Le Conseil de sécurité renforce le régime des sanctions contre l’Érythrée, accusée de déstabiliser la corne de l’Afrique
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Conseil de sécurité
6674e séance – matin & après-midi
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ RENFORCE LE RÉGIME DES SANCTIONS CONTRE L’ÉRYTHRÉE, ACCUSÉE DE DÉSTABILISER LA CORNE DE L’AFRIQUE
S’adressant au Conseil par visioconférence à partir d’Addis-Abeba,
les chefs d’État et de gouvernement de l’IGAD condamnent d’une seule et même voix les autorités érythréennes
Condamnant fermement tous les actes de l’Érythrée qui mettent en péril la paix, la sécurité et la stabilité dans la région, le Conseil de sécurité a renforcé, cet après-midi, le régime des sanctions contre ce pays et exigé qu’il « cesse de chercher à déstabiliser des États », notamment en fournissant à des groupes armés un soutien financier, militaire, ou en matière de renseignement.
En adoptant, par 13 voix pour et deux abstentions (Chine et Fédération de Russie), la résolution 2023 (2011), le Conseil, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, déclare son intention « d’imposer des sanctions ciblées contre les individus et entités qui répondent aux critères de désignation par les résolutions 1907 (2009) et 2002 (2011) et prie le Comité chargé d’en suivre l’application d’examiner d’urgence les propositions d’inscription sur la liste présentées par les États Membres. Le Conseil condamne les violations de ses résolutions pertinentes précédentes commises par l’Érythrée, « qui continue de fournir un soutien à des groupes d’opposition armés, notamment Al-Chebaab, s’employant à saper l’effort de paix et de réconciliation en Somalie et dans la région ».
Présenté conjointement par le Gabon et l’Éthiopie, le texte de la résolution, adoptée aujourd’hui, a été élaboré à l’initiative des États membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), organisation sous-régionale qui regroupe les six pays d’Afrique de l’Est suivants: l’Éthiopie, Djibouti, la Somalie, le Kenya, l’Ouganda et le Soudan. L’Érythrée a été suspendue de cette organisation en 2007 et de l’Union africaine en 2010.
À l’exception du Soudan, tous ces pays ont pris aujourd’hui la parole, pour la plupart par la voix de leurs Chefs d’État ou de gouvernement, qui se sont adressés aux membres du Conseil de sécurité par visioconférence à partir d’Addis-Abeba.
Si le Président de la Somalie, M. Sheikh Sharif Sheikh Ahmed a ouvertement accusé l’Érythrée de fournir un soutien logistique à Al-Qaida et au groupe des milices Al-Chebaab, le Ministre des affaires étrangères du Kenya, M. Moses Wetangula, a estimé que ce texte devrait permettre à Asmara de « rentrer dans le rang ». « En l’absence de rétablissement de l’état de droit dans la région et de la mise en œuvre de résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, nous n’aurons pas d’autre choix que de nous défendre seuls contre l’Érythrée », a prévenu de son côté le Premier Ministre de l’Éthiopie, M. Menes Zenawi. Le Président de Djibouti, M. Ismaël Omar Guelleh, a dénoncé de son côté les « mensonges du régime érythréen », qui refuse de reconnaître qu’il détient encore 17 prisonniers de guerre djiboutiens, les privant ainsi de la visite du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
La résolution 2023 exige de l’Érythrée qu’elle communique toutes les informations disponibles concernant les combattants djiboutiens portés disparus depuis les accrochages qui ont eu lieu du 10 au 12 juin 2008. Le Conseil de sécurité demande à ce pays d’entamer des pourparlers constructifs avec Djibouti en vue de résoudre le différend frontalier. Le Président de Djibouti a également accusé l’Érythrée d’être à l’origine du complot qui visait le Sommet de l’Union africaine en janvier 2011. Dans son rapport, le Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée avait conclu que ce dernier pays avait « conçu, préparé, organisé et dirigé » cette « tentative de sabotage » « au moyen d’attentats à la bombe », « sans toutefois réussir ».
Justifiant son abstention, le représentant de la Fédération de Russie a expliqué que le Groupe de contrôle avait « outrepassé » ses prérogatives en accusant Asmara « en l’absence de preuves convaincantes ». De même, a-t-il affirmé, ce n’est ni au Groupe de contrôle, ni au Comité des sanctions, mais plutôt au Conseil lui-même, de définir les « lignes directrices sur le devoir de diligence » comme il le souhaite en vertu de la résolution 2023. La même réserve a été exprimée par la délégation de la Chine, qui s’était également abstenue. Le représentant de la Chine a regretté la « hâte » avec laquelle certains membres du Conseil avaient souhaité mettre ce texte aux voix.
Par la résolution 2023, le Conseil décide en effet que les États devront prendre des mesures appropriées pour que « leurs nationaux et les sociétés créées sur leur territoire qui commercent dans le secteur minier en Érythrée fassent preuve de vigilance, notamment en publiant des lignes directrices sur le devoir de diligence ».
La représentante des États-Unis, Mme Susan Rice, a assuré que son gouvernement œuvrerait, en liaison avec le Comité de sanctions, pour que les entreprises américaines ayant des activités commerciales avec l’Érythrée prennent les mesures nécessaires pour éviter de contribuer, par inadvertance, aux agissements du Gouvernement de ce pays.
Le Conseil de sécurité condamne par ailleurs le recours à la « taxe de la diaspora », imposée à la diaspora érythréenne par le Gouvernement érythréen en vue de déstabiliser la corne de l’Afrique ou de violer les résolutions pertinentes, notamment son utilisation pour financer des achats d’armes et du matériel connexe destinés à des groupes d’opposition armés ou pour fournir des services et transférer des fonds à ces groupes et décide que l’Érythrée doit mettre un terme à ces pratiques. L’Érythrée doit cesser d’avoir recours à l’extorsion, à la violence, à la fraude et à d’autres moyens illicites de percevoir des impôts en dehors de l’Érythrée auprès de ses nationaux ou d’autres individus d’origine érythréenne, demande en outre le Conseil.
Les délégations de la France, de l’Afrique du Sud et de l’Allemagne ont assuré que le texte adopté aujourd’hui avait été conçu de manière à ce qu’il n’ait aucun impact sur la population civile érythréenne.
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Déclarations
M. ISMAEL OMAR GUELLEH, Président de Djibouti, a rappelé qu’à deux reprises, il était venu à New York pour parler aux membres du Conseil de sécurité de l’agression de son pays par l’Érythrée à la frontière de Ras Doumeira, en juin 2008. La signature d’un accord sur ce conflit frontalier en juin 2010, grâce à la médiation de l’Émir du Qatar, n’a malheureusement pas détourné le régime érythréen de son hostilité à l’égard de Djibouti. Cette hostilité se manifeste notamment par le refus d’autoriser le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à se rendre auprès des prisonniers de guerre djiboutiens, dont nous sommes sans nouvelles depuis trois ans, a expliqué le Président Guelleh, qui a rappelé qu’une disposition de l’accord engageait pourtant les deux pays à assurer aux organisations humanitaires un accès aux prisonniers. Le Président a aussi accusé l’Érythrée d’enlever de jeunes djiboutiens en vue de les enrôler dans des groupes armés pour commettre des attaques contre leur propre pays. Il a assuré qu’un complot fomenté par l’Érythrée et visant le siège de l’Union africaine à Addis-Abeba a récemment été démantelé.
« Si nous sommes convaincus de la primauté du dialogue et de la médiation, nous ne pouvons pas cependant accepter que le pays soit agressé », a prévenu le Président. Le silence assourdissant de l’Érythrée sur le sort de nos prisonniers, qui dure depuis trois ans est intolérable, a-t-il déclaré. Dénonçant avec vigueur les propos « malhonnêtes et mensongers » du régime érythréen, qui nie catégoriquement détenir ces soldats, le Président de Djibouti a déclaré que l’évasion de deux d’entre eux de la prison érythréenne de Sabay-Mandar, avait prouvé le contraire. « Nous ignorons toujours du sort des 17 autres prisonniers », a assuré M. Guelleh. Le rapport du Groupe de surveillance de la mise en œuvre des résolutions 1862 et 1907, qui avait été présenté en juin 2011, est accablant, a-t-il dit. L’Érythrée continue de déstabiliser la région en finançant les milices Al-Chebaab. Ce pays, en cherchant maintenant à s’expliquer devant le Conseil de sécurité, veut se soustraire aux sanctions qui le visent, a accusé le Président djiboutien. « J’invite les membres du Conseil à soutenir le projet de résolution préparé par les États membres de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et présenté conjointement par le Gabon et le Nigéria », a-t-il indiqué. Comme l’embargo sur les armes et les sanctions ciblées qui avaient été imposés par les résolutions précédentes n’ont pas empêché l’Érythrée de poursuivre ses activités illicites, ce projet de résolution devrait envoyer un message clair, a souhaité M. Guelleh.
SHEIKH SHARIF SHEIKH AHMED, Président de la République de Somalie, a rappelé les souffrances indicibles du peuple somalien causées par les groupes terroristes, tout en faisant remarquer que l’Érythrée appuyait ces groupes. Ce soutien fait obstacle au processus de réconciliation en Somalie, a déclaré le Président de la Somalie, qui a indiqué que le Président de l’Érythrée avait « des ambitions dans toute la région ». L’Érythrée,pays avec lequel la Somalie n’a pas de contentieux historique fournit un soutien logistique à Al-Qaida et au groupe des milices Al-Chebaab, en assurant l’acheminement de cargaisons en direction de ces groupes par voie terrestre et maritime, a affirmé le Président somalien. Ces cargaisons passent par Asmara, la capitale de l’Érythrée, avant d’être acheminées en Somalie, a-t-il précisé. Le chef des milices Al-Chebaab, a-t-il rappelé, avait remercié en 2009 les autorités érythréennes pour leur soutien.
Le Président somalien a ensuite indiqué qu’il avait demandé au colonel Mouammar Qadhafi, qui assurait, à ce moment-là, un soutien à l’Érythrée, d’intervenir auprès des autorités de ce pays afin qu’elles mettent fin à leur ingérence dans les affaires intérieures de la Somalie. Cela n’a pas eu de suite, a déploré le Président somalien, en se déclarant convaincu que le Président érythréen n’encourageait nullement la réconciliation nationale en Somalie. Il a également indiqué que des ambassades, notamment au Kenya, savaient que des éléments recevaient un entraînement militaire en Érythrée, avant de se rendre en Somalie. « Les responsables érythréens, au lieu de soutenir les initiatives en faveur du dialogue et de la réconciliation nationale, emploient la terreur contre mon peuple », a affirmé le Président de la Somalie. C’est à la suite des actions « inacceptables et consternantes » menées par l’Érythrée que le Conseil de sécurité a été appelé à tenir la présente réunion.
M. MELES ZENAWI, Premier Ministre de l’Éthiopie, a déclaré que les États membres de l’IGAD, organisation que son pays préside actuellement, ne souhaitaient pas se prononcer sur la politique intérieure de l’Érythrée, « quel que soit le sentiment qu’elle leur inspire ». Mais c’est un fait avéré, a-t-il dit, que les agissements du Gouvernement érythréen déstabilisent l’ensemble de la région. M. Zenawi a tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas seulement d’un différend avec l’Éthiopie, mais qui concerne tous les pays de la région et États membres de l’IGAD. « Nos propres problèmes, a précisé le Premier Ministre, ont commencé lorsque l’Érythrée avait envahi notre territoire en 1998 ». Il s’agit d’une constatation objective, qui s’appuie sur l’arbitrage rendu par la Commission des demandes d’indemnisation établie à La Haye, a-t-il dit. M. Zenawi a ensuite abordé le conflit frontalier qui a opposé les deux pays et pour lequel une Commission frontalière Érythrée-Éthiopie avait été créée, conformément aux Accords d’Alger, en collaboration avec la Cour permanente d’arbitrage de La Haye (CPA). L’Éthiopie, a assuré son Premier Ministre, a toujours déclaré qu’elle accepterait, sans conditions préalables, la décision qui serait rendue. Mais selon l’Érythrée, a-t-il fait remarquer, la Commission de délimitation de la frontière aurait basé sa décision « sur une carte » et, dès lors, la délimitation de la frontière relevait d’une « fiction dangereuse ».
Au lieu de faire le nécessaire pour passer à la phase de démarcation, l’Érythrée a envahi notre territoire, puis ceux du Yémen et de Djibouti, tout en niant l’avoir fait, a accusé M. Zenawi. Citant des précédents, il a rappelé aux membres du Conseil que dès 1995, l’Érythrée avait déclenché un différend avec le Soudan, après avoir fermé l’ambassade de ce pays à Asmara et tout mis en œuvre pour le déstabiliser en organisant régulièrement des réunions avec des groupes rebelles. La « clique » au pouvoir en Érythrée est à l’origine des troubles que connaît actuellement la région, a insisté le Premier Ministre, qui a demandé au Conseil de sécurité d’aider les pays membres de l’IGAD à mettre un terme à ces actes « intolérables ». « Sans le rétablissement de l’état de droit dans la région et la mise en œuvre de résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, nous n’aurons pas d’autre choix que de nous défendre seuls contre l’Érythrée », a prévenu M. Zenawi. Le Conseil de sécurité peut et doit agir, a-t-il cependant estimé. L’IGAD a participé très activement à l’élaboration du projet de résolution, que le Gabon et le Nigéria ont présenté et dont le Conseil est actuellement saisi. Regrettant que la formulation de ce texte ait été « diluée », lui faisant ainsi perdre sa force, le Premier Ministre a espéré qu’il adresserait un message approprié aux autorités de l’Érythrée selon lequel elles ne pourront plus continuer à agir en toute impunité.
M. MOSES WETANGULA, Ministre des affaires étrangères du Kenya, a rappelé que le Conseil de sécurité, gardien de la paix et de la sécurité internationales, devrait porter toute son attention sur les actions de l’Érythrée. Rappelant que le Conseil avait déjà ce rôle, il l’a invité à renforcer les sanctions contre l’Érythrée. Soulignant les graves défis auxquels la région fait face, il a déploré que l’Érythrée, qui n’est plus membre de l’Autorité intergouvernementale pour le développement, continue de se livrer à des actions « hostiles et contraires au droit international ». M. Wetangula a ensuite invité le Conseil à user de son influence afin qu’il soit mis un terme à ces actions.
Le Ministre, qui a rappelé l’attentat commis en 1998 à Nairobi contre l’ambassade des États-Unis, a affirmé que le groupe des milices Al-Chebaab organise des enlèvements dans son pays. Il a déploré que le Gouvernement de l’Érythrée maintienne que les milices Al-Chebaab ne représentent pas une menace pour la paix et la sécurité. Les attaques du 16 octobre dernier avaient été lancées pour mettre un terme aux agissements des milices Al-Chebaab, a-t-il assuré. Qualifiant le soutien de l’Érythrée aux milices Al-Chebaab d’« acte hostile », le Ministre a rappelé que ces milices avaient déclaré « que les édifices de Nairobi constituaient une cible légitime ». M. Wetangula a exhorté le Conseil à adopter le projet de résolution dont il est saisi aujourd’hui. Ce projet de résolution, qui a le soutien de tous les pays de la région, devrait permettre à l’Érythrée de « rentrer dans le rang », a-t-il estimé. « C’est peut-être trop tard et peut-être insuffisant mais l’adoption de ce projet de résolution est un pas en direction de la paix et de la sécurité dans la région, dont le Conseil est le garant ultime », a affirmé le Ministre des affaires étrangères du Kenya, avant de conclure.
M. MULL SEBUJJA KATENDE (Ouganda) a déclaré que son pays restait engagé en faveur des décisions prises jusqu’à présent concernant la démarcation de la frontière entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Il a émis l’espoir que le Conseil de sécurité répondrait favorablement à la demande de l’IGAD de prendre des sanctions contre les individus qui fournissent un appui aux milices Al-Chebaab et autres groupes terroristes opérant dans la corne de l’Afrique. Son gouvernement, a-t-il ajouté, souhaite que les troupes ougandaises déployées en Somalie dans le cadre de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) soient en mesure de regagner leur pays lorsque leur mission sera terminée.
Texte de la résolution 2023 (2011)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses résolutions antérieures et les déclarations de son président sur la situation en Somalie et le différend frontalier entre Djibouti et l’Érythrée, en particulier ses résolutions 751 (1992), 1844 (2008), 1862 (2009), 1907 (2009), 1916 (2009), 1998 (2011) et 2002 (2011), et ses déclarations des 18 mai 2009 (S/PRST/2009/15), 9 juillet 2009 (S/PRST/2009/19) et 12 juin 2008 (S/PRST/2008/20),
Réaffirmant son attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’indépendance politique et à l’unité de la Somalie, de Djibouti et de l’Érythrée, respectivement, ainsi que de tous les autres États de la région,
Réaffirmant son soutien sans faille au Processus de paix de Djibouti et à la Charte fédérale de transition, qui définissent le cadre d’une solution politique durable en Somalie, et saluant l’Accord de Kampala en date du 9 juin 2011 et la feuille de route adoptée le 6 septembre 2011,
Invitant tous les États de la région à régler leurs différends de manière pacifique et à normaliser leurs relations en vue d’ouvrir la voie à une paix et une sécurité durables dans la corne de l’Afrique, et encourageant ces États à offrir la coopération nécessaire à l’Union africaine dans le cadre de l’action qu’elle mène en vue de régler ces différends,
Réaffirmant qu’il est gravement préoccupé par le différend frontalier entre l’Érythrée et Djibouti et qu’il importe de le régler, demandant à l’Érythrée de continuer de collaborer de bonne foi avec Djibouti à l’application rigoureuse de l’Accord du 6 juin 2010, conclu sous les auspices du Qatar, pour régler leur différend frontalier et consolider la normalisation de leurs relations, et se félicitant des démarches de médiation entreprises par le Qatar et de la participation soutenue des acteurs régionaux, de l’Union africaine et de l’Organisation des Nations Unies,
Prenant note de la lettre du Représentant permanent de Djibouti auprès de l’Organisation des Nations Unies datée du 6 octobre 2011 (S/2011/617), informant le Secrétaire général de l’évasion de deux prisonniers de guerre djiboutiens d’une prison érythréenne, tout en constatant que le Gouvernement érythréen a jusqu’ici nié détenir des prisonniers de guerre djiboutiens,
Exprimant la vive inquiétude que lui inspirent les conclusions du rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie et l’Érythrée daté du 18 juillet 2011 (S/2011/433), indiquant que l’Érythrée a continué de fournir un soutien politique et financier, un entraînement et un appui logistique à des groupes d’opposition armés, notamment Al-Chabab, qui s’emploient à saper la paix, la sécurité et la stabilité en Somalie et dans la région,
Condamnant l’attentat terroriste planifié en janvier 2011 en vue de saboter le sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, ainsi qu’il ressort des conclusions du rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie et l’Érythrée,
Prenant note de la décision prise par l’Union africaine lors de l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement, tenue en janvier 2010, et du Communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, tenu le 8 janvier 2010, saluant l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU, le 23 décembre 2009, de la résolution 1907 (2009), qui impose des sanctions à l’Érythrée au motif qu’elle fournit notamment un appui politique, financier et logistique à des groupes armés qui s’emploient à saper l’effort de paix et de réconciliation en Somalie ainsi que la stabilité de la région; soulignant qu’il faut s’employer énergiquement à appliquer efficacement la résolution 1907 (2009); et déclarant son intention d’imposer des sanctions ciblées contre certaines personnes et entités qui correspondent aux critères de désignation énoncés au paragraphe 15 de la résolution 1907 (2009) et au paragraphe 8 de la résolution 1844 (2008),
Notant la décision prise à l’issue de la dix-huitième session extraordinaire de l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’Autorité intergouvernementale pour le développement, lui demandant de prendre des mesures pour veiller à ce que l’Érythrée cesse ses activités de déstabilisation dans la corne de l’Afrique,
Prenant note de la lettre de l’Érythrée (S/2011/652), contenant une réponse au rapport du Groupe de contrôle sur la Somalie et l’Érythrée,
Condamnant fermement tous les actes de l’Érythrée qui mettent en péril la paix, la sécurité et la stabilité dans la région et demandant à tous les États Membres de respecter pleinement les dispositions du régime d’embargo sur les armes imposé en vertu du paragraphe 5 de la résolution 733 (1992) du Conseil, tel que développé et modifié par ses résolutions ultérieures,
Considérant que le refus de l’Érythrée de respecter pleinement les résolutions 1844 (2008), 1862 (2009) et 1907 (2009) et ses actions qui sapent l’effort de paix et de réconciliation en Somalie et dans la région de la corne de l’Afrique, ainsi que le différend opposant Djibouti et l’Érythrée, constituent une menace à la paix et à la sécurité internationales,
Sachant que la Charte des Nations Unies lui confère la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Condamne les violations des résolutions 1907 (2009), 1862 (2009) et 1844 (2008) du Conseil de sécurité commises par l’Érythrée, qui continue de fournir un soutien à des groupes d’opposition armés, notamment Al-Chabab, s’employant à saper l’effort de paix et de réconciliation en Somalie et dans la région;
2. Souscrit à l’appel que l’Union africaine a adressé à l’Érythrée afin qu’elle règle ses différends frontaliers avec ses voisins, engage les parties à régler pacifiquement leurs différends, à normaliser leurs relations et à promouvoir la paix et la sécurité durables dans la corne de l’Afrique, et les encourage à apporter à l’Union africaine le concours dont elle a besoin dans l’action qu’elle a entreprise pour régler les différends;
3. Réaffirme que tous les États Membres, y compris l’Érythrée, doivent respecter pleinement les dispositions du régime d’embargo sur les armes imposé en vertu du paragraphe 5 de la résolution 733 (1992), tel que développé et modifié par les résolutions ultérieures;
4. Réaffirme que l’Érythrée doit se conformer sans plus tarder aux dispositions de la résolution 1907 (2009) et souligne que tous les États ont l’obligation de se conformer aux mesures prescrites par la résolution 1907 (2009);
5. Constate que l’Érythrée a retiré ses forces à la suite du déploiement d’observateurs qatariens dans les zones contestées situées le long de la frontière avec Djibouti, demande à l’Érythrée d’entamer des pourparlers constructifs avec Djibouti en vue de résoudre le différend frontalier, et réaffirme son intention de prendre de nouvelles mesures ciblées contre ceux qui font obstacle à la mise en œuvre de la résolution 1862 (2009);
6. Exige de l’Érythrée qu’elle communique toutes informations disponibles concernant les combattants djiboutiens portés disparus depuis les accrochages qui ont eu lieu du 10 au 12 juin 2008 afin que les personnes intéressées puissent constater la présence de prisonniers de guerre djiboutiens et leur état de santé;
7. Exige de l’Érythrée qu’elle cesse de chercher, directement ou indirectement, à déstabiliser des États, notamment en fournissant à des groupes armés un soutien financier, militaire, ou en matière de renseignement, ou une assistance autre que militaire, telle que l’accès à des centres et camps d’entraînement et installations similaires, la délivrance de passeports, la prise en charge de frais de subsistance ou des facilités de voyage;
8. Demande à tous les États, en particulier les États de la région, afin d’assurer le strict respect de l’embargo sur les armes décrété aux paragraphes 5 et 6 de la résolution 1907 (2009), de faire inspecter sur leur territoire, y compris dans leurs ports maritimes et aéroports, en accord avec leurs autorités compétentes et conformément à leur législation et dans le respect du droit international, tous les chargements à destination ou en provenance de l’Érythrée s’ils disposent d’informations donnant des motifs raisonnables de croire que ces chargements contiennent des articles dont la fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits en vertu des paragraphes 5 ou 6 de la résolution 1907 (2009), et rappelle les obligations énoncées aux paragraphes 8 et 9 de ladite résolution concernant la découverte d’articles interdits par les paragraphes 5 et 6 de celle-ci et le paragraphe 5 de la résolution 733 (1992), tel que développé et modifié par les résolutions ultérieures;
9. Déclare son intention d’imposer des sanctions ciblées contre les individus et entités qui répondent aux critères de désignation énoncés au paragraphe 15 de la résolution 1907 (2009) et au paragraphe 1 de la résolution 2002 (2011) et prie le Comité d’examiner d’urgence les propositions d’inscription sur la liste présentées par les États Membres;
10. Condamne le recours à la « taxe de la diaspora », imposée à la diaspora érythréenne par le Gouvernement érythréen en vue de déstabiliser la corne de l’Afrique ou de violer les résolutions pertinentes, dont les résolutions 1844 (2008), 1862 (2009) et 1907 (2009), notamment son utilisation pour financer des achats d’armes et du matériel connexe destinés à des groupes d’opposition armés ou pour fournir des services et transférer des fonds, directement ou indirectement, à ces groupes, comme l’a indiqué le Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée dans les conclusions de son rapport en date du 18 juillet 2011 (S/2011/433), et décide que l’Érythrée doit mettre un terme à ces pratiques;
11. Décide que l’Érythrée doit cesser d’avoir recours à l’extorsion, à la violence, à la fraude et à d’autres moyens illicites de percevoir des impôts en dehors de l’Érythrée auprès de ses nationaux ou d’autres individus d’origine érythréenne, décide également que les États doivent prendre les mesures appropriées, conformément au droit international, pour que les individus qui se trouvent sur leur territoire et agissent, officiellement ou non, au nom du Gouvernement érythréen ou du Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ) en violation des interdictions énoncées dans le présent paragraphe et de leur législation soient tenus d’en rendre compte, et engage les États à prendre toutes les dispositions voulues conformes à leur droit interne et aux instruments applicables de droit international, notamment la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires, pour empêcher ces individus de contribuer à la commission d’autres violations;
12. Se déclare préoccupé par le fait que le secteur minier érythréen peut servir de source de financement pour déstabiliser la région de la corne de l’Afrique, ainsi qu’il ressort du rapport final du Groupe de contrôle (S/2011/433), et engage l’Érythrée à faire preuve de transparence en ce qui concerne ses finances publiques, notamment en coopérant avec le Groupe de contrôle afin de montrer que le produit des activités minières n’est pas utilisé pour violer les résolutions pertinentes, notamment les résolutions 1844 (2008), 1862 (2009), 1907 (2009) ainsi que la présente résolution;
13. Décide que les États, afin d’empêcher que les fonds provenant du secteur minier érythréen contribuent aux violations des résolutions 1844 (2008), 1862 (2009), 1907 (2009) ou de la présente résolution, devront prendre des mesures appropriées pour que leurs nationaux, les personnes relevant de leur juridiction et les sociétés créées sur leur territoire ou relevant de leur juridiction qui commercent dans ce secteur en Érythrée fassent preuve de vigilance, notamment en publiant des lignes directrices sur le devoir de diligence, et prie, à cet égard, le Comité de mettre au point, avec l’aide du Groupe de contrôle, des lignes directrices dont pourront se servir les États Membres;
14. Demande instamment à tous les États d’établir des directives sur l’exercice du devoir de diligence afin de prévenir la prestation de services financiers, notamment d’assurance ou de réassurance, ou le transfert vers, par ou depuis leur territoire, à ou par des nationaux ou entités relevant de leur juridiction (y compris les filiales à l’étranger) ou des personnes ou institutions financières se trouvant sur leur territoire, de tous fonds, autres actifs ou ressources économiques si ces services, actifs ou ressources, notamment les nouveaux investissements dans le secteur minier, peuvent contribuer à la violation par l’Érythrée des résolutions pertinentes, notamment les résolutions 1844 (2008), 1862 (2009), 1907 (2009) et la présente résolution;
15. Demande à tous les États de rendre compte au Conseil de sécurité dans les 120 jours des mesures qu’ils auront prises pour mettre en œuvre la présente résolution;
16. Décide d’étendre le mandat du Groupe de contrôle reconstitué par la résolution 2002 (2011) au suivi de la mise en œuvre des mesures prévues par la présente résolution, à l’établissement de rapports à ce sujet et aux tâches définies ci-dessous :
a) Aider le Comité à surveiller l’application des mesures prévues aux paragraphes 10, 11, 12, 13 et 14 ci-dessus, notamment en lui transmettant toute information relative aux violations;
b) Examiner toute information ayant trait au paragraphe 6 ci-dessus qui devrait être portée à l’attention du Comité;
17. Demande instamment à tous les États, aux organismes des Nations Unies compétents et aux autres parties intéressées de coopérer pleinement avec le Comité et le Groupe de contrôle, notamment en fournissant toute information à leur disposition sur la mise en œuvre des mesures édictées dans la résolution 1844 (2008), la résolution 1907 (2009) et la présente résolution, en particulier les violations de leurs dispositions;
18. Affirme qu’il gardera à l’examen les actions de l’Érythrée et se tient prêt à ajuster les mesures qu’il a prises, en les renforçant, les modifiant ou les supportant en fonction du respect par l’Érythrée des dispositions des résolutions 1844 (2008), 1862 (2009) et 1907 (2009) et de celles de la présente résolution;
19. Prie le Secrétaire général de lui faire rapport dans les 180 jours sur le respect par l’Érythrée des dispositions des résolutions 1844 (2008), 1862 (2009) et 1907 (2009) et de celles de la présente résolution;
20. Décide de rester saisi de la question.
Explications de vote
M. MOUNGARA MOUSSOTSI (Gabon), prenant la parole avant que le projet de résolution ne soit mis aux voix, a indiqué que les membres de l’IGAD avaient souhaité attirer l’attention du Conseil de sécurité sur les activités de déstabilisation menées par l’Érythrée dans la corne de l’Afrique. En dépit des appels de la communauté internationale, ce pays continue de ne pas se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil, a-t-il fait remarquer.
C’est pour cette raison que le Gabon a jugé nécessaire de se porter coauteur du projet de résolution, et ce, dans le droit fil de la demande faite par l’Union africaine à l’Érythrée afin qu’elle respecte les dispositions de la résolution 1907 (2009) du Conseil. Le texte dont le Conseil de sécurité est saisi aujourd’hui reprend les dispositions de la résolution 1907, a-t-il indiqué, en précisant que les nouvelles dispositions étaient contenues dans les paragraphes 9 à 13. Il a exhorté les membres du Conseil à considérer favorablement ce projet de résolution « qui œuvre à la paix sur le continent africain et, en particulier, dans la corne de l’Afrique ».
M. RAFF BUKUN-OLU WOLE ONEMOLA (Nigéria), réaffirmant que les questions relatives à l’imposition de sanctions étaient de la plus haute gravité, a déclaré que son pays demeurait fermement engagé à lutter contre le terrorisme et à prévenir la détérioration de la situation dans la corne de l’Afrique. C’est pourquoi, le Nigéria s’est porté coauteur du projet de résolution que le Conseil de sécurité a adopté cet après-midi. Le représentant du Nigéria a indiqué que les soupçons nourris par certains États de la région avaient pour effet de saper le climat de confiance qui est nécessaire pour régler les questions en suspens. Il a ensuite exhorté l’Érythrée à respecter les dispositions des résolutions du Conseil de sécurité qui la concernent au premier chef. Tout en invitant L’IGAD, les Nations Unies et l’Union africaine à redoubler d’efforts dans la région, il a assuré que la résolution 2023 qui vient d’être adoptée, se limitait à demander à l’Érythrée de s’acquitter de ses responsabilités.
M. LYALL GRANT (Royaume-Uni) s’est déclaré préoccupé par les menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité dans la corne de l’Afrique et par les actions de l’Érythrée qui ne respecte pas les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Sa délégation se félicite de l’adoption par le Conseil de sécurité du projet de résolution présenté conjointement par le Gabon et le Nigéria, qui renforce, a-t-il dit, le régime de sanctions existant contre ce pays. L’Érythrée, a-t-il insisté, doit le respecter. Le représentant du Royaume-Uni a également déclaré que le Conseil de sécurité se tenait prêt à ajuster les mesures prises aujourd’hui, en fonction de l’évolution de la situation dans la région.
M. PETER WITTIG (Allemagne) a lui aussi jugé préoccupants la situation dans la corne de l’Afrique et le rôle que joue l’Érythrée dans la région. Le projet de résolution que vient d’adopter le Conseil de sécurité et que sa délégation a appuyé n’a pas pour objectif de sanctionner le peuple érythréen, a assuré le représentant. Constatant que ce pays continue d’appuyer les groupes armés opérant dans la région et, en particulier en Somalie, le Conseil de sécurité et le Comité des sanctions ont longuement discuté des mesures visant à étendre le régime des sanctions à l’encontre de l’Érythrée. Le texte adopté aujourd’hui tient compte des difficultés humanitaires en Somalie et n’alourdit pas le fardeau qui pèse déjà sur le peuple érythréen, a-t-il précisé. Au contraire, la résolution 2023 adresse un message politique clair à l’Érythrée, a estimé le représentant de l’Allemagne, qui a appelé les États voisins à coopérer de bonne foi avec ce pays. Il a par ailleurs encouragé l’IGAD à se prononcer sur la demande de l’Érythrée de rejoindre cette organisation.
M. DOCTOR MASHABANE (Afrique du Sud) a souligné le rôle essentiel que jouent respectivement l’Autorité intergouvernementale pour le développement et l’Union africaine dans la lutte contre les activités terroristes dans la corne de l’Afrique. Il a ensuite invité l’Érythrée à répondre aux allégations faisant état du soutien qu’apporterait ce pays aux milices Al-Chebaab. Le représentant a émis l’espoir que la résolution 2023 adoptée ce jour n’aurait pas d’effet négatif sur la population érythréenne. Sa délégation a veillé à ce que le texte de la résolution soit « clair et équilibré » et qu’il n’établisse pas ainsi des sanctions généralisées, a-t-il assuré. Le Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée doit accomplir ses missions de manière impartiale, a-t-il ajouté. Le représentant a indiqué que sa délégation avait pris note des efforts entrepris par l’Érythrée en vue de sa réintégration au sein de l’Union africaine et de l’IGAD. La poursuite du processus politique est indispensable pour régler les questions en suspens dans la région, a-t-il déclaré. Contrairement à ce qu’il accorde habituellement aux États concernés par ses décisions, le Conseil de sécurité n’a pas donné aujourd’hui la possibilité à l’Érythrée de s’exprimer, a déploré le représentant de l’Afrique du Sud.
M. LI BAODONG (Chine) a réaffirmé que sa délégation avait toujours soutenu que les différends entre pays africains devaient être réglés par les pays africains eux-mêmes. De même, la Chine continue d’appuyer les efforts constructifs entrepris par les organisations régionales pertinentes en ce sens, comme l’Union africaine et l’IGAD, a-t-il ajouté. Tout en saluant l’initiative conjointe du Gabon et du Nigéria, le représentant s’est cependant déclaré convaincu que les sanctions n’étaient pas un moyen concluant de parvenir aux résultats escomptés. Elles entraînent, a-t-il estimé, des « complications » et alourdissent le fardeau qui pèse sur les populations civiles. La Chine continue pour sa part de penser que le dialogue et les négociations doivent être les moyens privilégiés de régler les différends, a insisté le représentant. Tout en se félicitant de ce que certains des amendements proposés par la Chine figurent dans la résolution 2023 adoptée aujourd’hui, le représentant a considéré qu’il était encore possible d’améliorer le texte. Il a toutefois regretté que la « hâte » avec laquelle certains membres du Conseil de sécurité ont souhaité mettre aux voix le projet de résolution n’ait pas permis d’élaborer un texte satisfaisant, en particulier en ce qui concerne les lignes directrices sur le devoir de diligence.
M. NAWAF SALAM (Liban) s’est félicité des efforts déployés par le Qatar pour faciliter le règlement du différend opposant l’Érythrée et Djibouti et pour avoir dépêché des forces le long de la frontière entre les deux pays. Il a appelé l’Érythrée à répondre aux demandes qui lui sont faites concernant le sort des prisonniers de guerre et des disparus djiboutiens. Sa délégation, qui avait voté en faveur de la résolution, est préoccupée par les conclusions du Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée, selon lesquelles l’Érythrée appuierait des groupes rebelles opérant en Somalie, a-t-il dit. Le représentant a demandé à l’Érythrée de reprendre ses négociations avec l’IGAD.
Mme SUSAN RICE (États-Unis) a rappelé que le Conseil de sécurité avait adopté, il y a deux ans, la résolution 1907 (2009) qui prévoit des sanctions à l’encontre de l’Érythrée. Ce pays n’a toujours pas réglé son différend avec Djibouti et continue de fournir un appui aux activités terroristes en Somalie, a-t-elle fait remarquer. La représentante a ensuite mentionné le complot déjoué, qui avait été imputé à l’Érythrée et qui visait le Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en janvier 2011. « L’Érythrée paiera toujours plus cher pour ses actes », a-t-elle averti, avant d’inviter ce pays à mettre fin à la taxe qu’il impose à la diaspora érythréenne. La représentante a indiqué que les États-Unis œuvreraient, en liaison avec le Comité des sanctions, pour que les entreprises américaines qui ont des activités commerciales en Érythrée prennent les mesures nécessaires pour éviter de contribuer, par inadvertance, aux agissements du Gouvernement érythréen. Elle a ensuite exhorté l’Érythrée à divulguer les informations en sa possession sur les combattants djiboutiens qu’elle détient et à coopérer pleinement avec le Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée. En conclusion, la représentante a espéré que le renforcement des sanctions prévu par la résolution 2023, que le Conseil de sécurité a adoptée aujourd’hui, pourra convaincre l’Érythrée de mettre un terme à ses agissements et de redevenir un membre responsable de la communauté internationale.
M. GÉRARD ARAUD (France) a rappelé qu’en décembre 2009, le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 1907 qui avait mis en place un régime de sanctions contre l’Érythrée, en raison du soutien apporté par ce pays aux groupes armés qui déstabilisent la Somalie et de son refus de s’engager dans un dialogue constructif pour résoudre son différend frontalier avec Djibouti. Depuis deux ans, en dépit des appels de la communauté internationale, les autorités de l’Érythrée n’ont pas répondu aux attentes du Conseil de sécurité, a déploré le représentant. « Au contraire, les informations contenues dans le dernier rapport du Groupe d’experts du Comité des sanctions constituent une source de préoccupation. Il en ressort notamment que l’Érythrée continue de mener des activités de déstabilisation dans plusieurs États de la corne de l’Afrique. Par ailleurs, l’Érythrée n’a pas fait preuve de la bonne foi et de la volonté nécessaires pour trouver une solution pacifique au conflit frontalier avec Djibouti. Elle n’a même rien fait pour résoudre la question des prisonniers de guerre, ce qui constitue une violation du droit international humanitaire. »
En l’absence de gestes constructifs de la part de l’Érythrée, et alors que nous avons entendu ce matin les préoccupations exprimées au plus haut niveau par les États de l’IGAD, un renforcement progressif du régime des sanctions est justifié, a estimé le représentant. C’est l’objet du projet de résolution présenté conjointement par le Gabon et le Nigéria que nous remercions d’avoir représenté l’Afrique dans cette crise africaine. « Nous avons veillé à ce que ce texte, que le Conseil de sécurité vient d’adopter, n’ait pas d’impact sur la population érythréenne », a assuré le représentant de la France. La résolution 2023, a-t-il souligné, marque la préoccupation de la communauté internationale à l’égard des activités des autorités érythréennes qui violent le droit international et les décisions du Conseil de sécurité, et vise ainsi à les faire cesser. Les sanctions décidées par le Conseil de sécurité sont réversibles, à condition que l’Érythrée s’engage sans tarder dans la voie de l’ouverture, a-t-il rappelé. L’Érythrée doit, à cette fin, mettre un terme aux activités de déstabilisation des pays voisins et reprendre un dialogue résolu et de bonne foi avec les pays voisins, notamment avec Djibouti.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a déclaré que sa délégation s’était abstenue de voter en faveur du projet de résolution, en dépit des nombreuses préoccupations qu’elle avait exprimées concernant la situation actuelle dans la corne de l’Afrique. Il a estimé que le rôle du Groupe d’experts était « exagéré », en particulier lorsqu’il accuse, « en l’absence de preuves convaincantes », l’Érythrée d’être à l’origine du complot déjoué visant le Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en janvier dernier. Sa délégation, a-t-il ajouté, exprime également des doutes sur les dispositions du texte préconisant des lignes directrices sur le devoir de diligence dans le secteur de l’extraction minière. De telles « lignes directrices » ne doivent pas être élaborées par des organes subsidiaires du Conseil, a tenu à rappeler le représentant de la Fédération de Russie. De même, sa délégation ne juge pas pertinent de viser, par ce texte, la taxe sur la diaspora imposée par l’Érythrée. Avant de conclure, il a demandé à l’Érythrée et aux pays voisins de l’Érythrée de s’engager de manière sincère et transparente dans un dialogue sur toutes les questions clefs.
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