Commission de la condition de la femme: une initiative indienne sur l’accès à l’énergie solaire au centre des débats sur la formation technique et professionnelle
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Commission de la condition de la femme
Cinquante-cinquième session
4e et 5e séances – matin et après-midi
COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME: UNE INITIATIVE INDIENNE SUR L’ACCÈS À L’ÉNERGIE
SOLAIRE AU CENTRE DES DÉBATS SUR LA FORMATION TECHNIQUE ET PROFESSIONNELLE
Au deuxième jour de ses travaux placés sous le signe de « l’accès à l’éducation, à la formation, à la science et à la technologie, y compris au plein-emploi et à un travail décent », la Commission de la condition de la femme a insisté aujourd’hui, au cours de deux Tables rondes, sur la formation technique et professionnelle des femmes.
De très nombreuses délégations sont intervenues après les exposés des experts, dont Bunker Roy, Fondateur et Directeur de Barefoot College, un centre indien créé et géré par des pauvres pour des pauvres. Le concept, qui consiste à former les femmes rurales à l’utilisation de l’énergie solaire, a été appliqué avec succès dans 28 pays d’Afrique où 11 000 maisons ont été équipées en panneaux solaires. Quelque 150 grands-mères analphabètes sont ainsi allées en Inde, pendant six mois, pour y recevoir une formation.
Sachant qu’il faut 2 millions de dollars pour appliquer cette approche dans 15 pays, 75 villages et 6 000 familles, certaines délégations ont appelé les gouvernements et autres donateurs tels que la Banque mondiale à soutenir et financer ce genre d’initiatives, pour éviter de se reposer uniquement sur des organisations non gouvernementales (ONG).
Le débat tournait en fait autour de la question de l’accès des femmes aux filières scientifiques, techniques et professionnels. Certains ont prôné des politiques qui prennent en compte le principe d’égalité des sexes. Les mesures de discrimination positive ont été citées à maintes reprises parmi les outils à utiliser.
À l’autre bout de la chaîne se trouvent les enseignants qui ont été invités à éliminer les stéréotypes sexistes et préjugés selon lesquels les filles seraient moins douées que les garçons pour ces disciplines. La révision des livres scientifiques a été préconisée pour y extirper les théories sexistes.
Comme le but ultime est de renforcer la place des femmes dans le marché de l’emploi, l’enseignement technique et professionnel, considéré à tort comme une filière de seconde catégorie, a été vanté comme un rempart contre la vulnérabilité économique des femmes.
La Commission de la condition de la femme se réunira demain, jeudi 24 février, à partir de 10 heures, pour poursuivre le débat général qu’elle a entamé hier.
Tables rondes d’experts: présentations et dialogue interactif sur le thème « Les politiques et le renforcement des capacités de transversalisation de la problématique hommes-femmes: l’accent mis sur la science et la technologie »
Table ronde 1
Mme SESAI MPUCHANE, Professeur à l’Université du Botswana, a indiqué que les femmes avaient excellé dans de nombreux domaines, mais qu’un écart persistait en ce qui concerne les filières scientifiques. Il se réduit dans certains pays mais à un rythme très lent. Elle a balayé d’un revers de main l’argument selon lequel la génétique serait à l’origine de cet écart. Elle a plutôt pointé du doigt les stéréotypes, les normes socioculturelles et les préjugés. Le système législatif et éducatif, voire l’attitude des parents et des enseignants peut être préjudiciable aux femmes.
Pour l’experte, il faut réexaminer la législation nationale, évaluer la motivation institutionnelle et collecter des données ventilées par sexe. Elle a avoué être partisane de la discrimination positive. Quand les hommes sont réticents au changement, nous devons placer des femmes à la tête des institutions, a-t-elle lancé. Ce n’est pas à un plafond de verre mais à un plafond de béton que nous avons affaire, a-t-elle estimé.
Mme HAGIT MESSER-YARON, Présidente d’Open University, en Israël, qui est aussi professeur d’ingénierie électrique, a cité les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui montrent qu’en 2008, la proportion des femmes chercheurs dans les pays concernés variait entre 13% au Japon et 44% au Portugal. Il y a 40 ans, les femmes représentaient 12 à 13% des docteurs en sciences et en techniques. Il y a donc une amélioration, s’est-elle félicitée, en ajoutant que dans certains pays, les femmes peuvent représenter 50% des docteurs en sciences. Mais, a reconnu l’experte, l’ingénierie reste le secteur où elles sont le moins représentées.
Le nombre de femmes ingénieurs ne peut qu’augmenter, a estimé Mme Messer-Yaron. L’économie verte exigeant des solutions inédites, les femmes ne pourront que contribuer à la recherche de ces dernières. Ces données, a-t-elle affirmé, viennent de l’Université de Tel-Aviv qui compte déjà 14,5% d’étudiantes dans la filière « ingénieur mécanicien ». L’experte a prédit que les entreprises finiront par reconnaître les avantages qu’il y a à recruter des femmes scientifiques. Troisième bonne nouvelle, a-t-elle aussi prédit, la multiplication de femmes ingénieurs entrainera plus d’innovations. Prenant son propre exemple, elle a indiqué qu’elle a présenté une étude innovante sur l’utilisation de la téléphonie mobile pour évaluer la pluviométrie.
Mme LONDA SCHIEBINGER, Professeur à l’Université de Stanford, a présenté les conclusions de la réunion d’experts de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), intitulée « Le genre, la science et la technologie » qui s’est tenue au mois de septembre dernier à Paris. Elle a indiqué que l’écart entre les sexes dans les filières scientifiques vient d’un ancrage profond dans la société. Soixante-dix pourcent des dessins d’enfants illustrant des scientifiques représentent des hommes. Ces stéréotypes pointent le doigt sur des problèmes structurels fortement ancrés dans la conscience.
Ce ne sont pas les femmes qu’il faut sensibiliser mais les institutions qui pour la plupart favorisent les hommes. Il faut réviser les livres scientifiques, y modifier les images et le langage et y extirper les théories sexistes, a-t-elle estimé. Il faut changer la perception selon laquelle les femmes sont des consommatrices passives de technologies. Elle a donné l’exemple de l’approvisionnement en eau en Afrique qui est un travail des femmes. Le savoir de ces femmes, a-t-elle estimé, pourrait aider les ingénieurs qui construisent des puits. La prise en compte du point de vue des femmes est importante pour le développement. Elle permettrait de générer de nouvelles idées et pourquoi pas des emplois.
L’experte a donné un autre exemple pour illustrer ses propos. Elle a expliqué qu’entre 1997 et 2000, 10 médicaments avaient été retirés du marché nord-américain pour leurs répercussions sur la santé des femmes. Cette situation vient du fait que la recherche médicale travaille sur des animaux et des hommes et presque jamais sur des femmes. De la même manière, plusieurs modèles de voitures ne sont pas conçus pour le gabarit des femmes, ce qui les rend plus susceptibles d’être blessées pendant un accident.
Il faut, a plaidé l’experte, des analyses sexospécifiques pour créer de meilleurs produits, de meilleurs médicaments, de meilleures pompes à eau. C’est l’innovation qui fait tourner le monde et la participation des femmes y est importante pour renforcer le développement économique et la cohésion sociale, a-t-elle dit en conclusion.
M. BUNKER ROY, Fondateur et Directeur de Barefoot College, en Inde, a expliqué que ce collège est un centre créé et géré par des pauvres pour des pauvres et qui fonctionne entièrement à l’énergie solaire. En 2004, a-t-il indiqué, nous avons appliqué ce concept en Afrique après avoir constaté le caractère désastreux du système d’éclairage au kérosène. Ainsi dans 28 pays d’Afrique, nous avons équipé 11 000 maisons en énergie solaire, a-t-il dit. Il a expliqué que ce sont les femmes qui parviennent le mieux à appliquer cette méthode car les hommes quittent leur village dès qu’ils ont l’occasion de trouver un travail ailleurs. Nous avons donc choisi de former des grands-mères analphabètes, de 30 à 50 ans, qui n’ont jamais quitté leur village de leur vie.
Ces 150 grands-mères sont ainsi venues passer six mois en Inde pour recevoir la formation dispensée oralement et par l’observation, a-t-il expliqué. M. Roy a précisé qu’il faut 2 millions de dollars pour appliquer cette approche pour 15 pays, 75 villages et 6 000 familles. Pour illustrer ses propos, il a montré un documentaire sur une initiative menée en 2007 dans un village situé à 25 kilomètres de Tombouctou, au Mali. La communauté a accepté de payer un certain montant par système d’éclairage à l’énergie solaire et d’envoyer deux femmes se former en Inde pendant six mois. Grâce à la langue des signes, elles ont appris comment fabriquer et installer des panneaux solaires, alors qu’elles n’avaient jamais été à l’école.
Mme ANNE MIROUX, Directrice de la Division de la technologie et des logistiques commerciales de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a affirmé que l’inclusion des femmes dans les filières scientifiques, n’était pas seulement une question de parité mais également une question d’efficacité du développement. Elle a cité les trois piliers fondamentaux d’une bonne politique en la matière à savoir la promotion de la science pour le développement économique des femmes, l’inclusion des femmes dans les activités scientifiques et le rôle de ces dernières dans le système national d’innovation, notamment dans les petites et moyennes entreprises.
Les femmes jouent un rôle fondamental dans les secteurs de l’agriculture, de l’eau et de l’énergie. Or, elles sont presqu’inexistantes dans les postes de direction. En améliorant l’éducation, on donne aux femmes la crédibilité et les connaissances nécessaires, surtout au niveau des communautés. L’experte a plaidé pour une politique de discrimination positive dans le contexte général du développement. La volonté politique est fondamentale pour évaluer, comprendre et traduire les données en mesures concrètes.
La trentaine de délégations qui sont intervenues au débat ont reconnu l’importance des politiques et initiatives proactives visant à encourager les femmes à se former, en particulier dans les matières scientifiques. Il faut commencer par prendre en compte le principe d’égalité des sexes dans l’élaboration des politiques et programmes, a fait remarquer la représentante de l’Indonésie. En Espagne, par exemple, un projet de loi est en cours d’examen qui prévoit une présence équilibrée entre hommes et femmes dans les secteurs de la science et de la technologie. Ce projet envisage notamment la diffusion de données ventilées par sexe pour refléter la présence des femmes parmi le personnel de recherche.
Au Mexique, il existe un Conseil national des sciences et de la technologie qui prend en compte les questions sexospécifiques. En ce qui concerne les politiques menées en France pour encourager les femmes à choisir une filière scientifique, elles reposent sur des partenariats entre plusieurs ministères et sur une collaboration avec des associations civiles qui interviennent en milieu scolaire. Le représentant de la Jordanie a plaidé en faveur d’un système de quotas, afin d’encourager une plus grande participation des femmes dans ces disciplines, comme cela existe dans les parlements par exemple.
Parmi les progrès, fruits de ces politiques et initiatives, mentionnés par les délégations ce matin, le représentant de la Chine a expliqué que son pays, en améliorant la formation des populations des zones rurales, a réussi à former un million de femmes, par le biais de la télévision et d’Internet et par le déploiement des professeurs sur le terrain. En 2010, plus de 100 000 agriculteurs, dont 30% de femmes, ont été admis dans ces centres d’éducation, a-t-il précisé. En Suisse, une année préparatoire à l’université pour les filières d’ingénierie a été instaurée, ce qui permet aux filles d’être mieux préparées à poursuivre ces études.
Partageant aussi quelques « success stories » de son pays, la représentante du Japon a expliqué que les femmes occupent maintenant 20% des postes dans les organismes de recherche scientifique. Elle a indiqué que différentes associations et comités ont pour but de promouvoir la participation des femmes dans les secteurs des sciences et de l’ingénierie.
Répondant à l’Union européenne qui voulait savoir comment encourager les femmes à briguer des carrières dans les domaines de la science et de la technologie, Mme MPUCHANE a estimé qu’il appartient notamment aux professeurs d’encourager les filles en ce sens. Mais la représentante du Zimbabwe a mis en garde contre les préjugés que véhiculent souvent les enseignants dans les matières scientifiques, expliquant qu’ils présupposent à tort que les filles sont moins douées que les garçons pour ces disciplines.
La représentante de American Association of University of Women a aussi invité à l’élimination des stéréotypes, regrettant que les filles qui ont de bons résultats dans les matières scientifiques aient tendance à se sous-estimer. Mme SCHIEBINGER a mentionné une étude menée sur les façons d’impliquer plus de femmes dans la recherche sur le VIH/sida.
La représentante de l’Association des guides et scouts Pax Romana a plaidé en faveur de l’éducation non formelle qui permet aux femmes d’acquérir des connaissances et un savoir-faire non enseignés tels que le travail d’équipe, les prises de décisions et la préparation aux entretiens d’embauche.
Plusieurs autres représentantes de la société civile se sont également exprimées ce matin, comme celle d’Education International Trade Union Confederation, qui a appelé à investir dans les services publics pour que les femmes aient le même accès que les hommes à l’éducation et à l’emploi, ou celle du Réseau œcuménique de femmes, qui a parlé d’une expérience de formation de femmes en Mauritanie grâce à la collaboration entre le secteur public et des ONG.
Beaucoup, au cours de ce dialogue, ont salué l’initiative de Barefoot College, comme la délégation du Cameroun, dont le pays a bénéficié du projet. La représentante de la Grèce a observé que cette expérience illustre le fait qu’il est possible d’inverser les rôles dans le marché du travail. La représentante de la Gambie a exprimé le souhait de voir son pays accéder à ces technologies d’énergie solaire. Celle de l’Afrique du Sud a ajouté sa propre expérience, expliquant que certaines femmes n’ayant jamais été scolarisées sont formées à l’entreprenariat lorsqu’elles présentent des qualités en ce sens. Cinq grands-mères de la Gambie ont déjà été formées et ont procédé à l’électrification des villages, tandis que sept autres, venant d’Afrique du Sud, iront se former en mars prochain, a indiqué M. ROY.
Le programme de Barefoot College a été soutenu par le Gouvernement indien, a précisé la représentante de l’Inde, après avoir rappelé combien les sciences sont importantes dans son pays.
La représentante du Mali a précisé que le projet mené par Barefoot College dans son pays a été financé avec l’aide de l’Église norvégienne et l’appui du Gouvernement indien. Elle a aussi parlé de la « plateforme multifonctionnelle » mise en place dans les villages pour soutenir les femmes dans leurs travaux de mouture et de décorticage des grains, notamment. Cette plateforme permet en outre de libérer les filles de certaines tâches pour leur permettre d’aller à l’école, a-t-elle observé.
De son côté, la représentante du Sénégal a appelé les gouvernements et pas seulement les organisations non gouvernementales, à soutenir et financer des initiatives telles que celles-ci. Avez-vous pensé à sensibiliser les donateurs tels que la Banque mondiale à vos futures initiatives, a en outre demandé le représentant de l’Algérie.
Appelant à tirer les leçons des expériences menées localement, Mme MIROUX a rappelé l’importance des technologies de l’information pour alléger les tâches des femmes dans le secteur de l’agriculture. Répondant à la Finlande, elle a expliqué la notion de cohérence dans la politique de parité, qui veut que les politiques en faveur des femmes s’accompagnent de mesures sociales.
Table ronde 2
Mme DIANA SERAFINI, Vice-Ministre de l’éducation et de la culture du Paraguay, a signalé la mise en place dans son pays d’un programme interministériel d’égalité des chances entre hommes et femmes. De façon générale, les femmes paraguayennes jouissent d’une égalité d’accès à l’éducation, a-t-elle dit, précisant que le pays ne compte que 5,3% d’analphabètes. Nous avons élaboré plusieurs politiques à dimension sexospécifique, dont l’objectif est la qualité de vie pour tous et pour toutes, y compris l’élimination de la violence sexiste. La Vice-Ministre a ensuite évoqué les trois piliers des programmes d’action nationaux, à savoir les politiques, les normes et le budget, précisant que c’est toujours à propos du budget que le bât blesse.
Pour ce qui est des projets concrets en faveur des femmes, elle a parlé du programme d’alphabétisation qui va au-delà du simple apprentissage de la lecture et de l’écriture. Il couvre aussi la formation professionnelle et l’éducation à la santé procréative, a-t-elle dit. Un autre programme est consacré à la formation des enseignants et permet de les sensibiliser à la lutte contre les tendances négatives du système patriarcal. La formation qui est dispensée prend en compte la composante « droits de l’homme ». La Vice-Ministre a aussi indiqué que l’éducation sexuelle est abordée sous l’angle de la parité. Elle a signalé l’adoption d’un plan national pour l’amélioration de l’enseignement technique.
Mme SUBHANGI HERATH, Maître de conférences à l’Université de Colombo, au Sri Lanka, a estimé que l’enseignement des compétences doit impérativement faire partie de l’éducation des femmes. Elle a défini les compétences de base comme un ensemble de compétences minimales qui permettent de développer un ensemble de compétences plus avancées. L’experte a préconisé la création d’un système d’enseignement professionnel comme rempart contre la vulnérabilité. Après avoir passé en revue la situation des femmes dans son pays, elle a fustigé le manque d’accès des femmes à la formation formelle et la persistance d’obstacles sociaux.
Au Sri Lanka, a-t-elle fait savoir, les femmes représentent 70% des diplômés dans la filière artistique mais elles pâtissent d’un manque de compétences informatiques et sont donc incapables de s’adapter au monde actuel. Mme Herath a également évoqué l’éloignement des établissements scolaires, le manque de motivation, les mariages et les grossesses précoces. Mme Herath a plaidé pour les programmes de bourses et la formation à distance.
Mme ILZE TRAPENCIERE, Syndicat des employés des secteurs de l’éducation et de la science de la Lettonie (LIZDA), a relevé que l’enseignement technique et professionnel est souvent perçu comme une filière de seconde catégorie. Ces formations préparent pourtant les jeunes au marché de l’emploi et à la vie en général, leur donnant des outils professionnels et sociaux, a-t-elle dit.
Les femmes sont sous-représentées dans les formations professionnelles, allant de 28% à 50% selon les pays, ce qui exige de mettre en place des stratégies pour remédier à ce problème. Il faut attirer les femmes dans des carrières qui sont traditionnellement réservées aux hommes, a-t-elle proposé, après avoir rappelé qu’en Europe les femmes travaillant dans les technologies de l’information et de la communication sont minoritaires.
Une fille qui obtient de bons résultats à l’école devrait pouvoir trouver directement un emploi. Mais la réalité est tout autre. Les qualifications des filles ne répondent pas forcément au marché de l’emploi, par exemple. Comme autre obstacle à leur carrière professionnelle, Mme Trapenciere a cité les traditions sociales et culturelles, les attentes des employeurs en ce qui concernent les horaires de travail, ou encore les stéréotypes des emplois perçus comme masculins plutôt que féminins.
Les grossesses précoces sont aussi un frein pour les filles qui passent en conséquence directement de l’école à la vie d’adulte. L’experte a aussi attiré l’attention sur le sort des enfants de migrants et de réfugiés, qui ont eux aussi besoin d’avoir accès à l’éducation professionnelle.
Mme GÜLSER CORAT, Directrice de la Division pour l’égalité homme-femme à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a souligné la carence en financement du secteur de l’enseignement, qui a notamment pour effet d’accentuer les disparités entre les sexes. Les pays en développement dépensent en général 4% de leur PNB dans l’éducation, dont 85 à 90% pour payer les salaires des enseignants. Ce secteur dépend aussi de l’aide extérieure et notamment de l’aide publique au développement (APD).
Aucun pays engagé dans la réalisation de l’objectif « éducation pour tous » ne devrait être empêché d’y arriver par manque de ressources, a-t-elle estimé. Mme Corat a signalé que les dépenses militaires dans le monde représentent 100 fois plus que les ressources nécessaires dans le domaine de l’éducation. Elle a donc souligné la nécessité d’utiliser des financements innovants fournis grâce à des partenariats avec le secteur privé ou à des accords passés avec des donateurs. « Le succès amène le succès », a-t-elle fait valoir, déduisant que plus on investit plus on a de ressources.
L’éducation pour tous signifie qu’il faut atteindre toutes les populations marginalisées, a rappelé Mme Corat. Cela implique de donner aux filles l’accès à l’enseignement technique. Nous devons aussi, a-t-elle ajouté, investir dans la qualité de l’éducation pour que les filles et les garçons soient bien armés dans leur vie professionnelle. Les partenariats innovants peuvent y contribuer.
« Tous les enfants aiment la science mais entre le primaire et le secondaire, les filles commencent à s’en désintéresser », a affirmé la représentante d’Unanima International qui a misé sur une meilleure formation des enseignants.
Renchérissant, la représentante du Maroc a accusé le « comportement stéréotypé » des enseignants et s’en est prise au contenu des manuels scolaires. Son homologue de la Grèce a même relevé des stéréotypes sexistes dans des « connaissances neutres » comme les mathématiques et la philosophie. Les enseignants doivent apprendre à enseigner sans perpétrer les schémas sexistes, a-t-elle insisté, appuyée en cela par l’experte de l’UNESCO.
« Comment mesurer la qualité de l’éducation »? s’est interrogée la représentante de l’ONG « Mujer para mujer », pour qui il importe d’encourager l’esprit critique comme rempart contre la manipulation.
Existe-t-il un modèle type applicable à tous les pays? s’est interrogé le représentant de la République dominicaine avec son homologue du Mexique. La représentante de l’Espagne a demandé si les commissions paritaires peuvent jouer un rôle dans le domaine de l’éducation scientifique.
La question de l’accès des filles issues des communautés isolées à cette éducation a été posée par la représentante du Canada. À ce sujet, l’experte de la Lettonie a misé sur le rôle positif que peuvent jouer les médias. On ne peut sous-estimer le rôle des grandes figures, a renchéri l’experte de l’UNESCO. Elle a raconté qu’interrogé sur son éventuel désir de devenir président, un petit garçon finlandais a répondu que dans son pays, les hommes ne peuvent pas être président.
D’autres participants ont partagé l’expérience de leur pays. La représentante du Cameroun a indiqué que son pays venait de mettre en place une structure d’« autonomisation des femmes » qui permet aux jeunes mères d’obtenir une formation professionnelle dans les secteurs du textile et de la coiffure, entre autres. À l’issue du programme, elles reçoivent un certificat et des fonds pour se lancer dans la vie active, a-t-elle précisé.
La représentante du Ghana a expliqué que son gouvernement avait mis en place un système de bourses pour permettre aux jeunes filles d’occuper des emplois traditionnellement réservés aux hommes. La représentante de la Chine s’est enorgueillie, quant à elle, du fait qu’à Hong Kong, plus de 74% des femmes avaient reçu une éducation secondaire, et que 53% des étudiants étaient des femmes. Elle a aussi cité un décret sur le salaire minimum et les programmes de crèches publiques.
À son tour, la représentante du Kenya a expliqué qu’un système de discrimination positive permettait aux jeunes filles d’intégrer les universités scientifiques et techniques malgré un résultat scolaire plus faible que celui des garçons.
Commentant le problème du chômage chez les femmes, la représentante d’Israël a rappelé que son pays avait participé à la création, en coopération avec l’ONU, de plusieurs « Business Labs » en Amérique latine et dans les Caraïbes, qui permettent aux femmes d’obtenir une formation en entreprenariat pour les rendre autonomes et capables de créer une activité génératrice de revenus. Elle a également invité les délégations à former les femmes aux avantages de l’e-marketing.
Le processus de recrutement doit figurer au centre de nos préoccupations, a estimé à son tour l’experte du Sri Lanka qui a évoqué les difficultés rencontrées par les femmes après un congé maternité. Il faut créer un pont entre le secteur privé, l’éducation et le secteur public, a-t-elle souligné.
Pour sa part, la représentante de l’Union européenne, à l’instar de son homologue du Danemark, a relevé que dans les pays développés, l’abandon scolaire concernait en premier lieu les garçons. En Europe, a-t-elle dit, les Roms et les personnes handicapées sont particulièrement défavorisés dans le domaine de l’éducation.
À l’instar de la représentante de la Grèce, la représentante de Global Youth Action Network a évoqué l’importance de l’éducation sexuelle qui, selon elle, doit se baser sur des informations scientifiques. Elle a regretté « l’agressivité » dont font preuve les groupes religieux qui cherchent à mettre un terme aux programmes lancés au Paraguay.
La Vice-Ministre du Paraguay a expliqué que certains groupes religieux estimaient que le genre ne devait pas être conçu comme une construction culturelle et que les programmes mis en place au Paraguay portaient atteinte à la culture nationale car ils émanaient d’organisations internationales.
La représentante de l’Ouganda s’est interrogée sur les stratégies de financement adaptées à la situation des pays les moins avancés. Il faut voir les mérites du partenariat, a répondu l’experte de l’UNESCO.
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