Piraterie: les membres du Conseil de sécurité examinent les modalités de la création de juridictions spécialisées somaliennes pour juger les pirates et leurs commanditaires
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6560e séance – matin
PIRATERIE: LES MEMBRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ EXAMINENT LES MODALITÉS DE LA CRÉATION DE JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES SOMALIENNES POUR JUGER LES PIRATES ET LEURS COMMANDITAIRES
Les membres du Conseil de sécurité ont examiné, ce matin, le rapport du Secrétaire général qui présente les modalités de la création de juridictions spécialisées somaliennes pour juger les personnes soupçonnées de piraterie aussi bien sur les côtes de la Somalie que dans les eaux d’autres pays de la région. Parmi les propositions énoncées figure l’hypothèse de l’établissement d’une cour spécialisée somalienne extraterritoriale dont les structures seraient implantées dans un pays voisin.
Réaffirmant la nécessité de renforcer la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, sur terre comme en mer, les délégations qui ont pris la parole au cours de cette réunion du Conseil de sécurité ont soutenu l’objectif de mettre en place des juridictions somaliennes spécialisées et ont salué, à cet égard, les efforts menés par le Conseiller spécial du Secrétaire général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, M. Jack Lang, qui est l’auteur des recommandations figurant dans le rapport présenté. Les délégations se sont aussi félicitées de l’aide apportée aux juridictions existantes saisies d’affaires de piraterie par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Office des Nations Unies pour la drogue et le crime (UNODC).
Mme Patricia O’Brien, Secrétaire générale adjointe aux affaires juridiques et Conseillère juridique de l’ONU, a indiqué avoir étudié les différentes possibilités envisageables en Somalie pour répondre à la demande du Conseil de sécurité, à savoir: créer de nouvelles juridictions somaliennes; mettre sur pied des chambres spécialisées au sein de tribunaux somaliens; ou encore développer les capacités des sections d’assise des juridictions somaliennes.
« Le Conseil de sécurité a eu raison de demander la création de juridictions spécialisées somaliennes, le cadre législatif somalien actuel étant dépassé et incohérent », a pour sa part estimé le représentant de la France. Son homologue de l’Allemagne a quant à lui estimé qu’il est urgent de créer des structures adéquates pour pouvoir traduire en justice les pirates et les incarcérer en Somalie, en s’assurant que le système judiciaire de ce pays respecte les normes internationales relatives au respect des droits de l’homme.
Actuellement, les procès menés en Somalie pour poursuivre les auteurs d’actes de piraterie se déroulent au sein des tribunaux du Somaliland et du Puntland, avec l’assistance des Nations Unies, indique le Secrétaire général dans son rapport. Selon lui, ces tribunaux devraient pouvoir répondre aux normes internationales dans les trois prochaines années, mais ce calendrier pourrait être accéléré si des experts internationaux compétents, provenant notamment de la diaspora somalienne, sont recrutés. Il faudra aussi réviser les lois somaliennes afin de constituer une base pénale et procédurale appropriée pour ces poursuites, préconise Ban Ki-moon.
En ce qui concerne les établissements pénitentiaires du Somaliland et du Puntland, le rapport souligne la nécessité de procéder à des activités de construction, de rénovation et de formation pour répondre aux normes internationales dans les deux prochaines années. Le représentant des États-Unis, soucieux de la question du transfèrement des prisonniers dans des établissements pénitenciers de pays tiers, a salué, à cet égard, la proposition faite par les Seychelles de créer un centre pénitencier régional.
Le coût total de l’assistance du PNUD et de l’UNODC à l’égard des tribunaux et des établissements pénitentiaires dans ces régions s’élèvera à environ 24 millions de dollars au cours des trois prochaines années, a indiqué la Conseillère juridique de l’ONU, Mme Patricia O’Brien.
Les avis ont été partagés quant à la possibilité de créer une cour somalienne extraterritoriale dans un autre État de la région, option qui n’est pas soutenue par les autorités régionales et par le Gouvernement fédéral de transition. Certains ont jugé important de tenir compte de cette position, soulignant que sans le soutien du Gouvernement national de transition, les entités extraterritoriales envisagées ne seraient pas viables.
L’Inde et la France, notamment, ont appuyé l’établissement de tribunaux extraterritoriaux qui soient conformes au droit somalien. Pour le représentant du Portugal, la création d’un tel tribunal en République-Unie de Tanzanie, pays voisin, est pour l’heure « la solution la plus sûre, la plus souple et la plus efficace » pour lutter sur le plan juridique contre la piraterie au large du littoral somalien, et ce, « au vu de la situation politique et en matière de sécurité qui prévaut actuellement en Somalie ».
Le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie s’est dit prêt à accueillir une telle juridiction dans les locaux actuels du Tribunal pénal international pour le Rwanda, situés à Arusha, sachant que ce Tribunal a la capacité de juger 30 personnes qui seraient poursuivies pour actes de piraterie. Cependant, note le Secrétaire général dans son rapport, l’accueil d’un tel tribunal accroîtrait les risques encourus en matière de sécurité par la République-Unie de Tanzanie et par les organisations internationales siégeant à Arusha. « En outre, le tribunal d’Arusha pour le Rwanda n’a pas encore achevé son mandat », a fait remarquer la délégation britannique.
La Conseillère juridique des Nations Unies a reconnu la nécessité d’étudier et de discuter plus avant de la création et des modalités de fonctionnement d’une juridiction extraterritoriale, avant de reconnaître combien il est difficile d’en évaluer le coût. Elle a en outre assuré que le Bureau des affaires juridiques de l’ONU était prêt à examiner une des modalités prévues au rapport.
LA SITUATION EN SOMALIE
Rapport du Secrétaire général sur les modalités de la création de juridictions somaliennes spécialisées pour juger les personnes soupçonnées de piraterie (S/2011/360)
Ce rapport répond à la demande du Conseil de sécurité qui, par sa résolution 1976 (2011) du 11 avril 2011, a prié le Secrétaire général de présenter les modalités de la création de juridictions spécialisées somaliennes pour juger les personnes soupçonnées de piraterie aussi bien en Somalie que dans la région, y compris une cour spécialisée somalienne extraterritoriale. Cette demande faisait suite aux recommandations du Conseiller spécial du Secrétaire général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, M. Jack Lang.
En ce qui concerne l’établissement de tribunaux spécialisés somaliens en Somalie, les procès concernant les actes de piraterie se déroulent actuellement au sein des tribunaux du « Somaliland » et du « Puntland » et avec l’assistance des Nations Unies, et devraient répondre aux normes internationales dans les trois prochaines années. Ce calendrier pourrait être accéléré, précise le Secrétaire général dans ce rapport, au cas où des experts internationaux compétents, provenant notamment de la diaspora somalienne, pourraient être identifiés et recrutés. Les États dont les navires effectuent des patrouilles pourront donc conclure des accords pour le transfèrement des suspects appréhendés en mer aux tribunaux de ces régions somaliennes aux fins de poursuites.
Le Secrétaire général explique qu’il faut cependant réviser les lois somaliennes afin de constituer une base pénale et procédurale appropriée pour ces poursuites. Les activités de construction, de rénovation et de formation aboutiront à ce que les établissements pénitentiaires du « Somaliland » et du « Puntland » répondent aux normes internationales dans les deux prochaines années. Le coût total de l’assistance du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC) à l’égard des tribunaux et des établissements pénitentiaires dans ces régions s’élèvera à 24 434 720 dollars au cours des trois prochaines années.
Le Secrétaire général précise ensuite qu’il n’est pas possible de déterminer à ce stade le temps nécessaire pour mettre en place et faire fonctionner une cour somalienne extraterritoriale dans un autre État de la région. Il explique qu’il faut auparavant recueillir le point de vue des États concernés et des autorités régionales somaliennes compétentes, mettre en place un fondement constitutionnel et législatif somalien pour la cour, instituer une base pénale et procédurale adéquate dans le droit somalien pour les poursuites concernant les actes de piraterie, négocier un accord approprié avec l’État hôte pour réglementer toutes les questions liées au fonctionnement de la cour, et disposer, de préférence en Somalie, d’un espace carcéral suffisant correspondant aux normes internationales.
Ce calendrier pourrait être raccourci si les fonds et les dispositifs de sécurité nécessaires étaient mis en place pour attirer des juristes internationaux, notamment parmi la diaspora somalienne, précise Ban Ki-moon.
Le Secrétaire général pose également la question de savoir si la cour extraterritoriale devrait être compétente pour poursuivre un grand nombre d’auteurs de second plan d’actes de piraterie, un nombre plus limité de financiers et de planificateurs, ou ces deux types de prévenus. Les consultations menées par le Bureau des affaires juridiques de l’ONU font ressortir l’opinion largement partagée que les échanges d’informations ainsi que les enquêtes et poursuites menées par les États à l’encontre de ceux qui financent et planifient les actes de piraterie constitueraient un moyen efficace sur le plan stratégique et financier de compléter les activités actuelles en matière de poursuites.
L’annexe I au rapport contient une mise à jour des informations concernant des actes de piraterie commis au large des côtes de la Somalie, et des poursuites engagées par des États. Dans les autres annexes, on trouve des informations sur le cadre politique, juridique et sécuritaire de la Somalie; des informations émanant du PNUD sur le nombre et le niveau de formation des juges, procureurs, avocats de la défense et enquêteurs de police dans chacune des régions de la Somalie, ainsi que sur les juristes de la diaspora somalienne; des informations sur les commanditaires et les planificateurs de la piraterie et les possibilités s’agissant de partager l’information et de procéder à des enquêtes et des poursuites pénales visant de tels actes. Enfin, l’annexe V actualise l’information sur les poursuites engagées par d’autres États de la région et sur l’assistance des Nations Unies à ces États.
Déclarations
Mme PATRICIA O’BRIEN, Secrétaire générale adjointe aux affaires juridiques et Conseillère juridique de l’ONU, a rappelé que le Secrétaire général avait vivement engagé la communauté internationale à prendre des mesures pour lutter contre la piraterie. « Le coût humain de la piraterie est très élevé », a-t-elle souligné, « ainsi que son coût commercial ». Mme O’Brien a indiqué que les travaux du Groupe de contact sur la piraterie avaient été pris en compte dans l’élaboration du rapport du Secrétaire général, avant de saluer les efforts déployés par M. Lang, Conseiller spécial du Secrétaire général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes. Son rapport aborde toutes les facettes du problème, a-t-elle noté.
Mme O’Brien a relevé que dans le rapport, il était envisagé d’avoir recours à des experts juridiques provenant de la diaspora somalienne, afin d’accélérer la création de juridictions spécialisées somaliennes. Elle a expliqué que le rapport soumis par le Secrétaire général présente des éléments factuels ainsi que différentes modalités pour la création des juridictions évoquées, dont une cour spécialisée somalienne extraterritoriale. « Si le Conseil souhaite mandater le Secrétaire général pour qu’il se penche sur une de ces modalités, mon Bureau est prêt à s’en occuper », a-t-elle assuré. Mme O’Brien a aussi précisé que, dans la préparation du rapport du Secrétaire général, le Bureau de la Conseillère juridique de l’ONU avait bénéficié du soutien du PNUD, de l’UNODC et du Bureau politique des Nations Unies pour la Somalie (UNPOS), qui œuvrent au renforcement des capacités des tribunaux du Somaliland et du Puntland.
La résolution du Conseil de sécurité, dont les termes demandent la soumission du type de rapports soumis aujourd’hui par le Secrétaire général, n’a pas spécifié s’il convenait d’étudier les différentes possibilités qui pourraient se présenter, à savoir: créer de nouvelles juridictions somaliennes; créer des chambres spécialisées au sein de tribunaux somaliens; ou encore développer la capacité des sections d’assise des juridictions somaliennes. C’est pourquoi le Secrétaire général a traité des trois possibilités dans son rapport, a expliqué Mme O’Brien. Le rapport précise aussi qu’il revient aux autorités somaliennes de décider si la création de nouvelles juridictions serait compatible avec les termes de la Constitution de la Somalie et ceux de la Charte fédérale de transition.
S’agissant des tribunaux spécialisés du Somaliland et du Puntland, la Secrétaire générale adjointe et Conseillère juridique de l’ONU a indiqué qu’ils traitent déjà beaucoup d’affaires, et a précisé que 290 dossiers de ce genre ont été examinés et bouclés au Puntland, et 94 au Somaliland. Il faudrait trois ans pour mettre les tribunaux dont nous parlons en conformité avec les normes juridiques internationales, mais cela pourrait être plus rapide si l’on avait recours à des experts juridiques internationaux, a d’autre part précisé Mme O’Brien. Il faudrait aussi construire de nouvelles prisons pour offrir aux futurs détenus 1 000 places dans des établissements qui soient conformes aux normes de droit international. Ceci nous prendrait au moins deux ans. Le coût de l’assistance du PNUD et de l’ONUDC aux juridictions et aux établissements pénitenciers, pendant trois ans, serait environ de 24 millions de dollars, a relevé Mme O’Brien.
En ce qui concerne la création d’une cour spécialisée somalienne extraterritoriale, Mme O’Brien a expliqué qu’il faudrait mettre à jour des codes de procédure et des codes pénaux, ainsi que trouver une solution à la pénurie de professionnels du droit bien formés. L’avis des autorités somaliennes est important, ainsi que celui des États de la région qui pourraient accueillir une chambre spécialisée. C’est pourquoi, a indiqué Mme O’Brien, elle-même et des membres de son Bureau ont consulté les autorités somaliennes, ainsi que celles de la République-Unie de Tanzanie, du Kenya, des Seychelles, de Maurice et de Djibouti. Il apparait que les autorités régionales somaliennes et le Gouvernement fédéral de transition n’ont pas été favorables à l’idée de créer un tribunal extraterritorial, préférant que cette juridiction se trouve en Somalie.
De son côté, le Gouvernement tanzanien s’est dit prêt à accueillir une telle juridiction dans les locaux actuels du Tribunal pénal international pour le Rwanda, situés à Arusha, sachant que ce Tribunal a la capacité de juger 30 personnes qui seraient poursuivies pour actes de piraterie. Il a cependant été noté que l’accueil d’un tel tribunal accroîtrait les risques encourus en matière de sécurité par la République-Unie de Tanzanie et par les organisations internationales siégeant à Arusha, a noté la Conseillère juridique des Nations Unies. Mme O’Brien a souligné la nécessité de discuter plus avant de la création et des modalités de fonctionnement d’une juridiction extraterritoriale. En ce qui concerne Maurice, ce pays est favorable à un tribunal extraterritorial, mais se heurte à des difficultés techniques qui l’empêchent de l’accueillir à ce stade. Enfin, Mme O’Brien a expliqué la difficulté d’évaluer le coût de la création d’une telle juridiction. En termes de ressources, elle a, à cet égard, fait une comparaison avec les chambres de crimes de guerre de la Bosnie, dont le fonctionnement coûte environ 13 millions d’euros par an.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a noté que la création des tribunaux pour lutter contre la piraterie en Somalie exige d’aller plus loin dans l’analyse du cadre juridique de ces nouveaux tribunaux. Comment doit-on les mettre en place? Qui doit-on y recruter et comment sécuriser ces entités extraterritoriales? Telles sont certaines des questions posées par M. Churkin qui a ensuite lancé un appel pour que toutes les parties impliquées dans l’examen de ces questions fassent preuve de volonté politique des parties pour pouvoir avancer dans la recherche de solutions efficaces. En outre, pour le représentant, « la création de tribunaux spécialisés au Somaliland et au Puntland, avec une participation internationale est un minimum absolu, et il est indispensable que les autorités somaliennes soutiennent et appuient ce processus ».
M. JOSÉ FILIPE MORAES CABRAL (Portugal) a déclaré que la création d’un tribunal extraterritorial contre la piraterie sur les côtes de la Somalie en République-Unie de Tanzanie, pays voisin, est pour l’heure la solution la plus sûre, la plus souple et la plus efficace pour lutter sur le plan juridique contre la piraterie au large du littoral somalien, et ce, « au vu de la situation politique et en matière de sécurité qui prévaut actuellement en Somalie ». « Toute solution ne pourra, à terme, être trouvée qu’en Somalie même », a ajouté le représentant.
M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a estimé que la première priorité demeure le renforcement de la capacité juridique de la Somalie et des autres États de la région de la corne de l’Afrique et de l’Afrique de l’Est. « La communauté internationale doit reconnaître que tout effort mené au titre de la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes ne peut se faire sans l’engagement, au plus haut niveau politique, des États en question », a souligné M. Singh Puri. « L’Inde appuie l’établissement de tribunaux extraterritoriaux qui soient conformes au droit somalien », a-t-il ajouté, notant que les compétences requises et nécessaires au fonctionnement de ces tribunaux sont disponibles parmi les membres de la diaspora somalienne « qui souhaiteront participer à la cause » de la lutte contre la piraterie.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a indiqué que son pays appuie fermement tous les efforts menés en faveur de la recherche de solutions juridiques viables. « L’accent doit être mis sur le renforcement des capacités pénitentiaires de la Somalie et des autres pays de la région, ces capacités étant même plus essentielles que celles des tribunaux », a-t-il ajouté. Le représentant a estimé important de tenir compte du fait que le Gouvernement fédéral de transition somalien n’appuie pas la mise en place de tribunaux du genre de ceux dont il est question en dehors de la Somalie. « Sans le soutien du Gouvernement national de transition, les entités extraterritoriales envisagées n’auraient pas de viabilité », a-t-il dit, soulignant en outre qu’un seul tribunal, comme celui que propose la République-Unie de Tanzanie, ne serait pas suffisant pour juridiquement faire face au phénomène de la piraterie au large des côtes somaliennes. « Le tribunal d’Arusha pour le Rwanda n’a pas encore achevé son mandat », a-t-il d’autre part fait remarquer.
Mme JOY OGWU (Nigéria) a estimé que des mesures globales sont indispensables pour faire face à la menace de la piraterie, notamment sur le plan juridique. Sa délégation, a-t-elle assuré, appuie les mesures énoncées par le rapport du Secrétaire général visant à établir une coopération internationale dans ce domaine. La diaspora somalienne devrait jouer un rôle pour renforcer les capacités du secteur judiciaire et des magistrats dans le pays. Sur le plan régional, il faudrait assurer une meilleure coordination avec le secteur privé et renforcer la lutte contre le blanchiment de l’argent. La représentante a insisté sur la nécessité pour le Gouvernement fédéral de transition de lutter efficacement contre la piraterie. Elle a appuyé par ailleurs la mise en place d’un groupe indépendant qui serait chargé d’enquêter sur la pêche illégale et le rejet de déchets toxiques dans les eaux territoriales de la Somalie.
Mme REGINA MARIA CORDEIRO DUNLOP (Brésil) a reconnu que la piraterie menace la stabilité de toute la région, tout en mettant l’accent sur le coût humain de ce fléau. Le Brésil attache une grande importance au renforcement des installations et des moyens de poursuite des pirates, a-t-elle dit. La représentante a déclaré qu’il était nécessaire pour les autorités somaliennes de prendre des mesures audacieuses pour poursuivre, appréhender et traduire en justice les pirates. Des solutions doivent être apportées aux causes sous-jacentes de la piraterie, a-t-elle estimé, soulignant l’importance d’améliorer les conditions de vie de la population pour enrayer le recrutement des pirates.
M. DAVID B. DUNN (États-Unis) a déclaré que son pays est favorable à la recherche de solution sur terre et en mer. Il a souligné le travail réalisé par l’UNODC et le PNUD pour que les tribunaux somaliens puissent juger les pirates conformément aux normes internationales. Cela pourrait se faire au cours des trois prochaines années, a-t-il noté, en se disant favorable à une solution sur le territoire de la Somalie. Une structure extraterritoriale ne serait pas idéale en raison des problèmes financiers et juridictionnels que cela impliquerait, a-t-il expliqué. Il faudrait en outre adopter des amendements majeurs à la Constitution de la Somalie et à la Charte fédérale de la transition. Cette approche, a-t-il dit, n’est pas souhaitable. Avec un appui international approprié, des tribunaux pourraient être créés dans d’autres pays de la région, a-t-il admis. Le représentant a salué, à cet égard, la proposition des Seychelles de créer un centre pénitencier régional. Soulignant l’importance de l’incarcération, il a demandé que l’on étudie de manière plus approfondie la question du transfèrement des prisonniers dans des établissements pénitenciers d’autres pays. Les États-Unis souhaitent aussi que les efforts portent sur l’élimination des flux financiers illégaux, a-t-il ajouté.
M. GÉRARD ARAUD (France) a déclaré que l’absence de situation judiciaire continue d’alimenter le fléau de la piraterie au large des côtes somaliennes et l’impunité des criminels, « une situation qui s’est aggravée ces derniers mois ». Pour le représentant, une solution nouvelle et pragmatique est nécessaire pour appréhender juridiquement le phénomène. Il a ajouté à cet égard que le Conseil de sécurité a eu raison de demander la création de juridictions spécialisées somaliennes, le cadre législatif somalien actuel étant « dépassé et incohérent ». Après avoir noté que l’assistance du PNUD et de l’UNODC permettra au Somaliland et au Puntland de traiter un certain nombre d’affaires dans un délai considérable, alors que le nombre de dossiers traités restera bien insuffisant, il a reconnu la nécessité de mettre en place des juridictions spécialisées extraterritoriales. M. Araud a plaidé à cette fin en faveur de l’implication de compétences somaliennes de la diaspora dans la solution à adopter, et il a appuyé l’installation en République-Unie de Tanzanie d’une cour spécialisée provisoire dans les locaux de l’actuel Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
M. NAWAF SALAM (Liban) a souligné l’importance d’une approche globale pour lutter contre la piraterie au large des côtes somaliennes. « Ne pas emprisonner les coupables sape les efforts engagés dans le cadre de cette lutte », a-t-il estimé. « La participation des États de la région est cruciale, mais elle ne remplacera pas la modernisation des capacités somaliennes sur le territoire somalien », a-t-il ajouté. Pour M. Salam, il convient d’envisager d’autres solutions pour garantir la compétence du droit somalien, en vue de poursuivre de manière adéquate les pirates présumés, que ce soit les cerveaux qui conçoivent et dirigent les attaques ou encore les individus qui en sont les exécutants.
M. MIGUEL BERGER (Allemagne) a estimé que les pirates devaient être traduits en justice et emprisonnés en Somalie. La création urgente de structures adéquates est essentielle pour réaliser cet objectif, a-t-il indiqué, ajoutant que le système judiciaire somalien devra respecter les normes internationales en ce qui concerne le respect des droits de l’homme. Cela permettra aux États de transférer les personnes soupçonnées de piraterie en Somalie, a-t-il notamment observé. Commentant par ailleurs la création, dans un État tiers, d’une cour extraterritoriale spécialisée dans la lutte contre la piraterie, le représentant de l’Allemagne a estimé qu’une telle solution devait être adoptée et mise en œuvre « dans des limites financières raisonnables ».
M. WANG MIN (Chine) s’est félicité des mesures prises par les États d’engager des poursuites judiciaires contre les pirates présumés en Somalie, notant cependant que la menace posée par la piraterie persiste. Le rapport du Secrétaire général jette les fondements d’un travail important pour l’avenir, a-t-il estimé. Il a salué la proposition de la République-Unie de Tanzanie visant à accueillir sur son territoire une juridiction extraterritoriale. Le représentant a par ailleurs souhaité que les difficultés liées au renforcement des juridictions spécialisées somaliennes soient surmontées et que la position exprimée par les autorités somaliennes soit respectée. Le représentant a estimé que la communauté internationale doit continuer à offrir son aide à la Somalie et aux pays de la région pour lutter efficacement contre la piraterie en mer. Pour réaliser cet objectif, il faudrait, a-t-il ajouté, s’attaquer aux causes de la piraterie en améliorant la situation économique et sociale du pays.
M. DOCTOR MASHABANE (Afrique du Sud) a fait remarquer que la menace de la piraterie était symptomatique des problèmes politiques internes de la Somalie. La communauté internationale doit assister les efforts de l’AMISOM pour lui permettre de s’acquitter efficacement de son mandat. Les mécanismes judiciaires chargés de connaître de la piraterie doivent être pleinement compatibles avec le cadre constitutionnel et législatif de la Somalie et respecter les avis des pays de la région, a-t-il poursuivi. Le représentant a ajouté que des ressources adéquates sont nécessaires pour renforcer le secteur judiciaire et les établissements pénitenciers de la Somalie. Il a fait observer que le Gouvernement fédéral de transition n’est pas favorable à la création d’une juridiction extraterritoriale, rappelant qu’il faudrait tenir compte de la position exprimée par la Somalie, de même que celle des pays de la région. Avant de conclure, il a salué l’aide fournie par le PNUD et l’UNODC pour renforcer les tribunaux somaliens et appelé les pays de la région à s’engager à poursuivre eux aussi les pirates.
M. NÉSTOR OSORIO (Colombie) a déclaré que l’objectif à atteindre reste le renforcement des capacités institutionnelles de la Somalie en matière d’état de droit. « Si des progrès ont été accomplis en ce qui concerne le Somaliland et le Puntland, ainsi que la reconstruction des prisons en Somalie, il ne fait aucun doute que l’aide de la communauté internationale reste indispensable pour améliorer la base législative et établir un code procédure pénal adéquat », a constaté M. Osorio. Le représentant colombien a également noté l’importance de former des juristes somaliens pour qu’ils puissent mener à bien des enquêtes et des procès conformes au droit international. Sur l’établissement d’un tribunal extraterritorial chargé d’appuyer la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, il a demandé que le Conseil de sécurité tienne compte du refus du Gouvernement fédéral de transition face à ce genre de démarche. Le Gouvernement national de transition estime en effet qu’une telle création le priverait des financements destinés à accompagner la reconstruction et le développement économique de la Somalie.
M. IVAN BARBALIĆ (Bosnie-Herzégovine) a estimé que le renforcement des capacités des institutions d’État de la Somalie aurait un impact positif sur la lutte contre la piraterie. Il a appelé la communauté internationale et la Somalie à continuer de travailler de manière coordonnée afin de renforcer le secteur sécuritaire dans ce pays. La Bosnie-Herzégovine estime que la création d’une cour spécialisée dans la lutte contre la piraterie, sur le territoire somalien ou dans un pays tiers, devrait avoir pour objectif de renforcer le respect de l’état de droit en Somalie, a indiqué M. Barbalić. « Ma délégation », a-t-il poursuivi, « est préoccupée par le fait que les codes pénaux et procéduraux somaliens ne sont pas à jour et contiennent de nombreuses inconsistances et déficiences ». M. Barbalić a par ailleurs observé que lors de la création d’une cour, il faudra prendre en compte la pénurie d’installations, notamment de salles d’audience, de prisons et des autres infrastructures nécessaires, que ce soit en Somalie ou sur le territoire d’un autre État de la région.
M. NELSON MESSONE (Gabon), dont le pays préside le Conseil de sécurité en ce mois de juin 2011, a souligné les progrès réalisés dans le renforcement des capacités judiciaires et pénitentiaires dans le Somaliland et dans le Puntland. « En dépit des ces avancées, les autorités somaliennes doivent faire davantage pour faire en sorte que les auteurs d’actes de piraterie soient arrêtés et poursuivis », a-t-il préconisé. Le représentant a appelé au renforcement de la coopération régionale et au partage accru d’information, la diaspora somalienne ayant en outre un « rôle à jouer dans l’appropriation des mécanismes juridiques qui seront mis en place ». Il a également estimé que le refus des autorités somaliennes concernant la création d’une cour spécialisée extraterritoriale n’était pas une position constructive, car « le problème de la piraterie dépasse largement les capacités de réponse de la Somalie ».
M. IDD BEDDEL MOHAMED (Somalie) a expliqué que, du fait de l’évolution récente de la situation en Somalie, sa délégation n’avait pas pu examiner le rapport du Secrétaire général dans les détails. Il a cependant réitéré que son pays accorde une grande importance à la lutte contre la piraterie. « Lorsque nous aurons un nouveau gouvernement en Somalie, nous apporterons notre contribution et nos suggestions », a assuré le représentant, tout en se disant prêt à travailler avec le Bureau des affaires juridiques de l’ONU sur la question de la lutte contre la piraterie.
Reprenant la parole, la Conseillère juridique de l’ONU a une nouvelle fois souligné combien le Secrétaire général est engagé dans la recherche de solutions à cette question et s’inquiète profondément des conséquences de la piraterie. « Mon Bureau, et tout le système de l’ONU, continueront à rechercher une solution à ce problème complexe », a dit Mme O’Brien.
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