Troisième Commission: le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme en Palestine défend la demande d’adhésion palestinienne à l’ONU
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Troisième Commission
25e et 26e séances - matin et après-midi
TROISIÈME COMMISSION: LE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES DROITS DE L’HOMME EN PALESTINE DÉFEND LA DEMANDE D’ADHÉSION PALESTINIENNE À L’ONU
Le Rapporteur spécial sur les exécutions
extrajudiciaires critique les attaques de drones et les raids
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, M. Richard Falk, a réaffirmé, aujourd’hui devant la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, le droit des Palestiniens à l’autodétermination.
« Il n’y a pas de raison de remettre à plus tard l’adhésion des Palestiniens à l’ONU », a déclaré M. Falk. Son rapport insiste sur la hausse de la violence des colons en Cisjordanie et sur la détention d’enfants palestiniens dans les territoires occupés. Il a dénoncé, une fois de plus, les effets du blocus israélien de Gaza.
Pour sa part, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Christof Heyns, qui a concentré son rapport sur l’utilisation de la force létale lors d’une arrestation par la police, a dénoncé l’utilisation accrue des assassinats ciblés, comme les attaques de drones et les raids. Il s’est dit préoccupé, en particulier, par la situation dans laquelle la cible se trouve dans un pays étranger, et lorsque la décision est prise à l’avance de tuer une personne spécifique.
Dans le cadre de la promotion et la protection des droits de l’homme, la Commission a dialogué avec trois autres rapporteurs spéciaux et un expert indépendant.
« Ce n’est qu’au travers d’un respect strict des normes internationales relatives aux droits de l’homme que les stratégies antiterroristes peuvent véritablement réussir », a estimé le nouveau Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, M. Ben Emmerson.
Passant à l’élimination de toutes les formes d’intolérance religieuse, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. Heiner Bielefeldt a plaidé pour la « communication interreligieuse », c'est-à-dire l’échange d’informations, d’expériences et d’idées entre des individus et des groupes adeptes de différentes convictions théistes, athées et non théistes ou n’ayant aucune religion ou conviction.
La Commission a ensuite entendu l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, M. Cephas Lumina.
Il a invité la communauté internationale à adopter un moratoire sur le remboursement de la dette des pays les plus pauvres à l’égard des organismes de crédit à l’exportation, dont une grande partie correspond à des transactions économiquement non productives.
Autre problème affectant les droits sociaux et économiques des pays, les effets des changements climatiques ont été au cœur de la présentation du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, M. Chaloka Beyani. L’ONU estime que chaque année jusqu’à 50 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays à la suite de catastrophes naturelles.
La Troisième Commission poursuivra son dialogue avec les rapporteurs spéciaux demain, à partir de 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/66/87)
-- Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales (A/66/310, A/66/156, A/66/285, A/66/330 et A/66/271)
-- Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux (A/66/358)
Déclarations liminaires, suivies de dialogues interactifs avec:
Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967
M. RICHARD FALK, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, a présenté son rapport (A/66/358) et commencé par souligner qu’il n’était toujours pas parvenu à obtenir le concours d’Israël dans l’accomplissement des tâches qui lui incombent en vertu de son mandat.
Une mission avait été prévue pour la période allant du 25 avril au 3 mai 2011, mais M. Falk a été contraint d’annuler sa visite à Gaza en raison des conclusions formulées par l’ONU sur la situation en matière de sécurité. Une autre mission a été organisée pour début 2012.
Dans son rapport, M. Falk met l’accent sur deux problèmes en particulier: la maltraitance des enfants détenus, en particulier en Cisjordanie, et l’augmentation de la violence des colons et le refus de la puissance occupante de protéger les Palestiniens vivant sous administration militaire.
Les conclusions du rapport Palmer de la mission d’établissement des faits sur l’incident de la flottille humanitaire du 31 mai 2010 ont été adoptées par Israël et vivement critiquées par la Turquie. Or, M. Falk a rappelé qu’il avait publié, avec les rapporteurs spéciaux sur le droit à l’alimentation, sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale et sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme, un communiqué de presse conjoint critiquant la manière dont le blocus de Gaza, en vigueur depuis plus de quatre ans, avait été traité comme relevant exclusivement des questions de sécurité. Il a jugé le rapport Palmer « très lacunaire » d’un point de vue du droit international humanitaire. Ce rapport a, selon lui, apporté une « justification au déni persistant des droits fondamentaux du peuple de Gaza ».
Le Rapporteur spécial a considéré que la demande d’adhésion à l’ONU du Président de l’Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, relevait directement du droit des Palestiniens à l’autodétermination.
En 2011, on a observé une forte hausse du nombre d’actes de violence commis par les colons, a poursuivi M. Falk. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) signale ainsi une augmentation de près de 50% des incidents visant les Palestiniens en Cisjordanie. Toutefois, ces incidents ne sont qu’une partie des problèmes. Presque chaque jour, sont rapportés des actes de vandalisme commis par les colons contre des terres agricoles et des villages palestiniens. Fait inquiétant, les Forces de sécurité et la police des frontières israéliennes semblent soutenir passivement les activités des colons.
Abordant les violations des droits des enfants palestiniens, M. Falk a accordé une attention particulière aux incidences de l’occupation prolongée sur les droits et le bien-être de ces enfants. Des consultations avec des représentants de l’Autorité palestinienne, des institutions des Nations Unies et des organisations non gouvernementales ont conclu que le développement des enfants était perturbé par des privations ayant des conséquences sur la santé, l’éducation et la sécurité de manière générale. Les spécialistes s’accordent en outre pour dire que les enfants souffrent plus des violations de leurs droits que les adultes et que la communauté internationale devrait se préoccuper d’urgence de leur protection.
Les arrestations d’enfants palestiniens font très souvent suite à des allégations les accusant d’avoir jeté des pierres aux forces de sécurité ou aux colons israéliens en Cisjordanie. Les accusés tombent sous le coup du droit militaire israélien, qui offre aux mineurs une protection bien moindre que celle que leur accorde le droit pénal israélien, a déploré M. Falk. Le droit militaire ne permet pas la présence d’un parent aux séances d’interrogatoire, ne réglemente pas les horaires des interrogatoires et ne garantit pas non plus le respect de la dignité de l’enfant lors de son arrestation.
En conclusion, le Rapporteur spécial a notamment recommandé au Gouvernement israélien d’adopter les directives établis par B’Tselem, la très réputée organisation israélienne des droits de l’homme, en ce qui concerne la protection des enfants vivant sous le régime d’occupation qui sont arrêtés ou détenus, afin de se conformer, sur une base minimale, au droit international humanitaire.
Dialogue interactif
L’Observatrice de la Palestine a remercié le Rapporteur spécial, au nom de son peuple, pour ses efforts inlassables et son engagement en faveur du respect du droit international et du droit international humanitaire, alors même qu’il n’a pas eu accès aux territoires arabes occupés. L’une des conséquences majeures de cette situation sur les droits de l’homme réside dans le non-respect, par Israël, des droits des personnes détenues. Récemment, les prisonniers politiques ont fait une grève pour dénoncer leurs conditions de détention et parfois, les actes de torture. Elle a voulu en savoir plus sur l’aspect juridique des Palestiniens déportés hors du territoire.
Le délégué de la Pologne, au nom de l’Union européenne, a appelé Israël à respecter pleinement le droit international et humanitaire. Toutes les parties doivent enquêter et remédier aux violations des droits de l’homme, a indiqué l’orateur, qui a aussi rappelé aux parties au conflit que les défenseurs des droits de l’homme étaient des composantes fondamentales d’une société démocratique. Les mouvements populaires des derniers mois dans le monde arabe illustrent le désir de démocratie, et ces exigences sont les mêmes en ce qui concerne les Palestiniens, a-t-il conclu.
La représentante de la République arabe syrienne a estimé que la politique deux poids deux mesures était appliquée par certains États pour justifier les attaques des pays développés contre les pays en développement. Les difficultés décrites par le Rapporteur spécial découlent, toutes, du fait que les autorités israéliennes lui refusent l’accès aux territoires arabes occupés, a-t-elle dit. Tandis que les Nations Unies annulaient la visite de M. Falk dans la bande de Gaza, apparemment pour des raisons de sécurité, ce territoire accueillait en même temps des personnalités et des réunions internationales, ce qui prouve, selon elle, la mauvaise volonté de l’ONU de régler cette question. En dépit de tous les faits étayés par le Rapporteur, Israël poursuit la profanation des lieux sacrés, les attaques contre les familles palestiniennes, le blocus, et continue d’affamer la population civile à Gaza, a ajouté la représentante.
Le représentant des Maldives a appuyé les conclusions de M. Falk et a dénoncé la négligence dont sont victimes les Palestiniens. L’occupation permanente a exacerbé les problèmes et les disparités. Il a recommandé à la communauté internationale de se concentrer en priorité sur la fourniture de biens alimentaires et d’eau. En outre, il faudrait renouer le dialogue, a-t-il insisté. Les possibilités d’un dialogue pacifique et d’une diplomatie efficace sont réduites par l’absence de pourparlers de paix, a déclaré le représentant, en estimant que la seule solution consistait en l’établissement d’un État palestinien souverain. Il a espéré que l’Assemblée générale votera dans ce sens.
La déléguée du Liban a décrit la situation de destruction et de punition collective imposée par Israël à Gaza. Ce blocus doit cesser car c’est un blocus contre les enfants, a-t-elle affirmé. À la lumière des innombrables violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme dans les territoires arabes occupés, pourquoi l’Organisation des Nations Unies n’a-t-elle pas pu défendre les principes de la Charte dans ce conflit, a demandé la représentante libanaise en concluant que l’ONU était la mieux placée pour mettre un terme à ce conflit.
Le représentant de la Malaisie a abondé dans le sens des conclusions du Rapporteur spécial et a réaffirmé le droit inaliénable de la Palestine à l’autodétermination. Il a appuyé la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU sur la base d’une solution à deux États qui prendrait en compte les droits et les préoccupations des deux parties au conflit. Les causes profondes de ce conflit, la répression des droits des Palestiniens sont une parodie de justice sans pareille dans l’histoire humaine, a-t-il dit. La solution réside donc dans le droit à un État indépendant. L’attention internationale doit passer par un partenariat efficace entre les pays, et la Malaisie continuera à épauler tous les efforts justes pour une solution globale et durable au conflit israélo-palestinien, a-t-il conclu.
La représentante de l’Égypte a demandé à M. Falk comment surmonter les obstacles qui l’empêchent de s’acquitter de son mandat et quel type d’appui il était nécessaire d’assurer de la part de la communauté internationale.
Réponse
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 a répondu que, lors de la déportation de prisonniers palestiniens hors du territoire sur lequel ils étaient arrêtés en raison de l’occupation, le principe du droit international humanitaire était le suivant: tout prisonnier ne peut être transféré hors du territoire occupé. Quand un Palestinien arrêté en Cisjordanie est transféré dans une prison en Israël, il peut rester en détention pendant des années, sans avoir de contact avec sa famille, ce qui constitue une peine supplémentaire. Dans le cas de la déportation forcée dans des pays voisins, comme la Turquie ou la Syrie, la situation est plus obscure, car certains disent que les prisonniers ont donné leur consentement à ce transfert.
Sur la question de savoir si les évolutions survenues dans le cadre du printemps arabe avaient une incidence sur un meilleur exercice par les Palestiniens de leurs droits de l’homme, et surtout de leur droit à l’autodétermination, M. Falk s’est dit optimiste, car les peuples arabes appuient pleinement la cause palestinienne. Selon lui, « plus les nouveaux gouvernements de la région seront démocratiques, plus ils seront attentifs à leurs citoyens ».
Ce nouveau climat politique se concentrera sans doute au départ sur les souffrances découlant de l’occupation prolongée, du blocus et de l’isolement du peuple de Gaza, a reconnu M. Falk.
Un État palestinien est un ingrédient de l’autodétermination qui ne doit pas être lié au statut final. « Il n’y a pas de raison de remettre à plus tard l’adhésion des Palestiniens à l’ONU », a jugé le Rapporteur spécial.
Par ailleurs, le caractère délictuel des actions d’Israël a été débattu dans rapport Goldstone dont les recommandations n’ont pas été mises en œuvre. « Il est fâcheux qu’un pays puisse bénéficier d’une telle impunité s’agissant des normes fondamentales du droit pénal international », a dit M. Falk.
Il a noté que la question de savoir pourquoi les Nations Unies n’avaient pas pu mieux protéger les droits des Palestiniens était essentielle. Une paix juste et durable ne sera pas atteinte tant que les droits légitimes des Palestiniens ne seront pas respectés. Il s’agit de trouver un meilleur équilibre entre les deux parties pour des négociations plus réussies.
Pour M. Falk, c’est une question de principe: tous les États Membres de l’ONU doivent accepter de coopérer avec l’Organisation.
Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste
M. BEN EMMERSON, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a indiqué que c’était la première fois qu’il présentait son rapport (A/66/310) à l’Assemblée générale et a rendu hommage à son prédécesseur, M. Martin Scheinin, pour les dix pratiques optimales sur lesquelles il comptait fonder son travail.
M. Emmerson, qui a été nommé le 7 juin 2011, retient comme priorité pour son mandat l’obligation redditionnelle des États en matière de violations des droits de l’homme dans les activités antiterroristes. La protection des droits de l’homme est trop souvent interprétée comme incompatible avec des stratégies antiterroristes efficaces, a relevé le Rapporteur spécial. Il a souligné qu’au cours de la décennie écoulée, la communauté internationale avait fini par accepter, du moins formellement, que le contraire était vrai. Ce n’est, a-t-il dit, qu’au travers d’un respect strict des normes internationales relatives aux droits de l’homme que les stratégies antiterroristes peuvent véritablement réussir. M. Emmerson a déclaré cependant que, dans la pratique, les États ne respectaient pas toujours leurs engagements.
Le Rapporteur spécial a indiqué que, dans l’exercice de son mandat, il s’attacherait à faire en sorte que les droits des personnes directement ou indirectement victimes d’actes terroristes reçoivent l’attention voulue, et que les États s’acquittent de leurs obligations envers les victimes effectives et potentielles. Pour être solide, durable et globale, toute stratégie de lutte contre le terrorisme exige que la souffrance des victimes d’actes terroristes soit reconnue, a-t-il affirmé.
M. Emmerson a cité la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, dans laquelle les États Membres ont souligné « la nécessité de défendre et de protéger les droits des victimes du terrorisme », et affirmé que la « déshumanisation des victimes du terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations » était l’une des « conditions propices à la propagation du terrorisme ».
Il a expliqué que la déshumanisation des victimes du terrorisme pouvait revêtir diverses formes car des États qui bafouent les droits de l’homme étaient notamment susceptibles d’instrumentaliser ces personnes afin de justifier le durcissement de leur politique antiterroriste. Il a ainsi jugé essentiel que la protection des droits des victimes d’actes de terrorisme soit considérée comme une obligation juridique véritable incombant, au premier chef, aux États.
D’autre part, l’action antiterroriste ne doit pas servir de prétexte pour violer les droits fondamentaux des personnes soupçonnées d’actes terroristes, pour prendre des mesures d’urgence prévoyant l’exercice de pouvoirs exécutifs excessifs et disproportionnés ou pour se livrer à d’autres actions de nature essentiellement politique.
Selon M. Emmerson, l’obligation des États comprend, sans s’y limiter, le devoir de prévenir les actes terroristes; s’ils ont été commis, le devoir d’enquêter sérieusement, de dévoiler la vérité et de poursuivre les auteurs en justice, et d’enquêter sur toute allégation selon laquelle les autorités d’un État n’auraient pas pris, dans le cadre de l’exercice légitime et proportionné de leurs pouvoirs, des mesures raisonnables pour prévenir les actes de terrorisme.
Au niveau international, il a fait état de certaines initiatives relatives aux victimes. Il s’agit en particulier du colloque sur l’aide aux victimes du terrorisme organisé le 9 septembre 2008, tenu sous les auspices du Secrétaire général, de l’atelier tenu à Syracuse (Italie) en 2010 pour étudier les pratiques optimales en matière d’aide aux victimes d’actes terroristes et autres infractions telles que définies dans le droit national et international, et organisé conjointement par l’Institut supérieur international des sciences criminelles et l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme (CTITF). Cette dernière a créé un groupe de travail sur le soutien aux victimes du terrorisme et la sensibilisation à leur cause.
En outre, la prévention du terrorisme est une question de fond du mandat, a indiqué le Rapporteur spécial. Selon lui, on pourrait plus facilement en finir avec les conditions favorisant la propagation du terrorisme si l’on se penchait davantage sur le fait que la négligence des allégations, réelles ou mensongères, de violations des droits de l’homme pouvait conduire certaines personnes à faire les mauvais choix. Il serait souhaitable de mieux examiner le lien entre le respect de tous les droits de l’homme –civils, culturels, économiques, politiques et sociaux– et la prévention du terrorisme.
Concernant les visites de pays, il a remercié le Gouvernement de transition de la Tunisie pour avoir accueilli son prédécesseur lors d’une mission de suivi en mai dernier en cette période charnière du pays. Il a loué la transparence du Gouvernement à cet égard et pour les réformes qu’il a engagées. Il a également remercié le Burkina Faso pour son invitation et a indiqué qu’il s’agissait du premier pays partenaire dans l’Assistance intégrée pour la lutte antiterroriste (I-ACT), une initiative de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme. Il a rendu hommage à la Thaïlande pour son invitation ouverte à toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et a espéré se rendre dans ce pays prochainement.
M. Emmerson a précisé, en guise de conclusion, que si son rapport thématique portait entre autres sur les droits des victimes de terrorisme, cet aspect de son mandat ne saurait en aucun cas faire oublier l’importance du respect par les États de l’obligation qui leur incombe, au regard des droits de l’homme, d’instruire les dossiers concernant la préparation, l’instigation ou la commission d’actes de terrorisme et de poursuivre et punir les coupables.
Dialogue interactif
La représentante de la Tunisie a reconnu la valeur ajoutée du travail du Rapporteur spécial et fait savoir que bon nombre de ses recommandations concernant son pays étaient d’ores et déjà en voie d’exécution. Elle a cité les initiatives prises par le Gouvernement national de transition et des mesures pour enquêter sur les agressions commises contre les manifestants pacifiques lors des événements du début de l’année. La définition vague et trop large du terrorisme explique le flou également dans la pratique, a considéré la représentante. Elle a espéré que le dialogue se poursuivrait au niveau international pour remédier à cette situation.
Le représentant du Brésil a indiqué que, conformément à la déclaration de Brasilia de 2005 et à d’autres réunions, son pays partait de la perspective selon laquelle la lutte contre le terrorisme devait se faire dans le strict respect du droit international et du droit humanitaire international. Le Brésil ne souhaite pas l’établissement de nouvelles normes qui entreraient en conflit avec celles de ces droits. Le Brésil, qui fait partie du Groupe financier international, coopère dans la lutte contre le financement du terrorisme et a aussi participé aux réunions qui ont permis l’adoption de la Convention contre la corruption, a-t-il dit.
La Pologne, s’exprimant au nom de l’Union européenne, a demandé quels étaient les principaux défis qui se posaient au Rapporteur spécial dans l’exercice de son mandat. Pourquoi avoir choisi les deux domaines figurant dans son rapport et qu’en attend-il, a demandé la délégation.
L’Espagne a voulu savoir quelles perspectives s’ouvraient dans le mandat du Rapporteur spécial et quels étaient les futurs domaines d’intérêt. Son représentant a jugé que les efforts et progrès de ce mandat correspondaient à l’évolution de la situation dans le monde en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. Il a estimé, cependant, qu’il fallait aussi tenir compte des risques éventuels issus des dédommagements pour les victimes. Le délégué a mis l’accent sur la perspective propre des victimes du terrorisme en tant que victimes des violations des droits de l’homme. Le bilan de la démarche du Rapporteur permettra de prendre une décision sur la nomination d’un mandat spécial sur les victimes du terrorisme. Le représentant a expliqué que telle était la demande des victimes et de leurs familles dans son pays.
La déléguée des États-Unis s’est déclarée en désaccord avec le contenu du paragraphe 24 du rapport, qui porte sur l’obligation d’assistance des États aux victimes et le devoir de prévention. Elle a salué, en revanche, l’accent mis sur la promotion et la protection des victimes du terrorisme et sur la nécessité de mieux comprendre le lien entre les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme.
Le représentant de la Suisse a accueilli, avec intérêt, l’accent qui sera mis sur les victimes et la prévention. La justice s’exprime notamment dans le concept d’équité, a-t-il déclaré, en expliquant que la sécurité n’était pas possible sans liberté. Il a précisé qu’une approche axée sur la répression causait plus de mal que celui qu’elle prétendait combattre. Il a souligné que la répression du terrorisme, la protection des victimes et les droits de l’homme n’étaient pas incompatibles. Il a enfin demandé comment le Rapporteur comptait coopérer avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC).
Le délégué de l’Algérie a déclaré, que compte tenu du fait que son pays avait beaucoup souffert du terrorisme, il avait accueilli l’année dernière le Colloque international antiterrorisme. Quelles sont les mesures concrètes pour protéger les victimes du terrorisme et est-ce que le paiement de rançons aux terroristes est acceptable, a-t-il demandé.
L’Égypte a souhaité savoir comment le Rapporteur prévoyait de traiter des conditions propices au terrorisme et de ses causes profondes. Il est essentiel de veiller aux droits des victimes, mais il est tout aussi important de se pencher sur les conditions qui conduisent au terrorisme, a estimé le délégué égyptien.
Le représentant du Mexique a souligné que la situation des victimes du terrorisme était essentielle et que ce domaine n’avait pas été suffisamment examiné.
Le délégué du Liechtenstein a demandé dans quelles mesures le Rapporteur envisageait la question des sanctions du Conseil de sécurité sous l’optique des droits de l’homme.
Réponse
Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a indiqué que le plus grand défi de son mandat était de mener une « démarche intégrée des droits de l’homme sur cette question épineuse », en tenant compte du fait que les actes terroristes violent les droits fondamentaux des victimes.
M. Emmerson a fait valoir que les États Membres avaient des droits et des obligations à cet égard et qu’ils pouvaient être moins efficaces dans leur lutte contre le terrorisme et « contribuer au désespoir qui est une des conditions qui mènent au terrorisme ».
En réponse aux questions posées, il est revenu plus longuement sur les droits de victimes. « Je ne veux pas que le progrès dans ce domaine fasse l’objet d’un débat théorique », a dit M. Emmerson, en revenant sur des éléments cruciaux de son étude.
D’abord, les États Membres ont une obligation positive de prévention: ils doivent fournir un cadre juridique pour garantir la protection du droit à la vie et prendre toutes les mesures quand il y a un risque immédiat d’acte terroriste.
Ensuite, ils ont le devoir d’enquêter, non seulement sur les auteurs de tels actes, mais aussi sur toute allégation selon laquelle leurs autorités n’auraient pas pris des mesures raisonnables pour faire face à des menaces ou s’il y a eu des lacunes dans les renseignements. Enfin, les États ont une obligation morale de dédommager les victimes.
« L’heure est venue de s’attaquer aux causes profondes du terrorisme, même si rien ne peut justifier le type de crimes sur lesquels nous nous penchons », a estimé le Rapporteur spécial.
Il a indiqué que le régime des sanctions faisait bien partie de son mandat. Se félicitant de voir des entités radiées de la liste des sanctions, M. Emmerson a ajouté qu’il avait l’opportunité d’examiner en détail les méthodes de travail de l’Ombudsman à ce sujet.
Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction
M. HEINER BIELEFELDT, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, qui présentait son rapport (A/66/156), a rappelé qu’en 1981, l’Assemblée générale avait proclamé la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction. Comment s’attaquer à cette question, a-t-il demandé, en soulignant qu’outre l’éducation, le dialogue interreligieux pourrait constituer un outil significatif dans la prévention de l’incompréhension et de la discrimination.
Le rapport thématique qu’il présente est centré sur la « communication interreligieuse », autrement dit, selon lui, les différentes formes d’échange d’informations, d’expérience et d’idées entre des individus et des groupes adeptes de différentes convictions théistes, athées et non théistes ou n’ayant aucune religion ou conviction. M. Bielefeldt a souligné qu’une culture vigoureuse de communication et de débat public constituait un élément crucial pour la réalisation des droits de l’homme.
Le droit à la liberté de religion ou de conviction englobe différentes formes de communication librement choisies. Il inclut le droit de communiquer au sein de son propre groupe religieux ou de conviction, de partager sa conviction avec d’autres, d’élargir son horizon en communiquant avec des personnes ayant des convictions différentes, de nourrir et de développer des contacts à travers les frontières de l’État, de recevoir et de diffuser des informations concernant les questions relatives à la religion ou la conviction, et de chercher à persuader d’autres au moyen d’une communication pacifique.
Dans ce contexte, les États gagneraient à être plus sensibles au potentiel de la communication interreligieuse dite « informelle », notamment des réunions multiculturelles au sein des communautés et quartiers, des écoles, clubs et autres services et lieux publics. En outre, la participation substantielle des femmes dans des projets formels de dialogue interreligieux devrait devenir une priorité dans le dessein de remédier au déséquilibre actuel dans la composition des événements de dialogue de haut niveau dans lesquels les femmes sont marginalisées à l’heure actuelle, a préconisé M. Bielefeldt.
Il a expliqué que, conformément au droit international humanitaire, les États avaient l’obligation non seulement de respecter la liberté de religion ou de conviction, mais aussi de la protéger activement contre toute ingérence indue de la part de tiers.
Si l’État est perçu comme partial à l’égard d’une religion ou d’un courant à cette religion, ses efforts de dialogue interreligieux risquent d’avoir le résultat escompté. Les États doivent s’efforcer de faire en sorte que les principes du dialogue soient équilibrés et non discriminatoires.
Le Rapporteur spécial a enfin salué tous ceux qui, dans des circonstances difficiles, ont lancé des projets de communication destinés à éliminer les préjudices, les stéréotypes et l’hostilité. Il a encouragé les États à poursuivre et à renforcer leur communication interreligieuse, dans le respect de chacun.
Dialogue interactif
La représentante de la République de Moldova a indiqué que son pays avait reçu la visite du Rapporteur spécial qui a coïncidé avec d’importantes réformes entreprises au bénéfice des communautés religieuses. « Chacun peut pratiquer sa propre religion sans ingérence de l’État ».
La déléguée de l’Union européenne a rappelé que l’Union européenne interdisait toute forme de discrimination fondée sur la religion et la croyance religieuse et que les États étaient tenus de prôner un climat de tolérance. Que pense le Rapporteur spécial des minorités religieuses? Comment appuyer le dialogue interconfessionnel? Dans la perspective de l’égalité homme-femmes, peut-il développer sa coopération avec le Comité contre la discrimination à l’égard des femmes?
« Le droit à la liberté religieuse et la protection des minorités sont au centre de la compréhension mutuelle au sein de nos sociétés », a fait valoir la représentante de l’Autriche. Comment l’État peut-il favoriser le dialogue interconfessionnel tout en restant un observateur neutre?
Pour le représentant de l’Allemagne, diverses religions peuvent coexister avec succès, mais ne le peuvent qu’à travers un dialogue ouvert. Il a souligné le rôle des médias pour favoriser la confiance au sein de communautés multiethniques et multireligieuses. Quels sont les exemples de meilleures pratiques en matière de protection des libertés religieuses contre toute ingérence de tiers, a-t-il demandé.
La représentante des États-Unis a partagé le respect du Rapporteur spécial pour les dialogues de haut niveau afin de lutter contre les stéréotypes ou les discriminations fondés sur la religion ou la conviction. Comment les organisations internationales et les gouvernements peuvent-t-ils coopérer pour promouvoir un climat de tolérance? Qu’en est-il de l’intersection entre les droits de l’homme des femmes et la liberté de religion?
La représentante du Canada a souligné que la liberté de religion revêtait un caractère essentiel pour son pays. Elle a exprimé sa préoccupation face aux graves violations des droits des minorités religieuses en Chine, en Iran, au Pakistan et en Égypte. Le Représentant spécial a-t-il noté des tendances positives pour ce qui est de la communication interconfessionnelle?
L’État doit jouer un rôle important dans la communication interconfessionnelle, a dit la représentante de la Norvège. La lutte contre les stéréotypes et l’intolérance doit faire partie de l’éducation pour les droits de l’homme et la femme doit être démarginalisée.
Le représentant du Liechtenstein a demandé si la dimension des droits de l’homme devait être liée aux discussions sur la lutte contre l’intolérance.
Le représentant de l’Égypte a indiqué que son pays avait, au cours des derniers mois, créé un conseil national du dialogue avec la participation des communautés religieuses. Il achève également un débat pour un code de construction de tous les lieux du culte et a établi un forum sur les familles avec l’appui de tous les groupes religieux en Égypte. Il recommande des mesures législatives en se fondant sur les meilleures pratiques pour éliminer l’incitation à la haine et à la violence, notamment contre les migrants dans les pays d’accueil. Le représentant a dit qu’il avait entendu les appels pour réduire certaines tensions en Égypte. « Le peuple copte a récemment condamné les tentatives de certains de parler de violence sectaire », a-t-il ajouté.
Le représentant du Pakistan a indiqué que son pays avait, entre autres efforts, coparrainé le document de Manille sur le dialogue interconfessionnel. Il s’est associé à l’Alliance des civilisations, et, au niveau national, et a créé un Ministère de l’harmonie nationale. Il a attiré l’attention de M. Bielefeldt sur le fait qu’il n’y avait « pas de problème systémique de violation des droits de l’homme des minorités au Pakistan ».
« Aucun pays n’est parfait en matière des droits de l’homme et le Canada devrait d’abord balayer devant sa porte en matière de liberté religieuse », a insisté le représentant de la Chine. Le Canada ne peut pas se permettre de montrer du doigt un autre pays.
Pour le représentant de l’Iraq, « il existe un lien organique entre l’intolérance religieuse et le terrorisme ». Les attentats de ces dernières années ont été « ourdis par des groupes qui fondent leurs actes sur des haines religieuses et des croyances déviantes qui traitent l’autre de non-croyant ». Ces groupes ciblent ceux qui ne sont pas d’accord avec leurs convictions, a déploré le représentant. Pour sa part, le Gouvernement iraquien a pris des mesures pour assurer la protection des chrétiens et des minorités. Quelle procédure juridique peut être entreprise à l’encontre d’un État dont la doctrine est de « considérer l’autre comme apostat » et y-a-t-il moyen de pénaliser l’intolérance religieuse?
Le délégué de la République islamique d’Iran a salué les diverses propositions du Rapporteur spécial pour que les États favorisent le dialogue et la communication interconfessionnels.
Réponse
En réponse aux délégations, M. Bielefeldt a déclaré combien il était choqué par ses expériences de confrontation aux manifestations de haine. Certaines minorités ne peuvent même pas faire des obsèques à leur manière sans peur ni crainte, a-t-il déploré.
La liberté de religion et de conviction comprend le droit à se convertir à une autre religion et de conduire des activités missionnaires, a précisé le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, qui a appelé à la promotion de la liberté de religion et de conviction par les États et les citoyens.
Le principal réside, selon lui, dans l’ouverture du dialogue, en permettant aussi aux femmes d’y participer, ainsi que tous les individus qui n’ont pas forcément une identité religieuse très claire. Le dialogue officieux, sans s’identifier à une religion ou à une conviction, doit aussi être permis et encouragé.
Citant l’exemple de la République de Moldova, il a remercié le Gouvernement de ce pays pour avoir facilité sa mission d’établissement des faits. À cette occasion, il a eu l’opportunité de voir l’initiative de réforme visant à l’entente religieuse. Au Paraguay, où il s’est rendu en mars 2011, un forum religieux très vaste a été lancé pour conseiller le Gouvernement sur l’éducation et pour influencer les programmes scolaires.
D’autre part, en Égypte, il a participé à un programme de collaboration entre chrétiens et musulmans à l’échelle des quartiers, ce qui s’est avéré un exemple très positif. M. Bielefeldt a également applaudi à des initiatives de musiciens israéliens et palestiniens sous l’égide de Daniel Barenboim et du professeur Edward Said.
En outre, les femmes sont très présentes dans les forums officieux mais leur absence est flagrante dans les dialogues officiels de haut niveau, a-t-il noté.
S’agissant de la neutralité, le Rapporteur spécial a indiqué que ce principe était trop souvent mal compris car on le confondait avec le manque d’engagement. Les États doivent fournir un cadre vaste qui ne touche pas qu’à une seule tradition religieuse. Cette approche est certes difficile mais indispensable pour garantir une équité dans le traitement des différentes religions.
Le Rapporteur spécial a mis l’accent sur la nécessité de respecter le principe de non-discrimination et ne pas associer l’État à une religion particulière. Selon M. Bielefeldt, la compréhension entre les religions permettra d’éviter la paranoïa et constitue une mesure nécessaire pour la prévention du terrorisme.
Le Rapporteur spécial a également fait état de nombreux exemples positifs, notamment de la réaction aux actes et appels à la haine, tant au niveau de l’État que des organisations et du simple citoyen. Il faut aussi donner la voix aux victimes de cette incitation à la haine, a-t-il dit, précisant que la communication interreligieuse s’avérait, à cet égard, fondamentale.
Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels
M. CEPHAS LUMINA, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, a indiqué que son rapport (A/66/271) visait à donner un éclairage sur les effets nuisibles des activités soutenues par les organismes de crédit à l’exportation sur le développement durable et les droits de l’homme. Il examine également la part que représentent les crédits à l’exportation dans le poids de la dette de ces pays.
Les organismes de crédit à l’exportation et de garantie des investissements, dont le fonctionnement est souvent entouré de secret, sont collectivement la principale source du financement public destinée à encourager la participation des entreprises étrangères aux projets industriels et aux travaux d’infrastructure à grande échelle dans les pays en développement et sur les marchés émergents, a-t-il expliqué.
Ces dernières années, les organismes de crédit à l’exportation ont revêtu un rôle de plus en plus important dans l’économie mondiale, surtout dans le contexte de la crise financière mondiale. En avril 2009, le G-20, à Londres, et les États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont fait des annonces d’appui supplémentaire de pas moins de 250 milliards de dollars aux crédits à l’exportation pour aider à accroître le flux du commerce international.
M. Lumina a cependant constaté qu’un nombre considérable de projets aidés par les organismes de crédit à l’exportation, en particulier les grands barrages hydrauliques, les oléoducs, les centrales électriques au charbon émettant des gaz à effet de serre et les centrales nucléaires, les projets miniers et les programmes relatifs aux forêts et aux plantations, avaient de graves conséquences sur l’environnement, les conditions sociales et les droits de l’homme.
Par ailleurs, la dette relative aux organismes de crédit à l’exportation représente la plus grosse part de l’endettement des pays en développement. Selon la Banque mondiale, le total des crédits consentis par ces organismes aux pays en développement avait atteint un montant estimé à 500 milliards de dollars à la fin 2000, soit un quart de l’ensemble de la dette extérieure à long terme de ces pays.
Un certain nombre doit une grande partie de cette dette aux organismes de crédit. Ces derniers peuvent aussi contribuer à la dette souveraine des pays, a-t-il précisé. Ce genre de dette est fréquemment absente des négociations d’allègement de la dette, notamment du Club de Paris, a remarqué l’Expert, en partageant l’avis de nombre d’experts et de la société civile qui affirment que cette dette est illégale.
Souvent, a poursuivi M. Lumina, ces organismes de crédit manquent de transparence et ne tiennent pas suffisamment compte, dans leurs décisions de financement, de certains aspects environnementaux et sociaux, ou de la question des droits de l’homme.
Néanmoins, nombre de projets financés grâce à ces organismes ont des incidences préjudiciables sur l’environnement, les conditions sociales et les droits de l’homme, et ne sont pas financièrement viables.
D’autre part, M. Lumina a cité parmi les incidences préjudiciables de ces projets sur les droits de l’homme les déplacements forcés de populations locales, les politiques répressives, des violations des droits des peuples autochtones, l’interdiction de l’accès aux services de base et la dégradation de l’environnement.
Dans de nombreux cas, les organismes de crédit à l’exportation n’offrent pas de garanties adéquates, ne respectent pas le devoir de précaution, manquent de transparence et sont impliqués dans des affaires de corruption, a dénoncé l’Expert indépendant. Selon Transparency International, le fait de corrompre des fonctionnaires pour s’assurer des contrats dans les pays en développement constitue des pratiques généralisées de la part des organismes de crédit des pays développés, a-t-il indiqué.
Le rapporteur a invité les États à s’attaquer aux effets pernicieux des projets financés à l’aide des organismes de crédit à l’exportation et a recommandé plusieurs mesures pour faire en sorte que les activités liées à ces projets ne portent atteinte ni aux droits de l’homme ni aux autres obligations des États d’origine et des États hôtes, et qu’elles ne contribuent pas aux violations de ces droits.
L’Expert indépendant a invité la communauté internationale à adopter un moratoire sur le remboursement de la dette des pays les plus pauvres à l’égard des organismes de crédit à l’exportation, dont une grande partie correspond à des transactions économiquement non productives. Dans le même ordre d’idées, il a proposé que les pays débiteurs effectuent, dans la transparence, des audits publics de l’ensemble des dettes relatives au crédit à l’exportation.
Selon lui, cela permettrait de déterminer si ces dettes sont légitimes au regard de la doctrine de la dette odieuse. En dernier lieu, M. Lumina a demandé que toute dette contraire à cette doctrine soit annulée, sans conditions. Il a plaidé pour un système beaucoup plus ferme de régulation des activités des organismes de crédit.
M. Lumina a recommandé, entre autres, que les États -en particulier ceux de l’OCDE- fassent le nécessaire pour que leurs organismes de crédit à l’exportation adoptent et appliquent des mesures plus strictes de protection environnementale et sociale, qui soient conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. Les États doivent aussi prendre des mesures législatives pour empêcher leurs organismes de crédit à l’exportation d’appuyer des projets qui donnent lieu, ou qui contribuent, à des violations des droits de l’homme. Il a vivement exhorté tous les États et les agences pertinentes à considérer sérieusement ses recommandations.
Dialogue interactif
La représentante de Cuba a déclaré que les activités menées par les entités de crédit ne devaient pas représenter un obstacle pour le développement durable et l’exercice des droits économiques et sociaux. Elle a encouragé l’Expert à poursuivre ses efforts concernant un projet de lignes directrices sur les droits de l’homme et la dette extérieure.
M. Lumina a répondu que son travail sur les lignes directrices progressait. Une réunion d’experts est prévue le mois prochain pour finaliser l’examen de ce projet. Une consultation intergouvernementale se tiendra ensuite début 2012, et l’Expert devrait présenter le projet lors de la session de juin du Conseil des droits de l’homme.
Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
M. CHRISTOF HEYNS, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a présenté son rapport (A/66/330) dans lequel il analyse les normes internationales pertinentes à l’utilisation de la force létale lors d’une arrestation. Ce document complète le rapport qu’il a présenté en juin dernier au Conseil des droits de l’homme et dans lequel il mettait l’accent sur la protection du droit à la vie et l’utilisation de la force par la police lors de manifestations.
M. Heyns a expliqué qu’il avait étudié la législation pertinente de 101 pays. Son rapport examine la situation dans laquelle la police essaie de procéder à une arrestation pour une infraction criminelle, mais le suspect résiste à son arrestation, par exemple, en refusant de coopérer, en offrant une résistance ou en essayant de fuir. La question la plus pertinente est de savoir si la police a des pouvoirs spéciaux qui lui permettent alors d’utiliser la force létale.
La norme est que les individus soupçonnés d’avoir commis des crimes soient, autant que possible, traduits en justice et que leur culpabilité soit établie conformément à leur droit à un procès équitable, a poursuivi le Rapporteur spécial.
Cependant, dans certains cas, l’urgence de la situation est telle que les policiers ont le pouvoir, en vertu de la loi, de prendre sur le champ des décisions de vie et de mort. Il faut, par conséquent, de très bonnes raisons pour utiliser la force létale et des garanties sur le plan interne qui soient bien comprises des officiers de police. « Il faut trouver le juste équilibre entre l’idéalisme et les demandes de la rue », a dit M. Heyns.
Le Rapporteur spécial a défendu ce qu’il appelle la « protection du principe de vie ». Ce principe implique que bien que la vie ne puisse, en règle générale, être sacrifiée pour protéger d’autres valeurs, dans des circonstances étroitement définies, une vie peut être sacrifiée comme un dernier recours afin de protéger une ou plusieurs autres vies. Cela se produit, par exemple, quand un voleur menace la vie de quelqu’un.
Les principaux éléments à prendre en considération pour déterminer si la limitation de tout droit de l’homme est justifiée sont les questions de savoir si l’atteinte à ce droit est proportionnelle et nécessaire. M. Heyns a identifié cinq « modèles » de justification ou de défense qui peuvent être invoqués pour l’utilisation de la force: 1) tout acte délictueux grave; 2) les crimes violents; 3) les crimes violents ou le danger posé à la société; 4) le danger; 5) les crimes violents et le danger.
Le Rapporteur spécial en est venu ensuite à l’utilisation accrue des assassinats ciblés, comme les attaques de drones et les raids. Il s’est préoccupé de la situation dans laquelle la cible se trouve dans un pays étranger et la décision est prise à l’avance de tuer une personne spécifique. Si le ciblage survient dans le contexte de l’application de la loi, le droit international relatif aux droits de l’homme s’applique. S’il a lieu pendant un conflit armé, ce droit et le droit international humanitaire s’appliquent. « Sans attaque imminente, le droit à la légitime défense ne joue pas », a considéré M. Heyns.
Dialogue interactif
La déléguée des États-Unis a rappelé que son pays avait toujours condamné les exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires, en toutes circonstances, et s’était aussi toujours prononcé pour que leurs auteurs soient poursuivis et jugés. L’analyse fondée sur les cinq modèles est fort utile, a-t-elle indiqué, en particulier sur la question relative à l’utilisation de la force létale dans certaines opérations policières.
Pour les interventions en cas de conflit armé, elle s’est attardée en particulier sur la référence faite par le Rapporteur spécial, au paragraphe 65 de son rapport, à la mort d’Ossama Ben Laden. L’analyse du Rapporteur spécial n’est pas bonne, a-t-elle dit, car, compte tenu de la personnalité de Ben Laden et du danger qu’il représentait, il s’agissait d’un objectif militaire clair et légitime. Il y a eu utilisation de la force, a-t-elle justifié, car il y a eu résistance armée et Ben Laden n’a pas cherché à se rendre. Les principes du droit international, en particulier celui de la souveraineté des États, présentent des limites quant à l’utilisation de la force. Elle a souligné que son pays continuerait à utiliser la force où il faut et quand il faut, lorsqu’il le jugera nécessaire et conformément aux lois applicables, y compris à ses obligations en vertu du droit international.
La représentante du Brésil a déclaré qu’il fallait veiller à limiter l’utilisation de la force et de la violence par la police. Elle a également appelé à faire la lumière sur les causes profondes de cette violence.
Le délégué de la Pologne, au nom de l’Union européenne, a défendu le droit à la vie en toutes circonstances. Faisant référence aux recommandations invitant à éviter l’utilisation de force meurtrière lors d’opérations policières, il a souhaité connaître les mesures à mettre en œuvre à cet égard. Il a aussi demandé des précisions sur les enquêtes et le principe de responsabilité des États.
Le Liechtenstein a traité de la responsabilisation en cas d’exécutions arbitraires ou sommaires et extrajudiciaires et a demandé ce qu’il convenait de faire lorsqu’il n’existait pas de mécanismes, comme dans le cas du Sri Lanka.
Réponse
Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a répondu que le cadre juridique considéré en matière de conflit armé était celui du droit humanitaire international. La question de la dérogation dans les constitutions nationales implique que les autres droits doivent être respectés dans les conflits armés. « La complémentarité entre droits de l’homme et le droit humanitaire doit être reconnue », a insisté M. Heyns.
« Il ressort clairement, en termes de jurisprudence et d’interprétation du droit à la vie, que si quelque mesure inférieure à l’utilisation de la force entraînant la mort peut être utilisée, alors elle doit l’être », a fait valoir M. Heyns. Évoquant le cas de Qadhafi, il a fait remarquer que s’il avait été tué lors d’une fusillade, dans le cadre de la guerre civile, le droit humanitaire s’appliquerait. Mais s’il a été arrêté puis exécuté, alors il s’agirait d’une exécution sommaire. « C’est une question difficile, car nous ne disposons pas toujours de tous les faits dans ce genre de situation », a-t-il admis. De même dans les cas de personnes tuées par des drones, les distinctions ne sont pas toujours claires.
Le défi, dans les cas de terrorisme et de guerre asymétrique, est de savoir comment établir un cadre acceptable pour tous les États à l’avenir, a poursuivi M. Heyns. D’après lui, le droit international doit être utilisé pour combler des lacunes. Il a pensé que « la reddition aurait été possible dans le cas de Ben Laden ».
Par ailleurs, l’impunité est un point essentiel, a souligné le Rapporteur spécial. Il faut éviter de donner une indépendance complète à des unités d’élite. Dans le même esprit, la « culture de silence » qui peut exister dans la police ou entre juges d’instruction est dangereuse. Si « la notion de guerre peut être acceptée sur le plan rhétorique », elle risque d’utiliser des raccourcis.
Il faut des procédures disciplinaires en cas de perte de vie humaine, lorsque la frontière a été franchie, a ajouté le Rapporteur spécial. Il peut ainsi y avoir des unités d’enquête au sein de la police. Il a reconnu que l’utilisation de technologies, telles que caméras, téléphones mobiles ou enregistrements, lors d’arrestations pouvaient empêcher des violations.
Quand l’État n’est pas en mesure de coopérer ou ne veut pas coopérer, il y a une palette de mesures. « Nous l’avons vu pour la Libye ou le Soudan » par exemple, a noté M. Heyns. Le Conseil de sécurité peut se tourner vers la Cour pénale internationale (CPI). L’idée sous-tendue ici est la reddition de comptes, a-t-il conclu.
Demande de parole
La Représentante de la Syrie a assuré que son pays était engagé à respecter les conventions internationales et qu’il interdisait toute forme d’exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Elle a exhorté le Liechtenstein à ne pas mentionner son pays dans ses interventions.
Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays
M. CHALOKA BEYANI, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, a présenté son premier rapport (A/66/285), dans lequel il examine la question des changements climatiques et les déplacements internes.
Pour donner une idée de l’ampleur du problème, l’ONU estime que chaque année jusqu’à 50 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays à la suite de catastrophes naturelles, a-t-il expliqué. En 2010 seulement, il y a eu au moins 42,3 millions de personnes nouvellement déplacées en raison de catastrophes soudaines, dont 90% étaient liées au climat. On ignore ce qu’il en est des déplacements créés par la désertification et autres phénomènes dus au climat, a-t-il précisé. Sur le continent africain, il a l’intention de promouvoir la ratification et l’application de la Convention de l’Union africaine sur les droits des personnes déplacées (Convention de Kampala) de 2009, premier instrument régional juridiquement contraignant.
Le Rapporteur spécial a proposé l’adoption d’une démarche plus large et consultative pour arriver à des solutions durables. Les personnes déplacées à l’intérieur doivent faire des choix sur une base volontaire et informée, en toute liberté, a-t-il suggéré.
Il a invité à considérer les conséquences de l’urbanisation effrénée, de la prolifération des bidonvilles, des modifications des modes de vie traditionnels. Relever ces défis redoutables exige des stratégies globales qui tiennent compte de toute une série de modèles de déplacement interne, a affirmé M. Beyani, en appelant à des approches humaines basées sur des normes des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Des lignes directrices ont été élaborées au niveau régional, par exemple dans la Convention de Kampala. Il a souhaité que ces mécanismes spécifiques soient mis en place pour son application.
Concernant ses visites, M. Beyani a indiqué qu’il s’était rendu aux Maldives, du 16 au 22 juillet 2011, pour y évaluer le sort des personnes déplacées par le tsunami de 2004, ainsi que les questions relatives à d’éventuels déplacements pour cause de catastrophes naturelles et de changements climatiques. Il a constaté que les effets des changements climatiques, tels que l’érosion côtière, la salinisation, l’élévation du niveau des mers et la fréquence accrue de tempêtes et d’inondations se faisaient ressentir dans de nombreuses îles et remettaient en cause les droits de l’homme, tels que le droit au logement, à une eau potable et à un moyen de subsistance. M. Beyani a salué la riposte des autorités des Maldives qui ont adopté, cette année, un Plan stratégique d’action pour l’adaptation aux changements climatiques et la réduction de leurs répercussions (2010-2020).
Le Rapporteur spécial vient aussi d’effectuer une visite de dix jours au Kenya où il a examiné la situation générale des personnes déplacées par la vague de violence survenue au lendemain des élections présidentielles de 2007/2008, et dans la perspective de celles de 2012. Il a découvert que les déplacés à l’intérieur vivaient dans des conditions épouvantables, ainsi que les déplacés par les projets de conservation écologiques comme les personnes expulsées de la forêt de Mau.
Le Rapporteur spécial a salué le travail du Gouvernement kényen pour remédier à cette situation, en particulier à travers un projet de politique relatif aux déplacés à l’intérieur, la création d’un ministère chargé des programmes spéciaux et d’un comité parlementaire spécifique sur cette question. Il a toutefois considéré que l’absence d’un système d’enregistrement fiable et efficace demeurait un motif de préoccupation. M. Beyani a exhorté les autorités kényennes, en coopération avec la communauté internationale et la société civile, à améliorer de tels systèmes et à veiller à ce qu’ils incluent toutes les catégories de personnes déplacées à l’intérieur.
Dialogue interactif
Le représentant des Maldives a remercié M. Beyani pour sa visite récente et a dit qu’il attendait le rapport de 2012 sur le cas des îles et des États côtiers. Le Tsunami de 2004, qui a détruit un quart des îles et affecté les deux tiers de la population, « nous a fait comprendre que nous n’étions pas prêts à agir en cas de catastrophes », a-t-il dit. Ayant peu de ressources, les Maldives ne sont pas en mesure de garantir le respect des droits de l’homme de leurs citoyens si la situation se détériore davantage. Un plan d’action stratégique national vise à prévenir et à réduire l’impact des changements climatiques.
Le représentant de l’Union européenne s’est dit prêt à travailler avec le Rapporteur spécial. Qu’en est-il de la coordination internationale pour les mesures de protection envisagée et des lignes directrices dans les législations nationales? M. Beyani s’est concentré sur les changements climatiques, mais il faut tenir compte des autres cas des personnes déplacées, a ajouté le représentant. La communauté internationale ne se penche pas suffisamment sur les droits des femmes et des filles. Existe-t-il des catégories, telles que les effets des catastrophes climatiques ou les dégradations de l’environnement, qui demandent une attention spécifique?
La représentante de la Géorgie a déclaré que le droit au retour « sûr et dans la dignité » des Géorgiens déplacés était au cœur de l’action de son gouvernement. Pas moins de 400 000 personnes ne sont toujours pas en mesure de rentrer chez elles en Abkhazie. Elle a invité le nouveau Rapporteur à se rendre en Géorgie.
Le représentant du Liechtenstein, reconnaissant qu’il fallait mieux incorporer une approche basée sur les droits de l’homme, a demandé comment le Rapporteur spécial collaborait avec les différentes entités onusiennes.
Réponse
Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays a déclaré qu’il donnerait suite à la demande des Maldives. Depuis le Sommet mondial de 2005, les principes et lignes directrices sur les déplacés à l’intérieur sont utilisés par des États comme l’Angola, l’Ouganda, le Kenya, la Colombie et l’Iraq, tandis que la Géorgie y travaille, a-t-il ajouté.
Concernant les solutions pour les déplacés se trouvant hors des camps, il a indiqué que pour bon nombre d’agences, vu leurs activités, il ne leur était pas possible d’envisager de jouer un rôle pionnier dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle il a proposé de lancer des analyses destinées à aboutir à de meilleures pratiques, et d’examiner celles-ci au niveau du Comité permanent interagences.
Le Rapporteur spécial a également travaillé avec le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et avec ONU-femmes pour élaborer des recommandations, comme il a eu des échanges avec des associations de femmes déplacées pour identifier les moyens de leur venir en aide.
M. Beyani a précisé que ce qui est reconnu à l’heure actuelle comme déplacement dû aux changements climatiques est caractérisé par un déplacement lent, ou subit des suites de catastrophes naturelles. Or, il n’est pas encore clairement établi que ces déplacements soient effectivement le résultat des changements climatiques. Les réponses doivent donc être conçues comme des mesures d’adaptation, a-t-il répondu au Liechtenstein.
Il s’agit aussi, a-t-il dit, de voir quelles sont les causes et les conséquences humanitaires de la dégradation environnementale, surtout pour les générations à venir. Il a, par ailleurs, affirmé que la coopération avec les Nations Unies s’articulait autour de réunions avec le Bureau des affaires humanitaires (OCHA), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et d’autres agences. Cette coopération fonctionne bien à titre personnel et institutionnel, a estimé M. Beyani.
La Norvège a soutenu le mandat du Rapporteur spécial et les lignes directrices sur les personnes déplacées à l’intérieur, qui remontent à 1990. Les 27 millions de personnes déplacées cette année l’ont été à cause des violations des droits de l’homme et des catastrophes naturelles comme les inondations au Pakistan ou la sécheresse dans la corne de l’Afrique, a-t-il observé. Le nombre des déplacés liés aux changements climatiques ira en augmentant, a-t-il remarqué en s’appuyant sur le rapport. Il faudra voir quelles sont les capacités des sociétés à réagir et à atténuer les effets des changements climatiques, a-t-il estimé.
L’Autriche a rappelé que les lignes directrices étaient essentielles et a demandé des exemples pratiques pour les États quant à la mise sur pied de mesures pour prévenir ou atténuer les effets des changements climatiques.
La Suisse a affirmé que la Convention de Kampala sera amenée à jouer un rôle majeur dans la résolution de la situation des déplacés. Il a constaté qu’il manquait encore un certain nombre de ratifications pour son entrée en vigueur et s’est interrogé sur les moyens à mettre en œuvre pour encourager de telles ratifications.
Le Soudan a souligné que le régime judiciaire dans son pays était strict et reconnu pour sa probité à l’échelle internationale. Il a fait cette déclaration en réaction à l’une des interventions du Liechtenstein.
La Serbie a fait état de la situation des déplacés de son pays. Citant le cas particulier du Kosovo, elle a demandé ce que le Rapporteur spécial avait l’intention de faire pour ces déplacés.
Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays s’est déclaré bien conscient de la situation des déplacés en Géorgie et a indiqué qu’il travaillait avec tous les pays concernés. Il a étroitement travaillé avec son prédécesseur, dans le cadre de la continuité du mandat, pour résoudre ce problème.
M. Beyani a estimé que la coordination était mieux assurée par le truchement d’OCHA et devrait être plus efficace au niveau du pays où les personnes sont déplacées. La question de catastrophes naturelles soudaines et d’autres, plus lentes, doit être étudiée de près, a-t-il recommandé. Dans tous les cas de figure, il y aura des mouvements de population, certains transfrontaliers, dans lesquels son mandat n’est pas impliqué car il traite des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. M. Beyani a recommandé cependant d’établir une distinction entre un mouvement de déplacement brusque et un mouvement à long terme, afin de savoir si des mesures d’adaptation sont nécessaires.
À chaque fois, il faut trouver des solutions durables, a-t-il dit. Les principes directeurs concernent tous les domaines mais exigent parfois des directives spécifiques sur l’adaptation, l’atténuation, les solutions alternatives et le retour.
Le Rapporteur spécial s’est par ailleurs réjoui de toutes les initiatives prises par l’Union africaine en vue de la ratification de la Convention de Kampala. Il a exhorté l’Union africaine à persévérer dans ce contexte.
Il a pris note de l’excellente coopération de son prédécesseur avec la Serbie. Il ne s’agit pas seulement du Kosovo mais aussi de la Bosnie-Herzégovine, de la Serbie et autres pays de la région, a-t-il dit. Le problème principal est lié à la question du statut du Kosovo et les Nations Unies sont neutres à ce sujet, a-t-il dit. M. Beyani a affirmé avoir engagé des dialogues avec plusieurs parties prenantes afin d’envisager les moyens pour l’Union européenne de contribuer à la résolution de cette situation.
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