Somalie: la lutte contre la piraterie passe par une « somalisation » des solutions, affirme le Conseiller spécial du Secrétaire général
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Conseil de sécurité
6473e séance – matin
SOMALIE: LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE PASSE PAR UNE « SOMALISATION » DES SOLUTIONS, AFFIRME LE CONSEILLER SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
M. Jack Lang recommande au Conseil de sécurité d’engager une « action forte et déterminée »
« Agissez vite, agissez fort! » Le Conseiller spécial du Secrétaire général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, M. Jack Lang, a invité aujourd’hui le Conseil de sécurité à engager une « action forte et déterminée » contre les pirates et les commanditaires.
« Nous ne pouvons nous satisfaire du statu quo », a-t-il déclaré, soulignant que l’« extrême gravité » de la situation exigeait des « solutions d’extrême urgence ».
M. Lang, qui présentait au Conseil son rapport, fruit de « nombreuses consultations auprès de 50 États, organisations internationales, entreprises privées et instituts de recherche », a observé que seule une « ‘somalisation’ des réponses juridictionnelles et pénitentiaires pourrait assurer l’efficacité des poursuites et ainsi mettre fin à l’impunité des pirates ».
Le Conseiller spécial a ainsi préconisé la création de deux « juridictions spécialisées », l’une au Puntland, l’autre au Somaliland, et la construction à court terme d’une prison dans chacune de ces deux régions. Il a de même proposé l’établissement pendant une période de transition d’une juridiction extraterritoriale à Arusha, en République-Unie de Tanzanie.
Ces mesures ont été évaluées à environ 25 millions de dollars, ce qui, a-t-il dit, « est relativement modeste par rapport au coût total de la piraterie estimé à 7 milliards de dollars ». La composante internationale visant à former les juges, les procureurs, les avocats, les gardes pénitentiaires « est essentielle », a-t-il assuré, notant que « l’ONU, mais aussi l’Union africaine, l’Union européenne et d’autres organisations devraient y contribuer ».
Dans la « lutte sans merci » à livrer au sommet contre les commanditaires, M. Lang formule dans son rapport trois propositions: le renforcement de la police scientifique, le recueil des éléments de renseignement et de preuve et l’application de sanctions individuelles. Contre les pirates de base, le plan antipiraterie comporte à la fois des mesures de prévention, en particulier économiques, et de répression.
De son côté, le Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques, M. Stephen Mathias, a attiré l’attention sur les références faites par le Conseiller spécial au cadre international juridique applicable à la piraterie. Ce cadre a été défini en 1982 par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui fixe aussi les dispositions en vigueur du droit de la mer, a-t-il rappelé.
D’autres instruments, telle que la Convention de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, sont également pertinents pour lutter contre la piraterie, a précisé M. Mathias. Dans le contexte de la Somalie, le régime juridique existant est complété par un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité, tandis que le Code de conduite de Djibouti portant sur la répression de la piraterie et des attaques à main armée contre des navires dans l’océan Indien et le Golfe d’Aden constitue également un outil de référence pour une coopération renforcée entre les États de la région.
Lors du débat qui a suivi la présentation des deux exposés, le représentant de la Somalie a souligné que le phénomène de la piraterie au large des côtes de son pays persistait et prenait de l’ampleur. Il a en outre relevé un écart entre les propositions faites et les « insuffisances financières ou juridiques » pour les mettre en œuvre.
L’ensemble des membres du Conseil de sécurité ont exprimé leur inquiétude face à la gravité de la situation, partageant en cela le constat et l’analyse de M. Lang. Beaucoup ont déploré l’impunité presque complète dont jouissent les pirates et surtout leurs commanditaires.
Pour la Fédération de Russie, les propositions du Conseiller spécial constituent à cet égard une « base solide », mais devraient « reposer sur le travail accompli jusqu’à présent ». « Tout en examinant la possibilité de créer des mécanismes supplémentaires, il faudrait continuer à soutenir les programmes existants pour le renforcement des capacités juridictionnelles », a estimé pour sa part la représentante des États-Unis.
La communauté internationale doit agir face à un phénomène « qui prend de l’ampleur », car l’outil militaire ne suffit pas et doit être accompagné d’un dispositif juridique et judiciaire, a affirmé le représentant de la France. Il n’est pas acceptable, a-t-il déclaré, que 9 pirates sur 10 soient aujourd’hui relâchés faute de capacités de traitement judiciaire et pénitentiaire.
Comme plusieurs de ses homologues, le représentant de l’Afrique du Sud a plaidé en faveur d’une « approche multidimensionnelle » pour appréhender la question de la piraterie au large des côtes somaliennes qui, a-t-il dit, « doit s’inscrire dans le cadre du retour à la paix et à la sécurité du pays et de son développement social et économique ». Il a ainsi fait siens les propos du Conseiller spécial selon lesquels l’élimination de la piraterie doit se faire parallèlement à la création d’opportunités économiques et à l’élargissement des perspectives offertes à la jeunesse somalienne.
Par ailleurs, à l’ouverture de la séance, une minute de silence avait été observée à la mémoire des victimes de l’acte terroriste commis hierà l’aéroport Domodedovo de Moscou.
LA SITUATION EN SOMALIE
Exposés
M. JACK LANG, Conseiller spécial du Secrétaire général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, qui présentait au Conseil de sécurité les principales conclusions de sa mission, a indiqué que le rapport du Secrétaire général sur les sept options l’avait guidé dans sa réflexion et avait constitué une excellente base de travail. M. Lang a ajouté qu’il avait mené de nombreuses consultations auprès de 50 États, organisations internationales, entreprises privées et instituts de recherche. Il s’est rendu dans la plupart des États de la région, ainsi qu’en Somalie, et notamment au Puntland et au Somaliland où il a visité des prisons et parlé avec les pirates détenus en Somalie, mais aussi à Mombasa, au Kenya.
Le Conseiller spécial a affirmé avoir retenu de ces consultations un sentiment d’extrême urgence. La situation est grave et s’aggrave davantage, a-t-il déclaré. Les pirates sont somaliens, a-t-il précisé. L’épicentre de la piraterie est le Puntland: les attaques partent de plus en plus vers le sud, mais le Puntland reste la principale zone de refuge des pirates, a-t-il dit. M. Lang a notamment souligné que les pirates avaient pris en otage près de 2 000 personnes en deux ans, tandis que les équipages sont désormais utilisés comme des boucliers humains pour commettre d’autres attaques. La situation est également grave pour les économies de la région, pour la Somalie elle-même et pour le commerce maritime international, a-t-il ajouté.
« Nous ne pouvons nous satisfaire du statu quo », a-t-il estimé, soulignant que l’extrême gravité exigeait des solutions d’extrême urgence. M. Lang a ainsi soumis un plan ordonné autour de deux questions: comment peut-on améliorer les situations actuelles? Peut-on imaginer des solutions nouvelles, éventuellement plus efficaces? Le rapport, a-t-il précisé, propose une série de mesures destinées à lever les obstacles juridiques à la poursuite des pirates et à leur emprisonnement. Il a par exemple suggéré d’incorporer dans le droit interne de tous les États le crime de piraterie et d’adapter la rétention en mer aux contraintes opérationnelles.
Des propositions sont formulées pour faciliter l’administration de la preuve en rendant par exemple plus aisé le témoignage par visioconférence. Le rapport propose aussi de faire sauter un des principaux verrous: l’absence de capacités pénitentiaires des États de la région. Si ces propositions étaient retenues par le Conseil de sécurité, la situation ne serait pas totalement transformée, a-t-il dit. En effet, neuf sur dix pirates capturés seront relâchés, car la plupart des États n’accepteront pas de manière effective de poursuivre les pirates, et c’est pourquoi, il est nécessaire de trouver d’autres pistes qui assureraient les marines nationales d’une compétence juridictionnelle lorsqu’elles capturent les présumés pirates.
Le Conseiller spécial a indiqué que les consultations qu’il avait entreprises lui avaient permis de faire émerger l’idée que seule une « somalisation » des réponses juridictionnelles et pénitentiaires pourrait assurer l’efficacité des poursuites et ainsi mettre fin à l’impunité des pirates. La Somalie est la source et la principale victime de la piraterie, a-t-il dit, notant que la mobilisation des tribunaux et des prisons somaliens pourrait seule assurer que les pirates interceptés soient poursuivis et emprisonnés.
M. Lang a en outre estimé que l’éradication de la piraterie ne pourrait être effective que si la communauté internationale réagit rapidement et efficacement face aux pirates de base qui sillonnent l’océan Indien et aux chefs commanditaires qui organisent l’économie mafieuse. Au sommet, il faut mener une lutte sans merci contre les commanditaires, en remontant les filières, a-t-il dit, précisant que le rapport formulait trois propositions: le renforcement de la police scientifique, le recueil des éléments de renseignement et de preuve et l’application de sanctions individuelles contre les commanditaires. Contre les pirates de base, le plan antipiraterie comporte à la fois des mesures de prévention, en particulier économiques, et de répression.
Le plan de répression des actes de piraterie comporte, a-t-il souligné, une série de mesures concrètes qui peuvent être prises en s’appuyant notamment sur l’expertise de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC). M. Lang a ainsi proposé deux juridictions spécialisées, l’une au Puntland, l’autre au Somaliland. Le droit applicable serait le droit somalien réformé sous l’égide de l’UNODC dans le cadre du processus de Kampala, en associant le Gouvernement fédéral de transition, le Puntland et le Somaliland. Par ailleurs, il a indiqué que le Président de la République-Unie de Tanzanie avait été consulté sur l’idée de créer, pendant une période de transition, une cour somalienne sur le territoire tanzanien. Après cette période de transition, a-t-il précisé, elle serait transférée à Mogadiscio. En outre, pour briser le principal verrou qu’est l’emprisonnement, il faut construire à court terme deux prisons, au Somaliland et au Puntland. La composante internationale pour former les juges, les procureurs, les avocats, les gardes pénitentiaires est essentielle, a-t-il précisé, notant que l’ONU, mais aussi l’Union africaine, l’Union européenne et d’autres organisations devraient y contribuer.
M. Lang a insisté sur le fait que les solutions en Somalie ne doivent pas être considérées comme des solutions à long terme. Il y a urgence, a-t-il déclaré, soulignant la nécessité de commencer à les mettre en place dès maintenant. Dans huit mois, les capacités pénitentiaires et la création des juridictions spécialisées seront pleinement effectives, a-t-il poursuivi. Le Conseiller spécial a précisé que la construction des deux prisons et la création des deux juridictions spécialisées et de la cour extraterritoriale à Arusha avaient été évaluées à environ 25 millions de dollars, ce qui, a-t-il dit, est relativement modeste par rapport au coût total de la piraterie estimé à 7 milliards de dollars. Ce coût, a-t-il averti, ne fera que croître. La communauté internationale attend une résolution ferme qui fixerait le cap et entraînerait l’ensemble des États, a déclaré le Conseiller spécial.
Quelles que soient les propositions que le Conseil aura à retenir, il conviendra d’aller vite, a-t-il estimé. Une exécution rapide nécessiterait, à ses yeux, la désignation d’une haute personnalité qui mobiliserait toutes les énergies. L’inaction engendrerait terrorisme, grave crise économique dans l’océan Indien, perturbation profonde du commerce international, phénomène de tache d’huile, a prévenu M. Lang. C’est pourquoi, il a préconisé une action déterminée et forte. « Agissez vite, agissez fort! », a-t-il conclu, à l’adresse des membres du Conseil de sécurité.
M. STEPHEN MATHIAS, Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques, a attiré l’attention sur les références faites par le Conseiller spécial au cadre international juridique applicable à la piraterie. Ce cadre a été défini en 1982 par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui fixe aussi les dispositions en vigueur du droit de la mer, a-t-il rappelé. D’autres instruments, telle que la Convention de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, sont également pertinents pour lutter contre la piraterie, a relevé M. Mathias. Dans le contexte de la Somalie, le régime juridique existant est complété par un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité. Le Code de conduite de Djibouti portant sur la répression de la piraterie et des attaques à main armée contre des navires dans l’océan Indien et le Golfe d’Aden constitue également un outil de référence pour une coopération renforcée entre les États de la région, a-t-il précisé.
Le Conseiller spécial a souligné avec justesse, a noté M. Mathias, que la Convention et le droit coutumier international établissent une juridiction universelle sur les actes de piraterie. Tous les États sont en droit de lancer des poursuites contre les auteurs d’actes de piraterie, quels que soient leur nationalité et le lieu où ces actes sont perpétrés. Le meilleur moyen d’élargir le nombre d’États susceptibles de lancer de telles poursuites et de saisir des navires sous le contrôle de pirates tient à la mise en œuvre du régime juridique international existant et à la volonté politique d’entreprendre des actions, a assuré le Sous-Secrétaire général, comme l’encourage à le faire la résolution 1950 (2010) du Conseil de sécurité.
En raison du nombre croissant de suspects arrêtés en mer par des forces navales, le Conseiller spécial a fait souligné la nécessité d’adopter des dispositifs adéquats pour leur incarcération, a également noté le Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques. C’est pourquoi, il est revenu sur la proposition de M. Lang de mettre en place un système de tribunaux à trois niveaux, qui comprendrait des tribunaux spécialisés basés dans le Puntland et le Somaliland, renforcés par une juridiction extraterritoriale spécialisée établie dans un pays tiers de la région. Il a estimé que la création de deux juridictions somaliennes spécialisées relèverait de l’option 3 figurant dans le rapport du Secrétaire général et que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) œuvrait actuellement à l’établissement de tels tribunaux. Par ailleurs, la création du tribunal extraterritorial, qui appliquerait le droit somalien, relèverait de l’option 2 présentée dans le même rapport. Dans les deux cas, le rapport du Secrétaire général identifie les avantages et les inconvénients de ces deux options. M. Mathias a souhaité qu’une discussion au sujet de ces deux options soit engagée rapidement.
Déclarations
M. ELMI AHMED DUALE (Somalie) a reconnu que le pays était depuis longtemps confronté au problème de la piraterie. À chaque fois que le Conseil de sécurité aborde cette question, le Secrétaire général présente un rapport contenant plusieurs options qui sont ensuite examinées par les membres du Conseil, a-t-il rappelé, faisant cependant remarquer que sur le terrain, le phénomène persistait et prenait de l’ampleur. Il existe, a-t-il estimé, un écart entre les propositions faites et les insuffisances financières ou juridiques pour les mettre en œuvre. Rappelant qu’à ce jour, plus de 1 000 personnes avaient été prises en otage par des pirates au large des côtes somaliennes, le représentant a déclaré qu’il était temps d’engager une action, à la fois sur les plans sécuritaire et humanitaire. Avant de conclure, il a souhaité que le Conseil de sécurité examine soigneusement cette question et prenne les mesures nécessaires pour faire appliquer les propositions avancées par le Conseiller spécial, le Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques et le Secrétaire général de l’ONU.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a jugé important que les conclusions du rapport du Secrétaire général soient basées sur les informations recueillies dans la région. Il a partagé l’analyse et les préoccupations du Conseiller spécial, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’engager une action nouvelle face à cette menace. La piraterie présente les caractéristiques d’une maladie chronique qui se propage rapidement, avec des moyens de plus en plus sophistiqués, a-t-il fait remarquer. Il s’est également dit très préoccupé par le fait que, non loin des Seychelles, dans des zones contrôlées par des marines nationales, des bateaux russes aient été saisis. Le problème ne pourra pas être résolu tant que des facteurs plus profonds ne pourront être examinés, a-t-il fait observer, citant l’absence de stabilité et de vie économique normale en Somalie.
Le représentant a également déploré l’impunité presque complète des pirates et surtout de leurs commanditaires. Les propositions de M. Jack Lang constituent une base solide à cet égard, a-t-il dit, estimant néanmoins qu’elles devraient reposer sur le travail accompli jusqu’à présent. Les deux juridictions spécialisées au Puntland et au Somaliland, ainsi que le tribunal spécialisé extraterritorial proposés par le Conseiller spécial méritent un examen approfondi. Un tel mécanisme pourra accomplir les tâches requises si des experts internationaux y participent, a-t-il ajouté.
Mme SUSAN RICE (États-Unis) a estimé que la piraterie constituait une menace à la paix et à la sécurité internationales, tout en mettant en péril la chaîne d’acheminement humanitaire et provoquant une flambée du prix des produits de base dans la région. Comme l’indique le rapport du Secrétaire général, l’adoption de meilleures pratiques de surveillance des côtes somaliennes est susceptible de faire baisser le nombre des actes de piraterie, a-t-elle relevé. Mme Rice a également appuyé la recommandation visant la coopération avec le Somaliland et le Puntland, tout en rappelant que la solution réside dans la stabilité de la Somalie. Elle s’est ensuite déclarée favorable à l’idée selon laquelle tous les États devraient promulguer des lois contre la piraterie. Les États-Unis, pour leur part, encouragent depuis longtemps les États battant pavillon à engager des poursuites contre les auteurs d’actes de piraterie, à l’instar du Kenya ou des Seychelles qui ont déjà pris des mesures en ce sens. Tout en examinant la possibilité de créer des mécanismes supplémentaires, il faudrait continuer à soutenir les programmes existants pour le renforcement des capacités juridictionnelles, a estimé la représentante.
Comme le souligne le rapport du Secrétaire général, l’incarcération peut constituer un obstacle au travail des tribunaux, a prévenu Mme Rice. C’est pourquoi, elle a souligné l’importance d’apporter un soutien à l’ONUDC dans le cadre de ses programmes visant à élargir les capacités d’accueil du système pénitentiaire somalien. Avant de conclure, elle a annoncé la tenue, en mars à Washington D.C., d’une session extraordinaire du Groupe de contact international sur la Somalie en vue d’élaborer une stratégie et un plan d’action visant à mieux lutter contre la piraterie.
M. PHILIP JOHN PARHAM (Royaume-Uni) a affirmé partager l’avis du Conseiller spécial selon lequel la menace que constitue la piraterie est grave et mérite une solution d’urgence. Il importe au premier chef d’augmenter les capacités pénitentiaires, a-t-il déclaré. M. Grant a également souligné qu’il était vital de développer les structures judiciaires au Puntland et au Somaliland conformément au programme actuel de l’UNODC. Le représentant a cependant émis des doutes sur la création d’un tribunal spécialisé somalien ayant une compétence extraterritoriale, conformément à l’échéancier prévu.
Le représentant a également convenu de la nécessité d’adopter une démarche globale fondée, notamment, sur des bases politiques, juridiques ou économiques. Il s’est aussi félicité que les éléments du plan présenté par le Conseiller spécial concordent avec le plan d’action contenu dans le rapport d’évaluation du Groupe de contact de janvier 2010. Il s’est réjoui de la coordination avec le Groupe de contact qui, a-t-il assuré, a un rôle majeur dans la région.
M. PETER WITTIG (Allemagne) a, à son tour, estimé que l’action militaire et judiciaire ne traite que des symptômes de la piraterie. Nous devons nous attaquer aux facteurs de ce phénomène, a-t-il dit, en appelant la communauté internationale à continuer à soutenir le rétablissement de la paix et de la sécurité en Somalie ainsi que son développement. Il nous faut des opportunités économiques et des acteurs publics capables de lutter contre la piraterie. Ces tâches dévolues à la police, aux gardes-côtes et aux officiers du maintien de l’ordre doivent être créées et renforcées en Somalie, a insisté le représentant. Il a estimé qu’en l’occurrence, le Groupe de contact et le fonds fiduciaire peuvent être très utile.
La solution pourrait aussi être de créer un tribunal somalien dans un pays tiers et de le transférer plus tard en Somalie, a-t-il reconnu. Le système judiciaire somalien doit être remis au niveau des normes internationales pour envisager tout transfèrement, a insisté le représentant. Il a donc appelé les pays de la région à renforcer leur coopération en matière de poursuites et de détentions, sachant que les accords sur les transfèrements pourraient renforcer la lutte contre la piraterie.
M. DOCTOR MASHABANE (Afrique du Sud) a lui aussi préconisé une approche multidimensionnelle pour appréhender la question de la piraterie au large des côtes somaliennes qui, a-t-il dit, doit s’inscrire dans le cadre du retour à la paix et à la sécurité du pays et de son développement social et économique. À cet égard, il a fait siens les propos du Conseiller spécial selon lesquels l’élimination de la piraterie doit se faire parallèlement à la création d’opportunités économiques et à l’élargissement des perspectives offertes à la jeunesse somalienne. S’agissant des aspects juridiques, il a espéré que le Conseil de sécurité examinerait les propositions du Secrétaire général et du Conseiller spécial visant à développer les capacités juridictionnelles de la Somalie, pour que le pays s’inscrive dans une stratégie judiciaire à long terme de lutte contre la piraterie. Le représentant s’est dit convaincu que c’est en instaurant la stabilité en Somalie qu’il sera mis fin à la piraterie.
Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) s’est félicitée des larges consultations qui ont présidé à l’élaboration du rapport du Conseiller spécial et de l’effort fourni en vue de traiter plusieurs facettes du problème, en particulier économiques et sociales. Le rapport souligne l’urgence qu’il y a de trouver des solutions durables face à la menace que constitue la piraterie, a-t-elle fait observer. Elle s’est félicitée du fait que le rapport présente des recommandations concrètes visant la prévention et la répression.
Mme Ribeiro Viotti a souligné qu’il était important que le Conseil de sécurité agisse contre la piraterie de manière cohérente avec les efforts entrepris en Somalie, en particulier avec la décision d’autoriser le renforcement de la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) et l’examen des recommandations en cours de l’Union africaine. La représentante s’est également félicitée de l’importance que le Conseiller spécial, M. Jack Lang, accorde à la réhabilitation des zones côtières. Elle a également insisté sur la nécessité de relancer et de renforcer le processus de Kampala, en vue d’examiner les difficiles questions qui se posent à long terme.
M. JOSE FILIPE MORAES CABRAL (Portugal) a déclaré que la communauté internationale et le Conseil de sécurité ne pouvaient ignorer la situation en Somalie, alors que les activités de piraterie s’étendent aux pays voisins et que le nombre d’otages est « impressionnant et inquiétant », sans parler des victimes parmi la population somalienne. Il a souhaité que plus d’appui, notamment financier, soit accordé aux fonds et programmes de l’ONU et au Groupe de contact sur la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes. Le prix de l’inaction serait beaucoup trop élevé, a-t-il prévenu. Le représentant a par ailleurs estimé que le succès de toute stratégie dépendait de l’autonomisation de la Somalie et de la nécessité de s’assurer de sa capacité à lutter contre ce phénomène de l’intérieur. Il a notamment évoqué le renforcement des institutions, le respect de l’état de droit et l’activité économique.
On ne peut ignorer le fait que la piraterie trouve ses racines dans la persistance d’une situation de conflit et d’instabilité, et qu’il devient d’autant plus difficile pour les Somaliens de créer des alternatives à cette « économie de la piraterie », a fait remarquer le représentant. Le représentant a fait sienne la proposition du Secrétaire général visant l’adoption d’une approche multisectorielle axée sur les domaines économique, sécuritaire et judiciaire. Il faut également investir dans des programmes efficaces de réinsertion sociale et accorder une attention particulière à la situation des enfants qui sont utilisés dans les activités de piraterie, a-t-il ajouté. Le représentant a insisté sur la nécessité de diversifier les mécanismes de lutte contre l’impunité et d’établir une proximité à la justice, de créer un réseau juridictionnel régional et de renforcer le système de justice somalien. Il s’est par ailleurs félicité de la proposition de créer un tribunal spécialisé somalien à l’extérieur du territoire somalien, pour compléter le rôle que joueront les tribunaux spécialisés au Somaliland et au Puntland.
M. NESTOR OSORIO (Colombie) s’est déclaré préoccupé par l’ampleur du phénomène de la piraterie au large des côtes somaliennes, qui exige d’adopter une nouvelle approche basée sur un cadre juridique renforcé et le développement social et économique des pays. La situation est critique et les capacités limitées de la Somalie pour assurer les patrouilles en mer et lancer des poursuites nécessitent l’adoption de mesures concrètes pour y remédier, a-t-il fait remarquer. À cet égard, il a tenu à rappeler que le Groupe de contact international pour la Somalie avait souligné qu’en dépit de son volume limité, les effets du commerce illicite d’armes légères et de petit calibre dans la région étaient dévastateurs. C’est la raison pour laquelle les poursuites doivent être élargies aux trafiquants de telles armes dans la région, a suggéré M. Osorio. Pour sa délégation, les investissements à long terme en Somalie, par exemple dans le développement de ses infrastructures portuaires, constituent l’option la plus viable et la moins coûteuse pour venir à bout du phénomène de la piraterie.
M. GÉRARD ARAUD (France) a appelé la communauté internationale à agir face à un phénomène « qui prend de l’ampleur », car l’outil militaire ne suffit pas. Il doit être accompagné, a-t-il estimé, d’un dispositif juridique et judiciaire. Il n’est pas acceptable, a-t-il déclaré, que neuf pirates sur 10 soient aujourd’hui relâchés faute de capacités de traitement judiciaire et pénitentiaire. Il faut trouver, a-t-il préconisé, une solution rapide, réaliste et durable. Approuvant les 25 propositions identifiées dans le rapport du Conseiller spécial, le représentant a estimé qu’elles peuvent être opérationnelles en moins d’un an. Il appartient désormais au Conseil de transformer ces propositions en actions, a-t-il dit, en encourageant le lancement de négociations sur un projet de résolution.
« Ce travail doit débuter sans tarder: c’est notre responsabilité de ne pas laisser la piraterie gagner du terrain », a insisté le représentant de la France. Il a proposé que la mission de suivi de la mise en œuvre des propositions soit confiée à un représentant spécial adjoint qui serait placé auprès du Représentant spécial du Secrétaire général pour la Somalie. Pour trouver les financements nécessaires, il a appuyé l’idée de convoquer une conférence internationale de donateurs pour renforcer le soutien au fonds fiduciaire du Groupe de contact pour la lutte contre la piraterie.
M. RAFF BUKUN-OLU WOLE ONEMOLA (Nigéria) a affirmé qu’il partageait le sentiment d’urgence du Conseiller spécial en vue d’une action rapide pour s’attaquer à la piraterie au large des côtes somaliennes. Il s’est félicité de ses recommandations visant à améliorer la composante opérationnelle de la lutte contre la piraterie telle que l’extension de la portée de l’autoprotection, le renforcement et l’adaptation des opérations navales, l’intensification de la surveillance des côtes somaliennes. Il s’est également félicité des propositions concernant les composantes judiciaires et pénitentiaires de la lutte contre la piraterie. L’efficacité de ces mesures dépend, a-t-il dit, de l’élimination des contraintes immédiates concernant la coordination des poursuites internationales des pirates et d’un partenariat international plus étroit.
Le représentant a appelé à la création d’un cadre législatif international cohérent pour combler les incertitudes du droit international. Le Conseil de sécurité, a-t-il estimé, a déjà établi un précédent dans ce domaine, grâce à sa résolution 1950. En matière de prévention, il a mis l’accent sur la nécessité de fournir un appui à un mécanisme interne qui complèterait les efforts de la communauté internationale entrepris pour combattre cette menace.
M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a rappelé que l’instabilité continue de la Somalie ne permettait pas d’apporter une réponse efficace au problème de la piraterie, même si le Gouvernement fédéral de transition avait identifié la lutte contre ce phénomène comme un domaine majeur de coopération dans le cadre du processus de Kampala. Il a lui aussi préconisé une approche globale de la lutte contre la piraterie axée sur le renforcement de la traçabilité de l’argent des rançons exigées par les pirates, les poursuites lancées contre les récipiendaires de cet argent, le regroupement des opérations navales sous l’égide des Nations Unies, la surveillance maritime renforcée et l’application des lois visant à criminaliser la piraterie, comme le prévoit la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Pour sa part, l’Inde est activement engagée dans la lutte contre ce phénomène, a souligné M. Puri. Présentes dans le Golfe d’Aden depuis octobre 2008, les forces navales indiennes –23 bâtiments au total- ont ainsi escorté 1 487 navires, a indiqué le représentant, qui a précisé qu’aucun de ces navires n’avait fait l’objet d’une attaque.
M. WANG MIN (Chine) a affirmé que pour régler le problème de la piraterie en Somalie, il convenait de s’attaquer aux causes profondes et aux symptômes du phénomène. Le Gouvernement fédéral de transition et la communauté internationale doivent ainsi mettre en place une stratégie globale pour agir sur les plans économique, du développement et de l’aide humanitaire. L’ONU, a-t-il ajouté, doit jouer un rôle plus important pour régler les différents problèmes en Somalie.
Le représentant a également estimé que c’est en remettant à la justice les présumés pirates et en incarcérant ceux qui seront déclarés coupables que l’on pourra lutter efficacement contre la piraterie en Somalie. Il a mis l’accent sur la nécessité de tenir compte du cadre juridique existant et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité en vue d’accroître la coopération internationale pour juger et emprisonner les pirates somaliens. Le renforcement des capacités juridictionnelles des États côtiers est essentiel dans ce combat, a-t-il dit, en demandant à la communauté internationale de continuer à fournir l’aide nécessaire à ces États.
M. NAWAF SALAM (Liban) a souligné qu’il était important d’adopter une approche holistique qui prenne en compte la situation sécuritaire de la Somalie tout en favorisant le renforcement des institutions et le développement économique. Il a également estimé que le Processus de paix de Djibouti était la seule voie à suivre pour assurer la stabilité politique de la Somalie. M. Salam a ensuite affirmé que si elle permet de contenir le problème, la présence navale internationale ne permet pas, en revanche, de répondre aux causes premières du phénomène de la piraterie. Le représentant du Liban a insisté sur la nécessité de prendre des mesures immédiates et efficaces face à une piraterie qui recourt à des moyens plus sophistiqués dans un espace de plus en plus étendu.
M. Salam a ensuite dénoncé l’échec à poursuivre les responsables et la réticence des États à les incarcérer pendant de longue période. Il s’est indigné du fait que 90% des pirates seront relâchés sans avoir été traduits en justice. Le représentant a par ailleurs évoqué l’importance de renforcer et d’équiper la Garde côtière somalienne et de créer une structure juridique capable d’autoriser la juridiction judiciaire et exécutive nécessaire sur les personnes soupçonnées d’actes de piraterie. Il a également encouragé l’ONU à aider la Somalie et les pays voisins à délimiter leurs zones maritimes afin de préciser leur compétence juridictionnelle.
M. ALFRED ALEXIS MOUNGARA MOUSSOTSI (Gabon) a souligné l’importance de mettre en place un mécanisme judiciaire inclusif et la nécessité d’aborder la question de la piraterie au large des côtes somaliennes, corrélativement avec la menace sécuritaire à l’intérieur du pays. La piraterie constitue un défi sécuritaire partagé, et c’est pourquoi la sécurisation des côtes du Golfe d’Aden et la répression rapide et efficace de leurs auteurs nécessitent une réponse internationale coordonnée, a-t-il fait observer. Comme l’a souligné M. Jack Lang, il faut renforcer le soutien à la fois financier et juridique conféré aux États de la région et à la Somalie en particulier afin de leur permettre d’assurer la sécurité de leur territoire, a poursuivi le représentant. La formation des gardes-côtes, ainsi que l’adaptation des instruments juridiques internationaux au phénomène de la piraterie, participent à cette démarche, a-t-il indiqué. M. Moussotsi a également appuyé la proposition du Conseiller spécial de mettre en place un dispositif juridictionnel au Puntland et au Somaliland, ainsi que la création d’une cour spécialisée somalienne. Il a enfin préconisé le renforcement du dispositif sécuritaire sur le sol somalien, qui appelle l’imposition d’un blocus naval et d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Somalie, comme le recommande l’Union africaine.
M. IVAN BARBALIĆ (Bosnie-Herzégovine) a estimé que le phénomène de la piraterie représentait un des défis qui attend toujours une réponse efficace de la part de la communauté internationale. La Bosnie-Herzégovine, a-t-il dit, condamne fermement les actes de piraterie et exprime sa préoccupation concernant l’impact de ces actes sur les économies régionale et mondiale, ainsi que sur le plan de la sécurité. Le représentant a estimé que la « somalisation » d’une solution, telle que proposée par le Conseiller spécial, était une bonne proposition dans le cadre d’une nouvelle étape dans la lutte contre la piraterie. De même, le représentant a affirmé que les nouvelles propositions contenues dans le rapport de M. Lang visant à établir des juridictions spécialisées au Puntland et au Somaliland et une cour extraterritoriale spécialisée à Arusha, et à accroître la capacité pénitentiaire au Puntland et au Somaliland constituaient de bonnes bases pour adopter une nouvelle approche et élaborer des instruments efficaces en matière de lutte contre la piraterie.
Dans ses remarques de clôture, leConseiller spécial du Secrétaire général pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes s’est félicité des commentaires formulés par les délégations, et en particulier par le Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques, sur les propositions contenues dans son rapport. Il s’est dit convaincu qu’une volonté politique nouvelle émergeait du Conseil aujourd’hui pour mettre fin à ce phénomène de la piraterie. Il ne faut pas perdre de temps pour appliquer les mesures examinées aujourd’hui afin de vaincre ce « cancer qui se répand un peu partout dans l’océan Indien », a-t-il insisté. Le Conseiller spécial a émis l’espoir que les propositions qui ont été examinées au cours de la présente séance du Conseil de sécurité serviraient de base à l’élaboration d’une résolution, dont la mise en œuvre serait suivie rapidement d’effets sur le terrain.
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