures correctives adoptées, la Ministre a cité la proclamation de la Journée nationale de la scolarisation des filles célébrée le 11 décembre; l’offre de « bourses pour jeune fille »; la distribution de vivres pour les familles rurales qui scolarisent leur fille; et la mise en place de cantines et de dortoirs pour les élèves originaires de localités rurales.
Dans le contexte de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), Djibouti a mis en place de vastes programmes d’alphabétisation fonctionnelle en langues arabe et française, destinée uniquement aux femmes accompagnées enrôlées dans les programmes postalphabétisation.
Dans le domaine de la lutte contre la violence faite aux femmes, l’accent est mis sur l’information et la sensibilisation aux droits et aux procédures. La Ministre a annoncé la vulgarisation prochaine d’un guide juridique. Elle a précisé qu’en date du 3 juillet 2011, 33 communautés ont déclaré publiquement l’abandon de toute forme d’excision après trois années d’intenses efforts de sensibilisation menées conjointement par le Ministère de la promotion de la femme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’ONG Tostan.
La Ministre a également parlé d’une carte sanitaire pour décentraliser l’offre de soins gratuits sur l’ensemble du territoire national et la construction du Centre de référence en santé de reproduction (CRSR Housseina). Elle s’est inquiétée de la féminisation de la pandémie de VIH/sida, comme en témoigne le nombre de 1 859 femmes parmi les 3 309 cas notifiés. Elle a attiré l’attention sur la mise en place d’un Programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PYME) 2003-2007, d’un Plan stratégique national de lutte contre les IST/VIH/SIDA 2008-2012 et de l’adoption en avril 2007 d’une loi de protection des personnes vivant avec le VIH/sida.
Par ailleurs, elle a indiqué que la création de nouvelles institutions publiques dirigées par des femmes telles que le Secrétariat d’État chargé de la solidarité nationale et de la lutte contre la pauvreté ainsi que le Secrétariat d’État chargé du logement participera au renforcement des capacités économiques des femmes. Elle a précisé que toutes les actions ont été menées grâce à l’appui déterminant des médias.
Articles 1 et 2 relatifs à la discrimination et aux mesures politiques
Mme AYŞE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a salué le fait que Djibouti s’acquittait de ses obligations à un moment qui n’est « pas très propice ». Elle a engagé la délégation à ratifier le Protocole facultatif, ainsi que l’amendement à l’article 20 de la CEDAW. Elle a estimé que la visibilité de la Convention dans la législation nationale pose problème. La législation sur la famille et le statut personnel fait référence au droit coutumier, a-t-elle relevé.
Elle a encouragé le Gouvernement à suivre les « éléments créatifs » de la région qui indiquent comment incorporer des éléments de la charia à un droit familial conforme à la CEDAW. L’experte a également observé que si la limite d’âge pour le mariage était fixée à 18 ans, le mariage à tout âge était possible moyennant l’accord d’un gardien. Elle a par ailleurs relevé que les auteurs de mutilations génitales féminines n’encouraient aucune poursuite.
Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, experte de la Croatie, a demandé des précisions sur le rôle du Parlement dans la préparation du rapport, ainsi que sur la participation des ONG. Le texte de la Convention a-t-il été traduit dans les langues locales? Qu’en est-il de l’interdiction de la discrimination dans la législation nationale?
Réponse de la délégation
La délégation a fait savoir que le processus de ratification du Protocole facultatif était en cours. La Convention s’intègre directement dans le droit positif djiboutien et les dispositions de la législation nationale sont conformes à la CEDAW. Cette législation considère les mutilations génitales féminines comme une forme de violence à part entière. Les autorités s’efforcent en outre d’améliorer l’accès des femmes à la justice, pour faire en sorte que la Convention soit davantage invoquée par les tribunaux.
Elle a ensuite fait savoir que le Code de la famille de 2002 n’avait pu être promulgué que 10 ans après son élaboration à cause des « pesanteurs socioculturelles » considérables. Il sera sans doute révisé à l’avenir, mais arriver à ce compromis s’était déjà avéré difficile, a commenté la délégation. Le fait que le statut personnel des femmes soit dorénavant reconnu par le droit national est une avancée considérable.
La délégation a reconnu que les dispositifs relatifs à l’âge du mariage prêtaient à confusion. S’agissant des mutilations génitales, elle a expliqué qu’une cellule avait été mise sur pied pour recevoir les plaintes. Certaines affaires ont été réglées à l’amiable et d’autres ont été transférées au parquet, mais, a avoué la délégation, elles n’ont pas abouti; certaines plaintes ayant été retirée ou classées sans suite.
La délégation a indiqué que la Commission des droits de l’homme était composée de membres d’ONG et qu’elle comptait six femmes. Oui, a-t-elle affirmé, les parlementaires ont participé à la rédaction du rapport et la traduction de la CEDAW dans les langues nationales est actuellement en cours. Elle a précisé que le Code la famille avait été traduit et était l’objet d’une grande vulgarisation au sein de la société djiboutienne.
Article 3 relatif à la garantie des droits de l’homme et aux libertés fondamentales
Pour Mme NICOLE AMELINE, experte de la France, la réponse aux principaux défis de la société djiboutienne passe par la reconnaissance du statut de la femme. Elle a demandé des précisions sur le droit relatif au statut personnel. Relevant que la stratégie de lutte contre la pauvreté n’avait pas marché, elle a voulu savoir si le Gouvernement avait pu en déterminer la cause.
Comment va-t-on intégrer la stratégie de l’égalité? La mobilisation financière est-elle parfaitement ciblée sur ces questions? Djibouti dispose-t-elle de moyens suffisants pour répondre au problème des mutilations génitales féminines?
Réponse de la délégation
La délégation a reconnu que l’autonomisation économique des femmes laissait à désirer. Une politique nationale du genre a donc été mise sur pied pour permettre aux femmes de se prendre en main sur le plan professionnel et socioéconomique. La femme étant très présente dans le secteur informel, un département a été chargé de formaliser les petites et très petites entreprises.
La délégation a ensuite évoqué les nombreux défis que connaît Djibouti, dont l’absence de ressources et la sécheresse notamment. Malgré tout, la dimension genre est au centre de la révision de l’Initiative nationale de développement social.
La Commission nationale des droits de l’homme a été créée en 2008 après un atelier de réflexion initié par le Ministère de la justice, en collaboration avec la société civile. Cette Commission, composée de 40% de femmes, est chargée de donner son avis aux pouvoirs publics sur toutes les questions relatives aux droits de l’homme. La Commission a participé à la stratégie nationale d’intégration de la femme dans le développement. Elle est chargée d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les mesures qui lui paraissent de nature à favoriser la protection et la promotion des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ou l’adhésion aux textes, ainsi que leur mise en œuvre au plan national.
Article 4 relatif aux mesures spéciales
Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, experte de la Croatie,a demandé des exemples demesures temporaires spéciales mises en place pour promouvoir les femmes et accélérer l’égalité entre hommes et femmes.
Réponse de la délégation
La Ministre de la promotion de la femme a cité l’importance de la loi sur les quotas qui a permis de passer d’une femme ministre en 1999 à trois en 2011. Malgré la loi de 2008 imposant un minimum de 20% de femmes dans les plus hautes fonctions, il n’y a que 14% de femmes au Parlement, a-t-elle regretté.
Article 5 sur relatifs aux rôles stéréotypés par sexe et aux préjugés
Mme SOLEDAD MURILLO DE LA VEGA, experte de l’Espagne, a demandé des précisions sur les initiatives de lutte contre les stéréotypes. Comment Djibouti fait-t-elle face au problème de la polygamie? La violence domestique est-elle punie? Les femmes ont-elles recours à des moyens pour dénoncer cette violence et obtenir justice?
Mme NAELA GABR, experte de l’Égypte, a invité Djibouti à s’appuyer sur les expériences d’autres pays musulmans en matière de respect de la femme. Elle a précisé, à titre d’illustration, que l’Égypte autorisait l’interruption volontaire de grossesse en cas d’inceste ou de viol. S’agissant de la traite des êtres humains, elle a jugé indispensable de parler de l’identification de la victime, dans un souci de réparation.
Réponse de la délégation
La délégation a rappelé que si les mesures temporaires spéciales étaient importantes, il était aussi très utile de parvenir à une autonomisation des femmes par l’éducation. Elle a précisé que sur cinq présidents de facultés, trois étaient des femmes. Elle a dit que l’alphabétisation des femmes et de 100% des fillettes au primaire sera déterminante. En ce qui concerne la polygamie, les mesures correctives du Code de la famille permettent d’espérer que le juge saisi procédera à une enquête sociologique sur l’époux qui veut prendre une seconde épouse, a-t-elle dit.
La délégation a dit le souci de Djibouti de renforcer sa cellule chargée de la lutte contre la violence conjugale. Elle a cité des insuffisances en matière de prise en charge psychologique en espérant que Djibouti sera en mesure, prochainement, de construire un centre d’accueil pour les femmes victimes de violences qui serait chargé du suivi psychologique. S’agissant de l’excision, elle a dit que l’éducation et les médias ont été déterminants pour lutter contre ces pratiques.
Article 6 relatif à la prostitution
Mme YOKO HAYASHI, experte du Japon, a relevé que Djibouti avait adopté en 2007 une loi sur la traite des personnes. Qu’en est-il de la situation des personnes victimes de la traite? Elle a également voulu connaître les dispositifs concernant les migrantes.
Mme VIOLET TSISIGA AWORI, experte du Kenya, a salué le cadre législatif de Djibouti relatif à la lutte contre la traite. Elle a observé que Djibouti était un pays d’origine, de destination et de transit et qu’en 2010, 30 000 Djiboutiens, dont un cinquième de femmes, avaient été victimes de la traite. La peine de 30 ans de prison prévue par la loi est-elle minimale ou maximale?
Réponse de la délégation
La délégation a indiqué que la traite était le résultat de l’importante émigration que connaît le pays, vers les pays du Golfe notamment. Les professionnels de la lutte contre la traite ont reçu une formation spéciale, notamment en matière d’assistance aux victimes et de techniques d’enquête. Djibouti travaille avec les pays de la région ainsi qu’avec diverses organisations internationales, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR), notamment. Des centres ont été créés dans les principales villes d’émigration pour orienter les candidats et des cellules d’écoute ont également été mises sur pied dans les camps de réfugiés, où les femmes sont encore plus vulnérables.
La délégation a ensuite expliqué que la loi sur la traite prévoyait l’élaboration d’un plan d’action national et la mise en place d’une coopération au niveau sous-régional, avec l’Éthiopie notamment, ainsi que la prise en charge des victimes. Un comité chargé de sa mise en place a été créé au sein du Ministère de la justice.
La loi prévoit des peines allant de deux à cinq ans de prison pour les auteurs et les complices de traite. Des personnes ont déjà été condamnées par les autorités.
Questions de suivi
L’experte de l’Égypte est revenue sur la ratification des conventions sur les droits de travailleurs migrants, les personnes handicapées et sur les travailleurs domestiques.
Mme ISMAT JAHAN, experte du Bangladesh, a voulu des précisions sur les mécanismes de collaboration régionale en matière de migration. Qu’en est-il de la ratification de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale? a-t-elle par ailleurs demandé.
Mme VIOLETA NEUBAUER, experte de la Slovénie, s’est interrogée sur la coordination concernant les politiques et mesures tendant à assurer l’avancement de femmes, notamment l’intégration de la dimension genre aux politiques officielles.
Comment aller plus loin pour qu’il y ait une pleine application des lois? a demandé à son tour l’experte de la France qui a prôné un renforcement des dispositifs judiciaires. Jusqu’où comptez-vous aller pour assurer l’engagement des magistrats?
Réponse de la délégation
La délégation a indiqué que les conventions sur les personnes handicapées et l’élimination de la discrimination raciale avaient été ratifiées en 2009, et que celle sur les travailleurs migrants avait été ratifiée en 2011.
S’agissant du mécanisme du suivi, la délégation a cité la mise en place de points focaux ou cellules sectorielles genre au niveau des institutions publiques. Elle a dit l’importance de ces points focaux pour intégrer les objectifs de parité dans la formulation des politiques.
En matière judiciaire, deux guides relatifs à la violence à l’encontre des femmes ont été publiés, l’un pour les victimes et l’autre pour les professionnels de la justice.
Question de suivi
L’experte de l’Égyptea invité Djibouti à adhérer à la nouvelle Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur le travail domestique.
Articles 7, 8 et 9 relatifs à la vie politique et publique, à la représentation et à la nationalité
Mme OLINDA BAREIRO-BOBADILLA, experte du Paraguay,a demandé s’il existait en pratique une égalité de fait dans la vie politique. Lorsqu’un pays se trouve en deçà des quotas, il doit prendre des mesures plus ambitieuses. Outre les quotas, il doit s’efforcer d’atteindre la parité dans tous les secteurs de la société, a-t-elle insisté. Elle a demandé si les femmes participent à l’élaboration des politiques officielles. Quelle est leur place dans les syndicats? Qu’en est-il des organisations féminines qui luttent pour l’égalité entre les sexes?
Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie,a salué les progrès « extrêmement importants » réalisés dans le domaine de la représentation des femmes dans la vie publique, durant la jeune existence de Djibouti qui n’est devenue indépendante qu’en 1977. Vous avez su, malgré toutes les difficultés de l’histoire, du colonialisme et de la pauvreté, en l’espace de 33 ans, adhérer à de nombreux traités internationaux. Vous avez beaucoup de courage et beaucoup d’idées, a-t-elle insisté, en précisant que la CEDAW était à la disposition de Djibouti pour avancer encore.
Réponse de la délégation
La délégation a concédé que les lois sur les quotas étaient insuffisantes, mais qu’elles constituaient un passage indispensable en direction de la parité de fait. Elle a dit que les femmes étaient présentes à tous les niveaux de l’administration publique et du secteur privé. Elle a rappelé que sur les quatre partis politiques djiboutiens, un était présidé par une femme. Le Département de la promotion de la femme travaille avec de nombreuses ONG féminines, a-t-elle dit, en saluant l’importance des ONG dans la promotion de l’alphabétisation et de la lutte contre les mutilations génitales. Les femmes représentent près de 40% du personnel judiciaire, a-t-elle précisé.
Article 10 relatif à l’éducation
Mme BARBARA EVELYN BAILEY, experte de la Jamaïque,a demandé des précisions sur les progrès en matière de scolarisation des jeunes filles des zones rurales, en notant qu’il n’y avait depuis 2008, qu’une augmentation de 4,4% du taux de scolarisation. Elle a jugé indispensable de s’attaquer aux traditions, comme les mariages précoces, qui empêchent les filles d’aller à l’école. Envisagez-vous de former les filles à des métiers traditionnellement occupés par les hommes, comme celui de la construction?
Réponse de la délégation
La délégation a convenu qu’il restait encore beaucoup à faire dans le domaine de l’éducation, affirmant en outre que la généralisation du préscolaire permettra de capter, dès le plus jeune âge, les enfants et de sensibiliser les parents. De plus, la séparation du Ministère de l’éducation et celui de l’enseignement supérieur permettra d’allouer un budget plus important à l’éducation de base.
La délégation a également évoqué les centres spécialisés pour former les femmes à des métiers agricoles et à l’industrie touristique. Les jeunes filles sont également formées à la conduite d’engins lourds. La délégation s’est félicitée de ce que les étudiantes raflent de nombreux prix dans les filières scientifiques.
Article 11 relatif à l’emploi
L’experte de la France a estimé que l’édification d’une agriculture durable au sein de laquelle les femmes avaient toute leur place, s’imposait. Elle a par ailleurs observé que les femmes travaillaient souvent de nuit dans des conditions difficiles et a par ailleurs regretté que la législation nationale ne contienne pas de dispositions pour lutter contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.
M. NIKLAS BRUUN, expert de la Finlande, a observé que le taux d’emploi des femmes était de moins de 30%, et que la majorité des femmes travaillaient dans le secteur informel. Quel est le plan d’action envisagé pour accroître l’emploi des femmes? L’expert a, par ailleurs, relevé que l’OIT avait critiqué Djibouti pour le non-respect du principe « à salaire égal, travail égal ».
Il a également demandé des éclaircissements sur les congés-maternité. L’expert a estimé que le travail des filles dans le secteur informel et leur manque de scolarisation étaient intimement liés au problème de la prostitution et de la traite. Quel est le plan d’action du pays en ce qui concerne le travail des enfants?
Réponse de la délégation
La délégation a indiqué que Djibouti était une société de service et que l’eau était le principal problème rencontré dans le domaine agricole. Des familles ont été installées autour des puits afin de les sédentariser et leur permettre de développer une activité agropastorale. La délégation a reconnu que le dispositif concernant le harcèlement sexuel était une faiblesse. En revanche, le partenariat fait dorénavant partie des initiatives relatives à l’entreprenariat féminin comme en témoigne la formalisation du secteur informel. Pour ce qui est du travail de nuit, le pays ne dispose pas de données précises. Il est interdit de faire travailler les jeunes de moins de 16 ans dans les métiers de nuit et les métiers domestiques, et leur emploi est réglementé entre l’âge de 16 et de 18 ans.
Article 12 relatif à la santé
Mme MAGALYS AROCHA DOMÍNGUEZ, experte de Cuba, a estimé qu’il fallait mettre l’accent sur les dangers des mutilations génitales. Les hémorragies sont une des principales causes de mortalité maternelle, a-t-elle notamment indiqué. Elle a mis l’accent sur l’importance de la sensibilisation de la population et a engagé les autorités à revoir l’efficacité des mesures de lutte contre cette pratique. Il faut faire plus en la matière, a-t-elle tranché.
L’experte a également voulu des données sur la mortalité des femmes nomades. Elle s’est par ailleurs inquiétée du faible taux d’utilisation de moyens contraceptifs. L’utilisation de la pilule prédomine, mais elle ne protège pas du VIH/sida, a-t-elle notamment observé.
Réponse de la délégation
La délégation a affirmé que les conséquences des mutilations génitales faisaient partie de toutes les activités de sensibilisation. De plus, une stratégie quinquennale de lutte contre l’excision a été mise sur pied en 2006. Le Gouvernement réagit par ailleurs à la « croissance démographique galopante » du pays et entend mettre en place des politiques de communication effective en ce qui concerne la planification familiale.
La délégation a aussi cité un programme lancé en 1997 pour lutter contre les mutilations génitales, appuyé par les partenaires au développement, dont le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Elle a dit que l’accent a été mis sur la décentralisation des soins, notamment obstétriques, pour faire face à la mortalité maternelle et infantile. Une centaine d’agents communautaires travaillent sur l’ensemble du territoire en menant des activités de sensibilisation. Elle a cité un taux d’utilisation des contraceptifs de 33% en 2011 contre 22% en 2008.
Article 13 relatif aux prestations économiques et sociales
Mme PATRICIA SCHULZ, experte de la Suisse, s’est inquiétée de la situation de la famille dans la corne de l’Afrique qui complique encore la tâche de Djibouti pour atteindre les objectifs de promotion de la femme. Elle a noté que 42% de la population vivait avec moins de deux dollars par jour et que seulement 12% des femmes sont alphabétisées en zone rurale et 40% en zone urbaine.
Elle a regretté que le taux de croissance moyen de 5% que Djibouti connaît, depuis 2006, ne se soit pas traduit par des évolutions concrètes puisque 68% des femmes sont encore sans emploi. Elle a demandé ce que Djibouti souhaitait entreprendre pour stimuler la création de microentreprises. Y a-t-il concurrence entre les diverses institutions de crédit, a-t-elle demandé, en mettant l’accent sur les financements informels comme les tontines, à côté des financements institutionnels.
Réponse de la délégation
La délégation a parlé de la création du Fonds social de développement (FSD) et celle de la Caisse populaire d’épargne et de crédit (CPEC). Ces institutions permettent aux femmes d’avoir accès aux microcrédits, à la microfinance et aux activités génératrices de revenus. Elle a dit que la CPEC a pour but de formaliser la « tontine » et de permettre aux femmes de se regrouper pour bénéficier de garanties collectives. Elle a précisé que la CPEC offre une formation en gestion des microcrédits. La délégation a vanté la création de petites unités génératrices de revenus. Elle a dit qu’en raison des besoins immenses, il n’y avait pas de concurrence entre la caisse nationale d’épargne et la caisse populaire. Elle a souligné le rôle de l’Initiative de développement social (INDS).
Article 14 relatif aux femmes rurales
MmeZOU XIAOQIAO, experte de la Chine, a souhaité obtenir des données précises sur le pourcentage de femmes rurales par rapport à la population totale et le nombre d’exploitantes agricoles parmi elles. Ce n’est que lorsque l’on aura toutes ces données que l’on pourra avoir une image précise, a-t-elle insisté. Notant que trois quarts de la population rurale vit dans la pauvreté, elle a demandé si les personnes âgées et vulnérables bénéficiaient de projets particuliers. Quelles sont les initiatives prises pour encourager la participation des femmes aux caisses de crédit?
Réponse de la délégation
La délégation a regretté de ne pas pouvoir donner de statistiques sur la situation des femmes en général et des femmes rurales en particulier. Elle a dit que 80% de la population vivait dans la capitale et 20% dans les zones rurales. Elle a cité des projets menés avec l’appui de partenaires au développement en matière d’irrigation et de gestion rationnelle de l’eau. Elle a précisé qu’une vingtaine de puits cimentés ont été installés, l’année dernière, en précisant que la présence de l’eau permet l’ouverture d’écoles et de centres de santé communautaires.
Articles 15 et 16 relatifs à l’égalité devant la loi et au mariage et vie de famille
Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, a estimé qu’elle n’avait pas entendu de réponses satisfaisantes sur les initiatives gouvernementales pour limiter les incidences négatives des us, coutumes et traditions sur les droits de la femme. Elle a jugé urgent d’adapter la charia et la loi islamique avec les préceptes de la Convention. Elle a demandé des précisions sur les conditions de divorce.
Réponse la délégation
La délégation a évoqué les pesanteurs sociales qui persistent malgré l’évolution juridique et les mesures de discrimination positive. Ce n’est pas le résultat d’une mauvaise volonté politique, mais l’État doit relever tellement de priorités que dans certaines situations, les droits de l’homme reviennent à garantir le droit à l’alimentation, a reconnu la délégation, en soulignant que certains droits sont prioritaires.
Elle a souligné que la polygamie était très réglementée; un mari ne pouvant prendre une autre épouse à l’insu de sa première épouse, et la répudiation n’existe plus depuis 2002.
Questions de suivi
L’expert de la Finlande est revenu sur la question du travail informel.
L’experte d’Israël a voulu savoir s’il est possible d’appliquer le processus de consultation qui a entouré les mutilations génitales féminines à d’autres questions concernant les femmes. Elle a par ailleurs demandé des précisions sur le fonctionnement du Conseil constitutionnel.
L’experte de la Croatie a commenté l’impact des stéréotypes, relevant que dans certains foyers, les femmes avaient tendance à reléguer les tâches ménagères à leurs filles et à leur préférer les garçons. De quel type d’appui a besoin Djibouti pour que les progrès soient plus rapides? Les autorités envisagent-elles, par ailleurs, de poursuivre les exciseuses?
Mme ZOHRA RASEKH, experte de l’Afghanistan, a voulu des éclaircissements sur l’accès des femmes à la justice.
De son côté, l’experte de la Suisse a demandé des précisions sur la sédentarisation des populations nomades. Elle a également voulu connaître le taux d’intérêt des microcrédits destinés aux femmes.
Réponse de la délégation
La délégation a fait savoir que le pays compte des femmes juges. Leur nomination avait provoqué un tollé à l’époque, mais leur présence permet d’assurer une implication complète des femmes dans ce domaine. Pour lutter contre les stéréotypes, le Gouvernement a prévu de réformer les programmes scolaires, en éliminant les images négatives des manuels scolaires. Des campagnes médiatiques sont également prévues.
Les auteurs de mutilations génitales sont poursuivis lorsqu’ils sont dénoncés mais les autorités continuent de privilégier la sensibilisation et la prévention.
La délégation a confirmé la politique de sédentarisation de Djibouti et a indiqué que le taux d’intérêt est de 1% pour la microfinance, et qu’aucun taux d’intérêt n’était imposé pour les microcrédits. Par contre, ceux-ci sont uniquement accordés à des groupes d’au moins cinq femmes.
La délégation a ensuite fait savoir que le Conseil constitutionnel existait depuis 1992, et que les modes de saisine étaient multiples. Elle a précisé que celui-ci s’était prononcé à plusieurs reprises sur des cas de violation fondamentale des droits de la personne. Les décisions du Conseil sont sans appel, a-t-elle ajouté.
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