« Le jour de l’accouchement est le jour le plus dangereux pour une femme » admettent les participants aux débats de la Commission de la condition de la femme
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Commission de la condition de la femme
Cinquante-cinquième session
11e & 12e séances – matin & après-midi
« LE JOUR DE L’ACCOUCHEMENT EST LE JOUR LE PLUS DANGEREUX POUR UNE FEMME » ADMETTENT
LES PARTICIPANTS AUX DÉBATS DE LA COMMISSION DE LA CONDITION DE LA FEMME
« Le jour de l’accouchement est le jour le plus dangereux pour une femme ». Ce constat, approuvé par tous, est venu du représentant norvégien lors de la table ronde sur « L’élimination de la mortalité et de la morbidité maternelles et l’autonomisation des femmes », animée par Michelle Bachelet, Directrice exécutive d’ONU-Femmes mais aussi ancienne Présidente du Chili et surtout Médecin épidémiologiste.
La Commission de la condition de la femme a tenu une autre table ronde sur « L’égalité entre les sexes et le développement durable ».
De tous les huit Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) c’est l’OMD nº5 sur la mortalité maternelle qui connaît le moins de progrès, ce qui a conduit le Secrétaire général de l’ONU à lancer, le 22 septembre dernier, la Stratégie mondiale pour la santé de la femme et de l’enfant.
Aujourd’hui encore, a rappelé le Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), 350 000 femmes meurent chaque année de complications de la grossesse et de l’accouchement. Parmi elles, 99% vivent dans le monde en développement.
Le Directeur de la liaison new-yorkaise de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a résumé les domaines prioritaires à savoir la mise en place de systèmes de santé permettant aux femmes de planifier leurs grossesses, de bénéficier de soins prénataux et d’accoucher avec l’assistance de professionnels de la santé. Le renforcement des capacités a donc été souligné ainsi que l’amélioration des infrastructures, dont les routes pour faciliter la mobilité des femmes rurales.
Pour faire baisser les taux de mortalité maternelle, les différents experts dont ceux du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de la Banque mondiale et du Fonds des Nations Unies contre le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose, ont aussi préconisé l’autonomisation des femmes et des filles qui entraîne une diminution du nombre des mariages et des grossesses précoces ainsi qu’une moindre prévalence du VIH/sida.
La mobilisation des financements reste un grand défi à relever, ont observé les délégations et les experts. La Directrice exécutive d’ONU-Femmes a suggéré l’élargissement de l’assiette des donateurs comme ce qu’a réussi à faire le Fonds sur la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Le représentant du Fonds a imputé le succès à l’intégration des programmes.
Celle des questions sexospécifiques dans les programmes de développement a été réclamée au cours de la première table ronde pour mettre en valeur le rôle important des femmes dans le développement d’une économie verte.
Plaçant le débat dans le cadre du processus préparatoire de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, prévue à Rio de Janeiro en mai 2012 -Rio+20-, la Coordonnatrice exécutive de ce processus a expliqué les deux objectifs qui sont de renouveler l’engagement politique en faveur du développement durable et d’identifier les lacunes dans les efforts menés jusqu’ici, en particulier l’implication des femmes.
Outre les lois et mesures adoptées par leurs pays dans ce sens, les délégations et les experts ont présenté plusieurs initiatives locales visant à faire participer les femmes à la gestion des déchets, à la promotion de l’énergie solaire ou encore à l’amélioration de l’accès à l’eau.
Sur les 1,6 milliard de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité, ce sont les femmes et les filles qui souffrent le plus de cette « pauvreté énergétique endémique », a dénoncé le Directeur exécutif de « Solar Electric Light Fund », car ce sont les filles qui vont chercher du bois et de l’eau au lieu d’aller à l’école.
Il a présenté plusieurs projets lancés par son organisation pour mettre en place des pompes à eau et éclairer les villages, les écoles et les exploitations agricoles.
Une experte péruvienne a l’expérience acquise de « Ciudad Saludable » dont la mission est de mettre sur pied des microentreprises de ramassage et de recyclage des ordures. La Ministre sud-africaine a signalé un projet similaire permettant aux femmes de s’orienter vers l’énergie renouvelable.
Les petits projets d’énergie solaire et de recyclage des déchets n’ont qu’un impact limité, ont prévenu plusieurs intervenants en appelant à de véritables politiques publiques et en incitant les États à nouer des liens avec la société civile et à promouvoir les investissements du secteur privé dans l’économie verte.
La Commission de la condition de la femme se réunira à nouveau en séance plénière le jeudi 3 mars, à 10 heures.
Table ronde d’experts: exposés et dialogue interactif sur le thème « L’égalité entre les sexes et le développement durable »
Mme LEYSA SOW (Sénégal), Vice-Présidente de la Commission, a expliqué que les débats de ce matin devraient contribuer au processus préparatoire de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, prévue à Rio de Janeiro en mai 2012 (Rio+20). Elle a proposé de centrer la discussion sur deux thèmes de cette Conférence, à savoir l’économie verte dans le cadre du développement durable et l’élimination de la pauvreté; et le cadre institutionnel du développement durable.
Le processus préparatoire de la Conférence de Rio a été présenté par Mme HENRIETTA ELIZABETH THOMPSON, Coordonnatrice exécutive de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, ancienne Ministre de l’énergie et de l’environnement de la Barbade. Les deux objectifs sont de renouveler l’engagement politique en faveur du développement durable et d’identifier les lacunes dans les efforts menés jusqu’ici, en particulier l’implication des femmes. Mme Thomson a rappelé que 70% des personnes vivant dans la pauvreté dans le monde sont des femmes. Elles sont payées en moyenne 17% de moins que les hommes pour le même travail, souffrent davantage du chômage, n’ont que peu de contrôle sur les biens de la famille et n’ont pas un bon accès à la santé reproductive.
Les femmes représentent un ensemble de ressources humaines importantes, a-t-elle souligné, appelant à investir dans ce capital humain pour arriver au développement durable. Les femmes achètent davantage de produits recyclables que les hommes et elles se tournent plus vers les possibilités vertes. Aux termes d’une recherche effectuée par le Cabinet de conseil McKinsey, il apparaît qu’une société qui emploie trois ou quatre femmes à des postes élevés est plus performante.
Mme Thomson a aussi rappelé que le Programme d’Action 21 prévoit une plus grande implication des femmes dans la mise en œuvre des programmes de développement durable. À ce stade des négociations, a-t-elle révélé, nous recherchons les contributions des grands groupes et des organes des Nations Unies. Elle a signalé la tenue, la semaine prochaine, d’une autre séance préparatoire qui devrait inclure les questions relatives aux femmes.
Elle a cité un exemple concluant de l’implication des femmes dans le développement durable, celui d’une Chinoise appelée la « Reine des ordures » et qui est à l’origine d’une société valant plusieurs millions de dollars aujourd’hui. Cette femme a eu l’idée de recycler en papier gaufré ou papier d’emballage les matières qui restent dans les containers après le déchargement des ordures.
Nous devons, a conseillé Mme Thomson, renforcer le cadre institutionnel, c’est-à dire le système de gouvernance mondiale chargé d’élaborer, de mettre en œuvre et de contrôler les politiques concernant le développement durable et l’économie verte.
Mme MONIQUE ESSED-FERNANDES, Directrice exécutive par intérim de Women’s Environment and Development Organization (WEDO), est revenue sur le Sommet de la Terre de 1992 qui pour la première fois a fait participer des femmes pauvres des pays du Sud exclues auparavant des débats sur l’avenir de notre planète. Cette conférence historique a créé un nouveau chapitre pour les femmes et le développement durable.
À l’approche de Rio+20, a-t-elle ajouté, nous devons questionner le concept de l’économie verte avec la même énergie que nous avons déployée, il y a 20 ans. Le nouveau lexique de l’économie verte doit correspondre à notre système de valeur en tant que femmes et tenir compte de nos expériences. Il faut définir ce qui est vert et pourquoi.
Mme Essed-Fernandes a identifié trois enjeux majeurs lorsqu’il s’agit de trouver une définition de l’économie verte. Elle a estimé que l’économie actuelle met l’accent sur une croissance économique évaluée à partir du PIB sans reconnaître que croissance ne veut pas forcément dire réduction de la pauvreté et répartition équitable des revenus. L’experte a relevé un déséquilibre énorme entre les piliers de l’emploi, de l’éducation et de la santé.
La croyance selon laquelle l’éducation débouche sur l’emploi et la santé est mise à mal dans de nombreux pays en développement où nombre de jeunes hommes éduqués ne parviennent pas à trouver un emploi. Les processus inclusifs et participatifs continuent de faire défaut dans les systèmes économiques actuels.
Pour l’experte, le principe de l’égalité entre les sexes et d’un développement fondé sur le respect des droits doit être l’élément le plus inclusif des politiques de développement. Elle a réclamé l’adoption d’une perspective holistique en matière de développement qui intègre les dimensions socioculturelle, économique, environnementale et politique comme conditions préalables à la gouvernance verte. La participation effective des citoyens, des femmes notamment, sera primordiale, de même qu’un investissement considérable de la part de l’État, a ajouté Mme Essed-Fernandes.
Elle a réclamé une enquête sur ce que pensent les femmes du rôle de leur gouvernement dans la mise en œuvre des engagements de Rio. Les femmes exécutent 86% du travail de la planète mais elles possèdent moins de 1% des ressources. La féminisation de la pauvreté ne saurait exister parallèlement à une économie verte.
M. ROBERT FRELING, Directeur exécutif de Solar Electric Light Fund, basé aux États-Unis, a illustré ses propos par une image satellite de la terre prise la nuit et où le continent africain apparaît comme très peu éclairé par rapport aux autres. Il a en effet parlé de « pauvreté énergétique endémique », soulignant que ce sont les femmes et les filles qui en souffrent le plus. Ce sont elles qui vont chercher du bois et de l’eau au lieu d’aller à l’école, dans un monde où 1,6 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité.
Se disant déçu que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ne mentionnent pas l’accès à l’énergie, il a toutefois apprécié la réunion qu’il a eue en septembre dernier avec le Secrétaire général de l’ONU.
Dans les années 90, a raconté M. Freling, Solar Electric Light Fund a essayé de diffuser environ 50 Watts d’électricité dans les ménages. Mais comme la plupart des familles en milieu rural ne pouvait s’offrir ce système, le Fonds a eu recours au microcrédit, débarrant ainsi les femmes et les enfants des effluves de kérosène et permettant aux écoliers de faire leur devoir. À partir des années 2000, le Fonds a réfléchi à un système plus étendu et a lancé des projets de pompe à eau et d’éclairage dans les villages, les écoles et les exploitations agricoles. En Afrique du Sud, des panneaux solaires ont été donnés à plusieurs écoles, ce qui a permis non seulement un accès à Internet mais aussi une amélioration nette des résultats scolaires et même parmi les adultes qui pouvaient suivre des cours du soir.
La qualité des soins de santé s’est aussi améliorée avec un meilleur accès à l’énergie et, en partenariat avec Partners in Health, le Fonds a pu fournir des panneaux solaires dans des zones rurales du Rwanda. Il lance aussi un projet en Haïti pour équiper 10 cliniques du plateau central en cellules photovoltaïques et des projets de pompes à eau fonctionnant à l’énergie solaire au Bénin.
Au Bénin, entre octobre et avril, la sécheresse compromet la production agricole, ce qui conduit certains agriculteurs à utiliser un système d’irrigation alimenté par le diesel. Le Fonds a donc remplacé les générateurs par des pompes à eau. L’énergie solaire, a conclu M. Freling, est la voie vers un avenir durable.
Mme ALBINA RUIZ RÍOS, Fondatrice et Présidente de Ciudad Saludable, au Pérou, a indiqué que 20 millions de personnes dans le monde vivent grâce aux ordures. Ciudad Saludable utilise les ordures pour créer des emplois et lancer des initiatives respectueuses de l’environnement dans plusieurs pays d’Amérique latine. Originaire de la campagne, elle a avoué son étonnement de découvrir les ordures lors de sa première visite dans une ville. À la campagne, on réutilise tout. Lassée des arguments selon lesquels les pauvres aiment vivre dans la saleté, elle a créé avec d’autres Ciudad Saludable, une organisation qui met sur pied des microentreprises de ramassage et de recyclage des ordures.
Alors qu’auparavant les travailleurs gagnaient à peine un dollar par jour, ils en gagnent 8 à 10, s’est-elle félicitée. Outre ces recycleurs, les professionnels des municipalités sont également formés à la gestion des déchets pour éviter que les entreprises ne dictent aux municipalités comment gérer le ramassage des ordures. Les enseignants sont également formés pour sensibiliser les enfants au recyclage.
Mme Ruiz Ríos a salué le fait qu’après l’initiative de Ciudad Saludable, le Pérou ait adopté, en 2009, la toute première loi au monde sur l’inclusion économique et sociale des recycleurs qui touchent désormais plus que le minimum vital, ont droit aux congés payés et peuvent obtenir des crédits. C’est Ciudad Saludable qui se porte garante de ces prêts.
Mme Ruiz Ríos a dénoncé la corruption et les pots-de-vin touchés par certains fonctionnaires lors de la signature des contrats avec les grandes entreprises. Ces fonctionnaires choisissent par exemple d’acheter des camions qui peuvent coûter 100 000 dollars, plutôt que d’investir dans des tricycles qui sont pourtant moins chers et plus faciles à utiliser pour les femmes.
La question des déchets est rarement évoquée dans les grandes conférences. Or, pour Mme Ruiz Ríos, être un consommateur responsable, c’est fournir aux plus pauvres une perspective économique.
Invitées à poser des questions aux quatre experts, les délégations ont aussi tenu à présenter les mesures prises dans leurs pays pour inclure les femmes dans les efforts de développement durable. La représentante du Portugal, par exemple, a indiqué avoir élaboré un guide sur le genre, l’environnement et le territoire. Au Mexique, il y a une loi sur l’écologie visant la protection et l’utilisation responsables des ressources, qui reconnait comme essentielle la participation des femmes dans ce domaine. La représentante du Paraguay a expliqué qu’il existe dans son pays un mécanisme pour l’autonomisation de la femme qui garantit l’égalité des sexes et intègre les questions de sexospécificité à l’environnement.
Au Suriname, a expliqué la Directrice exécutive par intérim de WEDO, le Gouvernement a adopté un plan qui a permis d’intégrer à la fois l’environnement et la parité dans toutes les politiques de développement. Mais il a fallu trois ans pour arriver à la première Conférence intergouvernementale sur le développement vert, a-t-elle reconnu. En outre, a-t-elle ajouté, il ne suffit pas que le Gouvernement prenne des mesures en vue d’un développement vert. Il faut aussi que ses partenaires apportent leur contribution, notamment sur le plan financier.
La Coordonnatrice exécutive de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable a proposé de définir l’économie verte comme une économie qui dégage une croissance tout en protégeant ses ressources naturelles et en renforçant ses ressources humaines et son capital social. On ne peut y parvenir que si on s’emploie à autonomiser les femmes, a-t-elle ajouté, invitant à réfléchir aux mécanismes qui permettent aux femmes de participer.
Plusieurs délégations ont reconnu l’importance des problèmes liées à la gestion des déchets, comme les délégations de la Grèce et de la Guinée. Faisant valoir sa pratique bien établie de recyclage organisée au niveau du district ou du village, la Suisse a cependant reconnu qu’on ne se concentrait pas assez sur l’implication des femmes dans le développement. Comment encourager les femmes à choisir des filières technologiques, a-t-elle demandé aux experts.
La Présidente de Ciudad Saludable a suggéré notamment que les médias relayent les campagnes de sensibilisation sur les initiatives prises à cet égard. Partageant l’avis de la délégation de Cuba, elle a aussi estimé qu’il fallait investir dans l’éducation et réformer les universités. La représentante du Cameroun a invité à réfléchir à un programme scolaire qui intègre toutes les questions de développement durable, notamment le problème des ordures.
La Ministre de la femme, des enfants et des personnes handicapées de l’Afrique du Sud a parlé d’un projet mis en œuvre dans son pays qui permet de produire de l’électricité à partir des déchets. Nous aidons les femmes à s’orienter vers l’énergie renouvelable en leur donnant les équipements nécessaires au recyclage de déchets, a-t-elle indiqué, précisant qu’elles fabriquent ainsi des sacs et des chaussures en utilisant les déchets en plastique.
En ce qui concerne l’accès à l’eau, une initiative a été présentée par la représentante d’Israël, indiquant qu’une organisation de son pays a mis en place dans plusieurs pays d’Afrique un système d’irrigation goutte à goutte qui permet aux agriculteurs de semer et de récolter plusieurs fois par an.
Sur la question de l’énergie solaire, le représentant de la Jordanie a suggéré la nomination d’un rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’énergie, rappelant que le droit à l’assainissement et à l’eau était déjà reconnu. Le Directeur exécutif de Solar Electric Light Fund a soutenu cette proposition, avant de parler du problème majeur du financement dans ce domaine. Il a donc appelé les parties prenantes à s’engager à y contribuer. Dès que l’énergie est fournie à une population, les autres objectifs de développement sont atteints beaucoup plus vite, a-t-il expliqué.
La représentante du Gabon a indiqué que des panneaux solaires sont en cours d’installation dans plusieurs villages de son pays. La délégation du Japon a demandé si les femmes bénéficiant de ces projets étaient formées à l’entretien et la réparation. Oui, a répondu le Directeur exécutif de Solar Electric Light Fund, qui a en outre parlé de projets concernant une formation au niveau national. L’idée est de créer des instituts pour former des ingénieurs, a-t-il expliqué. La représentante de la République dominicaine a cependant relevé que les petits projets de recyclage de déchets et les initiatives d’énergie solaire ont des impacts limités, avant d’inviter à adopter plutôt des politiques publiques dans ces domaines.
Son homologue de l’Islande a appelé à des mesures pour inclure les femmes dans la recherche de réponses aux changements climatiques. Les pays nordiques ont déjà souligné l’importance du genre et de la présence effective des femmes dans les négociations sur ces questions.
La représentante d’International Strategy for Disaster Reduction a expliqué combien les catastrophes naturelles accentuent les inégalités dont souffrent les femmes. Les gouvernements ont donc adopté un cadre d’action 2005-2015 pour réduire ces risques, par lequel ils s’engagent à des efforts de prévention auxquels les femmes sont appelées à participer.
Un élément essentiel du développement durable est la bonne santé, a relevé de son côté la délégation de l’Union européenne, qui a fait remarquer qu’il s’agit de l’Objectif du Millénaire pour le développement pour lequel on a fait le moins de progrès.
La représentante de Network Women in Developpment Europe a incité les États Membres à entrer en partenariat avec la société civile et à stimuler le secteur privé pour qu’ils s’engagent dans l’économie verte, le seul moyen pour protéger efficacement les biens publics mondiaux.
Enfin, quelques intervenants, comme la délégation de la Jordanie et la représentante d’International Alliance for Women, ont appelé à intégrer la question des droits de l’homme et de la démocratie dans les discussions.
La représentante de l’Azerbaïdjan a mentionné les efforts menés par son pays en faveur de l’égalité des sexes et de la protection de l’environnement mais a souligné que 20% du territoire est occupé par l’Arménie, ce qui constitue un obstacle grave à la mise en œuvre de ces efforts. Réagissant à cette intervention, la représentante de l’Arménie a regretté que son homologue utilise cette réunion pour discréditer son pays.
Table ronde d’experts: exposés et dialogue interactif sur le thème « L’élimination de la mortalité et de la morbidité maternelles et l’autonomisation des femmes »
Mme MICHELLE BACHELET, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a lancé le débat en réclamant un tour d’horizon de la mortalité maternelle dans le monde.
Le Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et ancien Ministre de la santé du Nigéria, M. BABATUNDE OSOTIMEHIN, a indiqué que chaque année, plus de 350 000 femmes meurent de complications liées à la grossesse et à l’accouchement et que 99% d’entre elles vivent dans le monde en développement. Reconnaissant que la mortalité maternelle a diminué d’un tiers depuis 1990, il a salué la Stratégie mondiale pour la santé de la femme et de l’enfant lancée par le Secrétaire général, grâce à laquelle 45 pays ont promis de faire reculer la mortalité maternelle en mobilisant une somme de 45 milliards de dollars.
Mais quels sont les principaux défis qui expliquent l’énorme écart entre les pays développés et les pays en développement? a interjeté la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. L’absence de compétences et de respect des femmes, a répondu d’emblée le Directeur exécutif du FNUAP. Selon lui, la solution viendra de l’autonomisation des femmes et des fillettes et de l’amélioration des systèmes de santé. Tant que des structures sanitaires solides ne seront pas mises en place, la situation ne s’améliorera pas, a-t-il insisté.
Il a ajouté à ce problème celui du financement. Outre les compétences, ni les pays du Sud ni les bailleurs de fonds n’ont su réunir des fonds suffisants pour fournir des soins et des services de santé de qualité. Les ministres de la santé sont à pointer du doigt mais aussi leurs collègues du budget et des finances sans oublier les parlementaires qui votent les lois, dont le budget.
Les systèmes de santé doivent être à ce point visibles, a renchéri M. WERNER OBERMEYER, Directeur exécutif par intérim de la liaison new-yorkaise de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qu’ils doivent permettre aux femmes de planifier leurs grossesses, de bénéficier de soins prénataux et d’accoucher aidées des professionnels de la santé. L’OMS aide les pays dans ce domaine et l’approche fondée sur la collaboration avec les structures nationales a permis de fournir un appui groupé à la santé maternelle et aux soins néonataux. La possibilité de se déplacer d’un centre médical à un autre est très important pour gérer les urgences, a reconnu la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.
Il faut surtout, a averti son homologue du FNUAP, prévenir les mariages précoces, surtout dans les pays où 70% de la population a moins de 30 ans. Le Directeur exécutif a plaidé pour des mesures visant à maintenir les filles à l’école le plus longtemps possible. Au Burkina Faso, a-t-il salué, les hommes sont invités à participer à des cours de sensibilisation sur les besoins des filles.
Mais en attendant, que fait le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour faciliter l’accès des femmes aux centres de santé? a demandé la Directrice exécutive d’ONU-FEMMES.
La Chef du secteur pour la transversalisation du VIH/sida et de la santé en matière d’égalité entre les sexes du PNUD, Mme JULIA KIM, a cité le cas de l’Inde où un partenariat a été mis en place. Là-bas, le PNUD a entrepris d’appuyer la construction de petits hôpitaux pouvant accueillir quelque 80 000 femmes et leur famille. En règle générale, le PNUD travaille au renforcement des capacités et à l’amélioration des infrastructures, dont les routes qui facilitent la mobilité des femmes rurales.
Quelle sera la contribution de la Stratégie mondiale du Secrétaire général? s’est interrogée la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. Cette Stratégie, a répondu son homologue du FNUAP est faite pour appuyer les initiatives nationales. L’ONU a identifié 25 pays déjà dotés de plans de lutte contre la mortalité maternelle. En l’occurrence, une action concertée et multisectorielle est encouragée. L’ONU travaillera également avec le secteur privé, a-t-il ajouté, avant d’annoncer une réunion de suivi sur la situation de la mortalité maternelle dans le monde, en septembre 2011.
Les conclusions de la Réunion des coprésidents de la Commission de l’information et de la responsabilisation en matière de santé de la femme et de l’enfant, qui s’est tenue en janvier à Genève, ont été expliquées par le Directeur exécutif par intérim de la liaison new-yorkaise de l’OMS. Présidée par le Président de la Tanzanie et le Premier Ministre du Canada, la Commission a convenu de créer un cadre pour assurer le suivi des engagements internationaux et évaluer l’adéquation des ressources financières. Le but est de sauver quelque 16 millions de femmes et d’enfants d’ici à 2012 mais cela ne sera possible que si le secteur public s’implique. Il s’agira de renforcer les capacités locales et nationales dans la collecte des données. Un projet de cadre devrait être présenté dès le mois de mai 2011.
La Directrice exécutive d’ONU-Femmes ayant relevé que la mobilisation des ressources reste un défi, son homologue de l’OMS a précisé que c’est une somme de 40 milliards qui doit être débloquée au cours des cinq prochaines années. Il faut, a préconisé la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, élargir l’assiette des donateurs comme pour le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme.
Présent, le Directeur des relations extérieures et des partenariats du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, M. CHRISTOPH BENN, a estimé que le Fonds prouve qu’il est possible de travailler de manière plus intelligente en intégrant les programmes. Il ne faut pas avoir un programme pour le VIH/sida, un autre pour le paludisme et un autre pour les femmes. En Éthiopie les agents de santé sont formés à la fourniture de services intégrés. En Tanzanie, des centres de soins offrent des traitements antirétroviraux mais aussi des informations sur la transmission du virus et sur la santé de la femme, en général. Pour être efficace, l’intégration doit être le mot d’ordre.
L’intégration peut, peut-être, faciliter la mobilisation des ressources. Comment la Banque mondiale aide-t-elle les ministères de la santé? s’est inquiétée la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.
Son homologue du Groupe sur le genre et le développement de la Banque mondiale, Mme MAYRA BUVINIC, a d’abord souligné que la santé représentait bien plus que les soins et la réforme du secteur de la santé. L’aspect économique est essentiel. Ainsi, en Indonésie, l’essor économique s’est traduit par une chute de 70% de la fertilité. Il faut donc, a plaidé l’experte, instaurer une « économie intelligente ».
La Banque mondiale souhaite collaborer avec ONU-femmes pour le lancement d’IDA 16, la seizième édition de l’Association internationale de développement, un fonds de la Banque mondiale destiné aux plus pauvres de la planète et qui, pour cette édition, insistera sur la santé maternelle et reproductive. C’est aux gouvernements de réclamer le financement de leurs programmes et d’investir dans l’égalité entre les sexes pour parvenir à une « économie intelligente ». D’ailleurs, pour la première fois de son histoire, le prochain rapport de la Banque mondiale s’articulera autour de l’égalité entre les sexes.
Mais il faut beaucoup de partenariats pour faire baisser la mortalité maternelle. Comment la Stratégie mondiale compte-t-elle les multiplier? a demandé la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. Le programme H4+, qui regroupe le FNUAP, la Banque mondiale, ONUSIDA et l’OMS a permis de réunir toutes les agences sur le terrain, a expliqué le Directeur exécutif par intérim de la liaison new-yorkaise de l’OMS. Nous prévoyons, a-t-il dit, d’aller au-delà et d’intégrer d’autres acteurs. Les partenariats qui se créent sur le terrain sont encore plus importants, en particulier avec les communautés.
La Banque mondiale pourrait-elle donner quelques exemples? a voulu la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. L’interpelée a parlé d’un partenariat avec les Gouvernements norvégien et britannique dont les financements sont orientés vers les résultats. Grâce aux mesures incitatives prises dans ce cadre, les soins prénataux dans les pays visés sont passés de 5% à 30% en quatre ans. La représentante de la Banque mondiale a aussi parlé d’un partenariat avec la Fondation Nike qui aide les filles des pays à faible revenu à passer du monde scolaire au monde professionnel. Une autre initiative prévoit de verser des fonds à des adolescentes à condition qu’elles restent à l’école. Les taux de mariages précoces et de grossesses ont ainsi été réduits, ainsi que celui de prévalence du VIH/sida diminué de 40%.
Une expérience au Népal a été racontée par Mme DIANE SUMMERS, Spécialiste des politiques publiques à Global Alliance on Vaccines and Immunizations (GAVI) qui a lancé une guerre contre le coût des soins obstétriques d’urgence. Ce sont ces coûts qui font que le taux de mortalité maternelle ne se réduise pas aussi vite que prévu. Confronté à un milieu pauvre, il faut réfléchir au-delà de la mortalité maternelle et se pencher sur la santé des femmes, en général, qui concerne aussi les maladies non transmissibles ou le cancer de l’utérus. Contre ce cancer, le vaccin peut faire une grande différence mais il coûte 100 dollars par dose et il en faut trois.
Outre la question de l’argent, comment sensibiliser les femmes et les fillettes qui vivent dans les zones les plus reculées? s’est inquiétée la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.
Il faut des professionnels compétents, a réagi son homologue du FNUAP qui forme des milliers d’agents de santé dans les communautés dont ils sont originaires, en tirant ainsi parti de leur connaissance intime des défis. De cette manière, on peut prévenir la transmission du VIH/sida ou les avortements sauvages qui représentent 13% de la mortalité maternelle. Il est facile de construire des hôpitaux de 1 000 lits dans les capitales pour exhiber l’action du ministère de la santé mais ce qui importe le plus c’est de toucher les plus vulnérables.
S’agissant des plus vulnérables, peut-on en savoir plus sur les partenariats noués par le PNUD? a demandé la Directrice exécutive d’ONU-Femmes.
Le PNUD, a répondu sa représentante, a participé à la préparation du premier rapport de la Tunisie sur la réalisation des OMD. Ce pays, qui est sur le point de réaliser ces Objectifs, n’arrive pas à inverser radicalement les tendances de la santé maternelle consacrées dans l’OMD nº5. Bon outil de plaidoyer, ce rapport a permis de cristalliser les efforts. Il importe en effet d’identifier les goulets d’étranglement qui entravent la réalisation de l’OMD nº5.
La personne doit être placée au cœur des problèmes, a plaidé Mme KYUNG-WHA KANG, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme. Un cadre de reddition des comptes dans lequel les gouvernements doivent répondre de leurs actes. Pour affiner leurs mesures, les organismes comme le FNUAP et la Banque mondiale devraient s’inspirer de l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui consacre le principe de non-discrimination. Les droits à la vie, à l’éducation, à la dignité, à vivre à l’abri des traitements inhumains et dégradants relèvent tous des instruments internationaux des droits de l’homme.
Il est vrai que bien souvent, a dénoncé la représentante de GAVI, les femmes doivent avoir l’autorisation de leur mari ou de leur belle-mère pour prendre un moyen de contraception. En conséquence, quand elles viennent faire vacciner leurs enfants, elles en profitent pour demander un contraceptif. Nous soutenons les programmes de planification familiale dans tous les pays et, entre autres, en formant les agents de santé, a déclaré la représentante.
Il faut en effet avoir des services adaptés au public, a convenu la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. Mais, a-t-elle demandé, quel est l’état de réalisation de l’OMD nº6 sur la lutte contre le VIH/sida et son impact sur la santé maternelle –OMD nº5-?
Investir dans l’OMD nº6 a un impact direct sur la santé des femmes, a répondu le représentant du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la paludisme, dont 46% des investissements profitent aux femmes et aux enfants. Nous avons les preuves, a dit l’orateur, que nous réussissons à atteindre les personnes les plus vulnérables. Le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose causent 1,5 million de morts par an et sont la principale cause de mortalité chez les femmes en Afrique. Quelque 65 000 femmes enceintes meurent chaque année de maladies liées au VIH/sida.
Attention, a mis en garde la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme. Certains projets ambitieux, qui ont permis d’améliorer les capacités dans les cliniques et les hôpitaux n’ont cependant pas atteint les groupes de femmes les plus vulnérables, comme les autochtones ou les femmes vivant dans l’extrême pauvreté. Il faut une analyse profonde de la situation pour mettre en place des processus durables. Les Comités sur les droits des enfants, la discrimination raciale ou les droits sociaux et culturels examinent chaque année les rapports des pays et formulent des recommandations dont certaines portent sur la santé maternelle. Ces processus sont en outre renforcés par l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme.
« Le jour de l’accouchement reste aujourd’hui encore le jour le plus dangereux de la vie d’une femme », a dénoncé d’emblée le représentant de la Norvège. Outre la conséquence d’un manque d’accès à la santé, la mortalité maternelle est également le résultat de la condition de la femme et de l’inégalité des rapports entre les sexes. Leur vie est souvent considérée comme étant sans valeur.
La représentante du Mali, obstétricienne de formation, a raconté le cas d’une de ses patientes qui, frappée d’une hémorragie grave au moment de l’accouchement, nécessitait une césarienne de toute urgence. « Je me suis tournée vers le mari pour lui demander de payer le coût de l’intervention le plus rapidement possible. Au lieu de quoi, il a voulu savoir pourquoi il y avait tant de complications et a dit préférer vendre d’abord quelques têtes de bétail plutôt que d’avancer la somme ». Au Mali, ce genre de situation est désormais révolue depuis que la Première Dame, ancienne infirmière et sage-femme elle-même, a milité pour la gratuité des césariennes.
Certaines familles n’autorisent même pas les femmes à utiliser les services de santé, s’est indignée la représentante de la Suisse pour qui il conviendrait de faire une place aux pratiques médicales traditionnelles.
La représentante de l’Afrique du Sud a plutôt misé sur l’offre de soins de santé au niveau local. Après qu’elle eut souligné que les rapports sexuels tardifs avaient un impact notable sur la mortalité maternelle, son homologue du Ghana a voulu savoir comment rendre les préservatifs féminins plus abordables. Nous avons tout fait pour les distribuer mais leur coût n’était pas attrayant, a-t-elle indiqué.
Ce n’est pas la barrière financière mais bien le contexte culturel qui s’oppose à leur l’utilisation, a réagit l’expert du Fonds mondial et c’est sur ce plan que des efforts doivent être déployés. Évoquant son passé d’épidémiologiste, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes a invité l’industrie pharmaceutique à revoir la conception de ce type de préservatifs. Ceux que j’ai vus n’étaient pas du tout sexy, a-t-elle commenté non sans humour.
Existe-t-il un lien santé, nutrition et éducation? s’est demandée la représentante de l’Irlande. Pour la représentante de la France, il importe surtout de jeter des passerelles entre la jouissance par les femmes de leurs droits, la lutte contre la violence et le combat contre la mortalité maternelle. Outre le relèvement de l’âge minimal du mariage, l’abandon de la pratique des mutilations génitales participe aussi à la lutte contre la mortalité maternelle. Elle a été appuyée par son homologue du Portugal qui a appelé la Commission à se pencher sur la question.
Du personnel compétent, des soins obstétriques et l’accès à la planification familiale, y compris aux contraceptifs, voilà les trois piliers de base en matière de lutte contre la mortalité maternelle, a lancé le représentant de l’Union européenne.
Mais comment atteindre les femmes des régions les plus éloignées? a demandé la représentante du Soudan. La représentante du Zimbabwe a proposé d’instaurer, à l’instar du crédit carbone, « un crédit mortalité maternelle ». Elle a également suggéré de prélever un pourcentage sur chaque salaire pour financer la lutte contre la mortalité maternelle. La représentante des États-Unis a préféré miser sur la participation des femmes au processus de prise de décisions en matière de santé.
Répondant au Soudan, l’experte de la Banque mondiale a prévenu que tant que les routes feront défaut, il sera difficile d’avoir un impact réel sur la situation des femmes dans le Sud-Soudan. Elle a insisté sur le rôle de la société civile et la responsabilité des États dans l’établissement des priorités budgétaires.
L’intervention la plus importante c’est l’éducation des filles, a tranché le Directeur exécutif du FNUAP. Aujourd’hui, 215 millions de femmes dans le monde souhaitent accéder à la planification familiale mais ne peuvent y parvenir. La Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme a promis une étude sur les bonnes pratiques en matière de mortalité maternelle. Parmi ces dernières, doit figurer la gratuité des soins, a estimé la Directrice exécutive d’ONU-Femmes. Les partenariats forts sont la seule manière d’aller de l’avant.
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