« L’exécution des mandats d’arrêt délivrés par la Cour pénale internationale mettra un terme aux crimes commis au Darfour », affirme son Procureur devant le Conseil
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Conseil de sécurité
6688e séance – matin
« L’EXÉCUTION DES MANDATS D’ARRÊT DÉLIVRÉS PAR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE METTRA
UN TERME AUX CRIMES COMMIS AU DARFOUR », AFFIRME SON PROCUREUR DEVANT LE CONSEIL
Les accusations du Procureur Moreno-Ocampo
sont nulles et non avenues, estime pour sa part le représentant du Soudan
Pour l’une de ses dernières interventions devant le Conseil de sécurité, avant son remplacement en juin 2012 par Mme Fatou B. Bensouda, M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a demandé que les trois mandats d’arrêt délivrés à l’encontre du Président du Soudan, M. Omar Hassan Al-Bashir, de M. Ahmad Harun et de M. Ali Kushayb, pour crimes contre l’humanité commis au Darfour, soient exécutés.
« L’exécution des mandats d’arrêt mettra un terme aux crimes au Darfour », a expliqué le Procureur de la CPI, venu présenter son rapport en application de la résolution 1593 (2005), par laquelle le Conseil a décidé de déférer au Procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002.
Demandant à ce que cette résolution soit respectée, M. Moreno-Ocampo a prévenu que les personnes recherchées pourraient commettre de nouveau des crimes contre l’humanité au Darfour. « Les populations civiles du Darfour continuent d’être la cible de bombardements aériens, malgré les injonctions du Conseil », a-t-il affirmé, en estimant « qu’elles avaient besoin du soutien du Conseil ».
« Le monde sait où les fugitifs recherchés par la Cour se trouvent », a-t-il insisté, en précisant qu’ils occupent des postes officiels au Soudan. Le Procureur a ajouté que la Cour devrait se prononcer dans les mois à venir sur le mandat d’arrêt lancé contre le Ministre de la défense, M. Abdel Raheem Hussein, pour son rôle dans les crimes qui auraient été commis au cours de la première période du conflit au Darfour. « Ce sera une nouvelle occasion pour le Conseil d’élaborer une stratégie pour la mise en œuvre de la résolution 1593 », a-t-il dit, en soulignant que l’Union africaine et la Ligue des États arabes devraient jouer un rôle essentiel pour parvenir à une solution qui respecte l’autorité du Conseil et les décisions des juges.
Malgré l’obligation du Soudan de coopérer avec la CPI, qui découle de la résolution 1593, le Procureur a rappelé qu’en 2007, après la délivrance des mandats d’arrêt à l’encontre de M. Harun et M. Kushayb, le Président soudanais avait refusé de les mettre en œuvre, agissant au défi de l’autorité du Conseil. Si la liberté de circulation du Président soudanais a été considérablement restreinte par les mandats d’arrêt lancés contre lui, il a néanmoins pu se rendre à la mi-octobre au Malawi, a relevé le Procureur de la CPI, qui a expliqué que ce pays avait refusé d’arrêter M. Al-Bashir, en prenant pour base légale de cette décision l’article 98 du Statut de Rome.
Or, la Chambre préliminaire I a, dans une décision du 12 décembre, conclu que l’article 98 du Statut de Rome ne s’appliquait pas en l’espèce et que le Malawi avait en conséquence agi en violation de son obligation de coopérer en n’arrêtant pas et en ne remettant pas à la Cour M. Al-Bashir, a précisé M. Moreno-Ocampo. Il a ajouté que la Chambre avait rendu une décision similaire s’agissant de la non-coopération du Gouvernement du Tchad relative à la visite au début du mois d’août de M. Al-Bashir dans ce pays. Le Procureur a ensuite détaillé les motifs permettant de croire que les trois personnes visées par les mandats d’arrêt délivrés par la CPI sont pénalement responsables des crimes commis contre l’humanité qui leur sont reprochés. Il a ainsi rappelé que, lors de l’enquête de son Bureau sur les attaques menées par le Gouvernement du Soudan entre 2003 et 2005 contre les populations du Darfour, les preuves rassemblées avaient permis de montrer les rôles qu’ont joué dans ces attaques M. Ahmad Harun, alors Ministre d’État de l’intérieur, et de M. Ali Kushayb, Chef des milices Janjaouites.
Le 27 avril 2007, la Chambre préliminaire a délivré des mandats d’arrêt contre ces deux personnes, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, qui ont résulté « d’efforts coordonnés, entrepris sous la supervision d’une chaîne de hiérarchie claire, sur laquelle M. Harun avait autorité », a-t-il poursuivi. Le Procureur a ensuite relevé que son Bureau avait identifié la responsabilité du Président du Soudan M. Al-Bashir dans le lancement des attaques, en donnant pour instructions à ses forces de « ne pas faire de prisonniers ni de blessés » et de laisser derrière elles une « terre brûlée ». « Les intentions génocidaires du Président Al-Bashir étaient évidentes lorsqu’il avait refusé que les populations forcées de fuir leurs maisons soient assistées, en les condamnant à une mort certaine dans le désert », a-t-il martelé.
M. Hussein avait également joué un rôle dans les crimes commis par son subordonné, M. Harun, a déclaré le Procureur de la CPI. Entre 2003 et 2005, M. Hussein était Ministre de l’intérieur et représentant spécial du Président au Darfour, avec toutes les prérogatives qui s’attachent à cette fonction, a-t-il expliqué. « Les preuves montrent que M. Hussein, de son propre chef ou par le biais de M. Harun, a joué un rôle central dans la coordination des crimes commis, en mobilisant et déployant les milices Janjaouites en tant que Forces armées soudanaises, et en sachant que ces Forces commettraient de tels crimes », a-t-il assuré. Le Procureur a ensuite précisé aux membres du Conseil que son Bureau poursuivait deux commandants de groupes rebelles, Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo Jamus, pour l’attaque en septembre 2007 à Haskanita de la base de la mission de la paix déployée par l’Union africaine, faisant 12 victimes parmi les soldats de la paix. « Leur procès devrait commencer en 2012 », a-t-il relevé.
Enfin, M. Moreno-Ocampo a ajouté qu’il n’y avait pas d’autre mandat d’arrêt requis ou en suspens. « Il n’y a plus d’autre affaire à ce stade », a-t-il indiqué. Le représentant du Soudan, M.Daffa-Alla Elhag Osman, réagissant aux propos du Procureur de la CPI, a rappelé que son pays n’était pas partie au Statut de Rome de la CPI. Dès lors, il n’est « absolument pas » concerné par les procédures en cours au sein de cette juridiction, a-t-il précisé. « Les accusations qui figurent dans le rapport du Procureur Moreno-Ocampo sont nulles et non avenues », a-t-il insisté, en ajoutant que le dernier rapport en date du Secrétaire général sur le Darfour, que le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, avait présenté le 25 octobre dernier devant ce Conseil, faisait mention du recul des violences sur le terrain.
« De quelle justice parle-t-on ici? », s’est interrogé le représentant, qui s’est dit confiant que le Conseil de sécurité ne tiendra pas compte de ces accusations qui, a-t-il dit, vont à l’encontre de la rationalité et du professionnalisme. Concernant l’affaire Procureur c. M. Hussein, M. Osman s’est demandé si le Procureur allait émettre un mandat d’arrêt à l’encontre du Ministre de la défense d’un pays dont les forces sont confrontées à des rebelles armés mettant en péril la sécurité nationale. « M. Moreno-Ocampo a passé sous silence la signature du Document de Doha pour la paix pour une raison très simple, c’est parce qu’au chapitre 5, intitulé ˝ Paix et réconciliation ˝, il insiste sur des mécanismes de règlement internes qui vont à l’encontre de la CPI », a-t-il déclaré. « Le Soudan n’a pas adhéré au Statut de Rome parce qu’en vertu des dispositions de l’acte constitutif de la Cour, le Procureur de la CPI ne rend compte devant aucune autorité. Ainsi, il n’offre aucune garantie d’intégrité professionnelle et d’impartialité », a accusé à son tour le représentant du Soudan. Il a repris à son compte l’argument présenté par l’ancienne Secrétaire d’État américaine, Condoleeza Rice, qui, dans ses mémoires, souligne l’opposition du Président Bush à la CPI précisément parce que le Procureur ne rend compte à aucun gouvernement. Avant de conclure sa déclaration, M. Osman a invoqué plusieurs sources, notamment l’organisation non gouvernementale « crédible » Médecins sans Frontières ou la Mission de l’Union européenne, selon lesquelles l’utilisation du terme de génocide ne s’appliquerait pas à la situation qui prévaut au Darfour.
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