Trois tables rondes multipartites examinent des points spécifiques du débat de l’Assemblée générale sur le financement du développement
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Assemblée générale
Soixante-sixième session
Dialogue de haut niveau sur
le financement du développement
Tables rondes - matin
TROIS TABLES RONDES MULTIPARTITES EXAMINENT DES POINTS SPÉCIFIQUES DU DÉBAT DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
SUR LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT
Dans le cadre de son cinquième Dialogue de haut niveau sur le financement du développement, l’Assemblée générale a organisé ce matin trois tables rondes multipartites simultanées sur les questions dont la liste suit: « la réforme du système monétaire et financier international et ses incidences sur le développement »; « les incidences de la crise financière et économique mondiale sur les investissements étrangers directs (IED) et les autres flux financiers privés, sur la dette extérieure et sur le commerce international »; et « l’effet multiplicateur de la coopération technique et financière, y compris les sources novatrices de financement du développement, sur la mobilisation de ressources financières nationales et internationales pour le développement ».
La Présidente de la première table ronde, Mme Maria Luiza Ribeiro Viotti, Représentante permanente du Brésil auprès des Nations Unies, a rappelé que la communauté internationale a engagé des mesures pour améliorer le financement du développement. Néanmoins, a-t-elle souligné, les carences du système financier international ont conduit à des instabilités, entravant ainsi la mobilisation des fonds devant servir la cause de la promotion du développement. Mme Ribeiro Viotti a relevé qu’il y a un besoin avéré de réformer et renforcer l’architecture financière internationale afin de la rendre plus apte à soutenir le financement du développement. Des mesures concrètes, telles que la régulation des transactions financières et la création d’un conseil mondial de coordination économique ont à cet égard été proposées.
Dans le cadre de la seconde table ronde présidée par M. Lazarous Kapambwe, Représentant permanent de la Zambie auprès des Nations Unies, le constat est qu’il y a eu une baisse nette des flux de capitaux due à l’impact des crises financière et économique mondiales. Les discussions ont été, pour les participants, l’occasion de mettre l’accent sur la nécessité d’améliorer l’aide publique au développement (APD) ainsi que la qualité et le volume des investissements étrangers directs. Les intervenants ont aussi débattu, entre autres, de l’évaluation des marges de manœuvre fiscales des pays en cette période difficile, de la mise en place de politiques de gestion de la dette, et du potentiel de la coopération Sud-Sud pour stimuler la croissance et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).
La troisième table ronde, présidée par M. Morten Wetland, Représentant permanent de la Norvège auprès de l’ONU, a permis de relever la fragilité persistante des économies de la planète, et l’impossibilité de continuer à compter uniquement sur l’aide publique au développement, d’où le besoin, selon les panélistes, d’accélérer l’instauration de nouveaux mécanismes pour financer le développement tout en leur permettant de jouer le rôle de complément à l’aide publique au développement. Si divers exemples de mécanismes, dont la taxe sur les billets d’avion, ont été évoqués, un accent particulier a été mis sur la taxe sur les transactions financières. D’autres suggestions majeures sont ressorties de cette troisième table ronde, notamment l’importance d’une gestion saine des fonds et des aides octroyés aux pays du Sud; le renforcement du partenariat entre secteurs public et privé; et le besoin de voir les politiques et projets de développement gagner en efficacité en faisant en sorte qu’ils respectent mieux les besoins et les capacités des pays ainsi que des populations qui en sont les bénéficiaires.
Table ronde 1 : « La réforme du système monétaire et financier international et ses incidences sur le développement »
Déclarations liminaires
Dans sa déclaration liminaire aux participants à cette table ronde présidée par Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI, Représentante permanente du Brésil auprès des Nations Unies, M. JOSÉ ANTONIO OCAMPO, Professeur des pratiques professionnelles en gestion des affaires publiques à l’Université de Columbia de New York, aux États-Unis, a estimé que le Consensus de Monterrey reste le principal cadre convenu par la communauté internationale sur les questions relatives au financement du développement, et il a regretté que 10 ans après la Conférence de Monterrey et son adoption, le texte reste encore lettre morte.
M. Ocampo a proposé la coordination des politiques macroéconomiques, qui devrait fonctionner comme le processus d’évaluation mutuelle du G-20, mais avec une compétence et une portée mondiales. Il a également relevé que le secteur des transactions financières mérite des réformes, car il s’agit d’un plan important des économies des pays en développement, a-t-il noté. Il a ajouté qu’une réglementation des transactions financières internationales ne pourrait être efficace et crédible qu’avec l’implication des États-Unis et du Royaume-Uni, deux pays d’où partent la plupart des transactions.
M. Ocampo a ensuite souligné que l’architecture financière internationale avait péché par son laxisme dans la gestion de la question de la dette souveraine des États, et il a en outre souhaité une réforme des politiques en matière de taux de change, afin de les rendre plus stables.
M. ELLIOT HARRIS, Représentant spécial du Fonds monétaire international (FMI) auprès des Nations Unies, a évoqué quatre domaines majeurs du système monétaire et financier international qui nécessitent des réformes. Il a ainsi cité la gestion des transactions financières, qui a besoin qu’on y mette en place un cadre qui bénéficie à la fois aux pays d’origine et à ceux de destination. Il a aussi prôné l’amélioration des méthodes et procédures de surveillance de l’économie mondiale par le FMI dans un contexte où les économies semblent interconnectées.
M. Harris a ensuite évoqué la question des réserves internationales de devises et les droits de tirage spéciaux (DTS). Il a relevé que de nombreux pays ont pu juguler les effets de la crise en puisant dans leurs réserves, mais il a précisé que certains pays ont accumulé des réserves plus importantes qu’ils n’en avaient besoin, et a estimé que cela crée des déséquilibres à l’échelle internationale. Il a par ailleurs estimé que les droits de tirage spéciaux pourraient permettre aux pays en manque de liquidités de pouvoir s’approvisionner, afin de juguler les effets de la crise économique. M. Harris a enfin suggéré, comme quatrième proposition, l’amélioration des filets de protection financière qui, de son avis, pourraient être rendus plus efficaces en fonction de leur capacité à faire face à la conjecture.
M. EMMANUEL NNADOZIE, Directeur du développement économique et de la Division du NEPAD auprès de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), a estimé que le système financier international en vigueur n’est pas en mesure de traiter des déséquilibres macroéconomiques qui affectent l’économie mondiale et n’aide pas à les éliminer. Il a par exemple noté que les pays en développement, comme ceux de l’Afrique, ne cessent de réclamer en vain plus de participation et de représentativité dans les instances internationales de décision financière et économique. Il a souligné que ni le G-8 et encore moins le G-20, ne représentent la communauté internationale dans sa diversité.
M. Nnadozie a soutenu que les pays africains réclament un système financier plus inclusif, et qui tienne compte de leurs positions et de leurs voix. Il a, à ce propos rappelé que les Déclarations du G-20 de Pittsburg (États-Unis) et de Londres (Grande Bretagne) en 2009 faisaient mention des engagements en faveur du développement de l’Afrique. Mais il a noté que l’écart entre ces promesses et la réalité des faits est immense. Il a notamment estimé que l’Afrique mériterait d’avoir au moins une voix au sein du Conseil de stabilité financière du G-20. Il a souligné, par la suite, que les réformes de l’architecture financière internationale passent d’abord par le respect des diverses promesses faites par les partenaires au développement.
M. JOHN VANCE LANGMORE, Membre du Conseil académique du système des Nations Unies, a relevé que les réformes doivent aller dans le sens de l’amélioration de l’efficacité économique et de la lutte contre les abus qui vont à l’encontre du bien-être collectif. Il a noté que les grandes banques sont devenues trop puissantes et dictent leurs lois aux marchés financiers, et a prôné une plus grande régulation du secteur bancaire. Il a, par exemple, estimé que l’application du principe du « secret bancaire » est une mesure qui favorise les évasions fiscales et affecte le financement du développement. M. Langmore a également suggéré la création d’un comité international sur les questions fiscales au sein de l’ONU, afin de renforcer la coopération fiscale à l’échelle internationale, pour le bénéfice de tous les États Membres. Il a également apporté son soutien à l’idée de création d’un conseil mondial de coordination économique, comme cela a été suggéré par la Commission Stiglitz de réforme de l’architecture financière mondiale.
Débat interactif
Le représentant du Bangladesh a déclaré que la crise économique et financière que vit actuellement le monde a fait voir que l’architecture financière mondiale semble essentiellement profiter aux pays riches tout en minant systématiquement les intérêts des pays en développement. Il a donc demandé qu’elle soit réformée. Le représentant de la Barbade a souscrit à cette accusation d’injustice, et il a regretté que les pays en développement n’aient pas accès aux instances qui traitent pourtant des questions relatives à leur développement.
Le représentant de l’Union européenne a relevé que des réformes sont en cours au sein du G-20, et il a précisé que le G-20 travaille avec le FMI sur la question des droits de tirages spéciaux, qui sera examinée en 2015. Il a soutenu que le G-20 est la principale instance rassemblant les économies majeures et que cette instance s’attaque aux problèmes économiques majeurs du monde. Il a ensuite ajouté que l’ONU est « d’une valeur sans pareille, car regroupant tous les États du monde ».
Le Président de la Cross Border Finance (CBF), une entreprise de conseil faisant des consultations sur les risques financiers, a relevé que Cross Border Finance a mis en place des mécanismes d’évaluation des risques financiers qui pourraient servir de modèles aux institutions financières internationales.
L’Observateur permanent du Saint-Siège a pour sa part évoqué la dimension éthique des questions économiques et financières. Il a expliqué que la dignité de la personne et le bien commun sont des principes qui doivent être privilégiés.
Pour l’Observateur de l’Union interparlementaire, les taxes sur les transactions financières méritent d’être appliquées au plus vite à l’échelle internationale, pour la cause du financement du développement. Ce point de vue a été partagé par M. John Vance Langmore qui a estimé que cette taxe sur les transactions financières n’est pas mise en pratique « du fait de la cupidité des institutions et des pays qui tirent profit de ces transactions ».
M. Elliot Harris, représentant du FMI auprès de l’ONU, a reconnu que les mesures d’austérité ne semblent pas la meilleure solution pour les pays qui sont confrontés au problème de la dette souveraine, et il a précisé que ces mesures sont très souvent dictées par les marchés financiers. M. Emmanuel Nnadozie, de la CEA, a quant à lui rappelé que la réforme des institutions financières internationales est impérative, car il faut que ces institutions tiennent compte des intérêts et des voix de toutes les composantes de la communauté mondiale. Il a déclaré que c’est l’ONU qui devrait s’imposer, graduellement, comme l’instance de réglementation et de régulation de l’architecture financière internationale.
Table ronde 2 : « Les incidences de la crise financière et économique mondiale sur les investissements étrangers directs et les autres flux financiers privés, sur la dette extérieure et sur le commerce international »
Cette deuxième table ronde qui, à l’instar des deux autres, se tenait parallèlement au débat plénier du cinquième Dialogue de haut niveau de l’Assemblée générale sur le financement du développement a été l’occasion de faire un état des lieux de l’impact de la crise financière et économique mondiale. Outre le constat de la baisse des flux de capitaux liée à la crise de 2008, cet échange a été l’occasion de mettre l’accent sur la qualité de l’aide au développement en général et de l’investissement étranger direct (IED) en particulier et de la nécessité de mettre en place des politiques publiques encourageant des investissements productifs et la diversification des capacités de production. La crise actuelle, qui a en sept mois entraîné une chute de 42% des activités commerciales au niveau mondial, a montré la nécessité de reformer le système financier international et de mieux réguler et surveiller la circulation illicite de certains capitaux qui font défaut aujourd’hui pour faire face à la crise de la dette, ont relevé certains intervenants. En outre, dans un contexte marqué par les effets de la spéculation, des délégations et des experts se sont inquiétés de la part croissante des capitaux volatiles –portefeuilles d’investissement– qui menacent la stabilité macroéconomique. L’impact des actions prises par les gouvernements est limité, voire quelquefois contreproductif, en l’absence d’un cadre de régulation, a-t-il constaté. Les intervenants ont aussi débattu de l’évaluation des marges de manœuvre fiscales, de la mise en place de politiques de gestion de la dette, et du potentiel de la coopération Sud-Sud pour stimuler la croissance et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.
Présidée, par M. Lazarous Kapambwe, Représentant permanent de la Zambie, cette table ronde a été ouverte par des exposés liminaires de M. Lawrence Goodman, Président du Centre de la stabilité; M. Daniel Titelman, Directeur de la Division du financement du développement de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC-ONU); et M. Michael Clark, Conseiller interrégional de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).
Présentant un état des lieux de l’impact de la crise en Amérique latine et dans les Caraïbes, M. DANIEL TITELMAN, de la CEPALC, a indiqué que la crise mondiale de 2008 a entraîné un déclin des flux de capitaux, aussi bien en ce qui concerne l’investissement étranger direct (IED) que les flux de capitaux de portefeuille d’investissement, vers la région d’Amérique latine et des Caraïbes. Il a indiqué que ces flux sont revenus à un niveau appréciable en 2009 et 2010 et ont fait preuve de résilience en 2011. Par contre, les transferts de fonds provenant des migrants travaillant dans les pays développés n’ont cessé de diminuer depuis 2005 pour ne représenter que 2,2% du PIB de la région Amérique latine/Caraïbes en 2010. Depuis 1970, la crise financière de 2008 est la pire que nous avons connue puisqu’elle s’est traduite, en sept mois, par une chute du commerce mondial de 42%, a ajouté M. LAURENCE GOODMAN, Président du Centre de stabilité.
« Il faut commencer par une réforme du système financier international, afin que le développement inclusif ne soit plus menacé par la spéculation, et faire en sorte que les investissements soient canalisés vers les capacités de production et les activités productives appropriées, a dit M. MICHAEL CLARK, de la CNUCED. M. Clark a ajouté qu’il fallait mettre en place des règlements harmonisés et assurer la promotion d’un développement institutionnel dans les domaines intéressant les pays en développement, tout en leur assurant la diffusion des connaissances et des techniques dont ils ont besoin.
S’agissant de la menace que constitue la part croissante des flux de capitaux volatiles, souvent à court terme, sur la stabilité économique dans un monde et des marchés de plus en plus interdépendants, les experts ont souligné la nécessité de réformer le système financier international afin de mieux surveiller les flux de capitaux. Ainsi, M. ERIC LECOMPTE, Directeur du réseau américain Jubilee, a indiqué qu’entre 2000 et 2008, 6 500 milliards de dollars de capitaux illicites ont quitté le continent africain. Une somme, a-t-il ajouté, qui aurait pu nous permettre de faire face à la crise de la dette.
« Si la valeur du commerce a triplé en Afrique au cours de la dernière décennie et que les flux d’IED vers cette région ont été multipliés par 6, cela ne s’est malheureusement pas traduit par une diversification des capacités de production du continent. Au contraire, nous y avons vu une désindustrialisation de 17 des 33 PMA africains, parce que la majorité des IED portaient seulement sur l’industrie d’extraction de ressources minières ou d’hydrocarbures.
« Pour la première fois les flux de portefeuille en direction de l’Amérique latine et des Caraïbes ont en 2010 rejoint les niveaux d’IED, totalisant 4,6% du PIB de l’économie de la région, a noté le représentant de la CEPALC. « Or les flux de portefeuille sont plus volatiles que les IED, avec tous les risques que l’on connait. » Les niveaux d’interconnexion entre les marchés et la part croissante de ces capitaux volatiles sont un facteur à examiner pour établir de nouvelles politiques dont nous avons besoin pour obtenir le meilleur impact sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) a estimé M. Goodman.
Les intervenants ont aussi jugé plus urgent que jamais dans ce contexte de baisse des capitaux d’examiner leur efficacité. Notant que le niveau d’APD à destination de l’Amérique latine et des Caraïbes n’a cessé de baisser depuis, le représentant de la CEPALC a indiqué que les performances commerciales futures de la région dépendront de la situation à venir des pays en développement et du niveau de demande extérieure de la Chine en produits de base.
« Il y a les bons IED qui stimulent les capacités productives, renforcent la base technologique et promeuvent la diversification des économies, et les mauvais IED qui se contentent de remplacer simplement ce qui existe et détournent les niveaux de prix », a dit M. Clark, en jugeant extrêmement importante l’inclusion sociale. « Parce que nous avons besoin de plus d’espace que l’État-nation, nous sommes face au paradoxe de la souveraineté nationale alors que les décisions nécessaires doivent être aujourd’hui prises au niveau supranational », a-t-il ajouté. Sur le même ton, le représentant de Singapour a jugé indispensable l’ouverture des frontières, l’intégration des marchés et la suppression des barrières artificielles qui privent les pays les plus pauvres d’intégrer leurs économies dans le commerce international.
S’agissant de l’Europe, M. Lawrence Goodman, a jugé indispensable de mettre l’accent sur la stratégie, la politique, et les principes, au lieu de se limiter à la rhétorique. Il a indiqué qu’une dissection artificielle de la zone euro en 11 des principales anciennes devises, en comparant les situations entre 1990 et 2011, montrait que seuls la Grèce et le Portugal ont des efforts d’ajustement structurel à produire pour revenir sur la bonne voie. Il a souligné la bonne santé de la région Asie, moins touchée par la crise que les autres régions du monde, en notant que le PIB de 24 économies émergentes asiatiques avait doublé entre 2004 et 2008 et avait faiblement été touché par la crise. Il a prédit une augmentation constante de l’IED vers les pays émergents jusqu’à 2025 au moins.
Une économie équilibrée dépend d’un contrat social, qui lui-même exige une gamme de politiques sociales aidant à faire en sorte que les bénéfices de la croissance soient largement partagés, a encore dit le représentant de la CNUCED, en citant en exemple le modèle allemand.
De son côté, le représentant du Bangladesh a souhaité que l’on cesse de perdre du temps en débats inutiles. Il a exhorté la communauté internationale à prendre des mesures pour maintenir un niveau de flux financiers satisfaisant vers les PMA, « pour y éviter des milliers de morts par jour ». Sur le même ton, une représentante de la société civile a souhaité avoir des statistiques sur l’impact de la crise sur le développement social.
Mettant l’accent sur la diversification des flux de capitaux, le représentant des États-Unis a déclaré que l’APD est passée de 70% à 13% de l’aide au développement entre 1960 et 2010. Il a suggéré d’examiner comment les PMA pouvaient tirer profit des nouvelles formes d’aide et de sources de financement du développement. Notant que 50% des échanges commerciaux des PMA se font avec des pays en développement, il a jugé essentiel de parvenir à une bonne conclusion des négociations commerciales du Cycle de Doha pour que les pays puissent tirer tous les bénéfices du commerce aux fins du développement.
De son côté, le représentant de la table ronde des entreprises africaines a salué la contribution des économies émergentes au développement économique mondial, en mettant l’accent sur la nécessité de disposer d’une diversité de pôles de croissance. Alors que la croissance des pays européens sera proche de zéro en 2012, il s’est demandé comment l’Europe pourra appuyer les efforts de développement des pays en développement l’année prochaine.
Le représentant de l’Union européenne a dit que le commerce est une composante clef de la stratégie de l’UE pour une croissance inclusive et intelligente, tout en relevant néanmoins que le G-20 a inclus plus de restrictions aux exportations au cours des six derniers mois que depuis le début de la crise en 2008. Le représentant de l’Équateur a jugé indispensable la création d’un mécanisme mondial indépendant pour résoudre les problèmes liés à la crise en indiquant que des pays du Groupe des 77 encouragent la création d’un groupe de travail pour combler ce vide.
« On ne peut pas avoir d’investissements durables sans durabilité fiscale et stabilité macroéconomique », a dit le représentant de la Colombie en se félicitant que des mesures récentes aient permis à la région d’Amérique latine de commencer à mettre un terme à des décennies d’instabilité macroéconomique.
Table ronde 3 : « L’effet multiplicateur de la coopération technique et financière, y compris les sources novatrices de financement du développement, sur la mobilisation de ressources financières nationales et internationales pour le développement »
Déclaration liminaire
Dans sa déclaration liminaire, le Président de cette table ronde, M. MORTEN WETLAND, Représentant permanent de la Norvège auprès des Nations Unies, a relevé qu’après la dernière conférence sur l’efficacité de l’aide au développement, qui vient d’avoir lieu à Busan, en République de Corée, la communauté internationale avait, une fois de plus, pu constater que l’aide publique au développement (APD) était peu financée et qu’elle faisait face à un manque de ressources financières, le déficit par rapport aux engagements pris et aux objectifs fixés s’élevant à plusieurs dizaines de milliards de dollars. Le financement du développement connaît des lacunes importantes et qui s’aggravent, a dit M. Wetland. Pourtant, l’engagement pris par les pays industrialisés, à contribuer à l’APD à un niveau équivalent à 0,7% de leur PIB est toujours de mise, a noté le représentant. Les pays donateurs se doivent de prendre toutes les mesures qui leur permettraient de tenir leurs engagements, a souligné M. Westland.
Évoquant l’action de la Norvège en matière de contribution à l’APD, il a indiqué que les versements de son pays avaient déjà dépassé le montant de l’engagement qu’il avait pris. La Norvège verse aujourd’hui plus de 0,7% de son revenu national brut à l’aide au développement, a précisé M. Wetland. Si les aides au développement sont utiles, il est cependant évident que les ressources nationales sont la fondation principale sur laquelle doit se baser le financement du développement d’un pays, a ensuite rappelé M. Wetland. Dans ce contexte, a-t-il indiqué, les États se doivent de mettre en place une assiette fiscale nationale large et équitable qui leur permettrait de prélever, de manière juste, les ressources fiscales dont ils ont besoin sur les richesses créées par les activités économiques et financières de leurs entreprises nationales et de leurs populations. M. Wetland a souligné l’importance d’une gestion saine et transparente des ressources nationales et son lien avec les opportunités de création de richesses. La gestion transparente des ressources doit être adoptée par l’ensemble des pays, a-t-il dit. Après avoir pris note de la multitude de projets ayant trait à la création de sources nouvelles de financement du développement, il a indiqué que la Norvège avait déjà mis en place au niveau national une taxe sur les billets d’avion. Deux dollars sont ajoutés au prix d’achat des billets, a-t-il fait savoir. Une taxe sur le tabac pourrait être une source majeure de mobilisation de ressources pour le financement du développement, a-t-il ajouté, avant de regretter que cette idée se heurte encore à des réserves de la part de plusieurs pays.
Interventions du panel d’experts
Intervenant le premier après la déclaration liminaire de M. Wetland, M. JULIEN MEIMON, Chef du Secrétariat permanent du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement, a noté que le niveau de ressources de l’aide publique au développement (APD) fluctuait d’une année à l’autre, tout en connaissant une tendance à la baisse. Ceci alors que les besoins augmentent au niveau international, avec notamment la nécessité de financer la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et celle de veiller au financement des programmes ayant trait à l’adaptation aux effets des changements climatiques. Il est nécessaire de disposer de ressources stables et prévisibles, a souligné M. Meimon. Cette réalité, a-t-il expliqué, plaide en faveur de la mise en place de mécanismes de financement innovants.
Mais en quoi sont-ils innovants? Ils le sont non pas parce qu’ils sont nouveaux, a-t-il dit, mais parce qu’ils permettent d’obtenir des flux de ressources plus stables et plus prévisibles; parce qu’ils sont une aide complémentaire à l’APD; et enfin, parce qu’ils obligent à la mise en place de partenariats public-privé. M. Meimon a ensuite détaillé certains types de mécanismes possibles en matière de mobilisation de ressources, notamment la taxe sur les billets d’avions et la taxe sur les transactions financières. Pour le Groupe pilote, la taxe sur les transactions financières semble être l’outil le plus viable et le plus efficace, a-t-il indiqué. Plus de 40 pays appliquent déjà, d’une manière ou d’une autre, ce type de mécanisme dans leurs propres budgets nationaux, afin de soutenir leur croissance économique. Le Groupe pilote souhaite l’introduction d’une telle taxe au niveau européen, a indiqué l’expert en soulignant que le moment était venu de franchir ce pas.
Mme EKATERINA GRATCHEVA, Responsable de la gestion de la dette à la Banque mondiale, a relevé que les pays en développement subissaient le plus les pressions des crises économique et financière dont ils ne sont pourtant pas responsables. Aujourd’hui, les États ne disposent que de très peu de marge budgétaire pour pouvoir respecter les engagements relatifs à l’APD, a-t-elle ensuite relevé. Face à cette réalité, la Banque mondiale s’est lancée dans la recherche de mécanismes pouvant l’aider à soutenir les pays en développement. Ainsi, au Malawi, et pour répondre à la menace que faisait peser la pénurie de pluies sur la récolte agricole, la Banque a utilisé des instruments financiers nouveaux, pour faire accepter les risques financiers encourus par le pays aux marchés financiers internationaux. Le travail de la Banque mondiale ne consiste donc pas seulement à verser des prêts aux États. La Banque œuvre aussi à la gestion des risques financiers découlant des catastrophes naturelles, a indiqué Mme Gratcheva.
Pour sa part, Mme RENATE AHAHLEN, de la Commission européenne, a expliqué que le soutien collectif des États européens en matière d’APD ne cessait d’augmenter en dépit de la crise actuelle. L’Union européenne et ses États membres sont les plus grands pourvoyeurs d’aide à l’Afrique, a tenu à souligner la représentante. « Nous faisons beaucoup plus que notre part dans l’économie mondiale, et allons continuons à faire plus », a-t-elle dit en estimant que « les autres parties et partenaires » doivent aussi s’impliquer davantage pour donner aux pays en développement les moyens et outils dont ils ont besoin pour parvenir notamment à la réalisation des OMD. Pour financer le développement, il faut plus que l’APD, et il faut donc mettre en place de nouvelles initiatives de mobilisation des ressources. C’est pourquoi la Commission européenne a proposé l’adoption d’un texte sur la taxation des transactions financières, a-t-elle dit, en plaidant aussi pour le renforcement de partenariats entre secteur public et secteur privé.
Prenant à son tour la parole, M. ABDALLAH AL DARDARI, Directeur à la Division du développement économique et de la mondialisation à la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale (CESAO), a fait état des nouvelles formes d’APD mises en œuvre dans cette région. Usant d’outils de simulations financières développés par la CESAO, il a démontré qu’une APD bien gérée pouvait avoir des impacts positifs sur les autres acteurs de la région. Il a aussi souligné la nécessité de bien gérer les ressources de l’APD, avant de mettre en doute la pertinence des investissements dans les marchés financiers. En réalité, si un État investit 10% de ses revenus pétroliers sur les marchés de capitaux à l’étranger, il gagne moins que s’il les avait investis dans l’économie, a prévenu M. Al Dardari.
Débat interactif
Ouvrant la discussion interactive, la délégation du Luxembourg, a souligné que son pays a toujours déployé des efforts dans la recherche de sources de financement innovantes, notamment dans le domaine du microcrédit. Il faut aussi rechercher les moyens de tirer bénéfice des secteurs dits informels dans les pays en développement, en prenant par exemple des mesures pour améliorer le paiement des impôts par les acteurs de ce secteur.
La délégation de l’Espagne a maintenu que « les mécanismes innovants devaient être avant tout des outils venant compléter les mécanismes de l’APD traditionnels ». Entre 2005 et 2010, l’Espagne a doublé son aide en matière d’APD. Dans le contexte de crise, nous ne devons pas oublier les sources nouvelles de mobilisation de ressources, a dit la délégation, tout en évoquant la nécessité d’instaurer une taxe sur les transactions de change, qui consisterait en un microprélèvement sur les échanges de devises. Un prélèvement de 0,005%, au niveau mondial, a expliqué la représentante de l’Espagne, permettrait de dégager environ 30 milliards de dollars chaque année, ce qui permettrait de participer au financement de l’aide au développement.
« Plus que jamais le financement du développement est devenu une obligation, surtout au moment où la planète fait face à d’énormes défis du fait de la crise économique et financière », a souligné la délégation de Cuba. Les pays industrialisés doivent tout faire pour respecter leur engagement de verser 0,07% de leur PIB à l’APD, a dit le représentant cubain dont le point de vue a été soutenu par la délégation du Bangladesh. Cette dernière et celle du Liban ont aussi plaidé pour la tenue des engagements actuels en matière d’APD, auxquels viendraient s’ajouter les ressources tirées des sources nouvelles de financement. Les financements découlant des nouveaux mécanismes ne doivent pas empêcher la continuité; et le niveau de contribution accepté par les pays industrialisés, c’est-à-dire 0,7% de leur PIB, doit être respecté, a fermement ajouté l’Égypte, alors que le Bélarus a regretté le fait que l’APD demeure encore pour bon nombre de pays, la seule source de revenus pour le financement de leurs activités de développement.
Prenant la parole à leur tour, la plupart des représentants du monde des affaires, dont la responsable de la Chambre de commerce internationale (CCI), ont souligné quel’on ne saurait mettre de côté l’importance du partenariat public-privé dans la recherche de solutions innovantes. Cette participation du secteur privé a d’ailleurs été défendue par l’Allemagne.
Les membres de la société civile et notamment la cofondatrice de l’organisation non gouvernementale « Justice sociale et développement », ont défendu l’instauration de la taxe sur les transactions financières qui « ne porte point atteinte aux mouvements des capitaux au niveau mondial » et se révèle être utile pour le financement de la réponse à apporter aux effets des changements climatiques. Ils ont, en outre, rappelé la nécessité d’une gestion saine des fonds et des aides, comme autre élément fondamental pour parvenir au développement. Parlant au nom d’un acteur économique majeur, le représentant de la Banque eurasienne de développement a appelé à avoir une approche différenciée sur la taxe sur les transactions financières, en veillant à que celle-ci ne porte pas atteinte aux capacités financières, assez fragiles, des migrants qui envoient de petites sommes à leurs familles.
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