Le Conseil de sécurité réfléchit aux moyens de faire de la protection des civils dans les conflits armés une réalité sur le terrain
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6650e séance – matin & après-midi
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ RÉFLÉCHIT AUX MOYENS DE FAIRE DE LA PROTECTION DES CIVILS
DANS LES CONFLITS ARMÉS UNE RÉALITÉ SUR LE TERRAIN
À l’occasion de son débat biannuel sur la protection des civils dans les conflits armés, présidé par le Président du Portugal, M. Aníbal António Cavaco Silva, le Conseil de sécurité a réfléchi aujourd’hui aux moyens qu’il pourrait utiliser pour renforcer son action dans ce domaine. Cette question est plus que jamais d’actualité, en cette année, marquée par les évènements du « printemps arabe », où des populations civiles se sont dressées contre leur gouvernement.
Outre les membres du Conseil, pas moins de 35 orateurs ont pris la parole à cette occasion, dont le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Navanethem Pillay, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, Mme Catherine Bragg, ainsi que la Présidente de la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits, Mme Mateya Kelley, et le Directeur pour le droit international et la coopération du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), M. Philip Spoerri.
Ouvrant la séance, le Président Cavaco Silva a dénoncé « la poursuite des violences en Syrie, qui ont déjà causé la mort de plus de 3 000 personnes ». Des propos repris par la Haut-Commissaire, Mme Navanethem Pillay, qui a affirmé que lorsque les aspirations d’un peuple sont anéanties par la répression, « celui-ci n’a pas d’autre choix que de se rebeller contre la tyrannie et l’oppression exercées par l’État ».
Le Secrétaire général de l’ONU a, de son côté, souligné l’importance pour les parties à un conflit de respecter « sans équivoque » les droits de l’homme et le droit international humanitaire, en plaidant en faveur d’une réponse vigoureuse du Conseil de sécurité en cas de violations graves.
En outre, a dit M. Ban, la menace de sanctions ciblées et la surveillance renforcée de la situation dans un État donné, notamment par la mise en place de commissions d’enquête et la saisine de la Cour pénale internationale (CPI), sont des instruments privilégiés à disposition du Conseil. La Présidence portugaise du Conseil de sécurité, dès sa conférence de presse du 2 novembre*, avait annoncé qu’elle souhaitait que le débat d’aujourd’hui mette l’accent sur la reddition de comptes.
« Il y a quelques jours », a ainsi indiqué le Président Cavaco Silva, le Portugal a organisé, en coopération avec le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), un séminaire sur la responsabilité pénale internationale, les enquêtes sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et la réparation du préjudice subi par les victimes.
Rejetant vigoureusement les accusations portées par certains membres du Conseil, dont le Royaume-Uni, les États-Unis et, en particulier la France, qui a estimé que le 4 octobre 2011, le Conseil avait « abdiqué » ses responsabilités à la suite du double veto exercé par la Chine et la Fédération de Russie**, le représentant syrien a déclaré que le Conseil faisait preuve de « sélectivité » dans ses délibérations sur la protection des civils dans les conflits armés, en passant sous silence le sort fait aux populations palestiniennes, libanaises et syriennes qui vivent sous l’occupation illégale des Forces de défense israéliennes,
D’une manière plus générale, le représentant de la Chine a estimé que les « pratiques récentes » du Conseil de sécurité relançaient le débat sur le sens même de ses actions et des moyens dont il dispose pour améliorer la protection des civils, tout en affirmant que la responsabilité de protéger incombait d’abord et avant tout aux États concernés. Une position en faveur de laquelle ont abondé de nombreuses délégations, dont la Fédération de Russie, qui a jugé « inacceptables » les tentatives de manipulation des mandats du Conseil, même si elles s’accompagnent de « nobles déclarations ». Son représentant a indiqué qu’un examen attentif des « événements récents » devrait permettre de guider l’action du Conseil à l’avenir.
Si l’immense majorité des orateurs ont reconnu que depuis la publication du premier rapport du Secrétaire général sur la question à l’ordre du jour, il y a 12 ans, les progrès avaient été principalement réalisés dans l’amélioration du cadre juridique de cette protection, plusieurs d’entre eux ont souligné les conditions extrêmes auxquelles étaient exposés les civils sur le terrain.
C’est pourquoi, des délégations comme celles du Luxembourg, de l’Union européenne, du Mexique, du Pérou et du Maroc ont plaidé en faveur d’une rationalisation des mandats des sept opérations de maintien de la paix actuellement chargées d’assurer la protection des civils, en les dotant des capacités adéquates pour leur permettre de s’acquitter de cette tâche.
D’autres, à l’instar de la Suisse et de la Slovénie, qui a pris la parole au nom du Réseau de la sécurité humaine, ont souligné l’importance de mécanismes complémentaires de l’action du Conseil de sécurité, comme par exemple la création récente, par le Conseil des droits de l’homme, d’un poste de rapporteur spécial pour la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-récurrence.
Dans le souci d’aider les membres du Conseil de sécurité, la délégation du Brésil a annoncé qu’elle ferait circuler prochainement un document de réflexion s’appuyant sur la notion de « responsabilité de protéger ». Elle a précisé à l’attention des membres du Conseil que ce document accorderait la priorité à la diplomatie préventive, à l’usage le plus restreint et le plus chirurgical possible de la force et au renforcement de la surveillance de la mise en œuvre des résolutions du Conseil.
** Voir communiqué de presse CS/10403
LA PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ
Déclarations
M. ANÍBAL ANTÓNIO CAVACO SILVA, Président du Portugal, a rappelé que chaque année, dans différentes régions du monde, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants étaient tués, enlevés, blessés ou forcés de quitter leur domicile en raison des conflits armés. Le Portugal, a-t-il affirmé, condamne vigoureusement toutes les attaques visant des populations civiles, que ce soit en Libye, dans la région des Grands Lacs, en Afghanistan ou en Iraq, où les armes et les engins explosifs continuent de faire des victimes sans distinction. Même en Syrie, la poursuite des violences a déjà causé la mort de plus de 3 000 personnes. « Nous devons retenir les leçons du passé », a poursuivi le Président Cavaco Silva: « l’inaction n’est jamais une solution et ne peut en aucun cas être la réponse des Nations Unies aux populations civiles prises pour cible par les parties à un conflit ». Si les autorités du pays concerné -ou les parties à un conflit- échouent à remplir leur obligation de protéger les civils, l’ONU, et en particulier le Conseil de sécurité, a le devoir et l’obligation d’agir, a-t-il tranché.
Après avoir salué les progrès accomplis par le Conseil dans l’amélioration du cadre juridique de protection des civils en période de conflit armé, le Président s’est déclaré d’accord avec le Secrétaire général lorsqu’il conclut qu’il est devenu nécessaire de renforcer la coordination entre toutes les parties appelées à jouer un rôle dans la protection des conflits, que ce soit sur le terrain ou dans le développement de mécanismes efficaces de prévention, de surveillance et de protection des civils dans les conflits armés. L’Union européenne, a estimé le Président du Portugal, a acquis une expérience considérable en ce sens sous le leadership du Haut-Représentant pour la politique étrangère et de sécurité. C’est pourquoi, il a suggéré de renforcer la coopération entre l’ONU et l’Union européenne, ainsi qu’avec d’autres organisations régionales telles que l’Union africaine. M. Cavaco Silva a souligné l’importance d’élaborer des mandats clairs et réalistes concernant la protection des conflits et de veiller à ce qu’ils soient adaptés à la situation sur le terrain, compatibles avec les capacités et les ressources humaines disponibles dont disposent les opérations de maintien de la paix respectives. « Que ce soit au Darfour ou en République démocratique du Congo, la sécurité de milliers de civils, dont nombre sont des femmes et des enfants, repose largement sur le mandat confié aux missions déployées dans ces régions », a souligné le Président portugais, qui a rappelé que les pays contributeurs de troupes et d’effectifs de police devraient être étroitement associés à l’élaboration de ces mandats.
Un autre aspect fondamental de la protection des civils est le besoin de renforcer la reddition de comptes pour les violations des droits de l’homme, a déclaré le Président Cavaco Silva. La lutte contre l’impunité, par le biais d’institutions nationales ou internationales, telles que la Cour pénale internationale (CPI), est déterminante pour prévenir de nouvelles violations, a-t-il estimé. « Il y a quelque jours », a-t-il indiqué, le Portugal a, en coopération avec le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, organisé un séminaire sur la responsabilité pénale internationale, les enquêtes sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et la réparation du préjudice subi par les victimes. Aujourd’hui, a ajouté le Président du Portugal, le Conseil de sécurité a, plus que jamais, la capacité de protéger les civils: des instruments juridiques plus efficaces sont à sa disposition; il a acquis une expérience considérable et il possède une présence plus étendue sur le terrain. Les États Membres ont donc la responsabilité de veiller à ce que ce Conseil agisse de manière cohérente et déterminée dans le respect du droit international humanitaire afin de protéger tous les civils visés par des conflits ou qui en sont les victimes accidentelles, a conclu le Président.
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé que les populations civiles ne souffraient pas des « horreurs » des conflits parce qu’elles se trouvent « au mauvais endroit, au mauvais moment », auquel l’euphémisme de « dommage collatéral » se réfère, mais parce qu’elles sont délibérément prises pour cible. Il a ajouté que les cinq grands défis identifiés dans les deux rapports précédents sur la protection des populations civiles, présentés devant le Conseil de sécurité, demeuraient tragiquement d’actualité. « Nous avons besoin en premier lieu d’un respect sans équivoque des droits de l’homme et du droit international humanitaire », a-t-il déclaré, en ajoutant que le Conseil de sécurité devrait apporter une réponse ferme, y compris, le cas échéant, par une condamnation vigoureuse, lorsque des violations de ces droits sont commises.
La conformité au droit international doit être assortie d’une menace de sanctions ciblées et d’une surveillance renforcée, notamment par la mise en place de commissions d’enquête et la saisine de la Cour pénale internationale, a-t-il poursuivi. Il a ensuite souligné la nécessité d’engager, de manière plus robuste, les groupes armés non étatiques à respecter le droit international, avant de plaider pour que le personnel des opérations de maintien de la paix, bien entraîné et doté d’un financement suffisant, utilise un large éventail d’instruments
–militaires, judiciaires et relatifs aux droits de l’homme– dans l’accomplissement de sa mission. Les opérations de maintien de la paix doivent continuer d’œuvrer au renforcement des institutions nationales afin que ces dernières puissent prendre le relais dans le maintien de la sécurité lorsque le moment du départ de la mission de maintien de la paix est venu, a poursuivi M. Ban.Le Secrétaire général a rappelé la nécessité d’améliorer l’accès de l’aide humanitaire aux populations touchées par les conflits, ce qui exige la simplification des formalités bureaucratiques pour les travailleurs humanitaires et une riposte éventuelle contre ceux qui choisissent systématiquement l’obstruction. Enfin, M. Ban a souligné l’importance cruciale d’une reddition des comptes accrue. « Ceux qui agissent en violation du droit doivent en être tenus responsables », a-t-il ajouté, en exhortant le Conseil à examiner attentivement les recommandations formulées sur le sujet lors de l’atelier de travail organisé conjointement, la semaine dernière, par le Portugal et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires. En conclusion, M. Ban a invité à s’attaquer aux causes profondes des conflits, et non pas seulement à leurs symptômes. « Si les travailleurs humanitaires contribuent à la survie des populations touchées par des conflits, c’est au moyen de solutions politiques qu’il est possible de prévenir ou de mettre fin à la grande majorité des conflits », a-t-il assuré.
Mme NAVANETHEM PILLAY, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a estimé que depuis le dernier débat sur le sujet, au mois de mai, des progrès avaient été accomplis pour répondre aux aspirations des peuples de Côte d’Ivoire, du Soudan du Sud et de la Libye. Elle a jugé que lorsque les demandes pacifiques d’un peuple sont anéanties par les brutalités, comme ce fut le cas en Libye et aujourd’hui en Syrie, celui-ci n’a pas d’autre choix que de se rebeller contre la tyrannie et l’oppression exercées par l’État. Mme Pillay a assuré que le Gouvernement et les Forces de sécurité syriennes avaient continué de commettre de graves violations des droits de l’homme depuis qu’elle avait présenté au Conseil de sécurité les conclusions de la mission d’établissement des faits que le Haut-Commissariat avait dépêchée en Syrie à la demande du Conseil des droits de l’homme. « Plus de 3 500 personnes ont été tuées depuis mars dernier, et des dizaines de milliers d’autres, notamment des médecins, des infirmières et des patients blessés ont été arrêtés de manière arbitraire et certaines personnes avaient été secrètement détenues et, parfois, soumises à la torture », a déploré la Haut-Commissaire. Elle s’est également déclarée préoccupée par la poursuite d’assassinats de civils, en dépit des engagements pris par la Syrie auprès de la Ligue des États arabes. Pour constater les progrès réalisés sur le terrain, nous avons besoin de déployer une équipe chargée d’évaluer la situation en matière de droits de l’homme, a indiqué Mme Pillay. La mission d’établissement des faits, qui doit présenter ses conclusions avant la fin du mois de novembre, doit bénéficier d’un accès sans entrave, a-t-elle insisté, avant d’ajouter que la responsabilité pénale pour les actes commis doit contraindre les officiers militaires et les dirigeants politiques à changer de cap.
Après avoir évoqué les situations au Yémen, en Afghanistan, en Iraq et en Somalie, où des populations civiles continuent d’être les victimes de conflits auxquels ils ne sont pas parties, la Haut-Commissaire s’est attardée sur celle qui prévaut en République démocratique du Congo (RDC). Ceux qui étaient responsables de violations des droits de l’homme dans ce pays entre 1993 et 2003 sont encore aujourd’hui impliqués dans de graves crimes, a-t-elle fait remarquer. Aujourd’hui même, le Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’homme a publié un rapport qui établit que les services de police et de renseignement congolais arrêtent, brutalisent et menacent des activistes de l’opposition, des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme, à l’approche des élections qui doivent se tenir à la fin du mois. Le Gouvernement congolais, a insisté la Haut-Commissaire, doit veiller à ce que le scrutin ne soit pas entaché de violences et reste conforme aux normes fixées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1991. Se déclarant par ailleurs inquiète des récentes informations en provenance d’Abyei, ainsi que du Kordofan méridional et du Nil bleu, selon lesquelles des violations des droits de l’homme se poursuivent, Mme Pillay a indiqué que lorsque les autorités nationales n’engagent pas d’enquête sur des allégations crédibles, la communauté internationale devrait alors établir les faits de manière rigoureuse. Au cours des deux dernières décennies, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a appuyé une trentaine de commissions d’enquête et des mécanismes similaires établis par le Conseil de sécurité, le Conseil des droits de l’homme et le Secrétaire général, ainsi que dans le cadre de son mandat de Haut-Commissaire, a-t-elle rappelé.
Mme CATHERINE BRAGG, Sous-Secrétaire générale pour les affaires humanitaires, a rappelé que huit mois de conflit en Libye s’étaient traduits par la mort de milliers de civils et le déplacement de plus de 200 000 personnes à l’intérieur du territoire. L’emploi d’armes explosives dans des zones urbaines densément peuplées a abouti à la destruction d’infrastructures essentielles, a-t-elle poursuivi, en ajoutant que le retour à la normalité dans le pays n’était pas encore assuré. Elle s’est dite alarmée par les mauvais traitements, y compris des exécutions sommaires et des détentions arbitraires, réservés aux fidèles de l’ancien régime Qadhafi et aux travailleurs migrants africains de la région subsaharienne. Rappelant la présence d’armes à sous-munitions à Misrata, elle s’est étonnée des efforts de certains États parties à la Convention sur certaines armes classiques pour que soient adoptées de nouvelles normes internationales facilitant l’utilisation d’armes à sous-munitions. Elle a ensuite indiqué que la situation prévalant actuellement en Syrie ressemblait plus à un conflit armé, précisant que plus de 3 500 civils syriens ayant été tués depuis le mois de mars. Le conflit au Yémen, a-t-elle indiqué par ailleurs, a conduit à l’effondrement des services publics et à une hausse sans précédent des prix de produits alimentaires.
Mme Bragg s’est ensuite réjouie que le Gouvernement de la Colombie ait adopté une législation historique prévoyant d’assurer une réparation à plus de quatre millions de victimes du conflit dans ce pays, y compris par la restitution de terres. Les hostilités en cours impliquant des groupes armés continuaient d’être marquées par des violations des droits de l’homme, a-t-elle ajouté. Concernant la situation en Afghanistan, Mme Bragg a rappelé que 500 000 personnes avaient été déplacées à l’intérieur du pays depuis le début du conflit. Elle s’est également dite préoccupée par la situation en Afrique subsaharienne, où les forces kényanes poursuivent des raids contre les milices Al-Chebaab. « Il est urgent que toutes les parties au conflit somalien respectent le droit international humanitaire », a-t-elle déclaré.
Passant ensuite à la situation au Darfour, Mme Bragg a indiqué que 425 civils avaient été tués au cours des huit premiers mois de cette année, et au Soudan du Sud, 430 incidents liés au conflit ont été enregistrés depuis le mois de janvier. « La rivalité sur l’appropriation des ressources naturelles risque de se traduire par de nouvelles violences avec le retour au Soudan de Soudanais du Sud », a-t-elle averti. Mme Bragg a déploré la recrudescence des attaques contre les civils par les groupes armés dans les provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), en notant également que l’accès à l’assistance humanitaire demeurait difficile. Elle a déploré que 335 000 personnes soient déplacées en raison des agissements de l’Armée de résistance du Seigneur. Mme Bragg a indiqué que toutes ces situations de conflit avaient en commun, non seulement des violations des droits de l’homme, mais aussi l’impunité dont les auteurs de ces violations continuent de jouir. « Il doit être mis un terme à cette impunité », a déclaré la Sous-Secrétaire générale, avant de rappeler que l’atelier de travail conjointement organisé, la semaine dernière, par le Portugal et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires avait identifié trois aspects essentiels pour une reddition des comptes accrue. Concernant la responsabilité pénale individuelle, cet atelier avait suggéré que le Conseil de sécurité établisse une liste d’éléments clefs, chaque fois que celui-ci envisage de saisir la Cour pénale internationale. « Les modalités d’un soutien du Conseil aux autorités nationales dans la conduite des poursuites judiciaires, y compris le rôle possible des opérations de maintien de la paix à cet égard, ont été discutées », a précisé Mme Bragg. S’agissant de l’établissement des faits, elle a indiqué que lors de cet atelier, il a également été proposé que le Conseil de sécurité recoure davantage aux conclusions arrêtées par les mécanismes d’établissement des faits mis en place par d’autres entités des Nations Unies. Enfin, les participants de cet atelier ont convenu qu’il existait de nombreux mécanismes, aux niveaux national et international, pour examiner la question de la réparation pour le préjudice subi par les victimes, a-t-elle indiqué.
M. PHILIP SPOERRI, Directeur pour le droit international et la coopération du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a rappelé que les attaques contre le personnel médical et les hôpitaux constituaient une nouvelle et très préoccupante réalité dans les zones de conflit. Le CICR a récemment lancé une campagne de communication sur les profondes conséquences humanitaires de la privation de l’accès aux soins en période de conflit, a-t-il affirmé. Il a déclaré également que le « printemps arabe » avait souligné la vulnérabilité sans précédent des migrants vivant dans des pays touchés par des conflits, avant de rappeler les conséquences humanitaires dévastatrices des opérations militaires conduites dans les milieux urbains denses.
Le défi qui se pose, a déclaré M. Spoerri, c’est de parvenir à faire respecter par les acteurs étatiques et non étatiques le droit international humanitaire dans toutes les situations de conflit armé, et de mettre en place une culture de reddition de comptes, que ce soit au niveau national ou par le biais de la Cour pénale internationale. Le CICR a pour mandat de veiller à faire respecter le droit international humanitaire, a assuré le Directeur de cette organisation. L’approche adoptée par le CICR sur le terrain repose sur les principes de l’impartialité, de la neutralité et de l’indépendance, a précisé M. Spoerri. Cette approche est entièrement axée sur la réponse que le CICR peut apporter aux besoins de la population civile en détresse, en coopération avec toutes les parties prenantes, sans exception, a-t-il poursuivi. C’est pourquoi, nous sommes engagés à nous tenir à l’écart de tout processus ou décision politique, qu’il s’agisse de processus de paix ou de négociations, a-t-il assuré. Tout en respectant la souveraineté des États, le CICR aide toutefois les autorités du pays concerné à renforcer leurs capacités, en les aidant par exemple à intégrer les principes fondamentaux du droit international humanitaire dans la législation nationale, a indiqué en conclusion M. Spoerri.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a rappelé qu’il incombait en premier lieu aux États d’assurer la protection des civils, cette responsabilité étant inscrite dans les doctrines militaires de nombreux pays. Ce principe, pour être pleinement garanti, doit être étayé par des mécanismes internationaux, y compris par la saisine de la Cour pénale internationale (CPI), a-t-il déclaré, convaincu que la Cour était « l’illustration claire de l’intolérance croissante de la communauté internationale face à l impunité ». Le représentant a ensuite exhorté les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le Statut de Rome sur la CPI, y compris les États membres du Conseil de sécurité. « Quand les efforts déployés au niveau national pour poursuivre les auteurs de violations des droits de l’homme sont voués à l’échec, c’est à la communauté internationale de prendre le relais », a-t-il insisté. Condamnant la répression en Syrie et les violations massives commises depuis six mois par le Gouvernement syrien, le représentant du Royaume-Uni a appelé ce dernier à mettre un terme immédiat aux violences. Il a engagé le Gouvernement fédéral de transition de la Somalie à œuvrer davantage à la protection des civils dans le pays. Le représentant a également plaidé pour un dialogue interethnique sans exclusive en Birmanie. Sa délégation, a-t-il dit avant de conclure, attend avec impatience le prochain rapport du Secrétaire général sur la protection des civils.
M. IVAN BARBALIĆ (Bosnie-Herzégovine) a regretté le fait qu’en dépit des mesures prises pour assurer la protection de la population civile pendant les conflits armés, les violences à l’encontre des civils se poursuivent dans de nombreuses régions du monde. Il a rappelé que la protection des civils incombait en premier lieu à chaque État. Néanmoins, a-t-il suggéré, il serait nécessaire d’engager des mesures supplémentaires, afin que les gouvernements prennent conscience de leur responsabilité en matière de protection des civils. Le représentant a ensuite souligné la nécessité de combattre l’impunité dont jouissent les auteurs des violences à l’encontre de civils, et il a souhaité que le Conseil de sécurité réaffirme que les crimes contre les civils sont inacceptables et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et traduits devant la justice. Rappelant que la protection des civils faisait partie intégrante des opérations de maintien de la paix, M. Barbalić a félicité, à cet égard, le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies qui a mis en place des réformes visant à renforcer la protection des civils dans le cadre des opérations de maintien de la paix.
Le représentant a également cité quelques zones de conflit au sein desquelles la protection des civils est mise à rude épreuve. Il a ainsi souhaité des améliorations, en termes de protection des civils, en Libye, au Soudan du Sud, en Somalie, en Syrie et en Afghanistan. Il a en outre noté, tout en les condamnant, les attaques à l’encontre des travailleurs humanitaires. Ces derniers, a-t-il regretté, n’ont pas accès, le plus souvent, aux populations qui ont besoin de leurs services. M. Barbalić a aussi insisté sur l’importance de voir les auteurs de crimes contre les droits de l’homme rendre compte de leurs actes. Il a, à cet effet, souhaité une plus grande collaboration entre le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, ainsi qu’entre le Conseil et les autres institutions du système des Nations Unies.
M. NESTOR OSORIO (Colombie) a déclaré que le fait que la protection des civils dans les conflits figure depuis plus de 10 ans à l’ordre du jour du Conseil de sécurité souligne la nécessité pour cet organe exécutif de jouer un rôle plus important dans la protection des populations civiles lorsqu’elles sont victimes d’une répression violente et systématique de la part de leurs autorités, comme cela vient de se produire en Libye. En outre, les actions du Conseil de sécurité constituent une valeur ajoutée aux contributions et progrès accomplis par d’autres organes comme l’Assemblée générale, le Conseil économique et social et, plus particulièrement, le Conseil des droits de l’homme. M. Osorio a plaidé pour le renforcement des capacités nationales et pour que le travail des opérations de maintien de la paix n’affecte pas la responsabilité du gouvernement d’accueil de protéger sa population civile. Le renforcement des institutions étatiques et l’appui aux efforts des autorités nationales constituent une base solide de garantie de la protection des civils dans des situations de violence, a-t-il souligné, en invitant le Conseil à une coordination accrue avec d’autres organes et institutions du système des Nations Unies.
Mme MARIA LUIZA RIBEIRO VIOTTI (Brésil) a annoncé que sa délégation ferait bientôt circuler un document de réflexion s’appuyant sur la responsabilité de protéger de la communauté internationale, lorsqu’elle est appelée à agir. La responsabilité de protéger et l’assistance humanitaire doivent toujours aller de pair et reposer sur un ensemble de paramètres fondamentaux, dont Mme Ribeiro Viotti a cité quelques exemples. La représentante a souligné qu’il était préférable de donner la priorité à la diplomatie préventive. La communauté internationale pourra ensuite se montrer rigoureuse dans les efforts qu’elle déploie pour épuiser tous les moyens de règlement pacifique possibles afin d’assurer la protection des civils menacés de violences, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies et tels que consacrés dans le Document de final du Sommet mondial de 2005. Le recours à la force, a rappelé la représentante du Brésil, doit préserver la population civile et éviter le plus possible l’instabilité dans la région concernée. Par ailleurs, lorsque l’usage de la force est envisagé, les actions prises en ce sens doivent être réfléchies, proportionnées et strictement limitées aux objectifs fixés par le Conseil de sécurité. Avant de conclure, Mme Ribeiro Viotti a souhaité que le Conseil de sécurité renforce ses procédures pour assurer le suivi de la mise en œuvre de ses résolutions concernant la responsabilité de protéger.
M. HARDEEP SINGH PURI (Inde) a déclaré que son pays était fier d’avoir contribué, avec plus de 100 000 soldats de la paix, à toutes les opérations de maintien de la paix de l’ONU. L’Inde a toujours considéré qu’il incombait en premier lieu à chaque État d’assurer la protection de sa population civile. Les États sont également tenus de protéger leurs citoyens contre les groupes armés et les militants. La protection des civils, lorsqu’elle sert de base à l’action du Conseil de sécurité, doit respecter les aspects fondamentaux de la Charte des Nations Unies, y compris la souveraineté et l’intégrité des États Membres. « Toute décision d’intervenir, associée à des motifs politiques, s’écarte des nobles principes énoncés par la Charte de l’ONU et doit être évitée », a ajouté le représentant. De même, la réponse de la communauté internationale, et en particulier du Conseil de sécurité, doit être proportionnée par rapport à la menace. Chaque opération de maintien de la paix doit avoir un mandat clair et être dotée de ressources adéquates.
« Certains États Membres préfèrent dépenser d’énormes ressources pour changer des régimes, au nom de la protection des civils », a fait remarquer M. Puri. Ils sont cependant moins enclins à fournir des ressources plus limitées, comme des hélicoptères militaires, aux opérations de maintien de la paix mandatées pour protéger les civils ou pour renforcer les capacités des institutions nationales des pays accueillant une opération de maintien de la paix des Nations Unies. L’ONU ne peut intervenir que dans les situations où il existe une menace à la paix et à la sécurité internationales, a-t-il rappelé. Le Conseil de sécurité doit « clarifier » ce qu’il entend par protection des civils, ainsi que le type de réponse envisagée. « Ceux qui donnent mandat » doivent aussi être tenus pour responsables. Le principe de protection des civils doit être appliqué de manière uniforme par toutes les parties à un conflit, a-t-il insisté. Le représentant a fait remarquer que les récentes actions du Conseil ont créé un sentiment de malaise concernant la façon dont l’impératif humanitaire de protéger des civils a été interprété pour agir sur le terrain.
M. GÉRARD ARAUD (France) a rappelé que la responsabilité de protéger appartenait d’abord aux gouvernements nationaux. Mais quand ceux-ci ne remplissent pas leurs devoirs et que des crimes graves sont commis, il est du devoir du Conseil de sécurité d’intervenir pour protéger les populations civiles, a-t-il poursuivi. En adoptant d’abord une panoplie de sanctions, puis en autorisant les forces de la coalition à protéger les civils bombardés et à frapper les forces de Qadhafi, le Conseil a évité un massacre en Libye, a estimé M. Araud. Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, c’est en Syrie que nous devons protéger les civils. La situation dramatique dans laquelle se trouve le peuple syrien depuis février 2011, qui a déjà fait 3 500 morts et se caractérise par une brutalité et une cruauté intolérables, crée pour la communauté internationale une obligation d’agir pour faire cesser les atrocités et poursuivre les auteurs de ces crimes, a affirmé l’Ambassadeur Araud. Face à cette situation, il a estimé que le Conseil a abdiqué ses responsabilités, puisque certains ont opposé leur veto, et d’autres ont choisi l’abstention, c’est à dire l’indifférence. « C’est un échec grave du Conseil, que ce soit en terme humanitaire ou politique », a-t-il déclaré, avant d’exhorter le Gouvernement syrien à coopérer immédiatement et pleinement avec la Ligue des États arabes, mais également avec la Commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’homme.
Le représentant de la France a également fait part de sa préoccupation concernant les violences perpétrées contre les civils au Soudan, au Darfour et dans le Kordofan méridional et du Nil bleu, en rappelant qu’en 2005, le Conseil de sécurité avait saisi la Cour pénale internationale des atrocités commises au Darfour. Dans les cas où les autorités nationales ne sont pas capables de mener seules des enquêtes sur les responsables de violations du droit international humanitaire, la communauté internationale doit agir en appui ou à leur place, en mettant en place des commissions d’enquête internationales, comme c’est le cas aujourd’hui en Syrie, a poursuivi M. Araud. « Le Conseil de sécurité ne doit pas hésiter à mandater de telles commissions et doit suivre leurs conclusions », a-t-il déclaré. En conclusion, le représentant de la France a souligné qu’il importait que le Conseil de sécurité puisse examiner systématiquement l’inclusion des violences sexuelles comme motif de sanctions lors de la création ou de la révision des mandats des comités des sanctions. « Nous devons prendre nos responsabilités et envisager des sanctions fortes et ciblées à l’encontre des responsables d’exactions sur les enfants », a-t-il déclaré.
Mme SUSAN RICE (États-Unis) a indiqué que la protection des civils était au cœur des missions du Conseil de sécurité. Des progrès considérables ont été accomplis dans ce domaine, s’est-t-elle réjouie, en citant l’intervention du Conseil de sécurité en Côte d’Ivoire et en Libye. Elle a ajouté que son pays était fier d’avoir participé, en application de la résolution 1973 du Conseil, à la coalition formée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord afin qu’il soit mis un terme aux violations des droits de l’homme commises par le régime du colonel Qadhafi. Si une solution différente doit être apportée en fonction des spécificités de chaque situation, il n’en demeure pas moins qu’il faut agir, a déclaré Mme Rice. La situation en Syrie, a-t-elle dit, est le défi le plus urgent auquel devrait faire face le Conseil de sécurité.
Alors que les actions du Gouvernement syrien sont unanimement condamnées, le Conseil n’a pas adopté une seule résolution sur la question, a-t-elle déploré, tout en jugeant inexcusable le silence du Conseil face aux situations humanitaires graves que connaissent actuellement les États du Nil bleu et du Kordofan méridional au Soudan. Elle a ensuite souligné la nécessité de renforcer les systèmes d’alerte précoce pour prévenir les violations des droits des populations civiles, notamment dans les pays où l’ONU est solidement implantée. La communication entre les missions de maintien de la paix des Nations Unies et la population du pays hôte doit être améliorée, a-t-elle déclaré, avant de se féliciter de la sensibilisation accrue du personnel de ces missions aux violences sexuelles. Mme Rice a ensuite indiqué que les enquêtes visant à établir les preuves étaient plus aisées à conduire lorsque les enquêteurs se trouvent déjà au sein des opérations de maintien de la paix. Les États Membres doivent agir lorsque les faits ont été établis, a-t-elle rappelé. Elle a ensuite invité les sociétés émergeant de conflit à renforcer leur système judiciaire afin que les auteurs de violences contre les civils puissent répondre de leurs actes. La reddition des comptes est cruciale, a estimé la représentante, en déplorant que les mesures prises par les autorités de la République démocratique du Congo à la suite des viols perpétrés au Nord-Kivu et au Sud-Kivu restent insuffisantes. Mme Rice a souligné qu’une protection efficace des témoins était indispensable pour que la justice soit rendue. À cet égard, elle s’est félicitée des cellules d’appui aux témoins mises en place par la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).
M. BASO SANGQU (Afrique du Sud) a déclaré que la résolution 1814 (2009) du Conseil de sécurité contenait des recommandations pertinentes de nature à renforcer le cadre juridique de protection des civils. Il a salué les efforts déployés par les gouvernements pour renforcer leurs cadres législatifs en vertu de cette résolution. Il s’est également félicité de l’adoption de la déclaration présidentielle en date du 28 octobre dernier, dans laquelle le Conseil relève que la lutte contre l’impunité pour des crimes commis contre des femmes et des filles a été renforcée grâce à l’action de la Cour pénale internationale (CPI). En outre, a-t-il dit, la résolution 1998 (2011) a élargi le nombre des critères permettant l’inscription d’acteurs de parties prenantes à un conflit sur la liste des individus ou entités visés par des sanctions.
Préoccupé cependant par l’interprétation de certaines des résolutions adoptées par le Conseil, notamment la résolution 1973 (2011) sur la situation en Libye, le représentant a rappelé que la responsabilité première de protéger les civils incombait aux États. Selon lui par ailleurs, le rôle de protection des civils, qui est de plus fréquemment confié aux opérations de maintien de la paix, pourrait être remis en question si l’action de l’ONU était vue comme partiale sur le terrain. « La sélectivité nuit gravement à la crédibilité du Conseil », a ajouté la délégation en conclusion.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a souligné qu’en dépit des efforts accrus de la communauté internationale et du renforcement de la base juridique dans le domaine de la protection des civils, ces derniers continuaient de souffrir de manière disproportionnée des conséquences des conflits. Les moyens les plus efficaces de protéger les civils résident dans la prévention et la cessation précoce des conflits, a-t-il rappelé, avant d’estimer crucial que les responsables étatiques comme non étatiques d’attaques contre les civils répondent de leurs actes.
Il a ensuite invité la communauté internationale à agir, s’agissant de la protection des civils, dans le plein respect de la Charte des Nations Unies et avec l’aval du Conseil de sécurité. Plaidant pour que les spécificités des pays et des situations de conflit reçoivent la plus grande attention, il a demandé que les mesures de protection des civils découlent de mandats clairs du Conseil. Le représentant a jugé « inacceptables » les tentatives de manipulation des mandats du Conseil, dussent-elles s’accompagner de « nobles déclarations ». Ces tentatives discréditent les nécessaires mesures de protection des civils, a-t-il poursuivi, ajoutant que les armes de haute précision bien loin d’œuvrer à la protection des populations ne faisaient que « semer la mort ». En conclusion, il a indiqué qu’un examen attentif des événements récents devrait permettre de guider l’action du Conseil.
M. LI BAODONG (Chine) a déclaré que les pratiques récentes du Conseil de sécurité avaient relancé le débat quant au sens de ses actions. Il est impératif que le Conseil se lance dans une réflexion sur les moyens d’améliorer la protection des civils, a-t-il déclaré, tout en affirmant que cette responsabilité de protéger incombait d’abord et avant tout aux États concernés. Invoquant ensuite les principes de la Charte des Nations Unies, le représentant a déclaré que la souveraineté et l’intégrité territoriales des États devaient être pleinement respectées.
En outre, a-t-il ajouté, la priorité doit toujours être donnée au dialogue et aux négociations plutôt qu’à l’usage de la force, auquel il faut recourir avec la plus extrême prudence. La délégation chinoise a également plaidé en faveur d’une mise en œuvre scrupuleuse des résolutions du Conseil de sécurité. Elle a ensuite indiqué qu’elle se pencherait avec intérêt sur le document de réflexion que fera bientôt circuler le Brésil. Enfin, la Chine a déclaré qu’il était impératif d’abandonner la notion de deux poids deux mesures, en accordant une importance égale à toutes les questions dont est saisi le Conseil de sécurité, « sous peine de nuire à sa crédibilité ».
M. NOËL NELSON MESSONE (Gabon) a déclaré que toute attaque contre les populations civiles en situation de conflit constitue une violation du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Il a insisté que la responsabilité de protéger les civils est avant tout l’expression de la souveraineté étatique, et constitue la raison d’être de tout État. Notant que beaucoup d’États ne peuvent s’acquitter de cette responsabilité, il a estimé qu’il était du devoir de la communauté internationale et du Conseil de sécurité de pallier ce manquement. Il s’est félicité de l’important cadre normatif élaboré par le Conseil de sécurité dans le domaine de la responsabilité des États dans la protection de civils et qui s’est traduit par l’adoption des résolutions 1674 (2006), 1906 (2009), 1894 (2009), 1888 (2009), 1970 (2011), 1972 (2011) et 1973(2001). Il a mis l’accent sur la nécessité de mieux traduire ce cadre normatif par une plus grande efficacité sur le terrain. Le représentant du Gabon a jugé déterminant le travail politique visant à résoudre les causes profondes des conflits et à promouvoir l’état de droit. Il est essentiel de mettre fin à l’impunité et de traduire en justice tous les auteurs de crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de crimes de génocide, a-t-il souligné. Cela n’aura pas seulement une valeur dissuasive, mais ce sera aussi une mesure de justice rendue aux victimes vers la restitution de leur dignité, a assuré le représentant. Le représentant a souligné à cet égard l’importance de mécanismes comme la Commission d’établissement des faits mise en place par le Protocole additionnel de la Convention de Genève de 1949, relative à la protection des victimes des conflits armés, les différents tribunaux pénaux internationaux, ou encore la Cour pénale internationale.
M. RAFF BUKUB-OLU WOLE ONEMOLA (Nigéria) a souligné que l’efficacité de l’action du Conseil de sécurité se mesurait désormais à l’aune de la protection des civils. Ces 10 derniers mois, la capacité du Conseil dans ce domaine a été particulièrement éprouvée, a-t-il déclaré, citant des « résultats mitigés ». Se félicitant du fait que de nombreuses vies aient été épargnées en Libye et en Côte d’Ivoire, il a en revanche critiqué l’inertie du Conseil face aux situations en Syrie, à Gaza ou encore au Sahara occidental. Concernant la lutte contre l’impunité, il a indiqué que son pays avait eu à subir les conséquences de l’absence de mécanismes de reddition, avant de plaider pour un suivi constant à ce titre des situations de conflit et pour une approche coordonnée au sein de l’ensemble du système international, afin d’apporter une réponse judiciaire adéquate.
Le représentant a ensuite invité les autorités nationales à s’atteler à la réforme de leur secteur de sécurité, comme celle conduite en Guinée, et a engagé la communauté internationale à leur apporter les moyens nécessaires. Il a ensuite souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes des conflits, avant de déplorer les exceptions que continuait de souffrir le devoir d’intervention, notamment en Syrie, dans les États soudanais du Nil bleu et du Kordofan méridional. Il a exhorté le Gouvernement syrien à souscrire à l’initiative de la Ligue des États arabes. « Ce n’est que si nous agissons de concert que nous nous montrerons à la hauteur de notre responsabilité de protection des civils », a-t-il conclu.
M. PETER WITTIG (Allemagne) s’est félicité de la présence du Président du Portugal, M. Aníbal Antonio Cavaco Silva, au débat d’aujourd’hui et a déclaré que les événements de cette année en Libye, Côte d’Ivoire, Soudan, Somalie et Syrie ont prouvé, encore une fois, les répercussions meurtrières des conflits armés sur les civils. Le défi qui se pose à la communauté internationale et, en particulier, au Conseil de sécurité, consiste à savoir comment mieux prévenir ou faire cesser la violence à l’encontre des civils. Cette question est étroitement liée à la notion de la responsabilité de protéger, a-t-il considéré, en faisant observer que le Conseil avait reconnu récemment qu’il incombait en premier lieu aux autorités du pays concerné d’assurer la protection de la population civile. L’Allemagne appuie fermement ce principe, y compris la responsabilité de la communauté internationale, à travers le Conseil de sécurité, de prendre les mesures appropriées lorsque les autorités concernées ne sont pas en mesure ou refusent de s’acquitter de leur devoir de protection à l’égard de la population civile.
D’un point de vue normatif, a fait remarquer l’Ambassadeur Wittig, la résolution 1998, adoptée en juillet dernier par le Conseil de sécurité, stipule que les attaques contre les écoles et les hôpitaux doivent figurer dans le rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés. Il a salué le fait que le nouvel arrangement de contrôle, d’analyse et de rapport sur la violence sexuelle dans les situations de conflit, demandé par la résolution 1960 (2010), est désormais opérationnel. Le représentant a également souligné que la lutte contre l’impunité de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire devrait être partie intégrante de toute approche visant à instaurer une paix durable, à assurer la justice et à rétablir la vérité, et la réconciliation nationale. Concernant la situation en Syrie, il a favorablement accueilli l’approche plus robuste adoptée par la Ligue des États arabes et a exhorté le Conseil de sécurité à envoyer un message fort aux autorités syriennes. La communauté internationale doit demeurer ferme et unie dans son appel à mettre fin à l’effusion de sang en Syrie, a-t-il conclu.
M. NAWAF SALAM (Liban) a déclaré que la communauté internationale avait réalisé des progrès significatifs en matière de protection des civils, notamment dans la mise en place des cadres normatifs. Mais les défis continuent d’être nombreux dans la pratique, a-t-il reconnu, soulignant qu’était indispensable une « stratégie intégrée » associant tous les acteurs en présence, à commencer par l’État concerné, lequel assume la responsabilité première de protéger les civils et de rendre compte des violations éventuelles du droit humanitaire international. Le Liban s’est ensuite félicité que le Conseil de sécurité dispose d’un éventail d’outils lui permettant d’agir rapidement, comme cela a été le cas en Libye grâce à l’adoption de la résolution 1973 (2011).
La délégation s’est déclarée favorable aux efforts en cours en Libye pour faire traduire en justice les auteurs de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, ainsi que pour lutter contre l’impunité. La communauté internationale et les organisations régionales doivent, par ailleurs, jouer un rôle actif à chaque fois que cela est possible, notamment au travers de la diplomatie préventive, a jugé le représentant, pour lequel une protection durable des civils ne saurait être garantie en l’absence d’une prise en compte des causes profondes des conflits. En conclusion, il a souligné l’importance de se concentrer sur l’aide apportée aux États sortant de conflits, vu l’impact positif que cela peut avoir sur leur développement futur.
S’exprimant au nom du Mouvement des non-alignés, M. MAGED A. ABDELAZIZ (Égypte) a rappelé qu’en dépit des efforts du système des Nations Unies, et notamment du Conseil de sécurité, les civils continuaient d’être pris en tenaille dans les conflits partout dans le monde. Pour sa part, le Mouvement est convaincu que la priorité devrait continuer d’être donnée à la promotion et à la diffusion du droit humanitaire international et des obligations incombant aux États en vertu de la Charte des Nations Unies. Le représentant a ensuite insisté sur l’importance pour les acteurs d’un conflit de respecter la sécurité et la sûreté des personnels humanitaires, soulignant aussi les obligations qui incombent à ces mêmes personnels s’agissant de respecter les lois et la souveraineté des États.
Évoquant les opérations de maintien de la paix par les Nations Unies, le Mouvement, a ajouté M. Aziz, estime que la protection des civils menacés de violences devrait relever de la responsabilité première du gouvernement du pays hôte. Les opérations auxquelles a été confié un mandat de protection devraient veiller à mener leurs activités sans porter préjudice à la responsabilité première des États de protéger leur population civile, a insisté le représentant. Le consentement du pays hôte demeure un principe fondamental du maintien de la paix, a-t-il ajouté en conclusion.
M. THOMAS GÜRBER (Suisse) a salué le fait que « cette année, le Conseil de sécurité a montré qu’il pouvait agir de manière décisive pour assurer la protection des civils ». Il a ajouté que le Conseil devrait s’assurer que son action en matière de protection des civils est cohérente et non sélective. Le représentant s’est dit préoccupé par la situation des civils dans des zones de conflit comme en Syrie, au Yémen et au Sri Lanka. Il a souhaité que le Conseil de sécurité puisse « jouer un rôle moteur dans la lutte contre l’impunité en utilisant les instruments existants pour établir les faits, assurer la justice et la réparation aux victimes et engager les réformes afin de prévenir de nouvelles violations du droit international humanitaire. Il a, dans ce contexte, salué la décision du Conseil des droits de l’homme d’établir un mandat de Rapporteur spécial pour la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-récurrence. M. Gürber a insisté sur les mécanismes d’établissement des faits qui, a-t-il expliqué, « sont utiles pour assurer la crédibilité de l’action de l’ONU dans les cas d’allégations de violations des règles de droit international protégeant les civils ». Il a suggéré que les recommandations et résultats des missions d’établissement des faits soient appliqués, afin que leurs efforts ne soient pas inefficaces, discréditant par la même occasion la communauté internationale.
Le représentant de la Suisse a en outre salué la saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité concernant les situations de violations de droits de l’homme au Darfour et en Libye. Il a noté que de telles décisions étaient nécessaires, notamment dans le cas où « le pays concerné n’a ni la volonté d’agir, ni n’est en mesure de le faire ». Il a également apporté son soutien à la mise en place, par le Conseil de sécurité, du Groupe de travail sur le sort des enfants en temps de conflit armé. Il a encouragé le Conseil de sécurité « à s’engager pleinement pour l’émergence d’une ère de la responsabilité ». M. Gürber a ensuite insisté sur la nécessité d’envisager une réparation pour le préjudice subi par les victimes et sur la réforme des institutions nationales pour assurer une meilleure protection de la population civile. Il a expliqué que ces mesures permettraient d’assurer l’ancrage d’une culture de lutte contre l’impunité et la restauration de l’état de droit aux niveaux national, régional et international. Il a enfin suggéré que le Conseil de sécurité puisse inclure, systématiquement, les tâches de renforcement de l’état de droit dans les mandats des opérations de maintien de la paix.
M. GARY FRANCIS QUINLAN(Australie) a indiqué que les poursuites et les procès d’auteurs présumés de crimes internationaux graves étaient mieux assurés lorsqu’ils l’étaient au niveau national, la communauté internationale ayant un rôle d’appui, comme cela a pu être le cas aux Îles Salomon. Il a ensuite souligné le rôle clef joué, notamment au Timor-Leste, par les missions de maintien de la paix et les missions politiques spéciales des Nations Unies dans la lutte contre l’impunité, avant de rappeler la nécessité que les victimes soient informées de leurs droits et des mécanismes judiciaires à leur disposition.
Dans les cas ou les États sont incapables ou réticents à agir, la Cour pénale internationale (CPI) et les tribunaux spéciaux doivent prendre le relais, a-t-il poursuivi, rappelant que les travaux du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) avaient renforcé les capacités des cours nationales. Le représentant a jugé important que le Conseil de sécurité considère la mise en place de mécanismes d’établissement des faits s’agissant de violations des droits de l’homme dans des situations préoccupantes émergeantes. Cette mise en place précoce requiert le déploiement d’experts qualifiés, la standardisation des méthodes d’établissement des faits et un financement adéquat, a-t-il poursuivi. En conclusion, il a estimé que la décision du Conseil de saisir la CPI de la situation en Libye témoignait du rôle croissant du Conseil en tant que gardien des intérêts des victimes de conflits.
M. JOSÉ ALBERTO BRIZ GUTIÉRREZ (Guatemala) a encouragé à davantage de progrès en ce qui concerne les aspects conceptuels et opérationnels de la protection des civils dans le cadre des opérations de maintien de la paix. L’allocation de ressources suffisantes pour les activités de protection joue un rôle clef et étend la capacité des opérations de maintien de la paix à protéger les civils. Les initiatives des civils pour se protéger eux-mêmes doivent aussi être appuyées, dans la mesure où elles établissent les fondements de leur relèvement et de leur développement à long terme. À cet égard, le leadership des femmes doit être renforcé pendant les processus de réconciliation.
Le Guatemala est préoccupé par la nature asymétrique des conflits armés qui se distinguent de plus en plus par les violations du droit international par les parties et le non-respect des principes de distinction et de proportionnalité, a poursuivi le délégué. Cette situation est aggravée par la prolifération et la fragmentation des groupes armés non étatiques, ainsi que par l’accès aux nouvelles technologies, y compris l’artillerie et les missiles de longue portée, qui élargissent la zone de conflit et exposent les civils à plus d’attaques. « Il est par conséquent vital de reconnaître que les mesures conventionnelles ne sont pas suffisantes pour répondre aux défis principaux et aux nouveaux dangers », a-t-il déclaré.
M. RON PROSOR (Israël) a indiqué que les attaques du Hamas et des autres groupes terroristes visaient délibérément les civils, avant de souligner les « cicatrices » physiques et psychologiques laissées par ces attaques. « Pourtant le Conseil de sécurité n’a pas eu le moindre mot de condamnation », a-t-il déploré. Soulignant le droit et la responsabilité de l’État d’Israël d’assurer la protection de sa population, il a affirmé que les forces armées israéliennes s’attachaient dans la conduite de ses opérations militaires, à diminuer le plus possible le nombre des victimes civiles. « Le contraste avec les groupes terroristes ne saurait être plus saisissant », a-t-il déclaré, en faisant remarquer que le Hamas, lorsqu’il n’attaquait pas les civils israéliens, utilisait les habitants de Gaza comme des boucliers humains permanents. M. Prosor a estimé dans le même registre que le Hamas ne voyait pas l’avenir à travers les enfants de Gaza mais voyait plutôt ces enfants comme de futurs candidats à des attaques-suicide. « La communauté internationale doit mettre un terme à cette culture de la haine », a-t-il insisté. Concernant la situation en Syrie et la répression criminelle du régime de Bashar Al-Assad, M. Prosor a déploré que certains membres du Conseil de sécurité aient préféré ne pas entendre les appels à l’aide du peuple syrien. En conclusion, il a exhorté le Conseil de sécurité à tenir un discours de vérité sur ceux qui ciblent délibérément les civils dans les conflits armés. « Les gouvernements et les organisations terroristes ne doivent pas trouver refuge dans cette enceinte », a conclu M. Prosor.
M. ANDREAS RIECKEN (Autriche) a rappelé que la protection des populations civiles était une des priorités de l’Autriche pendant son mandat de membre non permanent au sein du Conseil de sécurité. La résolution 1894 (2009) reconnaissait clairement le rôle du Conseil de sécurité pour mettre un terme à l’impunité pour les violations des droits de ces populations civiles. Il a indiqué que son pays appelait le Conseil de sécurité à garantir une réponse ferme et systématique en cas de violations graves et à utiliser, à cette fin, toute la gamme d’outils qui sont à sa disposition. L’Autriche veut également souligner l’importance d’offrir une réparation aux victimes de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, qui peuvent prendre différentes formes. Le représentant a ensuite rappelé que son pays avait commencé à mettre au point les modules de formation pour ses soldats de la paix, déployés sur le terrain. À cet égard, un programme de formation interdisciplinaire sur la protection des civils sera finalisé en 2012, a fait savoir le représentant. Il a ensuite évoqué deux sujets de préoccupation pour l’Autriche. Concernant les armes explosives qui menacent les civils, le représentant a fait savoir que son pays était profondément inquiet du projet de texte en faveur d’un instrument alternatif sur les armes à sous-munitions qui sera présenté lors de la prochaine Conférence d’examen de la Convention sur certaines armes conventionnelles. Il a expliqué que le Protocole sur les armes à sous-munitions, tel qu’amendé à ce stade, porterait clairement atteinte aux normes internationales existantes et serait en contradiction avec l’objectif humanitaire de la Convention sur certaines armes conventionnelles, destinée à assurer la protection de tous les civils. S’agissant des attaques contre les journalistes, le représentant de l’Autriche a estimé que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les refugiés (HCR) avait un rôle important à jouer pour renforcer la protection des journalistes, comme le souligne le Secrétaire général dans son dernier rapport sur la protection des civils dans les conflits armés.
Mme MARY E. FLORES (Honduras) a estimé que si le Conseil de sécurité entend conserver sa crédibilité et la légitimité des résolutions qu’il adopte, il était illogique qu’au XXIe siècle, il continue à recourir à des procédures et à des règles de conduite « provisoires ». C’est pourquoi, a-t-il souligné, il est impératif que le processus de prise de décisions soit plus transparent et démocratique. La représentante a appelé à une modernisation de toutes les phases et procédures, en harmonie avec les expériences vécues et l’évolution du monde d’aujourd’hui. « Nous devons vaincre la méfiance qui, trop souvent, nous a paralysés dans la recherche de solutions aux conflits », a-t-elle dit. La responsabilité de protéger des vies humaines, la capacité d’assister une population vulnérable qui se bat pour sa survie alors qu’elle est confrontée à des conditions horribles, exigent que des mesures soient prises rapidement, a-t-elle insisté. Mme Flores s’est félicitée, par ailleurs, de la résolution 1998, de même que de la déclaration présidentielle adoptée, le 28 octobre, à l’issue du débat du Conseil sur « les femmes, la paix et la sécurité », en condamnant toutes les violations du droit international commises à l’égard des femmes et des filles dans les situations de conflit armé.
M. ABUL HASSAN MAHMOOD ALI (Bangladesh) a rappelé que cinq des sept des opérations de maintien de la paix dotées d’un mandat de protection des civils avaient développé des stratégies globales de protection des civils: la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL). Mais les défis continuent de se poser sur le terrain, a-t-il regretté, déplorant par exemple les difficultés rencontrées par la MINUAD et la MONUSCO dans la mise en œuvre de leurs mandats de protection respectifs. Pour la délégation bangladaise, l’élément le plus important pour la protection des civils demeure la notion de « capacité adéquate », pour permettre à la mission concernée de remplir ses objectifs.
Le représentant s’est ensuite félicité de deux initiatives marquantes du Conseil depuis la tenue du dernier débat en date sur la question à l’ordre du jour. Tout d’abord, l’adoption de la résolution 1998 (2011), qui a élargi les critères d’inscription sur la liste des rapports du Secrétaire général sur les enfants dans les conflits armés, critères qui incluent désormais les parties au conflit qui menacent ou attaquent les écoles ou les hôpitaux. En outre, a poursuivi le représentant, le Conseil a adopté, le mois dernier, une déclaration présidentielle relative à la participation des femmes à la prévention, à la gestion et à la résolution des conflits, déclaration dans laquelle il réitère sa condamnation de toutes les violations du droit international perpétrées contre les femmes et les filles dans les situations de conflit armé. Le Bangladesh s’est, en conclusion, fait l’avocat d’une culture de paix axée sur la notion de prévention et d’opérations de maintien de la paix renforcées.
M. GILLES RIVARD (Canada) a souligné les progrès réalisés vers la mise en place d’un cadre juridique pour la protection des civils. La résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité a clairement montré à l’ancien régime libyen et à l’ensemble de la communauté internationale que des attaques délibérées et ciblées contre des populations civiles entraîneraient de graves conséquences, a-t-il affirmé. Rappelant la mort tragique de trois employés du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le 31 octobre à Kandahar, en Afghanistan, M. Rivard a estimé important que les auteurs d’attaques violentes contre les travailleurs humanitaires soient traduits en justice. Soulignant la vulnérabilité des minorités religieuses dans les situations de conflit armé, le représentant a invité les principaux acteurs des Nations Unies à élaborer des stratégies afin de mieux prendre en compte la persécution de ces minorités.
Il a ensuite jugé essentiel de renforcer les mécanismes de responsabilisation sur les territoires nationaux, soulignant qu’il incombait au premier chef à chaque État d’enquêter sur les personnes soupçonnées d’avoir commis un crime grave au regard du droit international et de les traduire en justice. La condamnation récente de quatre anciens officiers militaires pour leur rôle dans le massacre de civils lors du conflit armé au Guatemala est un bon exemple du fonctionnement des mécanismes nationaux de reddition des comptes, a-t-il déclaré. Enfin, M. Rivard a apporté son soutien aux efforts des organisations internationales et des organisations non gouvernementales afin de remédier au défi posé par la présence de restes explosifs de guerre dans les zones peuplées.
M. THOMAS MAYR-HARTING, Chef de la délégation de l’Union européenne auprès des Nations Unies, a rappelé qu’en Côte d’Ivoire, comme en Libye et dans d’autres pays, le Conseil de sécurité avait « sauvé des vies humaines en donnant mandat d’assurer la protection des civils ». Les États Membres de l’Union européenne appellent toutes les parties à un conflit, y compris les acteurs non étatiques, à s’acquitter pleinement de leurs obligations juridiques internationales de protéger les civils et de prévenir des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Le droit international fait obligation aux États souverains de protéger les civils et demande, en même temps, à la communauté internationale de jouer un rôle pour s’assurer que les civils sont protégés, ce qui n’est pas toujours le cas, a-t-il fait remarquer.
En Syrie, par exemple, le régime réprime brutalement son propre peuple et agit en violation de ses droits fondamentaux. La violence doit cesser maintenant et ceux qui l’utilisent pour s’accrocher au pouvoir doivent être tenus pour responsables. « Nous demandons au Conseil de sécurité d’assumer ses responsabilités et d’agir de manière forte dans les situations de violations des droits de l’homme », a-t-il ajouté. La lutte contre l’impunité doit être une priorité aux niveaux national et international. En outre, il faut aider les États à développer l’état de droit car c’est à long terme, la meilleure façon de promouvoir la protection des populations civiles. L’Union européenne considère qu’il faut maintenant s’employer à améliorer la façon dont les mandats de protection des populations civiles sont appliqués. Les missions de paix ont besoin de directives claires et pratiques, et de mécanismes modernes d’alerte rapide.
M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a déclaré que le Conseil de sécurité avait su prendre ses responsabilités en autorisant, par la résolution 1973 (2011), l’opération de protection des civils en Libye. Par l’intervention déterminée de la communauté internationale, d’innombrables vies d’hommes, de femmes et d’enfants libyens ont pu être sauvés. Il a dit que la communauté internationale se devait d’agir, en ajoutant qu’il s’agissait désormais d’accompagner la nouvelle Libye sur le difficile chemin de la démocratie et de l’état de droit. Par ailleurs, il s’est félicité du fait que le Conseil de sécurité donnait de plus en plus souvent, et de façon explicite, mandat aux opérations de maintien de la paix de protéger des civils. Il a jugé essentiel que les mandats formulés par le Conseil de sécurité soient traduits sur le terrain en règles d’engagement qui permettent aux Casques bleus d’exécuter avec succès leur mandat de protection des civils.
Le représentant a salué les initiatives lancées ces dernières années par le Département des opérations de maintien de la paix avec le Comité spécial des opérations de maintien de la paix et en concertation avec le Conseil de sécurité pour mieux préparer le personnel militaire, policier et civil à cette tâche de protection des civils. Parce que les opérations de maintien de la paix ne seront malheureusement jamais suffisantes pour protéger tous les civils menacés dans le monde, le représentant du Luxembourg a jugé déterminant de lutter contre l’impunité des auteurs de crimes, où qu’ils se trouvent. Outre l’importance des tribunaux pénaux internationaux, des commissions d’enquête et chambres spécialisées au sein des juridictions nationales, il a estimé que la décision unanime du Conseil de sécurité de saisir le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de la situation qui règne en Libye depuis le 15 février 2011 avait envoyé un signal clair au régime de Qadhafi et à tous les combattants, selon lequel ils devront répondre de leurs actes.
Mme YANERIT MORGAN (Mexique) a affirmé que les instruments relatifs au droit international humanitaire constituaient un socle de principes et normes solides que toutes les parties au conflit se devaient de respecter. La non-application du droit international humanitaire et l’interprétation limitée, ou inexacte, qu’en font les parties au conflit armé, sont les causes principales des violations graves à cet ensemble de normes au détriment de la population civile. À l’instar du Secrétaire général, elle a estimé qu’il conviendrait d’axer le débat sur les moyens de promouvoir la reddition de comptes dans les cas de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme de la population civile. Il est essentiel de mettre fin à l’impunité dans les situations de conflit ou postconflit, de réparer les dommages occasionnés par les abus commis par le passé contre la population civile affectée, d’éviter de nouveaux abus et d’instaurer une culture solide des droits de l’homme.
Mme Morgan a souligné qu’il incombait au premier chef aux États de juger les responsables présumés des violations du droit humanitaire, y compris des crimes de guerre. Dans cet objectif, tous les États devraient disposer d’un cadre juridique national qui reflète concrètement ces dispositions et qui facilite leur application. Cette obligation des États devrait être complétée par la responsabilité de la communauté internationale, et, en particulier, du Conseil de sécurité, a-t-il affirmé. Le Conseil devrait en effet promouvoir des mesures de responsabilisation, comme le respect de l’état de droit et la justice de transition dans les situations postconflit, et renforcer les mandats des missions de maintien de la paix en les dotant de stratégies de suivi et de contrôle sur le terrain en matière de protection des civils. Le Conseil de sécurité pourrait également mettre sur pied des commissions d’enquête et avoir recours à la Commission d’enquête internationale humanitaire. Il dispose aussi de la faculté de renvoyer des situations devant la Cour pénale internationale (CPI), instrument utile dans les efforts de prévention de nouvelles violations du droit international humanitaire, a-t-elle conclu.
M. ALEXIS AQUINO (Pérou) a déclaré qu’en dépit de réunions régulières, les Nations Unies pouvaient faire davantage pour renforcer la protection des civils dans les conflits armés. Jusqu’à présent, a-t-il estimé, l’Organisation s’est distinguée à cet égard par l’amélioration des cadres normatifs et juridiques, mais parfois la situation sur le terrain continue d’être préoccupante. Pour le représentant, les mandats de protection des civils doivent être clairs et ne pas être soumis à l’interprétation des acteurs en présence. Ils doivent également être assortis des moyens nécessaires à leur exécution.
La délégation péruvienne a également préconisé de développer la « dimension analytique préventive préalable » afin de mieux connaître les parties au conflit et d’en apprendre davantage sur leurs motivations. Elle a en outre jugé qu’il fallait intensifier la lutte contre l’impunité par le biais des Conventions de Genève et du droit international coutumier, ainsi que par la saisine de la Cour pénale internationale.
Mme TINE MORCH SMITH (Norvège) a déclaré que depuis le rapport de 2010 sur la protection des civils, l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées avait continué à faire des dommages et des blessés, que ce soit en Côte d’Ivoire, en Libye ou en Syrie. La représentante a estimé qu’une collecte plus importante de données sur le sujet permettrait de mieux comprendre ces dommages persistants. Elle a souligné la nécessité d’améliorer l’efficacité des mécanismes de responsabilité. Mme Morch Smith a accueilli avec satisfaction l’implication du Conseil de sécurité dans l’établissement d’un cadre de protection plus fort contre la violence sexuelle lors de conflits armés ainsi que de la protection des enfants dans les conflits armés. En outre, la protection des civils ne peut être isolée du principe de la responsabilité de protéger. S’il revient aux États de protéger les populations civiles par la promotion des droits de l’homme, la communauté internationale a, de son côté, la responsabilité d’aider à protéger les civils contre les atrocités de masse.
Les Nations Unies devraient, selon sa délégation, continuer à élargir leur gamme d’outils préventifs pour éviter ces atrocités, y compris en se concentrant sur les réponses à ces crises au travers de moyens diplomatiques, humanitaires ou tout autre moyen pacifique, a-t-elle déclaré. Par ailleurs, c’est aux États que revient en premier lieu la responsabilité de juger les auteurs de violations du droit international humanitaire. Si, à cet égard, les systèmes nationaux ne fonctionnent pas, alors la Cour pénale internationale (CPI) est un vecteur indispensable pour faire en sorte que la justice soit faite.
M. SHALVA TSISKARASHVILI (Géorgie) a rappelé que les civils, au premier chef les femmes et les enfants, continuaient de souffrir de manière disproportionnée des conflits armés. Il faut faire plus aux niveaux international, national et régional, a-t-il affirmé. Il a ensuite déclaré que la guerre d’août 2008 avait eu des conséquences dévastatrices pour la population, notamment dans les deux régions de la Géorgie qui ont été le théâtre d’une épuration ethnique. Il a rappelé que 20% du territoire géorgien demeurait sous souveraineté étrangère, empêchant le retour des populations civiles, et ce, en violation du plan de paix négocié sous les auspices de la France.
Soulignant que la puissance occupante continuait de bloquer l’acheminement de l’aide humanitaire dans les régions concernées, le représentant a ajouté que la Géorgie avait renoncé, nonobstant l’autorisation de la Charte des Nations Unies, à utiliser la force pour restaurer son intégrité territoriale. Malheureusement, la réponse à ce geste d’ouverture a consisté en l’installation de contingents militaires supplémentaires, a-t-il déploré. Rappelant que la Fédération de Russie et la Géorgie avaient signé un document ouvrant la voie de l’adhésion russe à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il a espéré que le retour de 400 000 hommes et femmes dans les deux régions occupées serait vu favorablement par la Fédération de Russie. En conclusion, il a assuré que son pays continuerait d’appuyer la communauté internationale dans l’aide qu’elle apporte aux populations civiles prises au piège des conflits.
S’exprimant au nom du Réseau sécurité humaine, Mme SANJA ŠTIGLIC (Slovénie) a déclaré que le respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme n’était pas seulement indispensable pour la protection des civils, mais aussi pour la réalisation de la paix durable. Le Conseil de sécurité joue pour sa part un rôle déterminant dans le renforcement de la reddition de comptes et de la responsabilité pénale, notamment en étant le seul organe habilité à renvoyer une situation donnée devant le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI).
Par ailleurs, le Réseau sécurité humaine a tenu à attirer l’attention sur la création récente d’un mandat de rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice et de la réparation par le Conseil des droits de l’homme, mandat qui constitue une contribution majeure en faveur de la reddition de comptes, d’autant, a-t-elle précisé, que ce mécanisme a été créé avec l’accord de tous les groupes régionaux.
M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili) a indiqué que la protection des civils en période de conflit armé était en permanence à l’ordre du jour du Conseil de sécurité. Il a estimé que la reddition des comptes pour les violations du droit international et des droits de l’homme commises pendant un conflit doit être « au cœur de la protection des civils et de l’édification de sociétés pacifiées ». On ne peut attendre la paix pour engager les procédures en la matière, a-t-il fait remarquer, avant de souligner, à cet égard, le rôle que joue la Cour interaméricaine des droits de l’homme au niveau international. La Cour pénale internationale est une avancée majeure pour la reddition des comptes au niveau international, s’est-il félicité. Le représentant a ensuite exhorté les États à apporter leur concours aux commissions d’enquête mises en place par le Conseil des droits de l’homme, avant de rappeler que trois commissions de réconciliation, œuvrant à la pacification de la société chilienne, avaient été créées dans son pays. Rappelant qu’il incombait en premier lieu aux États d’assurer la protection des civils, il a souhaité que les mandats du Conseil de sécurité prévoyant des mesures de protection des civils soient clairement définis.
M. KAZUO KODAMA (Japon), s’inquiétant de la situation en Syrie, a regretté que le Conseil de sécurité ait échoué à adopter une résolution. Il a salué la fin du conflit en Libye et appelé le nouveau Gouvernement libyen à bâtir un État de droit démocratique. Concernant le Yémen, il a salué la résolution du Conseil appelant à la fin des attaques contre les civils et au respect des droits de l’homme. Le représentant a rappelé que l’ONU disposait de plusieurs mécanismes pour assurer la protection des civils dans les conflits armés, mais que la difficulté était de les utiliser efficacement. Soulignant la responsabilité particulière du Conseil de sécurité en la matière, il a estimé que celui-ci devait agir en coopération avec l’ensemble des partenaires concernés, notamment la Cour pénale internationale, le Conseil des droits de l’homme, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, les autres agences humanitaires et les organisations régionales.
Notant que la loi et la justice étaient importantes pour prévenir l’expansion des conflits, le délégué a estimé que le Conseil devait lutter contre l’impunité, en déférant rapidement des cas devant la CPI si nécessaire, avec la coopération des États Membres. Il a rappelé que d’autres moyens existaient pour déterminer les responsabilités, comme l’envoi d’une commission d’enquête internationale sous l’égide du Conseil des droits de l’homme, ou d’une mission internationale humanitaire d’établissement des faits.
M. PALITHA T. B. KOHONA (Sri Lanka) a déploré l’insuffisance des progrès enregistrés dans la protection des civils en période de conflit armé, en dépit des efforts de la communauté internationale. La question de la protection des civils, loin d’être purement théorique, nécessite de prendre conscience d’un vaste ensemble de facteurs, a-t-il poursuivi, en citant notamment les facteurs économiques et sociaux, la prolifération des armes, le respect des droits de l’homme et les moyens plus sophistiqués utilisés par les groupes terroristes. Une approche unique ne saurait prévaloir, a-t-il affirmé.
Le représentant a ensuite souligné le processus solide de consolidation de la paix entrepris par son pays, en précisant qu’une attention particulière avait été apportée au statut économique et social des veuves de guerre et à la reconstruction des écoles. Il a ajouté que les autorités de son pays, dans leur lutte contre le groupe terroriste LTTE, s’étaient attachées à établir une distinction claire entre civils et terroristes. Il a cependant déploré que les inévitables pertes civiles découlant de l’action impitoyable des groupes terroristes fournissent désormais la base d’une campagne de propagande massive. « Mon gouvernement a mis en place une Commission pour la réconciliation nationale afin de restaurer la confiance et de s’attaquer aux causes profondes du conflit », a-t-il indiqué. À ce jour, a-t-il assuré, 95% des personnes déplacées à l’intérieur des frontières du Sri Lanka en raison du conflit sont retournées dans leurs villages. Le déminage constitue maintenant un défi pour le pays, a-t-il dit, en déplorant que les « terroristes du LTTE aient laissé 1,5 million de mines terrestres derrière eux ».
M. MOHAMMED LOULICHKI (Maroc) a déclaré que la protection des civils dans les conflits armés nécessitait une approche globale combinant aspects juridiques, humanitaires et sécuritaires. Il est donc fondamental, a-t-il ajouté, que les acteurs civils et militaires investis de ce mandat complexe et multidimensionnel aient une définition commune et une répartition claire des tâches qui leur incombent. Dans ce contexte, a indiqué le représentant, le Conseil de sécurité est appelé à élaborer des mandats réalistes et clairs pour les opérations de maintien de la paix, assortis de ressources financières et logistiques.
Le premier défi, a estimé M. Loulichki, est celui de la faisabilité: les Casques bleus ne peuvent pas assurer une protection pour tous et un simple examen des ratios en effectifs des missions par rapport aux populations civiles permet d’en prendre la mesure. Le second défi, a-t-il poursuivi, est celui de la définition des tâches et la clarté de leur répartition. Une confusion règne en effet encore à ce jour, a-t-il précisé, sur ce qui est attendu de la composante militaire, de la police et des acteurs civils des missions en matière de protection des civils. Le troisième défi est celui de la durabilité: loin de se limiter à ceux qui se trouvent sous menace imminente, la protection des civils nécessite un appui et un renforcement des capacités de l’État hôte, de manière à ce que ce dernier puisse assurer pleinement cette fonction après le retrait de la mission de maintien de la paix, a ajouté la délégation marocaine en conclusion.
M. ASIF DURRANI (Pakistan) a déploré la persistance des violations des droits de l’homme, en particulier dans les zones sous occupation étrangère, en raison de l’absence d’un mécanisme robuste de reddition des comptes. Cette lacune se traduit par des souffrances supplémentaires pour les populations civiles, a-t-il déclaré, avant d’exhorter le Conseil de sécurité à prendre les mesures impartiales qui s’imposent. Il a affirmé que son pays, contributeur essentiel aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies, continuerait d’œuvrer au sein du Comité spécial pour le maintien de la paix (C-34) afin d’élaborer les stratégies adéquates de protection des civils, au cours de ces opérations, dans le respect des mandats desdites opérations et de la responsabilité première des États hôtes en la matière.
Le représentant a ensuite exhorté le Conseil à se saisir de situations où des populations vivent sous occupation étrangère. Il a regretté que le rapport du Secrétaire général de l’an dernier ait fait des références injustifiées à la situation au Pakistan. « Les rapports futurs devront être rédigés avec soin afin d’éviter la politisation des questions relatives au droit international humanitaire », a-t-il insisté. Avant de conclure, il a exhorté les Nations Unies à jouer un rôle de chef de file dans la promotion des principes du droit international, qui interdisent les attaques ciblant les populations civiles ou le personnel humanitaire.
M. HUSSEIN HANIFF (Malaisie) a rappelé que, depuis la tenue du dernier débat public sur le thème du jour, le Conseil de sécurité avait mis en place la Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei (FISNUA) et la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) avec pour mandat la protection des civils. La présence de soldats de la paix malaisiens au sein de la MINUSS souligne la reconnaissance par la Malaisie du fait que les opérations de maintien de la paix sont un instrument indispensable, qui a déjà largement contribué à la résolution des conflits armés. Cet instrument doit cependant être manié avec grande prudence, a souligné M. Haniff.
Il a ensuite réitéré la position de son pays selon laquelle la responsabilité de protéger incombe au premier chef aux gouvernements hôtes des missions de paix. Ces missions, ayant mandat de protéger les civils, doivent en conséquence mener leurs opérations sans porter préjudice à cette responsabilité, a-t-il soutenu. Pour la Malaisie, a encore dit son représentant, la réussite de la protection des civils par les opérations de maintien de la paix requiert une approche holistique plus globale qui intègre, notamment, les questions de ressources et de formation. Il a, d’autre part, estimé que dans le cadre général de la protection des civils, peu d’attention avait été accordée à la protection des journalistes et des professionnels des médias. Le Conseil de sécurité doit aujourd’hui explorer les possibilités de renforcer les dispositions de ses résolutions « afin d’assurer la sécurité des journalistes dans le cadre de la protection des civils », a conclu le représentant.
Mme MATEYA KELLEY, Commission internationale humanitaire d’établissement des faits – CIHEF, a salué une nouvelle fois la résolution 1894 de 2009 par laquelle le Conseil de sécurité avait envisagé de faire appel à ses services de manière plus régulière, notamment pour la Libye, dans le cadre d’un mandat qui doit encore être défini par le Conseil. Revenant sur les raisons qui pourraient justifier que le Conseil lui fasse confiance pour mener une telle tâche, la représentante a rappelé « le point le plus important »: la CIHEF tient sa légitimité des Conventions de Genève en vertu desquelles elle a été créée. « Le régime du traité est la source des obligations dont le respect est au cœur des enquêtes qu’elle mène et aussi au fondement des activités de la Commission, a-t-elle ajouté, avant d’estimer que ces deux faits, combinés à un processus électif de ses membres garantissant leur indépendance et leur impartialité, renforçaient la confiance à l’égard des travaux de la Commission. « Cela contribuera à renforcer l’acceptation des faits qu’elle établira », a-t-elle déclaré.
La représentante a poursuivi en soulignant que dans sa composition actuelle, la Commission disposait d’une variété d’experts « cruciaux pour mener avec succès une enquête ». Elle a cité par exemple la présence de médecins et de psychiatres spécialisés pour traiter les victimes de violences et les traumatismes, de policiers et militaires actifs ou à la retraite, de juges et d’avocats spécialisés dans différents domaines du droit. « La Commission a travaillé continuellement pour être bien préparée à une telle tâche », a-t-elle également soutenu, avant de conclure en indiquant que l’élaboration d’un mandat précis pour la CIHEF fera l’objet de consultations, et qu’il devra obtenir l’accord des parties aux conflits dans lesquels elle serait susceptible d’intervenir dans le futur.
M. OTHMAN JERANDI (Tunisie) a réaffirmé que la responsabilité première de la protection des civils et de leurs droits dans les conflits armés incombait aux États. Les stratégies de protection des civils dans le cadre des opérations de maintien de la paix doivent être développées avec la pleine participation des États concernés, et en étroite coopération avec les organisations régionales. Ensuite, le respect et l’application des droits fondamentaux et du droit international humanitaire sont indissociables de la lutte contre l’impunité et de la poursuite des personnes responsables de crimes de guerre, de génocide, de crimes contre l’humanité et de violations flagrantes du droit international humanitaire. La Tunisie, qui a adhéré quelques mois après la « révolution arabe » du printemps dernier au Statut de Rome, estime qu’il est important de promouvoir la coopération internationale visant à appuyer les mécanismes nationaux de justice et de réconciliation.
Par ailleurs, la Tunisie attache une importance particulière à la tenue de débats thématiques au sein du Conseil de sécurité sur la protection des groupes vulnérables, notamment les femmes et les enfants, dans le contexte des conflits armés. Il est essentiel, a poursuivi M. Jerandi, d’encourager les États à contribuer à la protection des réfugiés en cas de conflit, en maintenant les frontières ouvertes. La Tunisie, qui a accueilli des milliers de réfugiés libyens fuyant la violence en Libye, vient de donner son accord pour l’ouverture d’un bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, « qui ne manquera pas de renforcer son rôle en tant que pôle de coopération régionale dans le domaine de l’assistance humanitaire ».
M. DAFFA-ALLA ELHAG ALI OSMAN (Soudan) a déclaré que 12 ans s’étaient écoulés depuis que le Secrétaire général avait présenté son premier rapport sur la protection des civils dans les conflits armés. Il a dit espérer que les délibérations du Conseil de sécurité à ce sujet permettraient de faire des progrès significatifs. Le représentant a ensuite assuré que prendre pour cible des civils était le fait de groupes armés et de mouvements d’insurrection qui se servent des civils comme boucliers humains. C’est pourquoi, il a lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu’il appuie les efforts de paix que le Gouvernement soudanais déploie par le biais de la mise en œuvre de l’Accord de Doha, qu’il avait signé pour garantir une paix durable au Darfour. Le Conseil, a poursuivi le représentant du Soudan, doit en effet jouer un rôle essentiel dans le règlement de différend, en complément de celui qui revient au Secrétariat et à ses institutions spécialisées. La situation humanitaire et des droits de l’homme à Abyei est bien meilleure, a-t-il assuré. Il a encouragé les institutions internationales à examiner soigneusement les faits avant de relayer des informations qui n’ont pas été, au préalable, vérifiées.
M. JORGE VALERO BRICEÑO (Venezuela) a déploré une approche sélective de la protection sélective mise en œuvre, selon sa délégation, par le Conseil de sécurité. Certains membres du Conseil de sécurité recherchent l’hégémonie dans les pays en développement en détournant à cette fin le concept noble de protection des civils, a-t-il affirmé. Il a déclaré que la protection des civils devait être fondée sur des moyens pacifiques, le dialogue avant tout. Le recours à la force, lorsqu’il est nécessaire, doit respecter le principe de proportionnalité, a-t-il dit.
L’avidité des puissances impérialistes et des grandes entreprises capitalistes est la plus grande menace qui pèse sur la paix internationale, a-t-il ajouté. Reconnaissant la légitimité des aspirations démocratiques des peuples du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, M. Valero Briceño a rejeté toute intervention des puissances impérialistes dans les pays du Sud. Le Conseil utilise les régimes de sanctions pour punir des peuples entiers, tout en restant muet devant les souffrances du peuple palestinien, a déploré M. Valero Briceño. En conclusion, le représentant a critiqué les actes d’agression perpétrés par les puissances impérialistes et néolibérales, en violation du principe du respect de la souveraineté des États, le cas de l’intervention en Libye étant, selon le Venezuela, le plus emblématique.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a estimé que la protection des civils palestiniens, libanais et syriens vivant sous occupation correspondait à la notion même de protection des civils dans les conflits armés. Il s’est ensuite déclaré préoccupé par certaines des interventions qui ont été faites aujourd’hui devant le Conseil et qui font preuve d’une sélectivité contraire aux principes mêmes du droit international humanitaire: « la jurisprudence nous apprend pourtant que les efforts visant à protéger les civils dans les situations de conflit armé devraient être déployés conformément aux principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales des États ». Il s’est demandé si l’occupation d’États Membres souverains et les massacres commis dans le cadre d’« invasions » ou de tentatives de renversement de régime bénéficiaient aux populations civiles.
Comment comprendre certains pays membres de l’OTAN, qui tuent des centaines de civils libyens au nom de la protection des civils? Comment comprendre l’appel lancé par le Département d’État américain aux groupes armés syriens pour qu’ils ne déposent pas les armes alors même que le Gouvernement syrien a promis d’amnistier les ex-combattants? s’est-il interrogé. Le représentant a aussi demandé comment interpréter le silence des pays occidentaux devant l’occupation de terres arabes alors que le sort des populations civiles y est plus que jamais préoccupant. Regrettant que le Conseil de sécurité n’ait pas dénoncé l’ingérence inacceptable pratiquée dans les affaires intérieures d’un État, le représentant syrien a assuré que la France et le Royaume-Uni se trompaient « lorsque ces pays pensent que la mémoire humaine ne pourra pas se rappeler les crimes au nom de la colonisation et de l’esclavage ».
M. CHRISTIAN WENAWASSER (Liechtenstein), qui s’est concentré sur les liens entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité, s’est félicité du fait que le Conseil ait déjà demandé à deux reprises à la CPI d’ouvrir des enquêtes sur les situations au Darfour et en Lybie. Le représentant a salué ces « gains significatifs dans la lutte contre l’impunité », estimant toutefois que les deux saisines ne constituaient pas l’« outil le plus efficace contre l’impunité, et par extension pour la protection des civils ». Il a en effet souligné que « l’élément le plus important pour le succès des enquêtes » était « le suivi de la situation par le Conseil », qui repose en grande partie sur la coopération des États en cause. Le représentant a estimé que le Conseil n’utilisait pas la palette d’outils dont il disposait pour promouvoir et renforcer cette coopération, ajoutant que cela pouvait conduire à des « procédures longues et coûteuses devant la CPI », laissant un sentiment d’inefficacité et alimentant les accusations de parti pris politique ».
Dommageable pour la CPI, cette situation l’est aussi pour le Conseil de sécurité, a-t-il observé, expliquant qu’elle laissait penser que la saisine de la CPI reposait moins sur un véritable engagement à lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves prévus par le droit international que sur une décision politique. Dans ce contexte, il a estimé que l’un des éléments clefs était un « soutien le plus fort possible –idéalement unanime- aux décisions » de saisines de la CPI par le Conseil. Pour conclure, le représentant a soulevé la question du financement des enquêtes menées par la CPI, après saisine du Conseil de sécurité.
M. GAREN NAZARIAN (Arménie) a souligné l’urgence qui s’attache à la protection des civils en période de conflit armé. Il est également nécessaire de lutter contre l’impunité de crimes et de violations des droits de l’homme commis pendant cette période. Le Conseil de sécurité doit envoyer un signal clair en exhortant les parties à un conflit armé à respecter le droit international humanitaire, a-t-il estimé. Déplorant que les populations civiles continuent de souffrir de manière disproportionnée des conséquences des conflits, il a plaidé pour le renforcement des mécanismes de justice pénale et pour rétablir l’état de droit. En conclusion, il a souhaité que les résolutions du Conseil de sécurité s’attaquent aux causes profondes des conflits, afin de permettre aux sociétés concernées de s’engager activement dans la reconstruction et le développement de leur pays.
M. YUSUF MAMMADALIYEV (Azerbaïdjan) a souhaité qu’une attention accrue soit portée à la protection des civils en période de conflit ou vivant sous l’occupation militaire étrangère. Il doit être mis un terme aux politiques illégales visant à modifier la situation démographique des territoires occupés, ainsi qu’aux violations flagrantes des droits fonciers de leurs habitants, a-t-il affirmé. Le droit au retour doit être appliqué de manière plus systématique par la communauté internationale, afin de rejeter les gains territoriaux résultant des pratiques d’épuration ethnique.
L’absence d’une solution politique ne doit pas servir de prétexte pour laisser impunies les violations délibérées du droit international humanitaire, a-t-il poursuivi. La lutte contre l’impunité est essentielle pour garantir les droits des victimes de violations des droits de l’homme et pour la pacification des sociétés. Les guerres d’agression et la promotion des idées odieuses de supériorité raciale constituent des violations flagrantes du droit international, a-t-il souligné, en faisant référence aux populations chassées de leurs territoires par une intervention militaire étrangère.
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