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AG/11107

Assemblée générale: le renforcement du Conseil économique et social perçu comme un passage obligé pour l’édification d’une nouvelle gouvernance mondiale

28/6/2011
Assemblée généraleAG/11107
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Débat thématique informel sur

les Nations Unies et la gouvernance mondiale

matin & après-midi


ASSEMBLÉE GÉNÉRALE: LE RENFORCEMENT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL PERÇU COMME

UN PASSAGE OBLIGÉ POUR L’ÉDIFICATION D’UNE NOUVELLE GOUVERNANCE MONDIALE


Identifier le type d’entités mondiales dont nous aurons besoin pour relever les défis de l’avenir, c’est le défi qu’a lancé aujourd’hui le Président de la soixante-cinquième session de l’Assemblée générale, au cours du débat qu’il a organisé sur les Nations Unies et la gouvernance mondiale. 


Le renforcement du Conseil économique et social (ECOSOC) a été perçu, dans ce contexte, comme un passage obligé pour l’édification d’une nouvelle gouvernance mondiale, au cours d’un débat auquel ont participé le Président de la Slovénie, le Secrétaire général de l’ONU, le Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et d’autres spécialistes dont l’ancien Ministre des affaires étrangères du Brésil.


Le Président de l’Assemblée générale a prévenu que l’efficacité de la future gouvernance mondiale exigera des concessions sur la souveraineté nationale et la défense des intérêts nationaux.  Cette tension entre État souverain, démocratie et mondialisation a été qualifiée de « trilemme politique » par l’économiste et spécialiste de la mondialisation, Dani Rodrik et plus simplement de « quadrature du cercle » par le Président de l’Assemblée générale.


« À ceux qui refusent une perte à court terme pour gagner à long terme », le Président de l’Assemblée a rappelé que l’architecture actuelle de gouvernance mondiale composée du système de l’ONU, des institutions financières internationales et des structures ad hoc comme le G-8 ou le G-20, s’est montrée incapable de résoudre des questions cruciales comme le Moyen-Orient, le réchauffement climatique, la conclusion du Cycle de Doha ou encore la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU.  


Si beaucoup d’intervenants comme le Secrétaire général se sont félicités du rapprochement entre l’ONU et le G-20 dont la réponse efficace aux dernières crises économiques et financières a été reconnue, le Président de l’Assemblée a prévenu: « l’efficacité ne fait pas la légitimé ».


L’ancien Ministre des affaires étrangères du Brésil s’est montré plus tranchant: « Je n’aime pas le G-20, même si je le préfère au G-8…  Avec un peu plus de sauce africaine et un peu moins de sauce européenne, le G-20 sera mieux à même de répondre aux problèmes mondiaux ».


La question de l’illégitimité du G-20 étant posée, les participants au débat ont défendu l’idée que les décisions du regroupement des 20 pays industrialisés et émergents soient dûment avalisés par l’ONU, forum démocratique par excellence au niveau mondial». 


Le mot d’ordre de la réforme de l’ONU devrait donc être, selon le Président de la Slovénie; « Revitaliser l’Assemblée générale, Recalibrer le Conseil économique et social (ECOSOC), Rééquilibrer le Conseil de sécurité et Renforcer le Conseil des droits de l’homme ». 


La gouvernance mondiale étant, plus que jamais, nécessaire pour corriger les imperfections de l’architecture économico-financière actuelle, de nombreux regards se sont tournés vers l’ECOSOC.  Le Président de la Slovénie a estimé que cet organe devrait servir d’interface entre le G-20 et les Nations Unies.


Nous voulons, a renchéri le Directeur général de l’OMC, un ECOSOC fort, avec la même présence politique que le Conseil de sécurité car le développement est la seule base possible de la paix.  Réformé, l’ECOSOC veillerait à l’état économique mondial, au développement durable et à une politique économique cohérente. 


Nous devons, a conclu le Président de l’Assemblée, identifier le type de défis mondiaux qui vont nous occuper à l’avenir pour savoir de quel type d’entités mondiales nous aurons besoin, et ceci va nous amener à nous interroger sur la façon d’être plus représentatifs et plus inclusifs par rapport aux acteurs non gouvernementaux, société civile et secteur privé, qui jouent un rôle de plus en plus grand dans la gouvernance mondiale. 


Pour assurer la pertinence des Nations Unies dans le monde de 2025 et au-delà, nous devons oser la flexibilité et l’innovation, a encore suggéré le Président.


Chaque institution multilatérale a quelque chose d’important à apporter, a souligné le Secrétaire général de l’ONU, pour qui, il importe de répartir les tâches afin d’exploiter pleinement les avantages comparatifs de chaque organisation. 


Le Secrétaire général a salué « l’esprit constructif » qui a permis la création du Groupe de travail sur la gouvernance mondiale, conformément à la résolution que l’Assemblée générale a adopté, en décembre 2010.   


DÉBAT THÉMATIQUE INTERACTIF INFORMEL SUR LE THÈME « LES NATIONS UNIES ET LA GOUVERNANCE MONDIALE »


Déclarations liminaires


M. JOSEPH DEISS, Président de la soixante-cinquième session de l’Assemblée générale, a estimé que nous sommes à un moment charnière où nous avons plus que jamais besoin d’un système de gouvernance mondiale qui soit performant, représentatif et inclusif.  Trois mouvements de fond sont en cours, a-t-il dit, en citant d’abord le fait que les défis et les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont de plus en plus souvent de dimension mondiale et qu’ils nécessitent donc une réponse collective et coordonnée.


Il a ensuite cité le rééquilibrage démographique, économique et politique qui est en cours au niveau mondial et enfin, le fait que dans sa tentative de faire face à ces nouvelles réalités, l’architecture de la gouvernance mondiale devient de plus en plus fragmentée et complexe.  Nous assistons, s’est-il expliqué sur ce dernier point, à la critique et à la marginalisation des institutions multilatérales traditionnelles et à une prolifération de groupements et d’initiatives ad hoc.  Mais, a-t-il prévenu, le système qui émerge est dans l’incapacité, à l’heure actuelle, de trouver une solution aux questions cruciales que sont la situation au Moyen-Orient, le réchauffement climatique, la conclusion du Cycle de Doha ou encore la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU.


C’est dans ce contexte, a-t-il rappelé, qu’il a proposé le thème de « la réaffirmation du rôle central de l’ONU dans la gouvernance globale » pour le débat général que l’Assemblée générale a tenu en septembre dernier.  Les chefs d’État et de gouvernement présents, a-t-il aussi rappelé, ont fait valoir que, pour que l’ONU soit à même de jouer ce rôle, il est urgent d’entreprendre des réformes.  Ce message a été renforcé par l’adoption par consensus, en décembre 2010, d’une résolution sur l’ONU et la gouvernance mondiale, ce qui va permettre de mener les travaux au-delà de la soixante-cinquième session.


Le Président de l’Assemblée a voulu que la discussion d’aujourd’hui soit une contribution utile au rapport sur la gouvernance globale que le Secrétaire général va présenter à la prochaine session de l’Assemblée générale.  Il a lui-même promis un certain nombre de conclusions à l’issue de cette journée, pour servir de document de référence.


Parlant des questions qu’il faut aborder au cours des deux tables rondes prévues aujourd’hui, le Président a posé celle de la légitimité du G-20 et de sa capacité à devenir un leader en dehors des temps de crise.  L’efficacité ne fait pas la légitimité, a-t-il estimé, en précisant que cette légitimité est « détenue » avant tout par l’Assemblée générale, qui avec ses 192 États Membres et son système, un pays, une voix, est le forum démocratique par excellence au niveau mondial.  Il est donc important de trouver les mécanismes de légitimation des décisions prises par le G-20, en se félicitant du rapprochement entre le G-20 et l’Assemblée générale.


Mais, à plus long terme, s’est interrogé le Président, le système des présidences annuelles du G-20 est-il compatible avec une vision stratégique?  Permet-il d’assurer la cohérence des initiatives qui sont prises sur plusieurs années par les diverses présidences?  Alors, a poursuivi le Président, comment renforcer le Conseil économique et social (ECOSOC)?  Comment en faire un acteur incontournable de la gouvernance économique mondiale?  Et au niveau des institutions et programmes spécialisés, comment assurer une meilleure coordination des mandats?


Nous devons, a-t-il suggéré, identifier le type de défis mondiaux qui vont nous occuper à l’avenir pour savoir de quel type d’entités mondiales nous aurons besoin.  Ceci va aussi nous amener à nous interroger sur la façon d’être plus représentatif et plus inclusif par rapport aux acteurs non gouvernementaux, société civile et secteur privé, qui jouent un rôle de plus en plus grand dans la gouvernance mondiale.  Comment mieux entendre leurs voix tout en préservant leur spécificité non gouvernementale?  Pour assurer la pertinence des Nations Unies dans le monde de 2025 et au-delà, nous devons oser la flexibilité et l’innovation pour des méthodes de travail qui soient efficaces, a encore suggéré le Président.


Mais, a-t-il prévenu, nous ne pouvons pas avoir à la fois la souveraineté de l’État-nation, la défense des intérêts nationaux, la mondialisation et un système de gouvernance mondiale efficace.  Les réponses mondiales nécessitent des concessions, a-t-il aussi prévenu.  « Ce qui peut paraître comme une perte à court terme est incontestablement le seul moyen de gagner à long terme. »


Le Président a illustré ses propos en citant l’économiste Dani Rodrik qui, dans son dernier ouvrage sur la mondialisation, parle pour décrire la tension entre l’État souverain, la démocratie et la mondialisation, du « trilemme » politique de l’économie mondiale.  M. Deiss s’est voulu moins complexe, il a parlé de la « quadrature du cercle ».


M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a constaté que l’économie mondiale avait connu une transformation « majeure » au cours des deux dernières décennies.  Il a évoqué les flux importants de capitaux vers les marchés émergents et les pays en développement qui ont permis de générer des taux de croissance remarquables.  Il a également parlé du rôle de plus en plus important que commencent à jouer les pays en développement dans l’économie mondiale. 


Le Secrétaire général a cependant estimé que les structures de gouvernance économique mondiale ne reflétaient pas parfaitement « notre monde en mutation ».  Le poids de plus en plus important des économies et des marchés émergents n’est pas suffisamment pris en compte dans les processus de prise de décisions des institutions pertinentes, a-t-il souligné.  Il faut, selon lui, faire davantage pour améliorer la cohérence et l’efficacité du système multilatéral afin qu’il puisse répondre aux défis de notre époque.


Le Secrétaire général a affirmé que la légitimité, la cohérence des décisions, l’efficacité, l’efficience et la reddition des comptes étaient indispensables pour rendre l’ONU digne de confiance au regard des États Membres et des populations du monde.  Il a indiqué que la Commission du développement durable avait un rôle à jouer pour établir une gouvernance mondiale qui sache faire l’équilibre entre les trois piliers que sont la croissance économique, le développement social et la protection de l’environnement.  À cet égard, la Conférence de Rio+20 arrive à point nommé pour remettre le monde sur le droit chemin, a–t-il ajouté.


M. Ban s’est ensuite attardé sur les relations entre le G-20 et l’ONU, en particulier l’Assemblée générale.  Il a estimé que les échanges entre ces deux institutions avaient permis à l’ONU d’améliorer la visibilité des populations les plus pauvres et les plus vulnérables de la planète.  Le Consensus de Séoul pour le développement contribuera à la réalisation de nos objectifs communs en matière de développement, notamment les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), s’est-il félicité. 


Pour le Secrétaire général, l’ONU a un rôle « central » à jouer pour s’assurer que les décisions prises aux niveaux international et national prennent en considération les besoins des plus pauvres.  C’est pourquoi le système de l’ONU est en train de mettre sur pied des capacités de pointe afin de mener une action rapide et ciblée pour atteindre les plus vulnérables, a-t-il expliqué.


Chaque institution multilatérale a quelque chose d’important à apporter, a affirmé le Secrétaire général pour qui, il importe donc de répartir les tâches afin d’exploiter pleinement les avantages comparatifs de chaque organisation.  M. Ban a également salué « l’esprit constructif » qui a permis la création du Groupe de travail sur la gouvernance mondiale. 


Il a cependant constaté que des écarts dans les cadres multilatéraux continuaient d’entraver « notre capacité à être à la hauteur de notre époque ».  Il a tout de même dit être confiant qu’avec les partenariats et la détermination, il sera possible d’édifier une ONU capable de jouer le rôle qui lui revient dans la gouvernance économique mondiale.


M. DANILO TURK, Président de la Slovénie, a lui aussi déclaré que l’amélioration du système international était indispensable dans un monde où les défis sont de plus en plus complexes et étroitement liés entre eux. 


Ainsi, a-t-il fait observer, les menaces non traditionnelles à la paix et à la sécurité internationales deviennent de plus en plus importantes dans le paysage sécuritaire international et ont un impact direct sur la désintégration sociale qui touche, aujourd’hui, de nombreux pays.  Il a jugé perturbantes les difficultés dans lesquelles se trouve plongée la gouvernance mondiale et qui ont conduit le Forum économique mondial de Davos à la décrire comme un « échec ».


Pour remédier à cette situation, il est tout d’abord nécessaire, a-t-il estimé, de dissiper l’illusion selon laquelle la gouvernance mondiale peut être séparée de la réalité des États-nations, de leurs politiques et de leurs besoins particuliers.  Les récentes expériences du Cycle de Doha et des négociations de Copenhague sur les changements climatiques l’ont prouvé, a fait remarquer M. Türk.  Il faut donc, a dit le Président de la Slovénie, reconnaître que l’action collective ne peut produire de résultats que lorsque la volonté politique et un intérêt commun existent de manière concordante.  Ces deux éléments sont nécessaires et tout aussi difficiles l’un que l’autre à mettre en place.


Selon M. Türk, l’ordre du jour de la réforme des Nations Unies devrait être le suivant: « Rééquilibrer le Conseil de sécurité, revitaliser l’Assemblée générale, recalibrer le Conseil économique et social et renforcer le Conseil des droits de l’homme ».  Le débat sur le Conseil de sécurité est à l’origine d’un nombre suffisant de propositions, a-t-il dit, et il est temps de prendre des décisions.  « La recherche du consensus ne devrait pas être une impasse vers l’inaction. » 


Le Président slovène a ensuite exprimé sa conviction qu’il faut élargir les deux catégories de membres pour parvenir à un Conseil de 25 pays, plus représentatif et équilibré dans sa composition.  De son côté, l’Assemblée générale devrait être davantage concentrée dans ses délibérations, rationaliser son ordre du jour et celui de ses grandes commissions et renforcer le rôle de son Président.


Poursuivant, le Président de la Slovénie a estimé que l’ECOSOC devrait servir d’interface entre le G-20, qui représente les puissances économiques mondiales, et les Nations Unies en tant que pilier de la légitimité internationale.  Pour lui, il pourrait aussi devenir l’organe onusien qui chapeauterait tous les fonds et programmes de l’Organisation dans le domaine économique et social. 


Enfin, le Conseil des droits de l’homme gagnerait à prendre plus souvent en considération le droit au développement dans ses délibérations, à renforcer l’impact de ses décisions sur le terrain et à répondre plus efficacement aux situations d’urgence, a conclu M. Türk.


M. PASCAL LAMY, Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a constaté un « problème évident » qui est la disparité entre les défis liés à l’interdépendance et la capacité à les canaliser.  Il a estimé que l’option de la « démondialisation » n’était ni possible, ni souhaitable.  La technologie, a-t-il constaté, ne fait pas machine arrière, et personne ne voudra renoncer aux bénéfices de la mondialisation, tels que les voyages, la téléphonie mobile ou encore les chaînes de production mondiales.


Pour le Directeur général de l’OMC, il faut donc renforcer notre capacité à répondre aux défis mondiaux en renforçant la gouvernance mondiale, notamment le leadership, la légitimité et l’efficacité.  M. Lamy a prévenu que la différence entre gouvernance mondiale et gouvernance nationale réside dans la légitimité.  Les sentiments de solidarité qui peuvent exister au niveau national font défaut au niveau international.


M. Lamy a reconnu, à son tour, la primauté des États souverains qui ont des intérêts différents et qui résistent au partage des juridictions, dans un contexte international.  C’est la raison pour laquelle la prise de décisions au niveau international nécessite toujours des négociations longues et douloureuses, a-t-il rappelé.  Comme solution, le Directeur général de l’OMC a suggéré une meilleure intégration des questions internationales dans les agendas nationaux.  Il faut permettre aux citoyens d’avoir leur mot à dire sur les questions internationales.  « Au lieu de mondialiser les questions nationales, nous devons nationaliser les questions mondiales », a-t-il lancé. 


Le Directeur général de l’OMC a poursuivi en appelant au renforcement du système de l’ONU afin de promouvoir la reddition des comptes, au niveau international.  Il a notamment cité en exemple le Débat de haut niveau sur les OMD.  Il nous faut, a-t-il dit, une meilleure mondialisation qui passe par une plus grande coopération et une véritable interaction entre les trois pôles que sont le leadership, la légitimité et l’efficacité.  M. Lamy a prévenu que pour avoir un bon leadership, il faut d’abord identifier le leader. 


Il a fait observer que ce « triangle de la cohérence », qui est défendu par le Groupe de travail sur la gouvernance mondiale, émerge petit à petit, et que l’ECOSOC a un rôle important à jouer en la matière.  M. Lamy a voulu un ECOSOC fort, avec la même présence politique que le Conseil de sécurité car, a-t-il expliqué, le développement est la seule base possible de la paix.  Réformé, l’ECOSOC veillerait à l’état économique mondial, au développement stable et durable et à une politique économique cohérente.  « Voilà la voie d’entrée à l’ONU des réalités de l’interdépendance, a affirmé M. Lamy.


Table ronde 1: « Gouvernance économique mondiale: De la réponse rapide à la planification à moyen et long termes »


La crise économique et financière a mis en avant, par ses répercussions sur presque tous les pays, l’interdépendance croissante de l’économie mondiale et les liens entre les différents aspects de la politique économique, tels que le commerce, les investissements, le capital et les produits financiers ainsi que l’emploi. 


À la lumière de ces nouveaux enjeux, quelles sont actuellement les principales carences structurelles de la gouvernance économique mondiale?  Comment l’ONU peut-elle collaborer et coopérer avec les nouvelles structures multilatérales informelles, telles que le G-20?  Comment peut-elle également devenir un acteur fiable et de poids garantissant l’adoption d’une nouvelle approche économique cohérente, notamment en ce qui concerne les marchés financiers, les politiques macroéconomiques et les flux de capitaux? 


Telles ont été quelques-unes des questions posées lors de cette première table ronde.


Mme HEIDEMARIE WIECZOREK-ZEUL, Membre du Parlement fédéral et ancienne Ministre de la coopération économique et du développement de l’Allemagne, a stigmatisé les politiques néolibérales qui se sont avérées incapables de prendre en compte la dimension sociale des crises.  Dans un contexte où tous les pays ont été touchés à des degrés divers, il est temps de réfléchir à de nouveaux moyens de corriger ces déséquilibres, par exemple en adoptant une taxe sur les transactions financières qui servirait à renforcer l’aide publique au développement (APD). 


L’ex-Ministre a repris à son compte l’idée de la Commission Stiglitz consistant à créer un panel sur les risques systémiques composé des représentants d’organisations internationales et régionales mais aussi d’experts indépendants.  Parallèlement à un tel panel, a suggéré la parlementaire, il conviendrait de renforcer le Conseil économique et social (ECOSOC) pour le rendre capable de s’acquitter pleinement de son mandat.


L’agenda de la gouvernance mondiale excède de très loin la capacité du système en place, a renchéri M. AMAR BHATTACHARYA, Directeur du Secrétariat du G-24.  Le système onusien a certes réussi à mettre en place des arrangements collectifs qui témoignent d’une certaine volonté politique, comme les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Mais, a-t-il constaté, les résultats espérés n’ont pas encore été atteints du moins dans les délais souhaités. 


M. Bhattacharya a préconisé de renforcer la complémentarité entre l’ONU et des structures multilatérales comme le G-20, regrettant que ces institutions soient encore trop compétitives.  Dans ce contexte, il a rejeté le mode de désignation du Directeur du Fonds monétaire international (FMI), entaché d’inégalités et caractérisé par l’opacité.


Ouvrant la discussion interactive, le représentant de l’Argentine, qui s’exprimait au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a repris à son compte les propos du second panéliste, soulignant le besoin urgent d’une réforme en profondeur de l’architecture économique et financière internationale en vue de répondre au moins aux préoccupations des pays en développement.  Son homologue de l’Union européenne a estimé que le principal aspect sur lequel le système des Nations Unies devait porter son attention était l’amélioration de son fonctionnement, entravé par la « prolifération » de la « rhétorique », de « processus parallèles et de résolutions répétitives ». 


Il faut, a-t-il plaidé, une « pensée créatrice » qui prenne plus systématiquement en compte la contribution des acteurs non étatiques dans les délibérations ainsi que les approches qui ont rencontré un certain succès aux niveaux régional et sous-régional.


La contribution des acteurs non étatiques peut s’avérer difficile, a reconnu le représentant de la République du Congo.  Alors que leur participation est de plus en plus fréquente, ils sont systématiquement écartés des processus décisionnels, en raison de leur statut d’observateur.  Comment surmonter ce paradoxe sans porter préjudice à la nature exclusivement interétatique des nations? s’est-il demandé, en proposant une réflexion.


Pour la délégation de la Chine, la réforme de la gouvernance économique mondiale devrait être caractérisée par le triple objectif de la représentativité, de l’égalité et de l’efficacité.  La communauté internationale devrait veiller à ce que l’ONU continue de jouer son rôle central dans la coopération internationale au développement. 


Les institutions financières internationales et le G-20 devraient consacrer davantage de ressources au développement et multiplier les projets dans ce domaine.  De concert avec son collègue de Singapour, le représentant de la Chine a plaidé lui aussi pour la réforme des institutions de Bretton Woods et la mise en place de nouvelles synergies, particulièrement entre l’ONU et le G-20.


Si l’existence du G-20 reflète le rôle d’un groupe significatif de pays dans l’économie mondiale, il est également vrai que les crises complexes et de plus en plus interdépendantes qui nous affectent, exigent la recherche de solutions mondiales dans lesquelles les 192 États Membres des Nations Unies seraient impliqués à parts égales, a noté le représentant de Cuba


Celui de la France a reconnu que la gouvernance mondiale se heurtait à un déficit de représentativité.  Des réformes de fond doivent être engagées, a-t-il dit, en pointant les Nations Unies, en particulier l’ECOSOC.  En effet, a souligné le Directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), « qui parle de l’ECOSOC dans les médias?  Absolument personne ». 


Votre test de réalité est là, a-t-il dit aux États Membres, prévenant que le seul objectif de la réforme devrait être de produire des résultats concrets et non d’entendre des propositions chaque année.


Table ronde 2: « L’ONU en 2025 –– Comment l’ONU peut-elle garder son actualité face aux défis mondiaux de demain? »


Cette deuxième table ronde a été l’occasion pour les participants de s’interroger sur les principaux enjeux et types d’intervention que l’on attendra de l’ONU dans les décennies à venir.  Ils ont spéculé sur l’évolution des rapports entre les États, le secteur privé et la société civile et compte tenu de la multiplication des acteurs dans la gouvernance mondiale, ils se sont demandés dans quels domaines l’ONU serait la plus efficace.


M. CESLO AMORIM, ancien Ministre des affaires étrangère du Brésil, a rejeté l’idée selon laquelle l’ONU ne serait pertinente que face à des questions générales et pas à des problèmes précis.  Or, le travail en Haïti aurait été impossible sans l’implication de l’ONU.  Doit-on? a-t-il demandé, dire de la Grèce que c’est une situation locale et non mondiale?  Ayant ainsi réaffirmé le rôle de l’ONU, en voulant une implication de l’ECOSOC dans le dossier grec, l’ancien Ministre a dénoncé « l’absence totale » de transparence dans le fonctionnement du Conseil de sécurité.


Sa composition manque non seulement de démocratie mais crée une atmosphère vicieuse où les membres permanents jouent d’une manière contraire aux objectifs de l’Organisation.  M. Amorim a aussi reconnu « ne pas aimer » le G-20, même s’il le préférait au G-8.  « Avec un peu plus de sauce africaine et un peu moins de sauce européenne, le G-20 sera mieux à même de répondre aux problèmes politiques », s’est-il expliqué. 


S’il ne faut pas remplacer les structures formelles par des structures informelles, il faut tout de même faire en sorte que le processus de réforme commence de l’extérieur, a suggéré l’ancien Ministre. 


L’ONU a commis trois graves erreurs, a estimé M. RAMESH THAKUR, Professeur de relations internationales à l’Université nationale d’Australie.  Il a cité son incapacité de punir les guerres d’agression, d’aider les pays attaqués et de protéger les civils dans les situations de conflits armés.  Il a aussi fustigé les huis clos du G-8 marqué par l’hégémonie, les secrets et l’opacité.  Le principal défi, s’est-il dit convaincu, est de restructurer l’ONU afin de lui redonner sa force en tant qu’acteur principal sur la scène internationale.


L’expert a insisté sur « le problème de légitimité » du G-8 et du Conseil de sécurité.  Comment résoudre les problèmes mondiaux sans la participation du Brésil, de la Chine et de l’Inde?  M. Thakur a appelé à un rééquilibrage impliquant une augmentation du nombre de membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité.  Cet organe doit davantage ressembler à l’Assemblée générale plutôt qu’à un tribunal, a-t-il tranché. 


À cet égard, il a appelé à la revitalisation de l’Assemblée et au renforcement de l’autorité de son Président.  Il a, de plus, accusé la Cour pénale internationale (CPI) d’être un outil aux mains du monde occidental.


M. RICHARD STANLEY, Président du Conseil d’administration de la Fondation Stanley, a souligné la nécessité de prendre en compte les structures gouvernementales et intergouvernementales, la société civile et le secteur privé dans la formulation de toute politique de gouvernance mondiale.  Il a accusé l’ONU de vivre dans un passé politique où la souveraineté des États était la norme.  En 2025, a-t-il poursuivi, la survie humaine sera de plus en plus difficile et la gouvernance mondiale plus complexe.  Le débat actuel doit donc aller au-delà de l’ONU afin d’intégrer une perspective réellement mondiale, a-t-il dit.  Selon M. Stanley, le défi est d’encourager le multilatéralisme et une plus grande efficacité de ses acteurs. 


La « proéminence des G », à savoir le G-8 et G-20 entre autres, ne doit pas être une source d’inquiétude, a-t-il estimé, au motif que ce sont des incubateurs d’idées que l’ONU doit savoir exploiter.  L’ONU doit être plus cohérente et redéfinir le concept du consensus.  L’Assemblée doit renoncer à la microgestion du Secrétariat de l’ONU, un système conçu comme décentralisé.


M. ADEKEYE ADEBAJO, Directeur exécutif du Centre pour la résolution des conflits (Cap, Afrique du Sud), a constaté que la démocratie occupait une piètre place au sein des organisations internationales lesquelles, a-t-il affirmé, s’évertuent à maintenir le statu quo.  Il a, à son tour, dénoncé la composition actuelle du Conseil de sécurité au motif que le Royaume-Uni et la France qui étaient de grandes puissances en 1945 ne le sont plus aujourd’hui.  Pour l’expert, une « démocratisation urgente » du Conseil de sécurité s’impose. 


M. Adebajo a appelé au renforcement des capacités sur le continent africain, critiquant les efforts d’appui « au cas par cas ».  Il a voulu une division efficace du travail entre l’ONU et les organisations régionales. 


Pour être pertinent, il faut décider de l’être et faire preuve de volonté politique, a déclaré le représentant de l’Inde qui a dénoncé une « léthargie institutionnelle ».  Il a accusé l’ECOSOC de s’être avéré incapable de répondre à la crise économique mondiale.  Le G-20 est apparu comme une réponse à une réalité mondiale parce qu’on n’a pas pu tirer des leçons de la crise économique et financière précédente pour réformer les structures de l’ONU.  A-t-on besoin d’une catastrophe pour mettre en place une architecture capable de répondre aux défis actuels? s’est inquiété ce représentant. 


Il faut renforcer les espaces inclusifs tels que l’ECOSOC, a plaidé le représentant du Venezuela tandis que son homologue de la République de Corée a jugé pertinent de garantir la participation du Secrétaire général au processus du G-20.  N’oublions pas, a dit le représentant de la Fédération de Russie, de réformer la Banque mondiale et le FMI de manière à prendre en compte les intérêts des pays en développement.


En effet, le Directeur exécutif du Centre pour la résolution des conflits s’est dit surpris que la légitimité de ces institutions n’ait pas été davantage remise en question.  On persiste à nommer à leur tête des Américains et des Européens alors que 80% de la population mondiale vit dans des pays en développement.


« Ne nions pas la crise de crédibilité qui entoure les travaux de l’ONU dans le monde », a prévenu le professeur de relations internationales à l’Université nationale d’Australie.  Le multilatéralisme étant souvent un processus désordonné, le défi consiste à faire de l’ONU un instrument efficace, a acquiescé le Président du Conseil d’administration de la Fondation Stanley.


Par rapport aux institutions de Bretton Woods, l’ONU présente beaucoup d’avantages comparatifs, a renchéri la représentante de l’Allemagne.  Oui mais, a tempéré son homologue des États-Unis, l’ONU doit se rendre compte qu’elle évolue dans un environnement de plus en plus compétitif où les donateurs ont plus d’options.  L’Organisation doit améliorer ses résultats et se rendre compte que le G-20 est actuellement l’organe de prise de décisions le plus important. 


Une « évaluation honnête » du rôle de l’ONU s’impose, a estimé la représentante de Singapour.  Relevant, par exemple, que 70% des ressources de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sert à payer les salaires, le Directeur exécutif du Centre du Cap pour la résolution des conflits a estimé que la légitimité de l’ONU dépendait également d’une réévaluation de l’allocation de ses ressources.


Pour les représentants du Brésil et du Mexique, « la priorité absolue » est la réforme du Conseil de sécurité.  L’ancien Ministre des affaires étrangères du Brésil a ironisé sur les régimes de sanctions du Conseil de sécurité qui n’ont pour unique but que de montrer au public qu’il a agi mais sans pour autant réfléchir à la portée de ses actes.  « Les médicaments font souvent plus de tort que la maladie elle-même », a-t-il ajouté, en estimant que ce qu’il faut, ce sont des décisions plus équilibrées.


Résument le sentiment général, le Président de la soixante-cinquième session de l’Assemblée générale a souligné le consensus qui a été dégagé autour de la nécessité d’améliorer le système de gouvernance mondiale dans son ensemble.  Il semble, a-t-il cru relever, qu’il y ait des tensions entre les prérogatives des États souverains et la nature transnationale des défis à relever.  Comme l’a rappelé le Directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il faut trouver un équilibre entre leadership, efficacité et légitimité. 


Le Président a abondé dans le sens de tous ceux qui ont appuyé le renforcement de l’ECOSOC.  Lundi prochain, a-t-il indiqué, « je participerai à l’ouverture de la session de fonds de l’ECOSOC et je pense que ce sera une bonne occasion de faire des observations, à cet égard.  Mais c’est les Nations Unies dans leur ensemble qui doivent être réformées, comme l’a souligné le Président de la Slovénie », a-t-il insisté.  Il a promis de prendre en considération ce que l’ancien Ministre des affaires étrangères du Brésil a dit concernant la question de la pertinence.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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