Troisième Commission: l’isolement cellulaire prolongé, un phénomène mondial à abolir, selon le Rapporteur spécial contre la torture
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Troisième Commission
21e et 22e séances - matin et après-midi
TROISIÈME COMMISSION: L’ISOLEMENT CELLULAIRE PROLONGÉ, UN PHÉNOMÈNE MONDIAL
À ABOLIR, SELON LE RAPPORTEUR SPÉCIAL CONTRE LA TORTURE
La pratique de l’isolement cellulaire est un phénomène mondial, objet d’abus généralisés, a déclaré le nouveau Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan Méndez, à l’ouverture, aujourd’hui, de l’examen de la promotion et protection des droits de l’homme par la Troisième Commission.
Considérant que tout isolement cellulaire d’une durée de plus de 15 jours était un isolement cellulaire prolongé, M. Méndez a proposé dans son rapport* une interdiction absolue de cette pratique, compte tenu en particulier du caractère irréversible de ses effets psychologiques sur l’individu.
La Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a également organisé un dialogue interactif avec le Président du Comité contre la torture, M. Claudio Grossman, et son homologue du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Malcolm Evans.
Introduisant les questions relatives aux droits de l’homme, le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Ivan Šimonović, a présenté plusieurs rapports, dont celui du Secrétaire général sur les mesures visant à améliorer encore l’efficacité, l’harmonisation et la réforme des organes de surveillance de l’application des traités**.
M. Šimonović a recommandé que la Troisième Commission organise, lors de ses prochaines sessions, des dialogues avec les Présidents du Comité des droits de l’homme, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et du Comité des droits des personnes handicapées.
Le système des organes des traités est confronté à de graves difficultés découlant de la tâche énorme à laquelle ils sont confrontés et du manque de ressources humaines et financières, a déclaré M. Grossman, résumant le sentiment de ses collègues.
M. Grossman a déploré que 65 États parties aient actuellement des retards dans la présentation de leurs rapports périodiques, et que 30 autres n’aient pas encore soumis leurs rapports initiaux. Cette situation entrave le bon fonctionnement du Comité, a-t-il dit, en invitant les États à plus de discipline dans la présentation des rapports.
À son tour, M. Evans a présenté le rapport annuel du Sous-Comité pour la prévention de la torture, chargé du suivi duProtocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui, avec ses 25 membres, est le plus grand organe de surveillance de l’application des traités des droits de l’homme des Nations Unies.
Le Sous-Comité n’aura été en mesure d’effectuer que trois visites de pays en 2011. « À ce rythme, un pays ne pourra obtenir une visite du Sous-Comité que tous les 20 ans, alors que le Protocole facultatif prévoit une implication beaucoup plus dynamique », a déploré M. Evans, signifiant que ce problème ne pourra être résolu qu’en augmentant les ressources disponibles.
Dix-huit délégations ont participé au débat consacré à l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’application intégrale et au suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (1993).
La Commission a aussi entendu la présentation de trois projets de résolution sur les sujets suivants: promouvoir l’intégration sociale en luttant contre l’exclusion***; Suite donnée à la célébration du dixième anniversaire de l’Année internationale de la famille et au-delà****; amélioration de la condition de la femme en milieu rural.*****
Demain, à partir de 10 heures, la Troisième Commission accueillera la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Navanethem Pillay, et les Rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée (RPDC).
* A/66/268
** A/66/344
*** A/C.3/66/L.8
**** A/C.3/66/L.12
***** A/C.3/66/L.19
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME (A/66/87)
Application des instruments relatifs aux droits de l’homme (A/66/40 (Vol. I), A/66/40 (Vol. II), A/66/44, A/66/48, A/66/55, A/66/217, A/66/344, A/66/276, A/66/175, A/66/259)
Application intégrale et suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne (A/66/36)
Exposés
M. IVAN ŠIMONOVIĆ, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a présenté le rapport du Secrétaire général sur les mesures visant à améliorer davantage l’efficacité, l’harmonisation et la réforme des organes de surveillance de l’application des traités (A/66/344).
Ce rapport donne notamment des informations sur le volume de travail des organes de surveillance des traités et sur l’utilisation qui est faite actuellement des ressources disponibles. Il fait le point sur le travail de réflexion engagé par les parties prenantes sur les moyens de renforcer le système des organes conventionnels et formule deux propositions sur des moyens de rattraper rapidement les retards accumulés, et sur la manière d’assurer le fonctionnement du système sur le long terme sans prendre à nouveau du retard.
M. Šimonović a également introduit la note du Secrétaire général sur l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme (A/66/175).
Ce document contient le rapport de la dernière réunion des présidents des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme, qui s’est tenue à Genève le 30 juin et le 1er juillet 2011. Les présidents ont recommandé que leur réunion se tienne tous les deux ans, dans différentes régions, en vue de rapprocher les organes conventionnels du niveau de la mise en œuvre sur le terrain et de faire mieux connaître leurs travaux en renforçant les synergies entre les mécanismes et institutions internationaux et régionaux des droits de l’homme.
Le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme a également évoqué le rapport du Secrétaire général sur le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture (A/66/276), qui fait état des décisions prises en application des recommandations du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) visant à améliorer l’efficacité des activités du Fonds.
Enfin, M. Šimonović a recommandé que la Troisième Commission organise, lors de ses prochaines sessions, des dialogues avec les Présidents du Comité des droits de l’homme, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et du Comité des droits des personnes handicapées.
M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité contre la torture, a déclaré que le dialogue avec la Troisième Commission était l’occasion de discuter avec les États parties à la Convention de 1984 contre la torture dont le nombre s’élève aujourd’hui à 149. Ce dialogue complète et poursuit les discussions tenues lors des réunions annuelles que le Comité tient à Genève ainsi que la consultation technique relative au Processus de renforcement des organes de traités qui a eu lieu à Sion, en Suisse, les 12 et13 mai 2011.
Il a fourni un aperçu des activités des membres du Comité et des principales questions soulevées dans le cadre du mécanisme de communications/plaintes individuelles. M. Grossman a ensuite décrit les mesures prises par les membres du Comité pour remédier aux arriérés dans l’examen des rapports des États parties en utilisant, en particulier, les ressources supplémentaires offertes par l’Assemblée générale qui ont consisté à lui accorder une troisième session annuelle. Le Comité se réunit normalement deux fois par an, à Genève, pour trois semaines.
M. Grossman a déploré que 65 pays aient actuellement des retards dans la présentation de leurs rapports périodiques, et que seulement deux États, Madagascar et Djibouti, aient soumis leurs rapports initiaux l’année dernière. D’autre part, il est profondément regrettable que 30 autres États parties n’aient pas encore soumis leurs rapports initiaux. Cette situation entrave le bon fonctionnement du Comité, a-t-il commenté, en invitant les États à plus de discipline dans la présentation des rapports.
Le Président du Comité contre la torture a souligné que, pour faciliter la tâche des États, les membres du Comité ont adopté une procédure simplifiant la méthode de présentation des rapports, notamment en répondant à une liste de questions préalablement établies par le Comité. Cette procédure a pour but de renforcer la cohérence et le suivi, et par là même, la légitimité de cet organe de traité, a-t-il précisé, en indiquant que 35 questions préalables avaient ainsi été établies pour les États qui devaient soumettre leurs rapports. En outre, le système des organes des traités est confronté à de graves difficultés découlant de la tâche énorme à laquelle lesdits organes sont confrontés, d’une part, et le manque de ressources humaines et financières, d’autre part.
Autre question cruciale, selon M. Grossman, est l’apport d’une procédure de recours aux victimes qui doivent obtenir pleine réparation pour les actes de torture. Le Comité a aussi augmenté le nombre de décisions prises dans le cadre de la procédure de communication individuelle, passant de 5 à 12 lors de sa dernière session. Il a mentionné à cet égard le problème posé par le manque de traduction des plaintes, ce qui ne permet pas au Comité de les examiner rapidement. Il s’agit de victimes alléguées de torture et de mauvais traitements, a-t-il rappelé, en soulignant la nécessité de trouver une solution rapide au problème de la traduction des plaintes dont le comité est saisi.
M. Grossman a aussi fait le point sur les observations générales formulées par le Comité, notamment sur la situation au titre de l’article 14 de la Convention concernant les réparations aux victimes.
Il a déclaré que les organes de traités traversaient une situation difficile car l’amélioration de l’efficacité nécessitait une assistance technique des États et des ressources humaines. Le Comité analyse les possibilités d’utilisation des nouvelles technologies, des vidéoconférences et autres moyens visant à la fois à améliorer et à optimiser ses méthodes de travail.
Le travail du Comité durant les deux dernières décennies montre que les actes de torture se poursuivent dans l’impunité de certains de leurs auteurs, a déclaré le Président du Comité, en dénonçant également les enlèvements, les disparitions forcées et les exactions à l’égard des familles des victimes.
Cependant, les statistiques et les chiffres font parfois perdre la dimension humaine de cette situation. Il s’agit d’hommes, de femmes et d’enfants qui subissent des actes de torture, humiliants, cruels ou dégradants, innommables.
M. MALCOM EVANS, Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture, a présenté le quatrième rapport annuel du Sous-Comité pour la prévention de la torture, qui est le plus grand organe de surveillance de l’application des traités des droits de l’homme des Nations Unies. Le nombre d’États parties au Protocole facultatif à la Convention des Nations contre la torture a dépassé 50.
En 2010, le Sous-Comité a mené trois visites complètes au Liban, en Bolivie et au Libéria, ainsi qu’une visite de suivi au Paraguay. Son dernier rapport va au-delà des rapports antérieurs et reprend des commentaires de fond sur des questions relatives à son mandat, a expliqué M. Evans.
De nouvelles directives répondent à la préoccupation du Sous-Comité concernant les mécanismes de prévention nationaux des États parties. En effet, près de la moitié d’entre eux n’ont pas défini leurs mécanismes de prévention dans le respect des échéanciers. Le Président du Sous-Comité a souhaité avoir la possibilité de rencontrer les États parties dès leur adhésion au Protocole facultatif. Il a rappelé que la prévention de la torture et des mauvais traitements était un « exercice doté de nombreuses facettes ».
Le Sous-Comité n’aura été en mesure d’effectuer que trois visites en 2011, au Brésil, au Mali et en Ukraine. « À ce rythme, un pays ne pourra obtenir une visite du Sous-Comité que tous les 20 ans, alors que le Protocole facultatif prévoit une implication beaucoup plus dynamique », a déploré M. Evans. Ce problème ne pourra être résolu qu’en augmentant les ressources disponibles.
Le bureau du Sous-Comité comprend à présent cinq membres et des équipes spéciales régionales pour garantir la diversité dans l’approche. M. Evans a continué d’encourager les mécanismes de prévention nationaux à participer aux sessions plénières du Sous-Comité. Il a envisagé la possibilité d’adapter ses visites « de façon créative », pour se concentrer sur les problèmes les plus urgents dans les pays.
Le Président du Sous-Comité a dit rechercher en outre de nouvelles formes de coopération avec ses collègues onusiens dans la lutte contre la torture. Engagé dans le processus de réflexion sur la réforme des organes de surveillance de l’application des traités, il a estimé qu’il fallait « se tourner vers l’extérieur et être plus ouvert dans le travail ». Même si le principe de confidentialité est respecté, « le travail du Sous-Comité est amélioré lorsque les États acceptent de faire publier les rapports des visites ».
Dialogue interactif
À l’occasion du dialogue interactif avec le Président du Comité contre la torture, M. CLAUDIO GROSSMAN, et du Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture, M. MALCOLM DAVID EVANS, huit États Membres sont intervenus pour s’enquérir de la coopération avec d’autres mécanismes des droits de l’homme et organes des traités en particulier.
Certains ont posé des questions d’ordre technique sur la procédure d’examen des rapports et sur les procédures confidentielles. Le Pakistan a prié le Président du Sous-Comité d’apporter des éclaircissements pour mieux comprendre la façon dont les ressources sont allouées et dont les mécanismes mis en place pour aider le Sous-Comité s’adaptent à la nouvelle situation.
De manière plus précise, la Pologne, qui parlait au nom de l’Union européenne, s’est intéressée à la coopération avec les autres acteurs pertinents comme les autorités nationales et internationales, les institutions universitaires, les services d’ordre et les victimes. Comment se passe l’évaluation des preuves dans le cadre de la procédure confidentielle de plaintes, que peut faire le Sous-Comité pour faire avancer le mécanisme de prévention, quels sont les avantages et inconvénients du système de procédure confidentielle de plaintes, a-t-elle demandé.
La République tchèque a voulu savoir quels progrès avaient été réalisés dans les méthodes de fonctionnement du Sous-Comité pour la prévention de la torture qui, selon lui, a un mandat différent des autres organes de traités.
Le Danemark, pour sa part, a posé une question sur la coopération avec les titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le Haut-Commissariat a entrepris un examen complet du travail des organes de traités. Sur quoi souhaitent-ils voir ce processus déboucher, a demandé la représentante. Elle a aussi annoncé qu’un événement parallèle aurait lieu sur la problématique du dédommagement et de réhabilitation des victimes (article 14 de la Convention contre la torture). Notant que le Sous-Comité comptait le plus grand nombre de membres, soit 25, elle a également demandé s’il existait des programmes de formation pour les nouveaux membres.
Dans le contexte de la coopération, le Chili a fait état des efforts consentis pour informer les États, domaine qu’il a jugé très important pour les pays en développement. Ce pays s’est aussi attardé sur le système des dédommagements des victimes. Son représentant a déclaré que le Chili avait mis en place un système prévoyant des dédommagements, même symboliques, pour les victimes et leurs familles. Il s’agit de faire reconnaître, par leurs auteurs, les abus et actes de torture ainsi que de prendre des sanctions adéquates, a-t-il expliqué, avant d’appuyer le travail du Comité contre la torture pour progresser vers un monde où la torture est punie et rejetée par tous les États.
Au titre des efforts nationaux dans les pays ayant connu une période d’abus massifs des droits de l’homme, le Brésil a déclaré que la Présidente de la République venait de soumettre au Congrès national, une loi portant création d’un comité national de prévention de la torture composé, de neuf experts qui auraient accès librement aux lieux de détention. En cas de violation, ceux-ci feraient des recommandations et assureraient leur suivi. Le délégué brésilien a rappelé que la Présidente brésilienne avait elle-même été assujettie à la torture et que des efforts étaient faits pour la vérité et la mémoire. Quelles mesures prendre pour améliorer le système de visite de pays des membres du Sous-Comité, a-t-il demandé.
Traitant d’un aspect moins clair dans la définition des actes de torture, le Liechtenstein s’est interrogé sur la classification de la violence domestique dans ce contexte.
Le Président du Comité contre la torture a reconnu que la question du dédommagement intégral était essentielle. Les garanties de non-répétition font partie intégrante du projet préparé par le Comité et présenté aux États pour examen. « L’argent n’est pas le seul remède pour les victimes de la torture qui ont besoin de voir leur nom réhabilité et leur dignité rétablie », a-t-il dit.
M. Grossman s’est dit d’accord avec les incitations à la coopération entre les divers organes qui s’occupent de la question de la torture. Le processus se nourrit des réflexions obtenues dans d’autres instances. Il faut un débat qui intègre des approches ouvertes et transparentes; tout doit pouvoir être présenté dans les réunions.
Le Comité réfléchit sur le sujet de l’évaluation des preuves. « On reçoit, à Genève, par exemple, des plaintes émanant de personnes menacées de retour dans un pays où elles craignent d’être torturées », a dit M. Grossman. Il faut savoir quel niveau de preuves assurer et quelle valeur accorder aux allégations des juridictions nationales. Un certain nombre de questions se posent, y compris celle de savoir si le plaignant a accès à des avocats dans une langue compréhensible.
S’agissant des défis posés par la liste des questions préalables, « si on attend trois ans pour analyser les réponses, elles sont obsolètes », a rappelé M. Grossman, citant un problème de temps et de ressources. Le Comité est bien obligé de fixer des priorités. « Pas de priorités, pas de travail », a-t-il dit.
Il a rappelé la fonction créatrice des organes de surveillance de l’application des traités, qui « ne se contentent pas de tamponner ». Il a regretté que de nombreux États n’aient pas encore présenté leur rapport initial.
Des violences domestiques sont des tortures, a reconnu ensuite M. Grossman. Le Comité ne doit pas perdre pour autant sa spécificité et doit s’adapter à la réalité. « Il y a des choses qui sont claires et d’autres qui le sont moins. »
Le suivi est essentiel pour assurer la crédibilité, a conclu M. Grossman. Certaines recommandations doivent être accomplies dans l’année qui suit, mais le Comité doit établir des priorités réalistes en fonction des États.
Répondant à son tour aux questions, le Président du Sous-Comité pour la prévention de la torture a indiqué que le Sous-Comité tenait une réunion annuelle avec le Comité contre la torture en se concentrant sur les questions de procédure pertinente et de fond qui intéressent les deux organes. En outre, l’organe noue des partenariats avec les mécanismes régionaux et nationaux. La société civile joue un rôle considérable, a apprécié M. Evans. Le Sous-Comité aide les États Membres en rédigeant des directives et en créant des occasions officieuses de les rencontrer. « Il n’est pas possible d’inclure tous les Membres dans les programmes de visite étant donné les ressources dont nous disposons », a-t-il rappelé.
S’agissant de la confidentialité, M. Evans a considéré qu’elle offrait la possibilité de nouer une relation étroite avec les États, grâce à la confiance. Si les recommandations faites aux États sont confidentielles, d’autres acteurs pourraient cependant en bénéficier et les inclure dans leurs plans.
Une façon d’améliorer le suivi des visites consiste à répondre aux recommandations contenues dans les rapports dans les délais fixés. Un dialogue peut ensuite être établi entre le Sous-Comité et le pays, a poursuivi son Président.
Le nombre croissant d’États Membres augmente l’échelle des défis, les principaux étant la visite des pays puis le suivi. Chaque visite est le début d’un nouveau processus et la charge de travail est considérable, a insisté M. Evans. Il s’agit de garder à l’esprit l’objectif qui est que « les États doivent respecter leurs obligations ».
Enfin, le Président du Sous-Comité contre la torture a souligné qu’avec 25 membres, son potentiel avait été augmenté et que l’homogénéité devait être garantie, notamment en créant des groupes de travail.
Exposé
M. JUAN MÉNDEZ, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a présenté son premier rapport(A/66/268) en constatant que la pratique de l’isolement cellulaire était un phénomène mondial objet d’abus généralisé. De plus, a-t-il dit, il n’existe pas de définition universellement acceptée de l’isolement cellulaire. Selon les cas, a-t-il expliqué, cette pratique avait pour nom « ségrégation », « isolement », « séparation », « cellulaire », « lockdown », « supermax », « le trou » ou « unité de haute sécurité ». M. Méndez a précisé qu’il utilisait, pour toutes ces pratiques, l’expression « isolement cellulaire », correspondant à un isolement physique d’un individu confiné dans sa cellule pendant 22 à 24 heures par jour.
M. Méndez s’est déclaré fortement préoccupé par l’accroissement du recours à l’isolement cellulaire prolongé ou indéfini dans plusieurs juridictions, en particulier dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme » et de « menace à la sécurité nationale ». Il a rappelé à cet égard que ses prédécesseurs avaient conclu que l’isolement cellulaire prolongé pouvait s’apparenter à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, et pouvait dans certains cas s’apparenter à la torture.
Le Rapporteur spécial a souligné que l’isolement cellulaire était une mesure excessive qui pouvait avoir de graves conséquences psychologiques et physiologiques pour les personnes, quelle que soit leur condition. Partant de ce principe, il estime que l’isolement cellulaire est contraire à l’un des objectifs essentiels du système pénitentiaire qui est de réhabiliter les délinquants et de faciliter leur réinsertion dans la société.
M. Méndez a donc considéré que tout isolement cellulaire d’une durée de plus de 15 jours était un isolement cellulaire prolongé, et a proposé dans son rapport une interdiction absolue de cette pratique, compte tenu en particulier du caractère irréversible de ses effets psychologiques sur l’individu.
M. Méndez a exhorté à établir une distinction claire entre l’isolement cellulaire prolongé et plusieurs formes de ségrégation dans les lieux de détention. En effet, la séparation physique pourrait s’avérer nécessaire pour la protection d’individus vulnérables, tels que les jeunes, les lesbiennes, les homosexuels, les transsexuels et les personnes handicapées afin de les protéger. Ils peuvent être mis en l’isolement à leur propre demande ou sur décision de l’administration pénitentiaire.
Les femmes et les enfants devraient aussi être séparés des hommes. Il a insisté sur le fait que les mineurs ne devraient jamais être l’objet d’un isolement cellulaire. Le Rapporteur spécial a recommandé des alternatives également pour les personnes handicapées et a proposé l’abolition pure et simple de l’isolement cellulaire pour les mineurs et les handicapés.
À titre de recommandation, le Rapporteur spécial engage les États à respecter et à protéger les droits des personnes privées de liberté tout en maintenant la sécurité et l’ordre dans les lieux de détention. Il réaffirme que les États devraient se reporter à la Déclaration d’Istanbul sur le recours à l’isolement cellulaire et les effets de cette pratique, qui est un instrument utile pour la promotion du respect et de la protection des droits des détenus. Les conditions matérielles et le régime de l’isolement cellulaire ne doivent être imposés qu’en dernier recours, a-t-il insisté, lorsque les mesures moins restrictives ne donnent pas les résultats escomptés.
Il a aussi recommandé une documentation sur les raisons ayant conduit et justifiant l’isolement cellulaire. En tout état de cause, celui-ci ne doit jamais être imposé ou maintenu, sauf dans les cas où il est possible d’établir clairement qu’il n’occasionnera pas une douleur ou des souffrances psychiques ou physiques graves ou ne donnera pas lieu aux actes définis à l’article premier ou à l’article 16 de la Convention contre la torture. Dans les cas d’isolement, un personnel médical doit toujours suivre l’état de santé physique et psychologique de l’individu en isolement.
M. Méndez a ensuite fait le bilan de ses visites de pays et indiqué avoir reporté, à la demande du Gouvernement, la visite qu’il avait prévu d’effectuer au Kirghizistan en mai 2011, en raison de la situation politique dans le pays à l’époque. Il a reçu une nouvelle invitation pour s’y rendre du 4 au 12 décembre prochain.
Il a accepté l’invitation du Gouvernement iraquien à se rendre dans le pays en octobre 2011, mais celle-ci n’a pas encore été confirmée par le pays concerné. Il a également reçu du Bahreïn une invitation à effectuer une visite dans ce pays.
Le Rapporteur spécial a effectué une visite en Tunisie du 15 au 22 mai 2011 pour examiner les violations commises par le régime de l’ancien Président Ben Ali, évaluer les violations commises pendant et après la révolution de décembre 2010 et janvier 2011 et identifier des mesures nécessaires pour la prévention de la torture et des mauvais traitements à l’heure actuelle et dans le futur.
M. Méndez a partagé ses premières constatations avec le Gouvernement provisoire qu’il a remercié d’avoir pleinement coopéré avec lui dans une déclaration à la presse en date du 22 mai. Il a indiqué que le Gouvernement avait pris une série de mesures dans le sens de la transparence et de réformes à long terme. Le Rapporteur spécial présentera le rapport sur sa mission en Tunisie au Conseil des droits de l’homme à sa dix-neuvième session, en mars 2012.
Dialogue interactif
Les intervenants ont salué la nomination de M. Méndez et la qualité d son premier rapport axé sur l’isolement cellulaire. Les États-Unis ont néanmoins souligné qu’il n’existait pas de normes internationales établies pour la durée autorisée de l’isolement cellulaire. Le droit à des conditions de détention appropriées, abris, soins médicaux et suivi de la santé mentale est prescrit dans la Constitution américaine, a précisé ce pays. En mettant en exergue un certain nombre de principes pour réduire, voire, abolir la pratique de l’isolement cellulaire prolongé, le Rapporteur spécial fait ainsi avancer la pensée et la critique de cette pratique, a conclu la représentante des États-Unis, en formant l’espoir que ce travail soit poursuivi.
Dans ce cadre, le Danemark s’est interrogé sur les suggestions pratiques pour que les États puissent épauler le Rapporteur spécial afin de créer des conditions propices à son travail, tandis que la Pologne, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a posé une question sur la coopération entre les différents titulaires de mandats. L’Union européenne a demandé si la distinction entre « isolement cellulaire » et « séparation » était une différence conceptuelle ou d’optique. Toujours sur des questions d’ordre conceptuel, la Suisse a prié le Rapporteur spécial d’expliquer comment il avait fixé un délai maximal de 15 jours d’isolement cellulaire.
La Tunisie, pays où le Rapporteur spécial s’est rendu depuis la fin du régime du Président Ben Ali, a assuré M. Méndez du plein engagement de son pays à respecter les droits de l’homme.
Le Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants a souligné que les États ayant connu la torture, comme la Tunisie, étaient les mieux à même de montrer un exemple pour le reste du monde
M. Méndez a indiqué que nombre de ses recommandations aux États étaient présentées conjointement avec les responsables onusiens de la question de la torture, « même si nous sommes encore loin d’une coopération complète, efficace et productive ».
Par ailleurs, il a dit qu’il était important que les États ayant ratifié le Protocole facultatif à la Convention créent des mécanismes nationaux de prévention de la torture.
S’il est important d’éviter que ne se reproduisent les conditions qui permettent la torture, M. Méndez a centré son rapport sur les victimes pour amener les États à déterminer, en particulier, les dédommagements auxquels elles ont droit
S’agissant de la différence entre mise au secret et isolement, le Rapporteur spécial a répondu qu’il discutait des formes légitimes de recours à l’isolement. Cette pratique doit être « soumise à des règles strictes et être de courte durée, contrôlée par une autorité judiciaire et rester une mesure d’exception », a-t-il fait valoir.
Il n’y a pas encore de critères internationaux qui s’appliquent en la matière, mais une des fonctions de ce rapport est de porter l’attention sur des pratiques des États en vue d’abolir la torture, a poursuivi M. Méndez. Les États peuvent envisager des mesures en droit interne pour circonscrire ce problème. La majorité d’entre eux n’offrent pas de garanties.
Le Rapporteur spécial a reconnu que la fixation d’une date limite de 15 jours à un isolement prolongé était « arbitraire ». Mais il est fondé sur la littérature existante, car il semblerait qu’« après sept jours, l’isolement produit des effets psychologiques à long terme ». Il faut définir des lignes d’action plus précises avec l’aide des États et de la société civile.
Concluant le dialogue interactif, M. Méndez a réitéré que sa visite en Tunsie l’avait énormément encouragé. Il s’est dit « frappé par le fort degré d’interaction avec d’autres pays du monde arabe » où une révolution en matière de droits de l’homme est possible.
Débat général
S’exprimant au nom du groupe formé par le Canada, l’Australie et son propre pays (Groupe CANZ), Mme BERNADETTE CAVANAGH (Nouvelle-Zélande) a déclaré que la dernière Conférence en date des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées avait attiré l’attention sur un principe fondamental de cet instrument juridique, à savoir que l’élargissement de la participation des personnes handicapées à la société ne profitait pas seulement aux personnes souffrant d’un handicap, mais à la société dans son ensemble. La représentante s’est aussi félicitée des efforts déployés pour intégrer les droits des personnes handicapées dans les discussions portant sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
Le CANZ, a-t-elle dit, salue par ailleurs les travaux du Comité des droits des personnes handicapées, auprès duquel l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déposé leur premier rapport périodique en 2011, tandis que le Canada s’apprête à leur emboîter le pas en avril prochain. Mme Cavanagh a d’ailleurs pointé le fait qu’en ce domaine, le Comité avait été victime de son propre succès, devant l’afflux de rapports soumis par les États parties ayant adhéré à la Convention en si peu de temps. C’est une des raisons pour lesquelles le Groupe CANZ appuie la proposition de la Troisième Commission d’accorder au Comité la possibilité de se réunir plus fréquemment pendant l’année et lui permettre ainsi de garantir que les droits des personnes handicapées bénéficieront d’un traitement égal au sein du système des Nations Unies.
Mme FRIEDERIKE TSCHAMPA déléguée de l’Union européenne, a noté que l’année 2011 aura été marquée par des avancées dans la voie de la ratification des traités fondamentaux relatifs aux droits de l’homme par les États Membres des Nations Unies, la ratification complète étant l’un des objectifs majeurs de la Déclaration de Vienne et de son Programme d’action. De plus, l’Union européenne se réjouit de la tendance affichée, en 2011, lors de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle a ajouté que cela avait permis au Sous-Comité de la prévention de la torture d’étendre ses travaux et de pouvoir intensifier ses activités au niveau des pays. Elle a rappelé que la mise en œuvre, au niveau local, des traités relatifs aux droits de l’homme, restait le principal défi.
Mme Tschampa a ensuite souligné que cette année avait été également marquée par l’entrée en vigueur de la Convention internationale sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle a rappelé que depuis 25 ans, les familles des victimes, de même que des organisations non gouvernementales, des organisations internationales et des gouvernements n’avaient pas ménagé leurs efforts pour que les Nations Unies adoptent une convention contre cette pratique inhumaine. La déléguée s’est félicitée des consultations sur la manière de rendre les secrétariats des conventions plus efficaces pour gérer le problème de l’augmentation des États parties. Elle a ensuite félicité le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme pour son excellent travail et a réaffirmé son soutien à ses activités. Elle a rappelé que l’indépendance du Bureau était importante pour l’accomplissement de ses missions avec efficacité et impartialité.
Mme GWENDOLYN NWACHUKWU (Nigéria) a salué les conclusions du processus d’examen des travaux et du fonctionnement du Conseil des droits de l’homme, estimant aussi que l’adoption par l’Assemblée générale de la résolution émanant de ce processus constituait un exemple d’interaction entre les différentes institutions des Nations Unies au service de l’humanité. La représentante a ensuite estimé que, depuis trop longtemps, on s’était concentré sur les droits civils et politiques au détriment des droits économiques et sociaux. Il est impératif, a-t-elle ajouté, qu’un juste équilibre soit trouvé. Sinon, la question des droits de l’homme dans leur seul contexte civil et politique serait sans intérêt pour la vaste majorité des peuples dans le monde. De même, a-t-elle encore estimé, une croissance de l’aide au développement ainsi qu’une redirection des mécanismes vers les droits économiques et sociaux sont tout aussi impératifs pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Mme Nwachukwu a également déploré le fait qu’en dépit des efforts concertés de la communauté internationale, le racisme, la discrimination, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée demeuraient des défis majeurs, d’autant que ces phénomènes prennent de nouvelles formes, dont le profilage racial, la haine ou les stéréotypes. En tant que nation noire, victime de l’esclavage, la pire forme de racisme, le Nigéria est particulièrement attentif aux effets du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et entend jouer un rôle moteur dans le combat contre ces phénomènes, a encore déclaré la représentante. Cela explique l’engagement du Nigéria en faveur de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a-t-elle ajouté, avant de lancer un appel aux autres États Membres, afin qu’ils élaborent des politiques et créent des conditions favorables en vue de renforcer la cohésion et la tolérance. Par ailleurs, le Nigéria soutient les processus d’autonomisation des femmes et est partie à différents instruments internationaux, dont la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, a enfin indiqué la représentante.
Mme LI XIAOMEI (Chine) a déclaré que son pays accordait une grande importance au travail des organes des traités en matière des droits de l’homme, qui doivent respecter leur mandat, les principes d’objectivité et d’impartialité, et éviter la politisation et la sélectivité. Ces organes doivent aussi s’assurer que leurs recommandations prennent en compte la situation du pays, soient ciblées, et contribuent efficacement à la mise en œuvre des conventions et instruments donnés.
En septembre, son gouvernement a soumis au Haut-Commissariat aux droits de l’homme ses réponses écrites aux observations générales faites par le Comité contre la torture concernant l’article 14 de la Convention contre la torture. Elle a salué le rôle du Haut-Commissariat dans le processus de réforme de l’ensemble des organes des traités initié en 2009. La réforme doit respecter pleinement l’avis des États parties, a-t-elle insisté, en proposant la mise sur pied d’un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée pour arriver à un large consensus en vue de jeter les bases d’un développement sain de ces organes des traités.
M. JORGE VALERO BRICEÑO(Venezuela) a indiqué que les normes internationales en matière de droits de l’homme prévalaient dans l’ordre interne, sauf s’il existe des normes plus favorables dans la Constitution de son pays. Cette année, le Venezuela a ratifié le Protocole contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, ainsi que le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Par ailleurs, le Gouvernement a versé 38 000 dollars au Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture.
Le Venezuela applique des politiques visant à réaliser l’égalité sociale, économique et culturelle, ainsi que les libertés fondamentales de tous les habitants, s’est félicité M. Briceño. L’extrême pauvreté est passée de 21% en 1998 à 7,1% en 2010 et la quasi-totalité des Objectifs du Millénaire pour le développement ont été réalisés. En outre, la peine de mort n’existe pas et la torture n’est pas pratiquée dans ce pays. Il n’y a pas de discrimination et la liberté d’expression n’est pas limitée.
« Certaines puissances et leurs alliés tentent de placer certains pays sur le banc des accusés, en utilisant la justification de la guerre contre le terrorisme ou de la guerre préventive », a déploré le représentant. « Ce sont les mêmes qui violent de manière flagrante les droits de l’homme des pauvres, des classes moyennes et des plus vulnérables. »
Mme MARIA ELENA MEDAL (Nicaragua) a estimé qu’un des progrès majeurs accomplis par son pays en matière de protection des droits de l’homme était d’avoir aligné sa législation avec les normes internationales, en particulier sa Constitution politique qui stipule, dans son article 46, la nécessité du respect des droits de l’homme contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et autres conventions internationales ratifiées par l’État. La déléguée a établi une corrélation entre ces instruments et le Plan national de développement humain de son pays qui vise à l’élimination de la pauvreté.
Dans le cadre de ce plan et des réformes législatives, le Nicaragua a mis en place le Commissariat pour la défense des droits de l’homme, qui comprend des comités chargés de l’enfance et de l’adolescence, de la femme, des peuples autochtones et des communautés ethniques, des personnes handicapées, des libertés privées et de la participation citoyenne. D’autres institutions ont été aussi établies pour veiller au respect des droits de tous ces groupes minoritaires. De tels efforts ont permis des résultats tangibles, notamment la possibilité de soumettre les rapports périodiques du Nicaragua aux différents organes des traités des Nations Unies, ignorés pendant des décennies par les gouvernements successifs antérieurs. Un suivi est donné à la majorité des recommandations et observations formulées par les comités, a-t-elle encore indiqué.
M. HATEM TAG-ELDIN (Égypte) a affirmé que les récents développements internationaux montraient que les valeurs d’une société faisaient le lit d’une démocratie véritable. La protection des droits fondamentaux est de la responsabilité première des États Membres, a-t-il poursuivi, ajoutant que les démocraties devaient répondre aux aspirations de leurs peuples et respecter la souveraineté des autres États Membres. Il a plaidé pour qu’une attention accrue soit portée au droit au développement et au droit à l’alimentation et a appelé la communauté internationale à renforcer la participation des pays en développement au sein des institutions de Bretton-Woods. Le Représentant a invité les États Membres à remédier au déséquilibre institutionnel entre les différents organes des Nations Unies, le Conseil de sécurité ne devant plus être utilisé comme un instrument de politisation des droits de l’homme. Un engagement clair doit être également pris afin de ne pas outrepasser le mandat de la Troisième Commission, a-t-il poursuivi.
Le représentant a appelé de ses vœux l’élaboration d’un cadre commun international sur la responsabilité de protéger, concept qui, selon lui, doit être pensé en liaison avec le respect de la souveraineté. Des institutions nationales fortes sont essentielles à la prévention des crimes les plus graves, a-t-il poursuivi. Il est revenu sur la transition démocratique entamée par son pays depuis janvier 2011, indiquant que plusieurs mesures avaient été prises afin de juger les responsables des violations des droits de l’homme commises lors de la révolution égyptienne du 25 janvier. Il a également affirmé que le Gouvernement actuel réfléchissait à l’adoption d’une nouvelle législation promouvant la liberté de culte et punissant toute incitation à la haine religieuse et à la violence. Enfin, il a affirmé que l’Égypte continuerait de résolument s’engager dans la voie du respect des droits fondamentaux et de la pleine participation politique de ses citoyens.
M. MOURAD BENMEHIDI (Algérie) a déclaré que son pays s’était engagé dans de profondes réformes politiques, économiques, et sociales. Ces réformes prévoient une révision constitutionnelle, la promulgation d’une nouvelle loi sur l’information, la dépénalisation du délit de presse et l’ouverture de l’audiovisuel. Elles concernent également la loi sur les partis politiques, la loi sur les associations, la loi électorale et le renforcement de la représentation des femmes dans les instances électives. C’est dans ce cadre que les premières assises nationales de la société civile ont été organisées récemment. En outre, l’Algérie a multiplié les programmes d’aide au profit des jeunes pour favoriser leur insertion effective dans le monde du travail, a poursuivi M. Benmehidi. Cette action résolue a été saluée par l’ensemble des rapporteurs spéciaux du Conseil de droits de l’homme et de la Commission africaine des droits de l’homme, qui ont visité l’Algérie depuis novembre 2010.
« Afin de préserver les acquis de la Conférence de Vienne, l’Algérie considère utile et important de procéder à une évaluation rigoureuse et objective de la mise en œuvre de la Déclaration et de son Plan d’action dans le cadre du Conseil des droits de l’homme », a dit le représentant. L’adhésion aux instruments internationaux des droits de l’homme ne doit pas être sélective. À titre d’exemple, la mise en œuvre de la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille est toujours fragilisée, en raison de sa non-ratification par les pays d’accueil.
M. MOHAMAMAD ALNSOUR (Jordanie) a indiqué que le Parlement jordanien avait approuvé des réformes globales pour assurer la protection des droits de l’homme, la liberté et le renforcement de la participation politique de tous les Jordaniens, à travers des amendements à des règles constitutionnelles clefs. La Constitution, telle qu’amendée, met l’accent sur l’importance de la famille, de la jeunesse, et des personnes handicapées et insiste sur la nécessité de protéger ces personnes de l’exploitation. L’article prévoit l’interdiction de tout acte de torture, a expliqué M. Alnsour.
La Constitution amendée garantit aussi explicitement la liberté d’expression, a-t-il poursuivi, rappelant que ces derniers mois, son pays avait connu des changements sans précédent s’agissant de l’exercice du droit d’expression et des rassemblements publics, avec des manifestations publiques organisées chaque vendredi, de manière très organisée et responsable. Enfin, le représentant a indiqué que la nouvelle Cour constitutionnelle marquait une étape extrêmement significative dans l’accélération des efforts nationaux pour mettre en œuvre la démocratie avec des hauts critères internationaux
M. ATSUKO HESHIKI (Japon) a réitéré le soutien de son pays aux différentes conventions internationales et organes onusiens de protection des droits de l’homme. Il a notamment salué le rôle critique joué par le Conseil des droits de l’homme dans ce domaine, soulignant les efforts déployés par le Japon pour renforcer ses fonctions depuis la création dudit Conseil. Le représentant a ainsi rappelé le soutien absolu de son pays aux procédures spéciales qui complètent, selon lui, l’Examen périodique universel auquel sont soumis les États Membres. Dans ce contexte, il a indiqué que le Japon présenterait sa candidature l’an prochain au Conseil.
Le représentant a par ailleurs salué l’entrée en vigueur, en décembre 2010 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il a précisé que son pays avait également transmis en juillet son rapport national au Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’un rapport de suivi après les observations du Comité pour l’élimination de la discrimination à l'égard des femmes. À propos du renforcement de la place et du rôle des femmes, le représentant a souligné que le Japon avait adopté son troisième Plan d’action pour l’égalité des sexes, qui fixe des objectifs concrets à atteindre dans une série de domaines prioritaires et a fait la promotion des actions positives à entreprendre pour accroître la proportion de femmes à des postes de direction. Il a estimé que la défense des droits des personnes handicapées faisait partie des principaux objectifs fixés pour construire une société dans laquelle tout le monde peut jouir de la vie et du respect des autres, indépendamment du fait qu’il ou elle est handicapé. Le Japon a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a-t-il conclu.
M. AZAMAT KADYRALIEV (Kirghizistan) a rappelé que son pays était membre du Conseil des droits de l’homme depuis 2009, exprimant la ferme détermination de celui-ci à continuer de protéger et de promouvoir les droits de l’homme ainsi que le fonctionnement efficace de cet organe des Nations Unies. Il a appuyé le renforcement de la coopération avec les procédures spéciales et annoncé l’intention de son pays d’accueillir le Rapporteur spécial contre la torture, M. Juan Méndez. Il a affirmé que la coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme et les activités des agences humanitaires internationales, y compris le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, était un maillon important dans les efforts réunis pour maintenir la paix, la sécurité et la stabilité.
Prévenir et combattre la traite des personnes constituent une ligne directrice et une des priorités de la politique de migration du Kirghizistan, a-t-il souligné. En tant que membre du Groupe d’amis pour la lutte contre la traite des personnes, le Kirghizistan a soutenu les efforts de la communauté internationale visant à contrer cette forme d’esclavage moderne et a appelé à continuer la réalisation par tous les États Membres de l’ONU, du Plan d’action mondial pour la lutte contre la traite des personnes, adoptée à la soixante-quatrième session de l’Assemblée générale.
Mme MARGARITA VAYE CAMINA (Cuba) a déclaré qu’après 1959, les Cubains avaient accompli des progrès significatifs dans la jouissance de leurs droits et libertés fondamentales, dont le principal est celui à l’autodétermination, en dépit des sérieux obstacles et des menaces liées à la politique d’hostilité et au blocus imposé par le Gouvernement des États-Unis depuis plus de 50 ans. Le peuple cubain, a-t-elle affirmé, a déclenché, avec modestie, la coopération internationale en matière des droits de l’homme et, des dizaines de milliers de compatriotes ont partagé le sort de millions de personnes dans la lutte contre le colonialisme et l’apartheid.
D’autre part, Cuba aide aujourd’hui de nombreux pays en y dépêchant des milliers de professionnels de la santé, de l’éducation, de la recherche scientifique et technique et des sports, dans le cadre de la coopération avec les pays en développement, indépendamment de leur filiation idéologique et politique. La déléguée a poursuivi en énumérant certains des 42 traités internationaux auxquels son pays est partie, en relevant que celui-ci avait été l’un des premiers visités par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Elle a conclu en espérant que le schéma antérieur de sanctions contre les pays du Sud, parallèlement à celui de l’impunité absolue concédée aux pays du Nord, ne continuait pas à se reproduire dans les mécanismes des droits de l’homme, comme ce fut le cas avec la défunte Commission des droits de l’homme.
M. ASIM AHMAD (Pakistan) a déclaré que la réalisation du droit au développement était la meilleure façon de répondre à la situation des millions de personnes qui aspirent à sortir de la pauvreté. « Le racisme, la discrimination raciale et religieuse, y compris la xénophobie, menacent le tissu multiculturel de nos sociétés », a-t-il ensuite déploré. À cet égard, il a salué l’adoption de la résolution de l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) au Conseil des droits de l’homme cette année, et a espéré qu’elle sera adoptée par consensus par l’Assemblée générale au cours de cette session.
Au Pakistan, le Ministère des droits de l’homme surveille les violations des droits de l’homme, s’agissant en particulier des femmes, des minorités et des segments vulnérables de la société. « Nos médias sont les plus libres et vibrants d’Asie du Sud-Est », s’est par ailleurs félicité le représentant. La société civile joue un rôle actif pour aider les victimes de violations des droits de l’homme et promouvoir une culture de la responsabilité. De même, le système judiciaire indépendant a pris une série de mesures pour protéger les droits constitutionnels de tous les citoyens.
M. SAID AHOUGA (Maroc) a déclaré qu’en juillet dernier, son pays avait franchi une nouvelle étape essentielle de son processus démocratique en se dotant d’une Constitution de nouvelle génération, qui consolide la démocratie citoyenne et participative, renforce la corrélation entre responsabilité et reddition des comptes, et érige la bonne gouvernance et la transparence au niveau des normes
constitutionnelles. Cette étape est venue renforcer le processus d’approfondissement et d’élargissement du cadre national de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui a connu, au cours de la dernière décennie, la réalisation de réelles percées avant-gardistes dans ce domaine.
État musulman, attaché aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue, et œuvrant en faveur de la compréhension mutuelle entre toutes les civilisations, le Maroc poursuit le projet d’une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de la dignité et de la justice sociale, a-t-il affirmé. Dans le domaine des droits culturels, une attention particulière est portée à la promotion et à la préservation du patrimoine linguistique national dans toute sa diversité, a précisé M. Ahouga, en indiquant que la Constitution avait accordé à la langue amazigh, à l’instar de la langue arabe, le statut de langue officielle de l’État en tant que patrimoine commun des Marocains. L’État s’attache aussi à la préservation de la langue hassanie, à travers la poursuite d’une politique linguistique et culturelle active et cohérente, a-t-il ajouté.
D’autre part, la nouvelle Constitution criminalise la pratique de la torture sous toutes ses formes et par quiconque, la détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée qui sont considérées comme des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux peines les plus lourdes. Le Maroc procède également à la mise en place d’institutions indépendantes de promotion et de protection des droits de l’homme et de bonne gouvernance.
M. EDUARDO ULIBARRI (Costa Rica) a appuyé les six thèmes prioritaires retenus dans la stratégie du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, en mettant l’accent sur la consolidation des mécanismes des droits de l’homme et la nécessité de continuer la lutte contre la pauvreté et l’impunité. Le diplomate a souligné l’importance de saisir l’occasion de l’élan généré par les mouvements populaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en faveur des droits de l’homme, pour intervenir sur le terrain et appuyer des politiques allant dans le sens du changement. Il convient de répondre, comme il se doit, aux revendications et de tenter de les traduire en changements réels pour les populations, a-t-il préconisé. Appuyant le travail des comités des traités relatifs aux droits d’homme, M. Ulibarri a indiqué qu’une fois de plus, le Costa Rica avait fait montre du sérieux de son engagement vis-à-vis de ces organes en édictant, en août dernier, un décret exécutif portant création de la Commission interinstitutionnelle chargée du suivi et de l’application de ses obligations internationales dans le domaine des droits de l’homme.
Au niveau international, il a salué le processus de réflexion entre les membres des différents organes des traités en vue de l’amélioration de leurs méthodes de travail et du renforcement de la coordination entre eux, et de la collaboration avec les États, les partenaires des Nations Unies, la société civile et les institutions nationales des droits de l’homme. Il a reconnu les difficultés auxquelles se heurtent ces comités compte tenu du volume croissant de travail à accomplir, en dépit des efforts significatifs consentis pour plus d’efficacité. Cet accroissement est dû en grande partie à la ratification accrue des instruments internationaux, et à l’approbation de nouveaux, ce qui implique la nécessité de soumettre chaque fois plus de rapports. Il a appelé tous les États à accorder l’attention voulue au rapport que la Haut-Commissaire aux droits de l’homme présentera début 2012 sur le renforcement du système des organes créés en vertu des traités.
M. DUSHYANT SINGH (Inde) a mis en valeur l’Examen périodique universel, un « mécanisme véritablement universel et transparent, un instrument puissant pour le changement ». Il a encouragé les organes de surveillance de l’application des traités à maintenir leur indépendance dans l’exercice de leurs fonctions. Selon lui, ce n’est pas « en ciblant des pays avec un contrôle intrusif » que l’on fera avancer la cause des droits de l’homme. Il faut répondre aux violations des droits de l’homme de façon complète, à travers la coopération, le dialogue et la consultation.
L’Inde attache une grande importance au droit au développement et reconnaît que le développement est un processus économique, social, culturel et politique, a ajouté le représentant. Le vingt-cinquième anniversaire de l’adoption du droit au développement par l’Assemblée générale est l’opportunité pour la communauté internationale de réitérer son engagement à ce sujet. En tant qu’État partie à la majorité des instruments internationaux sur les droits de l’homme, l’Inde accorde une importance égale à tous les droits. Récemment, elle a commencé à mettre en œuvre la loi sur le droit à l’éducation qui s’applique à toutes les écoles, privées ou publiques. D’autres lois relatives aux droits de l’homme sont en cours d’examen par le Parlement, notamment sur la sécurité alimentaire et sur l’emploi rural.
Mme YANA BOIKO (Ukraine) a déclaré que la promotion et la protection des droits de l’homme incombaient principalement aux États et à la communauté internationale tout entière. Les violations des droits de l’homme sont l’une des plus grandes entraves au progrès social, d’où la nécessité de renforcement des efforts nationaux de promotion des droits. Le représentant a lancé un appel pressant à tous les États parties des instruments des droits de l’homme pour qu’ils se conforment pleinement à leurs obligations, y compris celles consistant à présenter des rapports périodiques. L’Ukraine a soumis plusieurs rapports, en particulier au Comité des droits de l’enfant et au Comité des droits économiques, sociaux et culturels chargé du suivi du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le pays a aussi présenté son septième rapport périodique en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
S’agissant du Conseil des droits de l’homme, il a estimé que cet organe avait prouvé sa nécessité et que ses mécanismes tels l’Examen périodique universel(EPU) et les procédures spéciales constituaient des outils d’une extrême importance car, s’ils fonctionnent efficacement, ils améliorent la situation des droits de l’homme dans le monde entier. Il a salué l’intérêt accru accordé par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à la prévention et à son rôle dans la promotion et la protection des droits de l’homme. Une prévention efficace est l’alternative pratique contre les atteintes aux droits de l’homme, a-t-il affirmé, en se réjouissant de l’adoption par le Conseil des droits de l’homme, à sa dix-huitième session, d’une résolution sur le rôle de la prévention dans la promotion et la protection des droits de l’homme. Le représentant a formé le vœu que le Haut-Commissariat renforce l’aspect préventif de ses activités et a mis l’accent sur le renforcement de l’interaction entre l’ONU et les organisations régionales en vue de l’intensification des efforts communs de prévention des atteintes aux droits de l’homme aux niveaux national, régional et international.
M. TAGHI M. FERAMI (République islamique d’Iran) a déclaré que son pays s’était entièrement engagé dans le mécanisme d’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme en présentant un rapport national détaillé et substantiel, et en envoyant, en février 2010, une délégation de haut niveau. Membre actif de nombreux traités se rapportant à divers aspects des droits de l’homme, l’Iran considère qu’il importe de consolider les capacités nationales en prenant en compte les particularités, le niveau de développement et les infrastructures internes existantes, ainsi que les obstacles entravant le développement naturel des pays, tels les embargos, les guerres civiles, les guerres et l’occupation étrangère. Il a recommandé le plein respect des principes d’universalité, d’indivisibilité et d’interdépendance de tous les droits de l’homme, qu’ils soient économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, et a recommandé à tous les pays de s’abstenir d’adopter des politiques sélectives dans ce domaine.
M. Ferami a annoncé que son pays avait soumis son troisième rapport périodique relatif à l’article 40 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qu’il le défendait, les 17 et 18 octobre, devant le Comité des droits de l’homme, à Genève. Il a aussi présenté son deuxième rapport périodique en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que deux rapports au Comité des droits de l’enfant. En conclusion, il a souligné que tous les pays devraient protéger tous les droits de l’homme et libertés fondamentales, y compris le droit de préserver son identité culturelle et l’égalité souveraine des États Membres du système des Nations Unies. Ce faisant, il faudrait aussi prendre en considération les particularités nationales et régionales, les valeurs culturelles, historiques et religieuses, a-t-il dit.
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