Le Conseil de sécurité examine les moyens civils à mobiliser par l'ONU dans les situations postconflit
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6533e séance – matin
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ EXAMINE LES MOYENS CIVILS À MOBILISER PAR L’ONU DANS LES SITUATIONS POSTCONFLIT
Appropriation nationale, compétence, partenariat et souplesse: quatre principes d’action retenus par le Groupe consultatif de haut niveau
Le Conseil de sécurité a débattu ce matin d’un certain nombre de recommandations jugées utiles à l’Organisation des Nations Unies pour favoriser, dans des situations postconflictuelles, la prise en main de leur sort par les pays, à élargir et enrichir le choix des moyens civils d’assistance offert par la communauté internationale et à rendre son action plus utile, rapide et efficace.
Président du Groupe de travail consultatif de haut niveau, l’ancien Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Marie Guéhenno, a ainsi proposé aux membres du Conseil de sécurité quatre idées maîtresses figurant dans son rapport*: « faire en sorte que les pays prennent leur sort en main, renforcer le partenariat mondial, offrir aux pays des ressources techniques répondant à leurs besoins et allier agilité et adaptabilité en période de transition ».
« Les recommandations figurant dans le rapport vont dans le sens de la vaste réforme que j’ai entreprise, de faire de l’ONU une organisation plus ouverte et plus prompte à réagir, grâce à un partenariat plus étroit avec les États Membres », soulignait le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, dans des lettres identiques adressées le 18 février dernier aux Présidents de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.
« Le rapport, qui insiste sur la nécessité d’accomplir davantage avec les ressources disponibles et de faire un meilleur usage des mécanismes en place, rejoint mon souci constant de rendre l’Organisation plus responsable, efficiente et efficace », ajoutait-il.
Pour M. Guéhenno, dont le Groupe consultatif de haut niveau est auteur de cette « étude indépendante », le processus d’appropriation nationale passe en premier lieu par la consolidation des structures étatiques existantes, de manière à doter ces pays des moyens nécessaires pour se sortir de la crise, sans quoi l’aide internationale resterait vaine. Une telle aide doit commencer au plus tôt, a-t-il estimé, souhaitant par exemple que dans le cas du Sud-Soudan les Nations Unies s’attachent à renforcer les capacités locales pour que ce futur pays soit en mesure de définir lui-même ses priorités sur lesquelles l’Organisation alignera son processus de planification.
Rejoignant ce propos, la représentante des États-Unis a estimé que les initiatives internationales devaient renforcer les efforts nationaux en cours « au lieu de les remplacer ».
Pour ce qui est des partenariats, le Groupe consultatif de haut niveau préconise la création d’une cellule de partenariats civils au sein des Nations Unies destinée à créer des liens entre les besoins du terrain et les capacités civiles des États Membres et des organisations non gouvernementales, de façon à pouvoir plus rapidement déployer ces capacités.
Cette proposition a suscité la réaction des représentants de l’Allemagne et de la Fédération de Russie, pour lesquels il n’était pas nécessaire de créer de nouvelles structures, comme cette cellule pour les partenariats civils. Ils estiment, ainsi, qu’il vaut mieux améliorer les structures qui existent déjà et faire un meilleur usage des ressources disponibles en s’appuyant sur des partenariats.
Le Groupe consultatif a également mis l’accent sur l’importance de la coopération Sud-Sud et de la coopération triangulaire puisque, comme l’a indiqué M. Guéhenno, « l’expertise civile requise peut très souvent se trouver dans des pays ayant, eux-mêmes, récemment traversé une période de transition ou de transformation institutionnelle ».
À cet égard, le Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Eugène-Richard Gasana, du Rwanda, a insisté sur le fait que les efforts de consolidation de la paix devaient s’appuyer sur les capacités et l’expertise des régions et du « Grand Sud », en y associant les femmes et les acteurs de la société civile.
Pour le représentant de la France, les pays du Sud peuvent en effet fournir plus de capacités civiles. « Cela ne signifie pas que les pays du Nord peuvent se décharger de leurs responsabilités en matière de maintien de la paix et de développement », de même que « ce n’est pas un transfert du fardeau », c’est, a-t-il dit, « le recours à une expertise plus efficace parce que plus proche des réalités du terrain ». « L’enjeu doit être de renforcer la coopération trilatérale entre donateurs, fournisseurs de personnels et pays hôtes. C’est l’affaire de tous », a-t-il ajouté.
Le Groupe de haut niveau préconise, en outre, une approche plus cohérente de l’aide internationale avec une définition claire des rôles et responsabilités de chacun des intervenants de l’aide internationale de manière à éviter les chevauchements et pour pouvoir s’appuyer sur la responsabilisation de chacun.
Quant à la question de l’agilité et l’adaptabilité dans l’exécution des mandats des missions, le Groupe est parti du constat que les représentants du Secrétaire général sur le terrain avaient souvent des responsabilités diplomatiques et politiques importantes pour la mise en œuvre de ces mandats alors qu’ils manquaient de l’autorité requise pour pouvoir agir avec souplesse dans l’exécution.
Faisant siennes les conclusions de la réunion Union africaine-ONU, qui a eu lieu à Addis-Abeba en décembre dernier, M. Guéhenno a déclaré que « l’esprit de partenariat devait être le moteur des engagements à venir des Nations Unies dans les situations postconflit ».
La Secrétaire générale adjointe à l’appui aux missions, Mme Susan Malcorra, a ainsi mis en avant le fait que l’amélioration de la fourniture de capacités civiles devait être un effort collectif, ce qui requiert que les Nations Unies embauchent davantage de personnels, issus des pays d’accueil, venant appuyer le noyau dur constitué des membres du personnel onusien.
CONSOLIDATION DE LA PAIX APRES LES CONFLITS
Exposés
M. JEAN-MARIE GUÉHENNO, Président du Groupe consultatif de haut niveau sur les capacités civiles, a présenté le rapport du Groupe, qui, a-t-il dit, « est le fruit d’un effort collectif auquel ont également participé les États Membres, les organisations régionales et la société civile ». Partant du constat que la communauté internationale, et en particulier les Nations Unies, n’arrivait pas à apporter et déployer les capacités civiles adéquates et de qualité en temps utile dans les pays qui émergent de conflits, ce rapport avait pour objectif de se pencher sur ce problème, a-t-il expliqué. En effet, cette problématique, qui n’est pas nouvelle, se répercute directement sur les capacités des missions des Nations Unies à s’acquitter correctement de leurs mandats.
Ces missions ont le plus souvent des mandats qui englobent un ensemble d’aspects allant de la paix à la sécurité, ce qui exige un éventail plus large des qualifications et expertises civiles qui peuvent être difficiles à trouver, a souligné M. Guéhenno. Le Président du Groupe consultatif est également revenu sur les remarques faites par le Secrétaire général, en janvier dernier, lorsque celui-ci avait préconisé des « systèmes plus souples et agiles et des partenariats renforcés de manière à pouvoir fournir les capacités civiles les plus appropriées », en particulier du Grand Sud et des femmes.
Il ressort de ce rapport qu’il existe quatre points essentiels à prendre en compte, a affirmé M. Guéhenno, à savoir aider les pays à prendre leur sort en main, agir en partenariat, mobiliser les ressources techniques nécessaires et faire preuve d’agilité et d’adaptabilité.
Pour ce qui est de l’appropriation nationale, M. Guéhenno a insisté sur la nécessité de soutenir et de renforcer les capacités étatiques fondamentales en partant de ce qui existe déjà dans les pays touchés par un conflit de manière à les doter des moyens nécessaires pour se sortir de la crise, sans quoi l’aide internationale resterait vaine. À cet égard, il a cité la bonne gestion des politiques et finances publiques, la coordination de l’aide internationale, la maximisation de l’impact économique des interventions en faisant appel à des fournisseurs locaux. De même, convient-il de faire appel à des capacités locales autant que possible y compris pour doter les postes professionnels au sein des missions des Nations Unies.
Une telle aide doit commencer au plus tôt, a estimé M. Guéhenno, souhaitant par exemple que dans le cas du Sud-Soudan les Nations Unies s’attachent à renforcer les capacités locales pour que le pays soit en mesure de définir lui-même ses priorités sur lesquelles l’Organisation alignera son processus de planification.
Pour ce qui est des partenariats, compte tenu des spécificités extrêmes des besoins dans chaque pays touché par un conflit, M. Guéhenno a préconisé la création d’une cellule de partenariats civils destinée à créer des liens entre les besoins du terrain et les capacités des États Membres et des organisations non gouvernementales, de manière à pouvoir plus rapidement déployer ces capacités. Il a également souligné l’importance de renforcer la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire car l’expertise civile requise peut très souvent se trouver dans des pays ayant eux-mêmes récemment traversé une période de transition ou de transformation institutionnelle.
S’agissant de la question de l’expertise des capacités civiles, le rapport recommande la mise en place d’un modèle clair qui définit qui fait quoi, avec des responsables clairement identifiés, pour tous les aspects de manière à éviter les doublons et de renforcer les responsabilités et la responsabilisation des personnes impliquées dans le processus.
Au sujet de l’agilité, M. Guéhenno a expliqué que bien souvent les représentants du Secrétaire général sur le terrain avaient des responsabilités diplomatiques et politiques importantes pour la mise en œuvre du mandat des missions des Nations Unies, manquent souvent de l’autorité requise pour pouvoir agir avec souplesse dans l’exécution de ce mandat. Ainsi, M. Guéhenno est d’avis qu’il faut leur permettre de mener certaines activités programmatiques en attendant que les fonds et programmes des Nations Unies aient mis en place les programmes spécifiques à cet effet.
Le rapport met également en exergue le fait que les Nations Unies disposent d’un système unique et centralisé de ressources humaines chargé à la fois des recrutements pour le Siège et de ceux pour le terrain. « Il s’agit là de tâches extrêmement différentes, et peut-être impossibles à faire avec un même ensemble de règles », a estimé M. Guéhenno.
En conclusion, le Président du Groupe consultatif a regretté que la communauté internationale ait bien souvent raté les occasions qu’offrent les périodes immédiatement postconflit pour garantir la sécurité de base et fournir les dividendes de la paix, pour renforcer la confiance dans les processus politiques et les capacités nationales essentielles pour la consolidation de la paix. Or, l’insécurité est le plus grand obstacle au développement, a rappelé M. Guéhenno.
Pour répondre aux besoins des pays sortant de conflits, les Nations Unies sont en train d’essayer de recruter tout un éventail de personnel spécialisé et de développer des partenariats qui doivent permettre de trouver ces capacités humaines en temps utile. Il faut désormais se concentrer sur la demande en personnel spécialisé en comprenant mieux les besoins concrets des pays. Ainsi, les recommandations de ce rapport visent à mieux préparer la communauté internationale à répondre à ces besoins. Pour cela, M. Guéhenno préconise une approche où les Nations Unies peuvent faire appel à des partenaires tant dans les communautés d’accueil que dans les sociétés civiles de leurs États Membres, les organisations régionales et sous-régionales et autres.
Faisant siennes les conclusions de la réunion Union africaine-ONU, qui a eu lieu à Addis-Abeba en décembre dernier, M. Guéhenno a déclaré qu’elles étaient au cœur même du message de ce rapport: « L’esprit de partenariat doit être le moteur des engagements à venir des Nations Unies dans les situations postconflit. Pour cela, il faut que l’Organisation fasse preuve de souplesse et de respect. Elle doit engager les communautés d’accueil de ses missions; les États Membres qui disposent des capacités requises; les organisations régionales et sous-régionales, la société civile et le secteur privé, en étant disposée à apprendre de leurs contributions et à s’adapter. »
Mme SUSAN MALCORRA, Secrétaire générale adjointe à l’appui aux missions, a noté que le Secrétaire général avait salué les orientations proposées dans le rapport présenté par M. Guéhenno. « Les recommandations qui y figurent correspondent aux efforts en cours pour mettre au point des réponses plus ouvertes en matière de consolidation de la paix à l’ONU », a-t-elle ajouté. Concernant l’appropriation nationale, elle a reconnu la nécessité de mieux identifier et développer les capacités nationales, cela en impliquant plus avant les autorités nationales et les populations concernées par l’instauration d’une paix durable après un conflit. À cette fin, elle a préconisé d’identifier en amont les priorités dans les domaines clefs de la réforme du secteur de la sécurité, de l’état de droit, du respect des droits de l’homme, du retour des réfugiés et de la revitalisation économique.
Mme Malcorra a ensuite insisté sur le fait que l’amélioration de la fourniture de capacités civiles devait être un effort collectif, ce qui requiert que les Nations Unies embauchent davantage de personnels souples issus des pays d’accueil venant appuyer le noyau dur constitué des membres du personnel onusien. « Les États Membres et leurs partenaires extérieurs doivent travailler ensemble dans le cadre du déploiement des capacités civiles, des partenariats efficaces pouvant être noués au travers d’une coopération Sud-Sud accrue ». Enfin, Mme Malcorra a proposé d’impliquer des représentants du terrain dans les réunions du Groupe consultatif de haut niveau afin de mieux préparer la mise en œuvre progressive des recommandations du rapport dans les situations postconflit.
M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda), Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a souligné que la Commission avait établi comme priorité, cette année, le développement des moyens civils des pays figurant à son ordre du jour. La Commission a donc participé au processus consultatif qui a produit le rapport rendant compte de l’étude indépendante des moyens civils à mobiliser dans les situations postconflictuelles.
« Il faut concrétiser les actions dans les quatre domaines du rapport: prise en main de leur sort par les pays; partenariat; ressources techniques; expertise et agilité », a déclaré M. Gasana, tout en reconnaissant que l’étude avait déjà fait naître des espoirs.
D’après la Commission de la consolidation de la paix, les besoins civils des pays doivent être examinés dans le cadre des priorités les plus pressantes en matière de maintien de la paix. Il faut répondre à la demande et améliorer la manière dont sont identifiées et classées les capacités nationales et locales existantes.
Ensuite, a poursuivi le Président de la Commission, il est important de s’appuyer sur les capacités et l’expertise des régions et du Grand Sud, parmi les femmes et les acteurs de la société civile. Il faudrait aussi que la coopération Sud-Sud et les mécanismes de renforcement des capacités existant au sein du système des Nations Unies mettent davantage l’accent sur la consolidation de la paix. Enfin, M. Gasana a considéré que l’autonomisation des femmes restait une priorité.
Déclarations
Mme SUSAN RICE (États-Unis) a salué un rapport ambitieux appelant un examen approfondi des 70 recommandations qui y figurent. La représentante a ajouté que la paix se faisait toujours trop attendre après des conflits sanglants, et que, par conséquent, l’appui de la communauté internationale devait être plus efficace et opportun. Elle a reconnu la nécessité de mieux répondre, sur le terrain, aux besoins en termes d’expertises juridiques et économiques, mettant l’accent sur la nécessité de développer des instruments spécifiques.
La représentante a ensuite souligné que les efforts internationaux devaient renforcer les efforts nationaux en cours « au lieu de les remplacer ». Elle a mis en avant l’importance d’assurer l’appropriation nationale à court terme, de mettre en place des partenariats plus forts avec les entités de bailleurs de fonds et de développer une expertise civile liée de près au contexte. Mme Rice a également jugé que l’élaboration de la future mission de l’ONU au Sud-Soudan constituait une opportunité de choix pour promouvoir certaines grandes idées soulevées par le rapport du Groupe consultatif de haut niveau. Le rapport de M. Guéhenno contribue aussi au renforcement de la lutte contre les causes inhérentes au conflit, a-t-elle conclu.
M. MANJEEV SINGH PURI (Inde) a déclaré que si les missions de paix de l’ONU devaient rester la norme au cours des années à venir, il convenait d’ajouter à leurs mandats de nouvelles orientations et des ressources adaptées à l’exécution de tâches toujours importantes de maintien de la paix et de consolidation de la paix dans les sociétés postconflit. Il a jugé essentiel d’accroître l’expertise civile dans ce contexte, ajoutant que la mise en œuvre des recommandations du rapport allait entraîner la demande de création de nouvelles entités à New York « pour administrer ces capacités ». « Il faut éviter que ces structures soient trop lourdes et coûteuses », a-t-il estimé.
Le représentant de l’Inde a assuré que son pays répondrait aux appels de fournitures de contingents civils pour appuyer les gouvernements soucieux d’empêcher toute reprise de conflit. En conclusion, il a fait sienne la recommandation du rapport selon laquelle le recrutement des capacités civiles devait être effectué en partenariat avec les gouvernements et a encouragé la participation des femmes à ce niveau.
M. PETER WITTIG (Allemagne) a mis l’accent sur la nécessité de faire en sorte que les capacités nationales soient, au lendemain d’un conflit, à la hauteur des défis à relever tant sur le plan sécuritaire, économique, que pour assurer l’état de droit et protéger les droits de l’homme. Actuellement, a-t-il dit, les interventions des Nations Unies et de la communauté internationale restent encore par trop souvent éparpillées et tardives. Ainsi, il a appuyé les recommandations comprises dans le rapport du Groupe consultatif de haut niveau, et notamment le fait qu’il préconise de faire appel aux femmes parmi les capacités civiles. Le représentant a estimé que les efforts devaient tendre vers un système souple axé sur les résultats. Pour cela, il convient d’éviter les doublons au sein des Nations Unies, tandis que les procédures de recrutement des experts civils doivent être simplifiées. À cet égard, il a invité le Secrétaire général à prendre toutes les mesures nécessaires allant dans ce sens.
Le représentant est également persuadé qu’au lieu de créer des nouvelles structures, il faut améliorer celles qui existent et faire un meilleur usage des ressources disponibles en s’appuyant sur des partenariats qui sont, selon lui, des outils majeurs. À cet égard, il a cité la coopération Sud-Sud, mais également les partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales, ainsi que le secteur privé. « Il faut prendre, sans plus tarder, des mesures concrètes et le Sud-Soudan pourrait être le premier cas où les Nations Unies s’attèlent à renforcer les capacités nationales », a estimé M. Wittig. Selon lui, il n’incombe pas qu’au Conseil de sécurité de donner un suivi à ce processus, mais aussi au Secrétaire général, à l’Assemblée générale et à la Commission de consolidation de la paix (CCP).
M. BASO SANGQU (Afrique du Sud) a noté que trop souvent encore les sociétés sortant de conflits n’avaient pas les capacités nécessaires pour gérer un gouvernement et se heurtaient à des problèmes économiques de taille. Il faut, par conséquent, remettre les capacités nationales à niveau. Il est ainsi nécessaire d’examiner la façon dont les Nations Unies et les donateurs peuvent mieux utiliser les capacités civiles pour accompagner les pays émergeants d’un conflit dans ce processus.
Soulignant que les Nations Unies s’étaient toujours concentrées sur le maintien de la paix et les actions humanitaires, il a regretté le fait qu’elles n’aient pas connu de véritables succès en termes de consolidation de la paix. Pour ce qui est de la question de l’appropriation des capacités nationales, il a préconisé que cette question soit au cœur de l’approche de consolidation de la paix. Pour cela, il faut pouvoir faire appel à des experts civils de la région et aux femmes, a affirmé le représentant. Le renforcement des capacités civiles nationales et internationales restera, cependant, vain s’il ne s’accompagne pas des financements nécessaires, a conclu le délégué.
M. PHILIP PARHAM (Royaume-Uni) a jugé que l’accent devait être mis sur le renforcement des institutions, afin que les progrès en matière de sécurité, de justice et d’emploi permettent de restaurer la confiance entre le peuple et ses dirigeants. « Il faut qu’une confiance mutuelle s’établisse faute de quoi les populations n’auront pas confiance dans les différents processus politiques de reconstruction », a-t-il dit. Se référant au rapport, le représentant a souligné que l’expertise civile devait en effet être déployée le plus rapidement possible dans les contextes postconflit, mais que cet appui extérieur devait s’ajouter aux capacités nationales déjà en place. C’est pourquoi, il a plaidé pour une évaluation exhaustive des compétences déjà disponibles dans le domaine du maintien et de la consolidation de la paix. « Cela permettrait également d’élargir le réseau des experts et la capacité d’en trouver de nouveaux ayant une connaissance reconnue des besoins spécifiques des pays et des régions concernées, a encore noté le représentant.
Enfin, le délégué britannique a appelé à l’amélioration de la direction des missions dans tous leurs aspects, les responsables chargés d’en conduire les mandats devant être recrutés sur la stricte base de leurs compétences et de leur expérience. « Nous devons être unis dans l’action pour savoir qui fait quoi au sein des Nations Unies dans le domaine de la consolidation de la paix », a-t-il déclaré, avant d’indiquer que les recommandations du rapport relatives à la souplesse des ressources devaient être étudiées plus en détail.
M. NOËL NELSON MESSONE (Gabon) a plaidé pour l’instauration de partenariats sérieux, responsables et crédibles sachant prendre en compte à la fois les potentialités du pays, les aspirations et besoins réels des populations, le leadership des autorités locales ainsi que les capacités d’aide et de soutien multiforme de la communauté internationale. « Il est impératif que ce partenariat se conclue par une forte appropriation nationale, notamment dans les domaines tels que la justice, l’enseignement et les fonctions essentielles de l’administration », a-t-il souligné.
Le représentant a ajouté que tout en recevant l’assistance internationale, « l’État se doit de conserver l’exercice de ses prérogatives dans ces mêmes domaines ». M. Messone a ensuite salué la mise en place de programmes de formation des personnels civils et militaires des États en transition ou se trouvant en situation postconflit, et qui auront permis aux autorités, en République démocratique du Congo (RDC), au Timor-Leste et en Afghanistan, d’assumer les tâches qui leur sont dévolues et de prendre la relève des cadres extérieurs déployés dans les missions de consolidation de la paix.
M. ALEXANDER A. PANKIN (Fédération de Russie) a estimé que le rapport présenté ce matin par M. Guéhenno représentait une bonne plate-forme pour les discussions sur la question du renforcement des capacités civiles. Il partage l’opinion selon laquelle le déploiement des experts civils dans les pays en situation postconflit doit être plus rapide et correspondre aux besoins réels du pays. Il a également mis l’accent sur l’importance du renforcement et de l’appropriation des capacités nationales. Pour la délégation de la Russie, le rôle de la coordination de l’aide internationale doit être assumé par l’ONU parce qu’elle bénéficie de la légitimité requise.
Le représentant a réclamé des éclaircissements sur l’utilisation du personnel civil de réserve, notamment pour ce qui est de l’équilibre dans la représentation géographique. Sur le plan des ressources, il a demandé que le rapport soit plus précis pour ce qui est du financement des travaux de l’ONU sur le terrain. Il partage cependant le point de vue relatif à une plus grande souplesse dans le domaine de financement et de logistique pour ce qui est de la mise en œuvre des mandats des missions. Revenant sur la proposition du rapport de créer une cellule chargée de gérer les partenariats civils de l’ONU, il a souhaité qu’elle soit plus spécifique et a expliqué qu’en règle générale sa délégation préférait que l’on fonctionne avec les structures existantes.
Mme CAROLINE ZIADE (Liban) a rappelé que le Conseil de sécurité avait reconnu le lien entre le renforcement de l’État et la réalisation de la paix durable. Elle a salué ensuite la formation d’un Comité directeur conduit par Mme Malcorra chargée d’assurer la mise en œuvre des recommandations du rapport, demandant que ce processus soit mené en étroite concertation avec les États Membres.
Pour la représentante, il faut des propositions pratiques sur la meilleure façon de garantir l’appropriation nationale de l’effort de développement des capacités civiles qui devra être basée sur l’expertise civile déployée sur le terrain. Elle a également plaidé pour que les femmes soient davantage associées aux processus de reconstruction politique et économique dans les sociétés postconflit.
Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a proposé qu’il y ait des consultations plus larges sur le rapport du Groupe consultatif de haut niveau présenté aujourd’hui de manière à y associer un plus grand nombre d’États Membres. L’objectif étant de mieux répondre aux besoins des pays sortant de conflit, elle a appuyé la notion selon laquelle il faut renforcer les capacités nationales le plus rapidement possible et garantir leur appropriation nationale.
Par ailleurs, la représentante a estimé que les experts civils dépêchés sur le terrain devaient avoir une bonne compréhension de la réalité locale et qu’il convenait, pour cela, de faire appel aux partenariats régionaux et sous-régionaux. Pour ce qui est des opérations de maintien de la paix, elle a déclaré que les mandats de ces missions devaient être assortis d’éléments relatifs à la consolidation de la paix. De plus, « ces missions devraient avoir une empreinte plus légère avec un rôle plus important de la composante civile », a-t-elle ajouté.
M. JOÃO MARIA CABRAL (Portugal) a souligné à son tour l’importance de la promotion de l’appropriation nationale, la communauté internationale devant appuyer les capacités politiques, juridiques et économiques nationales à cette fin. « Toutefois, il faut assister et non pas remplacer les capacités nationales », a-t-il insisté avant de mettre l’accent sur la nécessité de définir des mandats de consolidation de la paix clairs en matière civile et politique.
Le représentant du Portugal a aussi attiré l’attention sur l’urgence pour l’ONU à faire preuve de plus de souplesse et de réactivité dans des environnements changeants, cela afin de permettre une réallocation plus prompte des ressources vers des secteurs devenus prioritaires en fonction de l’évaluation de la situation sur place.
M. YANG TAO (Chine) a réaffirmé le rôle essentiel que les Nations Unies doivent jouer en termes de consolidation de la paix en situation postconflit, puis a mis l’accent sur l’importance des capacités civiles dans ce contexte. Pour lui, il s’agit d’abord d’utiliser pleinement les ressources humaines du pays hôte, ce qui contribue non seulement à une meilleure connaissance de la réalité locale, mais facilite aussi le processus d’appropriation des capacités nationales.
Par ailleurs, le représentant a estimé que la communauté internationale, et en particulier l’ONU, devait se concentrer sur la formation et le recrutement d’experts civils adéquats pour pouvoir répondre aux besoins réels des pays émergeants de conflits, notamment des professionnels venant de pays en développement. Pour cela, il a demandé que les procédures de recrutement de l’ONU soient révisées en fonction des besoins réels. Il a également insisté sur le fait que pour être efficaces, tous ces efforts devaient s’accompagner des financements requis. Il a émis l’espoir de voir les États Membres, en mesure de le faire, appuyer ces recommandations.
Mme U. JOY OGWU (Nigéria) a assuré que son pays appuyait la vision de l’examen effectué par M. Guéhenno. Elle a indiqué qu’une situation de transition telle que celle que présente le Sud-Soudan donnait l’occasion au Conseil de sécurité d’identifier les pratiques optimales dans le domaine des capacités civiles, y compris celle consistant à aborder l’assistance fournie par la communauté internationale.
Rappelant que le système de l’ONU avait l’obligation d’appuyer le développement des capacités locales pour aider au rétablissement de l’état de droit, « qui est la base de la consolidation de la paix dans les sociétés sortant d’un conflit », elle a souhaité que le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) et le Conseil de sécurité trouvent, ensemble, les moyens de mettre pleinement en œuvre les recommandations du Groupe consultatif de haut niveau. Elle a considéré que cet effort commun permettrait de traduire en actes la culture de responsabilisation que les États Membres appellent de leurs vœux, cela passant notamment, a-t-elle dit, « par de nouveaux processus de recrutement des personnels de terrain ».
M. IVAN BARBALIĆ (Bosnie-Herzégovine) a souligné que la consolidation d’institutions responsables, légitimes et résilientes devrait constituer un objectif stratégique dès les premières phases d’un processus de consolidation de la paix. Il faut donner la priorité au développement des institutions qui empêcheront la reprise du conflit et réduiront progressivement la dépendance des pays vis-à-vis de la communauté internationale, tout en développant l’autosuffisance. La Bosnie-Herzégovine appuie les recommandations qui consistent à donner la priorité aux capacités nationales et à fournir une expertise adaptée aux besoins spécifiques des pays se trouvant dans une situation post conflictuelle, a dit M. Barbalić. Le renforcement des moyens nationaux et des fonctions essentielles de l’État joue un rôle clef à cet égard.
La question des moyens civils à mobiliser étant de nature intersectorielle, elle offre aux États Membres l’opportunité d’améliorer leur coopération dans le cadre des opérations de maintien de la paix ou des missions politiques, tandis que l’ONU peut jouer le rôle de « plate-forme » pour fournir le savoir-faire. Selon le représentant, les processus de planification doivent inclure d’emblée les vues des États Membres, l’expertise et les priorités. L’ONU doit s’assurer que la problématique hommes-femmes est également prise en compte dans ces processus.
M. FERNANDO ALZATE (Colombie) a estimé que le rôle des capacités civiles ne saurait être sous-estimé. S’il n’y a pas de panacée qui puisse s’appliquer à tous les cas de figure, il faut par conséquent avoir des principes fondamentaux qui permettent aux Nations Unies de rapidement faire face aux besoins spécifiques des pays, et les quatre domaines identifiés dans le rapport lui semblent opportuns. En ce sens, les consultations permanentes avec les pays sortant d’un conflit sont essentielles, selon le représentant, pour pouvoir déterminer les priorités de ces États et ensuite les accompagner dans le processus d’appropriation nationale.
Le représentant de la Colombie a partagé, en outre, le point de vue selon lequel les missions des Nations Unies doivent disposer d’une feuille de route claire, avec une définition explicite des responsabilités de chacun de manière à éviter tout chevauchement. Pour ce qui est du recrutement des experts civils, il faut développer selon lui, des systèmes de recrutement plus souples et qui tiennent compte des considérations financières. Il préconise ainsi de puiser autant que possible dans les capacités humaines nationales des pays hôtes des opérations de maintien de la paix engagés dans la consolidation de la paix.
M. GÉRARD ARAUD (France) a déclaré que la mise en œuvre du rapport exigeait un effort commun du Secrétariat et des États Membres, « comme ce fut le cas avec le rapport Brahimi ». Le représentant a également demandé d’éviter la tenue de débats idéologiques, appelant les États à se consacrer sur l’essentiel en aidant le Secrétaire général à mettre en œuvre le rapport de la meilleure des façons possibles. Pour ce qui est de la réalisation de l’appropriation nationale, il a noté que la mobilisation des ressources humaines locales avait une importance cruciale.
Concernant la nécessité de multiplier les partenariats, il a estimé que les pays du Sud pouvaient fournir plus de capacités civiles « Cela ne signifie pas que les pays du Nord peuvent se décharger de leurs responsabilités en matière de maintien de la paix et de développement », de même que « ce n’est pas un transfert du fardeau », c’est, a-t-il dit, « le recours à une expertise plus efficace parce que plus proche des réalités du terrain ». « L’enjeu doit être de renforcer la coopération trilatérale entre donateurs, fournisseurs de personnels et pays hôtes. C’est l’affaire de tous », a-t-il ajouté. M. Araud a, en outre, encouragé les initiatives sur le terrain en donnant plus de marge de manœuvre aux représentants spéciaux du Secrétaire général dans la gestion des capacités civiles à disposition. Le représentant de la France a, par ailleurs, insisté sur le fait que le suivi des recommandations devrait être effectué avec la participation de tous les États Membres sur la base du consensus.
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