Les experts du CEDEF s’inquiètent de la situation des Éthiopiennes, « les femmes les plus exposées au monde à toutes les formes de violence »
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
Quarante-neuvième session
984e et 985e séances – matin et après-midi
LES EXPERTS DU CEDEF S’INQUIÈTENT DE LA SITUATION DES ÉTHIOPIENNES, « LES FEMMES LES PLUS EXPOSÉES AU MONDE À TOUTES LES FORMES DE VIOLENCE »
Les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) ont salué, aujourd’hui, l’engagement « sincère » du Gouvernement de l’Éthiopie en matière de parité, sans pour autant cacher leurs nombreuses préoccupations face à la situation actuelle des Éthiopiennes, « les femmes les plus exposées au monde à toutes les formes de violence », notamment la violence sexiste, le mariage forcé à un âge précoce et les mutilations génitales.
L’examen des sixième et septième rapports périodiques de l’Éthiopie sur la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a aussi donné lieu à des préoccupations au sujet d’une nouvelle loi sur les ONG.
« La violence à l’égard des femmes est un problème fortement ancré en Éthiopie à cause d’une inégalité entre les sexes alimentée par une culture patriarcale et ses normes traditionnelles », a reconnu la Ministre de la condition féminine, de l’enfance et de la jeunesse de l’Éthiopie.
Mme Zenebu Tadesse a ajouté à cette situation déjà préoccupante, le fait que porter plainte reste un tabou et que les organes de maintien de l’ordre n’étaient pas formés pour gérer la violence sexiste.
Les experts ont relevé que les mariages forcés à un âge précoce concernent 69% de la population alors même que 60% des femmes éthiopiennes n’ont jamais reçu de soins prénataux. L’experte de la France a dit avoir vu les ravages de la fistule obstétricale chez les très jeunes parturientes.
L’experte du Paraguay a noté que les auteurs des mutilations génitales n’encourent qu’une peine « insuffisante » de trois mois de prison. Avec ses homologues, elle a déploré le manque de données sur les mutilations génitales et les poursuites engagées pour tous les cas de violence faite aux femmes.
La Ministre de l’Éthiopie a affirmé que le nombre des personnes condamnées a augmenté après l’adoption, en 2005, du nouveau Code pénal qui contient des mesures vigoureuses pour faire respecter les droits de la femme.
La délégation éthiopienne a nié en bloc les allégations relayées par l’experte de Maurice selon lesquelles des actes de violence auraient été commis contre des fillettes par les Forces armées éthiopiennes qui restent, jusqu’ici, impunies. La délégation a insisté sur le fait que l’enquête menée dans cette affaire n’avait pas pu confirmer lesdites allégations.
Au cours de cette réunion, les experts se sont aussi inquiétés des limites imposées aux ONG par le « Décret sur les organisations à but non lucratif ». La délégation a assuré que cette loi n’avait aucun impact négatif sur la création d’ONG; le Décret n’ayant été promulgué que pour éviter leur dépendance aux fonds étrangers. La délégation a confirmé l’interdiction faite aux ONG internationales de travailler en Éthiopie.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes poursuivra ses travaux mardi 20 juillet, à partir de 10 heures, avec l’examen du septième rapport périodique de la République de Corée.
Présentation des sixième et septième rapports périodiques combinés de l’Éthiopie ( CEDAW/C/ETH/6-7 )
Mme ZENEBU TADESSE, Ministre de la condition féminine, de l’enfance et de la jeunesse de l’Éthiopie, a indiqué que depuis la présentation de ses précédents rapports, l’Éthiopie avait adopté diverses mesures de discrimination positive ainsi que d’importants mécanismes politiques pour faire avancer le statut économique, social et politique des femmes.
Le Gouvernement a également renforcé sa coopération avec les institutions locales et internationales pertinentes, notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. La Constitution nationale consacre l’égalité des sexes et les principes de non-discrimination.
La Ministre a reconnu que la violence à l’égard des femmes était un problème fortement ancré en Éthiopie, en raison d’une inégalité entre les sexes créée par le legs d’une culture patriarcale et ses normes traditionnelles. Le fait de porter plainte est tabou tandis que les organes de maintien de l’ordre ne sont pas formés pour gérer ces cas.
La Ministre a tout de même indiqué que le Code pénal de 2005 contenait des mesures vigoureuses pour faire respecter les droits de la femme. En conséquence, le taux de condamnation des auteurs de violence a augmenté. Le Gouvernement met actuellement sur pied une stratégie nationale et un plan d’action pour prévenir et lutter contre les pratiques traditionnelles néfastes et la violence sexiste.
Des campagnes de sensibilisation sont menées, lesquelles ont permis d’éradiquer certaines pratiques néfastes. Le Ministère de la justice s’est lancé dans un programme de formation des juges, des procureurs et des officiers de police.
Mme Tadesse a ensuite avoué que de nombreuses jeunes filles éthiopiennes étaient victimes de la traite, notamment vers le Moyen-Orient. Le Gouvernement a donc lancé d’importantes campagnes médiatiques afin de sensibiliser la population. Les ONG ont été mises à contribution et des accords bilatéraux et multilatéraux ont été signés avec les pays voisins. Les migrants peuvent également participer à des sessions d’orientation et de conseil avant leur départ.
La chef de la délégation a ensuite indiqué que le « décret des organisations et des sociétés à but non lucratif » permettait au Gouvernement de participer à des activités relatives à l’égalité entre les sexes que mènent ces organisations, lesquelles ne dépendraient, autrement, que de l’aide étrangère. Le financement étranger, a-t-elle estimé, fait plus de mal que de bien car il entraîne un « culte de l’aide étrangère » et met en échec l’agenda national.
La Ministre a affirmé que les allégations selon lesquelles ce décret entravait le travail des ONG n’étaient pas fondées. Il existe aujourd’hui un nombre croissant d’organisations spécialisées dans le domaine de l’égalité entre les sexes, et celles-ci travaillent sans restriction, a-t-elle assuré.
La Ministre s’est félicitée de la participation active des femmes en politique, au cours des 20 dernières années. Lors des élections législatives de 2010, a-t-elle notamment indiqué, 27,8% des sièges sont revenus aux femmes, par rapport à 2,38% en 1995. En outre, les mesures temporaires de discrimination positive ont permis aux femmes d’occuper des postes importants dans la sphère publique. Des programmes de formation leur sont également proposés.
Le Gouvernement a lancé des programmes de développement dans les communautés rurales lesquels ont entraîné une augmentation du taux d’inscription scolaire des filles et une réduction des abandons scolaires. Le pays devrait réaliser l’Objectif du Millénaire pour le développement relatif à l’éducation dans les délais impartis, soit d’ici à 2015. La Ministre a parlé des programmes d’alphabétisation pour les femmes et des mesures incitatives pour encourager les parents à scolariser leurs filles dans les zones où l’abandon et l’absentéisme sont problématiques. Des mesures sont prises pour promouvoir également la scolarisation des enfants handicapés.
Le Gouvernement estime cependant qu’à moins de surmonter la culture patriarcale et d’assurer l’émancipation économique des femmes, les résultats se feront attendre. Sur le volet santé, la Ministre a affirmé que le Gouvernement améliorait l’accès et la qualité des services de planification familiale. Des mesures visent également à réduire la mortalité maternelle.
Parmi les pratiques néfastes, les mariages précoces étaient les plus problématiques. Outre la pénalisation de ces unions, le Gouvernement organise de nombreux programmes de sensibilisation. Le Code de la famille fixait à 18 ans l’âge minimum du mariage et certaines régions l’ont même repoussé à 21 ans.
Articles 1, 2 et 3 relatifs à la discrimination, aux mesures politiques et à la garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a relevé l’absence d’information dans le rapport sur le conflit actuel entre les différentes régions. Elle a aussi noté, avec inquiétude, les violences commises sur les fillettes par les Forces armées éthiopiennes dont les auteurs continuent à bénéficier de l’impunité. À aucun moment cela n’apparaît dans votre rapport, a-t-elle accusé, soulignant l’obligation de l’État d’enquêter et de poursuivre les auteurs de tels crimes.
En tant qu’État partie à la Convention, l’Éthiopie est considérée comme responsable d’actes de violence si elle échoue à poursuivre les auteurs, a-t-elle expliqué, avant de demander à la délégation ce qu’elle fait dans ce sens.
L’experte a aussi voulu savoir comment les personnes déplacées qui vivent dans les camps sont protégées contre des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Avez-vous un système pour faciliter le dépôt des plaintes par les filles et les femmes lorsqu’elles sont victimes de violence?
Mme PATRICIA SCHULZ, experte de la Suisse, a constaté que la population a des connaissances insuffisantes sur ses droits, notamment sur les dispositions de la Convention. Elle a voulu savoir si les fonctionnaires sont formés à cet égard, notamment les juges des cours islamiques. L’experte a noté, par ailleurs, que l’Éthiopie exclue l’aide des associations à but non lucratif pour appliquer la CEDAW. Elle a dénoncé les dispositions de la loi pertinente qui, par exemple, prévoient le gel des avoirs de ces associations et violent ainsi le droit d’association.
Mme Schulz s’est aussi inquiétée des limites imposées à l’action des ONG qui travaillent en faveur des personnes déplacées. Vous empêchez les membres de la société civile d’apporter leur contribution, a-t-elle regretté.
Mme DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, experte de la Croatie, a noté que l’Éthiopie n’a pas encore ratifié le Protocole facultatif à la CEDAW et a demandé quelles étaient les intentions du Gouvernement, à cet égard. Reconnaissant qu’un pays n’est pas obligé de traduire les textes des traités internationaux, elle a jugé important pour l’Éthiopie de le faire puisque ces textes peuvent être appliqués directement par les tribunaux, selon la Constitution.
La Convention sur les droits de l’enfant a été traduite dans les huit langues nationales, pourquoi ne pas faire la même chose avec la CEDAW? Avez-vous des exemples d’affaires judiciaires où les juges se sont prononcés en se basant sur le texte de la Convention, a-t-elle aussi demandé.
« L’État partie est loin de satisfaire aux exigences de la CEDAW en ce qui concerne la liberté religieuse », a ensuite estimé Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël. Dans la Constitution, a-t-elle relevé, il est indiqué que les justiciables peuvent choisir la charia ou le droit coutumier comme loi applicable dans leur procès. Quels sont les mécanismes en place visant à garantir ce choix, a-t-elle demandé, en sachant que le Comité contre la torture a critiqué les juridictions religieuses.
Y a-t-il un processus d’harmonisation entre le droit coutumier et les lois religieuses? Qu’en est-il des enlèvements, notamment dans les cas de mariages forcés, qui concernent 69% de la population? Ces mariages continuent à avoir lieu et ils sont jugés par les tribunaux religieux. Les femmes peuvent-elles, réellement, choisir le droit applicable dans ces affaires? Nous voulons aussi des renseignements plus précis sur les régimes matrimoniaux en ce qui concerne la propriété de chaque époux.
Réponses de la délégation éthiopienne
La délégation a confirmé que l’Éthiopie intègre les textes des conventions internationales à son droit interne, en les publiant dans le Journal officiel. Tous les instruments des droits de l’homme ont déjà été traduits dans la langue officielle de l’Éthiopie et certains documents sont traduits dans trois langues.
L’article 34 de la Constitution prévoit que les différends personnels ou familiaux peuvent être réglés par des tribunaux religieux, avec le consentement des parties, a précisé la délégation. En l’absence d’un consentement clair des parties sur la juridiction à saisir, les affaires sont transférées aux tribunaux fédéraux. Mais, une affaire portée devant un tribunal religieux ne peut pas faire l’objet d’un recours devant un tribunal fédéral.
S’agissant des viols qui auraient été commis par les Forces de défense éthiopiennes, la délégation a assuré du professionnalisme de ces Forces, donnant comme exemple le fait qu’elles ont participé à des opérations de maintien de la paix de l’ONU. La délégation a affirmé que l’enquête menée dans cette affaire n’avait pas pu confirmer les allégations.
« C’est donc un mensonge de dire que c’est un problème généralisé dans le pays », a lancé la délégation qui a cependant reconnu une centaine d’affaires de ce type portées devant les tribunaux et a assuré que le Gouvernement prend ce problème très au sérieux.
La délégation a ensuite expliqué que le « décret sur les organisations et sociétés à but non lucratif » visait à faciliter le travail et à assurer la transparence. Ce décret vise des organisations dont plus de 10% du financement sont d’origine étrangère. Le financement étranger, a souligné la délégation, n’est pas une nécessité pour protéger les droits de la femme. « C’est d’un engagement citoyen dont nous avons besoin ». Le financement étranger implique de faire rapport à des institutions étrangères ce qui peut poser problème « pour la société que nous voulons mettre en place ».
La délégation a assuré que cette loi n’avait aucun impact négatif sur la création d’organisations sans but lucratif. Le décret a été promulgué pour éviter la dépendance.
La délégation a précisé qu’en 2008, un seul projet de formation des fonctionnaires publics avait pris fin, et qu’il en existait de nombreux autres dans le pays. Près de 4 400 fonctionnaires ont par ailleurs reçu une formation grâce à une initiative du Gouvernement norvégien.
Articles 3, 4, 5 et 6 relatifs à la garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales, aux mesures spéciales, aux rôles stéréotypés par sexe et préjugés; et à la prostitution
Mme VIOLETA NEUBAUER, experte de la Slovénie, a relevé que les Bureaux de la condition de la femme dans les régions les moins développées n’avaient pas les ressources suffisantes. Elle a souhaité une amélioration de la formation, observant un « fossé » entre les connaissances des fonctionnaires des zones urbaines et ceux des zones rurales. Elle a également déploré le manque de connaissances techniques au sein des Ministères pertinents. Existe-t-il, par ailleurs, un organe pour faire avancer la parité au Parlement?
Mme NICOLE AMELINE, experte de la France, a commenté la disparité entre l’engagement « sincère » du Gouvernement et la situation des femmes éthiopiennes qui sont « les plus exposées au monde à toutes les formes de violence ». Cette urgence appelle la mobilisation du Gouvernement et de la communauté internationale, a-t-elle dit.
Elle a, à son tour, regretté les limites imposées à certaines ONG. Elle a constaté un manque d’accompagnement s’agissant de l’accès à la justice ordinaire. Si l’aide internationale ne vous paraît pas nécessaire, votre gouvernement consacre-t-il une partie importante de son budget à la formation des juges et à l’accès des femmes à la justice?
Mme ZOHRA BASEKH, experte de l’Afghanistan, s’est félicitée des mesures de discrimination positive dans le domaine de l’éducation mais qu’en est-il de l’émancipation économique? L’experte a également voulu savoir quel organe assurait le suivi des mesures temporaires spéciales.
Mme VIOLET TSISIGA AWORI, experte du Kenya, a souhaité des détails sur les stratégies et le plan d’action nationaux évoqués par la délégation. Elle a également demandé des chiffres sur le nombre de poursuites et de condamnations dans les cas de violence contre les femmes.
L’experte de la Croatie a bien pris note de l’existence d’une loi interdisant les mutilations génitales mais a relevé que le rapport ne comporte aucune donnée sur les affaires portées en justice. Y a-t-il des plans concrets pour traiter de ce problème, notamment des campagnes de sensibilisation? a-t-elle voulu savoir. Elle a posé une question semblable en ce qui concerne les mariages forcés.
Abordant aussi cette question, Mme AYŞE FERIDE ACAR, experte de la Turquie, a observé que le choix du mari peut difficilement être libre dans une société patriarcale. Seule une loi positive peut établir l’égalité dans les relations maritales et changer les stéréotypes, a-t-elle expliqué. Si la loi prévoit que les violences faites aux femmes sont passibles de sanctions, il n’y a pas de données sur les poursuites engagées, a-t-elle relevé.
Pour assurer une bonne mise en œuvre de ces lois, il faut renforcer la formation, a estimé Mme NAELA MOHAMED GABR, experte de l’Égypte. Les religieux et toutes les catégories sociales doivent les accepter. Mme Gabr s’est aussi interrogée sur la participation de la société civile dans la sensibilisation à cet égard. En ce qui concerne la traite des femmes, elle a noté les accords pris à cet égard avec les pays voisins, mais a voulu savoir si le Gouvernement avait réellement la volonté de démanteler les réseaux.
De son côté, Mme SILVIA PIMENTEL, experte du Brésil, a demandé des détails sur les mesures prises afin d’éliminer les stéréotypes et la violence sexiste. Elle a voulu savoir si l’Éthiopie a pris des mesures pour recueillir des données fiables sur cette violence.
Quelles mesures économiques prend le Gouvernement pour briser le cycle de la pauvreté qui alimente la prostitution et l’esclavage? a demandé l’experte du Kenya.
Réponse de la délégation éthiopienne
La délégation a indiqué que des campagnes de sensibilisation pour éliminer les stéréotypes ont été menées dans le pays, aboutissant à des changements de comportement et à l’élimination de certaines pratiques traditionnelles néfastes. Le nombre d’enlèvements et de mariages forcés diminue, a-t-elle affirmé, en reconnaissant que les chefs religieux et les chefs de clans ont une influence importante dans le changement des comportements. Elle a recensé les moyens utilisés pour la sensibilisation, comme la télévision, la radio et les rencontres avec les communautés.
En ce qui concerne la traite, un Comité national a pour mandat de protéger le droit, la dignité et la sécurité des citoyens, a poursuivi la délégation. Le Comité doit aussi veiller à l’application d’un décret sur les emplois illégaux. Toujours pour lutter contre la traite, une unité de police et des tribunaux spéciaux ont été créés. Parallèlement, les ministères ont mis en place des programmes de sensibilisation sur la traite, et de lutte contre le travail des enfants. Le nombre d’affaires de traite portées en justice a augmenté, a aussi indiqué la délégation.
Cependant, la traite étant un problème international, on ne peut pas toujours poursuivre toutes les personnes impliquées, a-t-elle expliqué. En ce qui concerne la formation des fonctionnaires et des policiers sur cette question, la délégation a attiré l’attention sur 15 modules de formation et les mesures prises contre les agences d’emploi privées qui mènent des activités illégales.
La délégation a fait savoir que le Ministère de la condition de la femme, de l’enfance et de la jeunesse cherchait à renforcer ses capacités. Mais déjà, chaque ministère a un département de la condition de la femme.
Le Gouvernement accorde une attention particulière au renforcement des capacités des femmes vivant en milieu rural. Un forum consultatif permet dévaluer les rapports d’exécution des mesures fondée sur le sexe dans différents secteurs. Trois projets pilotes de l’ONU sur l’autonomisation des femmes, la santé maternelle et les régions reculées ont été mis en œuvre.
Pour ce qui est des mesures temporaires spéciales, la délégation a fait savoir que le Gouvernement encourageait l’entrepreneuriat des femmes. Près de 11 000 femmes ont pu recevoir une formation et des crédits pour commencer une entreprise. Environ 250 000 femmes ont pu créer directement ou indirectement une entreprise.
Le droit à la terre est consacré et 28% des femmes sont chefs de famille et propriétaires terriennes. Les femmes des zones urbaines, où le chômage pose problème, sont encouragées à créer des microentreprises. L’Éthiopie, qui n’a pas de politique de quotas, applique des mesures temporaires spéciales. Par exemple, 50% des enseignants doivent être des femmes afin de donner l’exemple aux étudiantes. Les jeunes filles peuvent, par ailleurs, s’inscrire à l’université avec une moyenne plus faible que les garçons.
Pour éliminer l’inégalité entre les sexes, le Gouvernement a mis l’accent sur le plan de transformation et de croissance quinquennal ainsi que sur la formation des femmes et des fillettes. La législation stipule, par ailleurs, que les biens d’un couple doivent être répartis équitablement en cas de divorce. La polygamie est interdite mais le mariage coutumier est reconnu.
Divers mécanismes ont été mis sur pied pour lutter contre la traite, notamment la poursuite des auteurs de ces actes. Par ailleurs, une entité de prévention de la catastrophe et de la sécurité alimentaire du Ministère de l’agriculture est chargée de gérer la situation des personnes déplacées.
Un plan stratégique de lutte contre la violence à l’égard des femmes est en cours de rédaction, qui prévoit la création d’un groupe interministériel. Une unité créée à cet effet offre des conseils juridiques gratuits, facilitant ainsi la saisine des tribunaux. Le Ministère de la justice facilite l’accès des femmes à la justice et leur offre des servies juridiques gratuits. Un centre intersectoriel des victimes est, par ailleurs, en cours de création dans un hôpital de la capitale.
Questions de suivi
L’experte de Maurice a demandé à la délégation des éclaircissements sur les incidences de la loi applicable aux activités des ONG, afin de prouver que ce ne sont pas des incidences négatives.
L’experte d’Israël a voulu voir le document que signe la femme lorsqu’elle choisit la loi religieuse. La femme est-elle bien consciente des conséquences? Un avocat est-il à ses côtés pour l’éclairer? Peut-elle aussi choisir le droit applicable lorsqu’il s’agit d’exercer le droit de l’enfant? Pouvez-vous éclaircir la différence entre la charia et le droit coutumier?
L’experte de la Slovénie a voulu connaître les données prouvant que la tendance à la violence contre les femmes s’inverse.
Réponse de la délégation éthiopienne
La délégation a affirmé que les femmes sont bien informées de leurs droits, à tous les niveaux. Ce n’est pas toujours facile mais le Gouvernement fait de son mieux pour garantir les droits reconnus par les instruments internationaux.
Les enfants atteignent la majorité à l’âge de 18 ans et les mineurs ne sont pas interrogés sur le droit qu’ils voudraient voir appliquer. En Éthiopie, il y a trois formes de mariage: civil, coutumier et religieux. Les effets juridiques de ces mariages sont cependant les mêmes. Le mariage chrétien n’ayant pas de tribunal spécial, tout litige dans ce domaine est jugé par un tribunal civil. Pour ce qui est des mariages musulmans, les requérants peuvent saisir un tribunal religieux.
Article 7 relatif à la vie politique et publique
Mme SOLEDAD MURILLO DE LA VEGA, experte de l’Espagne, a relevé que le rapport ne fournit pas le nombre de femmes qui travaillent dans l’administration publique. Elle s’est, par ailleurs, félicitée de ce qu’il y ait eu autant de femmes que d’hommes comme candidats aux élections. Pourquoi, s’est-elle cependant demandée, ces femmes n’arrivent-elles pas à obtenir de sièges dans les conseils fédéraux? « Vous avez une population jeune qui n’a pas encore d’idée préconçue », a-t-elle plaidé. Abordant aussi la question des enlèvements, l’experte a demandé si les hommes ont recours à ce procédé pour se marier sans avoir à payer la dot.
Mme OLINDA BAREIRO-BOBADILLA, experte du Paraguay, a noté que les auteurs de mutilations génitales encourent une peine de trois mois d’emprisonnement, ce qui est insignifiant.
Article 10 relatif à l’éducation
Mme BARBARA EVELYN BAILEY, experte de la Jamaïque, a relevé les grandes disparités dans les taux de scolarisation entre les zones rurales et les zones urbaines. Est-ce que les mesures prises pour corriger ce déséquilibre ont eu les effets escomptés, a-t-elle demandé. Notant aussi le taux élevé d’échec scolaire, qui frappe près de la moitié des filles, elle a voulu savoir quelle était la politique suivie pour y remédier.
Il y a toujours des problèmes liés aux toilettes des filles à l’école et au harcèlement sexuel, a-t-elle aussi observé, avant de s’interroger sur les sanctions prises. Quant aux études dans les filières techniques, Mme Bailey a invité la délégation à expliquer ce qui était fait pour encourager les filles à les choisir.
Pour sa part, Mme ZOU XIAOQIAO, experte de la Chine, a demandé des données actualisées sur la scolarisation des filles en zones rurales. Elle a aussi voulu savoir s’il y a des voies de réinsertion pour les filles qui abandonnent l’école.
Article 11 et 12 relatifs à l’emploi et à la santé
L’experte de Maurice a demandé si les fonctionnaires sont sensibilisés au problème de la discrimination sur le lieu du travail. Qu’en est-il de la discrimination quant au statut marital ou à la grossesse? Elle a demandé des explications concernant la liste des emplois interdits aux femmes sous prétexte qu’ils pourraient nuire à leur santé. Cette liste est-elle réexaminée régulièrement pour tenir compte des avancées technologiques?
Quelles politiques sont mises en place pour protéger les femmes dans le secteur informel, a-t-elle questionné. Des mesures temporaires spéciales sont-elles prises pour combler l’écart entre les hommes et les femmes? L’experte de Maurice a aussi demandé si les politiques en matière d’emploi intègrent le principe « à travail égal, salaire égal ».
M. NIKLAS BRUUN, expert de la Finlande, a voulu connaître les mesures de protection pour les fillettes employées à des tâches domestiques. L’Éthiopie a ratifié les Conventions 87 et 98 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui réglementent le principe de liberté d’association. Mais si un gouvernement limite la possibilité pour une association de recevoir le soutien d’un pays ou d’autres donateurs, elle viole ces Conventions, a-t-il expliqué.
L’experte de la France, qui a visité l’hôpital d’Addis-Abeba, a dit avoir constaté de ses yeux les dégâts de la fistule obstétricale. Les filles violées accouchent dans des conditions très difficiles et mettent des mois à s’en remettre, risquant en plus d’être exclues de leur famille. Ces filles sont donc condamnées à une « double peine ». Quelles mesures sont prises contre cette situation?
Mme MAGALYS AROCHA DOMÍNGUEZ, experte de Cuba, a qualifié d’alarmante la situation des femmes en matière de santé. Même si elle accuse une baisse, la mortalité maternelle demeure très élevée. L’experte a également relevé que certaines pratiques culturelles entravaient l’accès des femmes aux services de soins. Elle a demandé des précisions sur les initiatives visant à améliorer le système de santé. Former des médecins ne suffit pas, il faut aussi sensibiliser les familles, a-t-elle conseillé. Les contraceptifs sont-il disponibles? La société est-elle bien informée des risques du mariage et des grossesses précoces?
À son tour, l’experte du Brésil a voulu des données actualisées et ventilées par sexe sur le paludisme ainsi que des informations sur les programmes de prévention et d’information en la matière. Elle a par ailleurs relevé que près de 60% des femmes n’avaient jamais reçu de soins prénataux.
Article 13 relatif aux p restations économiques et sociales
Mme YOKO HAYASHI, experte du Japon, a observé que la participation des femmes à la vie économique se limitait souvent à des tâches domestiques. Elle a demandé des précisions sur le nombre d’organismes de crédit que compte le pays. L’experte a, à son tour, invité le Gouvernement éthiopien à retirer les restrictions imposées au financement des ONG.
L’experte de la Chine a souhaité des précisions sur les mesures de lutte contre la pauvreté, chez les femmes rurales notamment. Comment la politique en la matière a-t-elle été formulée? Ses objectifs ont-ils été réalisés?
Mme ISMAT JAHAN, experte du Bangladesh, a observé la persistance de disparité en ce qui concerne la propriété, l’accès au crédit et aux soins de santé, ainsi qu’à l’eau potable. Dans de nombreuses provinces, les femmes ne peuvent accéder à la terre que par le mariage.
L’experte a, par ailleurs, relevé qu’un cinquième des terres arables serait prochainement loué à des sociétés étrangères. Quel en sera l’impact éventuel sur les femmes?
Article 9 relatif à la nationalité
L’experte de Maurice a voulu savoir si les enfants nés en Éthiopie de parents étrangers pouvaient obtenir la nationalité éthiopienne.
Réponses de la délégation éthiopienne
La délégation a parlé des activités de promotion et de sensibilisation sur les droits des femmes menées dans son pays. Elle a souligné que l’éducation fait bien partie intégrante du développement. Le Gouvernement a mis en place plusieurs programmes dans ce domaine, notamment pour l’alphabétisation des adultes. Des modules de formation ont été créés pour améliorer l’accès des femmes à l’épargne, au crédit et aux marchés et ces efforts ont entraîné une baisse du taux de contamination des femmes au VIH/sida.
La délégation a également relevé que les soins pré et postnataux prodigués aux femmes et aux enfants favorisent ensuite la scolarisation des enfants. Elle a aussi indiqué que les pratiques traditionnelles néfastes sont en diminution, notamment les mutilations génitales, les enlèvements et les mariages précoces.
Passant à l’emploi, la délégation a indiqué que des lois garantissent un accès égal à l’emploi. Les discriminations sur la base du sexe et de la race sont interdites, y compris dans la fonction publique mais les femmes continuent d’occuper des postes inférieurs, a-elle reconnu. Le Gouvernement est en train d’harmoniser le système de protection sociale pour tous les secteurs, a précisé la délégation.
Quant au harcèlement sexuel sur le lieu de travail, elle a indiqué que la loi pertinente est en cours de révision pour en rendre les sanctions plus sévères.
Signataire de la Convention internationale sur les pires formes de travail des enfants, l’Éthiopie a intégré les dispositions de ce texte dans sa législation, a affirmé la délégation. Une étude a été menée sur la réinsertion des filles et des formations technique et professionnelle sont données aux enfants de la rue. Des programmes de réunification familiale ont également été mis en place alors qu’un plan national d’action contient un volet sur les activités psychosociales.
En ce qui concerne le droit d’association, la délégation a affirmé que le décret sur la société civile n’y contrevient pas. Il vise seulement l’appui étranger pour éviter toute ingérence directe. La nationalité éthiopienne s’acquiert par le droit du sang, a ensuite expliqué le représentant. Un enfant est donc éthiopien si un de ses parents est éthiopien. Elle peut aussi s’acquérir par naturalisation, notamment pour un enfant abandonné ou apatride. Enfin, revenant sur le Protocole facultatif à la CEDAW, le délégué a reconnu que son pays ne l’avait « pas encore accepté », mais a signalé qu’il examinerait de nouveau la question.
La délégation a souligné que les tribunaux coutumier ou religieux sont tenus de respecter les pactes et accords auxquels l’Éthiopie est partie. Le taux d’inculpation était plus élevé dans ces institutions.
En matière d’éducation, le Ministère de tutelle a lancé de nombreuses initiatives pour combler l’écart entre zones rurale et urbaine. Des brebis et des chèvres sont données aux parents qui scolarisent leur fille, des cantines scolaires ont été mises sur pied ainsi que des écoles mobiles, des pensionnats et des programmes de bourses.
Un comité consultatif est chargé de la lutte contre le harcèlement sexuel dans les écoles. Des programmes de lutte contre les stéréotypes dans l’éducation sont diffusés à la radio et les filles sont encouragées à poursuivre leur éducation après la grossesse.
La délégation a ensuite fait état de progrès dans les domaines de la santé maternelle et infantile. Des agents de santé mènent des activités de vulgarisation et de planification familiale dans les communes. En matière de VIH/sida, le Gouvernement cible les jeunes femmes, distribue des préservatifs et offre des services de dépistage. Il s’efforce également de traiter les maladies sexuellement transmissibles et d’aider les femmes à prévenir les grossesses non désirées.
La loi prévoit, par ailleurs, une peine de 7 à 10 ans de prison pour les enlèvements.
À ce jour, 94% des personnes ont accès à l’eau potable dans les zones urbaines et 68% dans les zones rurales, ce qui réduit les possibilités de violence à l’encontre des femmes. La participation des femmes dans les conseils régionaux a augmenté dans plusieurs régions. Les investissements étrangers directs ont permis de créer plus de 100 000 nouveaux emplois et dans le domaine politique, le Code de conduite électoral consacre la liberté des partis politiques et des candidats de faire campagne dans les localités, ce qui permet aux femmes de participer aux élections sans subir de harcèlement.
Questions de suivi
L’experte de la Croatie a demandé à la Ministre de l’Éthiopie si elle travaillait avec l’Association des avocates éthiopiennes. Elle a aussi voulu savoir combien d’associations travaillent dans le pays après l’adoption de la loi pertinente. Pour ce qui est des ONG internationales, telles que Human Rights Watch ou Amnesty International, elle s’est demandée si elles sont libres de travailler en Éthiopie.
L’experte de Maurice s’est, elle aussi, montrée perplexe face à l’interdiction faite aux ONG de recevoir des fonds étrangers. Elle a aussi voulu savoir combien de personnes avaient été expulsées de leurs terres et quelles mesures sont prises pour faire sortir les femmes du secteur informel.
L’experte de l’Algérie a demandé si les partis politiques reçoivent des subventions de l’État et celles du Brésil, Présidente du Comité, a suggéré d’utiliser au mieux les 28 recommandations du Comité.
Réponses de la délégation éthiopienne
La délégation a reconnu que les ONG internationales ne peuvent pas travailler en Éthiopie. En revanche, la société civile prospère comme en témoigne le fait que 500 nouvelles organisations se sont enregistrées depuis l’adoption de la nouvelle loi, il y a un an. Quelque 1 000 associations à but non lucratif travaillent aujourd’hui en Éthiopie.
En ce qui concerne les terres confiées aux étrangers, la délégation a indiqué qu’il s’agit de terrains où il y a peu ou pas d’installations. Par ailleurs, les partis politiques reçoivent des subsides, en fonction des lois en vigueur. En outre, le Code de conduite électoral prévoit d’augmenter les budgets offerts aux partis politiques présentant des candidats aux élections.
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