Le Comité des droits de l’homme examine le troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
Comité des droits de l’homme
Quatre-vingt-dix-huitième session
2692e séance – après-midi
LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EXAMINE LE TROISIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE L’OUZBÉKISTAN
Les experts rappellent à l’État partie que la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée
ne doit pas se faire au détriment de la mise en œuvre du Pacte relatif aux droits civils et politiques
Présentant le troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan* au Comité des droits de l’homme, le Directeur du Centre ouzbek des droits de l’homme, M. A. Saidov, a passé en revue la série de mesures législatives et autres prises au cours de cette dernière décennie pour assurer une meilleure mise en œuvre des dispositions du Pacte relatif aux droits civils et politiques dans le pays. La volonté politique du Gouvernement de l’Ouzbékistan, a-t-il affirmé, se traduit par l’abolition de la peine de mort en 2008 et son engagement en faveur d’un moratoire international de la peine de mort.
La récente crise économique et financière mondiale, le terrorisme international et le trafic de drogues, ainsi que les problèmes liés à l’intégrisme religieux qui menace la stabilité et la démocratie, compromettent les efforts du Gouvernement pour assurer une mise en œuvre efficace du Pacte, a fait remarquer M. Saidov.
Dans ses réponses aux questions écrites, la délégation a rappelé que la peine de mort n’était plus appliquée depuis 2005 et avait été commuée en peines d’emprisonnement à perpétuité ou de longue durée. Ainsi, 33 personnes ont été condamnées à un emprisonnement à perpétuité et 15 autres à des peines de longue durée. En matière de contrôle des lieux de détention, la délégation a cité des visites du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui ont eu lieu dans 12 établissements pénitentiaires. Elle a également fourni des explications sur les conditions de détention des mineurs qui sont placés dans des établissements séparés, en fonction de leur âge et de la nature de l’infraction commise, ajoutant que des espaces distincts étaient réservés aux femmes mineures purgeant une peine.
Si la délégation de l’État partie affirmait que l’évolution des droits civils et politiques en Ouzbékistan suivait un processus dynamique, certains experts, notamment ceux de la Suède et de la Tunisie, estimaient au contraire que l’Ouzbékistan avait fait marche arrière dans certains domaines. Tout en reconnaissant que l’Ouzbékistan se trouvait dans une région volatile, ils ont cependant estimé que la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme international ne devait pas se faire au détriment de l’application du Pacte.
L’Ouzbékistan est une jeune nation qui n’a que 20 ans d’expérience, a rappelé le Chef de sa délégation aux membres du Comité, en précisant qu’il était engagé à réaliser deux priorités, faire changer les mentalités et assurer l’application des lois. « Mon pays souhaite établir un dialogue ouvert et transparent avec vous mais demande que vous respectiez les efforts qu’il entreprend », leur a-t-il lancé.
Le Comité des droits de l’homme poursuivra demain, vendredi 12 mars à 10 heures, l’examen du troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE
Troisième rapport périodique de l’Ouzbékistan (CCPR/C/UZB/3)
Présentation orale
M. A. SAIDOV, Directeur du Centre national pour les droits de l’homme de l’Ouzbékistan, présentant le troisième rapport périodique de son pays, a précisé que ce document avait été rédigé avec le concours de 32 organes gouvernementaux et 18 organisations non gouvernementales.
Au cours de ces dernières années, a-t-il poursuivi, l’Ouzbékistan a pris toute une panoplie de mesures législatives et autres en vue de mieux garantir les droits de l’homme, y compris civils et politiques, et les libertés fondamentales de son peuple. M. Saidov a cité notamment des lois, promulguées au cours des 10 dernières années, portant sur les droits de l’enfant, la traite des êtres humains, les médias, la liberté d’expression et la peine de mort.
Rappelant que les deuxièmes élections législatives avaient eu lieu en décembre 2009 en Ouzbékistan, M. Saidov a souligné qu’elles avaient permis à 33 femmes d’être élues à des postes de député grâce au système des quotas nouvellement introduit en Ouzbékistan. Pour ce qui est des aspects institutionnels, il a précisé que le parlement a adopté des mesures pour soutenir toutes les institutions nationales chargées de la défense des droits de l’homme en leur garantissant non seulement les prérogatives les plus larges possibles mais aussi les ressources nécessaires à leur bon fonctionnement. Quant au rôle du Médiateur parlementaire, également désigné Commissaire aux droits de l’homme, une loi a été promulguée en 2004 pour étendre son mandat. En vue de sensibiliser la population aux dispositions du Pacte des droits civils et politiques ainsi qu’aux autres instruments juridiques internationaux en matière des droits de l’homme, le Gouvernement de l’Ouzbékistan a lancé des campagnes d’information et développé des programmes scolaires et universitaires qui prévoient l’étude de cette question, a poursuivi M. Saidov. La récente crise économique et financière mondiale, le terrorisme international et le trafic de drogue, ainsi que les problèmes liés à l’intégrisme religieux qui menace la stabilité et la démocratie, compromettent les efforts du Gouvernement pour assurer une mise en œuvre efficace du Pacte, a fait remarquer M. Saidov. Avant de conclure, M. Saidov a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur d’un moratoire international de la peine de mort.
Réponses aux questions écrites (CCPR/C/UZB/Q/3/CRP.2)
Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte et du Protocole facultatif, droit à un recours utile (article 2)
La délégation a affirmé que les dispositions du Pacte étaient appliquées non pas directement mais à travers les dispositions de la Constitution et différentes lois nationales. Les tribunaux sont invités à se référer aux instruments internationaux en matière des droits de l’homme, tandis que la jurisprudence de la Cour suprême guide les tribunaux et procureurs à s’appuyer directement sur les dispositions du Pacte.
La délégation, qui s’exprimait sur cette question par la voix d’un représentant de la Cour suprême, a ajouté que le Gouvernement de l’Ouzbékistan, et en particulier la Cour suprême, avait toujours suivi les observations générales et recommandations du Comité des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne la peine de mort. L’Ouzbékistan, a-t-il dit, n’applique plus depuis 2005 la peine capitale, abolie en 2008. La peine capitale a été remplacée par la peine à perpétuité ou de longue durée.
La délégation a également expliqué que le mandat du Bureau du Commissaire aux droits de l’homme (Médiateur parlementaire) de l’Oliy Majlis était conforme aux Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Il est indépendant, a-t-elle dit, et la nomination du Médiateur est prévue par la Constitution et les lois nationales. En outre, ses prérogatives sont définies par une loi spéciale. Ses activités sont indépendantes de celles d’autres organes et il présente chaque année un rapport au Parlement.
La délégation a affirmé que l’Ouzbékistan avait pris des mesures pour enquêter sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires et d’usage excessif de la force par les forces de l’ordre à Andizhan, en mai 2005. Des informations détaillées ont été transmises à la communauté internationale pendant la période 2005-2007, a-t-elle notamment souligné.
Mesures de lutte contre le terrorisme, situations d’urgence et respect des droits reconnus dans le Pacte
La délégation a expliqué que la Constitution prévoit que la déclaration de la situation d’urgence ne pouvait se faire que dans des situations exceptionnelles où il y avait une menace à la sécurité de l’État ou en cas de catastrophes naturelles ou autres. Ces situations d’urgence sont régies par des lois qui ont été promulguées en 2007 en vue de garantir la protection nécessaire à la population. L’Ouzbékistan travaille actuellement sur un autre projet de loi visant à renforcer les garanties des droits de citoyens en cas de situation d’urgence. Lorsqu’un citoyen a subi un dommage dans une situation d’urgence, il a droit à une indemnisation.
La définition du terrorisme est établie par les lois sur la lutte contre le terrorisme qui sont en vigueur dans le pays, a précisé la délégation.
Discrimination à l’égard des femmes et violence familiale (article 2, par. 1, articles 3, 7 et 26)
Le mariage est protégé par la loi, après son enregistrement à l’état civil, a indiqué la délégation. Le mariage par enlèvement a un caractère symbolique et ne peut se faire qu’avec le consentement des époux. La délégation a affirmé que le Code pénal punit la polygamie dès lors qu’il y a deux femmes ou plus au sein d’un même foyer. Dix-neuf affaires de polygamie ont conduit à une condamnation de ce délit en 2008.
Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, liberté et sécurité de la personne et traitement des détenus
En Ouzbékistan, la torture est interdite, conformément aux dispositions du Pacte, a indiqué la délégation. Elle est en outre punie pénalement, conformément à l’article 1er de la Convention contre la torture.
Pour mettre en œuvre les recommandations du Comité des droits de l’homme, l’Ouzbékistan a pris des mesures visant à interdire l’emploi de la torture et traduire en justice ses auteurs. En 2006, les autorités nationales chargées de ces questions ont reçu 1 256 plaintes de torture, contre 1 557 en 2007, 2 225 en 2008 et 1 596 en 2009. La délégation a aussi reconnu qu’il y a eu, entre autres atteintes à la liberté de la personne, des perquisitions non autorisées et des fouilles illégales. En 2009, plusieurs plaintes contre des agents de police ont conduit à des condamnations, a assuré la délégation.
Droit à la vie (article 6)
La délégation a rappelé que la peine de mort n’était plus appliquée depuis 2005 et avait été commuée en peines d’emprisonnement à vie ou de longue durée. Ainsi, 33 personnes ont été condamnées à un emprisonnement à perpétuité et 15 autres à des peines de longue durée. Les proches et les avocats de ces condamnés ont été informés des modifications apportées.
Interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, liberté et sécurité de la personne, et traitement des détenus (articles 7, 9 et 10)
La délégation a affirmé que l’Ouzbékistan avait des indices d’incarcération assez bas par rapport aux pays de la Communauté des États indépendants (CEI) ou des États-Unis. En matière de contrôle des lieux de détention, la délégation a cité des experts de l’Union européenne, des correspondants des agences de presse, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, les experts du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Des visites du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont également eu lieu dans 12 établissements pénitentiaires. Le CICR a accès à tous les détenus, dans les cellules ou dans les commissariats de police. Les mineurs sont placés dans des établissements séparés, en fonction de leur âge et de la nature de l’infraction commise. Des espaces distincts sont également mis en place pour les femmes mineures purgeant une peine.
Le droit pénal ouzbek permet aux personnes détenues provisoirement d’obtenir des garanties et d’être informées sur les raisons de leur détention, a expliqué la délégation. La nouvelle loi sur cette question a été adoptée en 2007 et, depuis cette date, l’Ouzbékistan travaille activement pour intégrer le principe de l’habeas corpus, grâce à la coopération de l’association des juristes américains, d’un fonds allemand, de l’OSCE et des pays qui, depuis longtemps, appliquent le principe de l’habeas corpus.
S’agissant de la durée de la garde à vue, la délégation a expliqué que, pour permettre aux enquêteurs et au parquet de réunir les preuves nécessaires, la détention ou la remise en liberté est décidée avant la fin des 72 heures, ce qui est, a-t-elle dit, un délai raisonnable. Un prévenu peut exercer ses droits de défense, connaître les accusations portées contre lui et passer un coup de téléphone pour entrer en contact avec son avocat ou un proche. Toute décision concernant la détention doit être basée sur des preuves suffisantes, a assuré la délégation.
Au mois d’août prochain, l’Ouzbékistan célébrera le quinzième anniversaire de la ratification du Pacte et du premier Protocole facultatif, a indiqué la délégation, qui a aussi rappelé la ratification en 2008 du deuxième Protocole facultatif relatif à l’abolition de la peine de mort. Les progrès réalisés ces dernières années sont considérables et témoignent des fruits du dialogue que l’Ouzbékistan a établi avec le Comité, a-t-elle indiqué. La délégation a assuré que l’évolution des droits civils et politiques en Ouzbékistan suivait un processus dynamique.
M. KRISTER THELIN, l’expert de la Suède, a estimé que l’Ouzbékistan avait fait marche arrière dans certains domaines. Le pays se trouve dans une région assez volatile, où il doit lutter contre la criminalité organisée. La lutte contre ce phénomène ou le terrorisme international ne doit pas se faire au détriment de l’application du Pacte, a-t-il affirmé. L’expert a relayé les préoccupations exprimées dans un rapport de l’organisation Human Rights Watch concernant la situation de représentants de la société civile, cibles de harcèlement. Il y est également souligné que les autorités continuent de renier la culture des médias et que les cas de torture et de mauvais traitement restent d’actualité, tandis que le pouvoir judicaire n’est pas indépendant et que le Parlement dispose de pouvoirs faibles. À la lumière de ce tableau, l’Ouzbékistan a tous les traits d’un État totalitaire, a-t-il dit. M. Thelin a demandé si l’État partie envisageait d’incorporer le Pacte dans sa totalité dans le droit interne. Il a également souhaité connaître les garanties dont dispose, dans la pratique, le Médiateur parlementaire en vue de mener à bien sa tâche. L’expert a par ailleurs estimé que l’affaire des événements d’Andizhan n’était pas close, les auteurs des faits n’ayant pas été traduits en justice. Il a invité l’État partie à recourir à une organisation internationale pour clore une fois pour toutes cette enquête.
Mme IULIA ANTOANELLA MOTOC, l’experte de la Roumanie, a souhaité recueillir des informations sur l’instauration, à l’heure actuelle, de l’état d’urgence. Elle a en outre demandé des précisions juridiques concernant la lutte contre le terrorisme.
Mme HELEN KELLER, l’experte de la Suisse, s’est déclarée impressionnée par les progrès accomplis par l’État partie dans le domaine des droits civils et politiques. Elle s’est toutefois dite préoccupée de l’absence de femmes dans la composition de la délégation. Notant qu’en 2008, 45 affaires pénales concernant un mariage forcé avaient été réglées à l’amiable entre les parties, elle a demandé si les couples étaient restés mariés. Elle a aussi demandé les chiffres en la matière pour 2009. En ce qui concerne les 16 affaires où des maris ont été jugés pour polygamie en 2008, l’experte a voulu savoir comment s’étaient achevées ces procédures. Elle a aussi noté que la définition de la polygamie semble exclure deux cas, notamment celui où l’homme cohabite avec deux ou plusieurs femmes « sans partager son ménage ». L’État partie a-t-il l’intention d’amender cette disposition? a demandé l’experte. Sachant que la majorité de la population ne considère pas la polygamie comme un crime, elle a voulu savoir ce que fait l’Ouzbékistan pour changer les mentalités.
Mme Keller a aussi demandé des précisions sur la nature des activités menées par le Gouvernement de l’Ouzbékistan pour sensibiliser la population sur les enlèvements de jeunes femmes. L’État partie n’a pas amendé sa loi sur l’âge minimum du mariage pour les filles, a-t-elle par ailleurs regretté. L’experte a aussi voulu savoir si l’Ouzbékistan travaille avec les médias pour renforcer une représentation positive des femmes, exempte de stéréotypes. L’Ouzbékistan a-t-il l’intention de sensibiliser la population sur les violences à l’égard des femmes et d’adopter une réforme juridique sur cette question? a-t-elle également demandé. L’experte a aussi voulu savoir ce que fait l’État partie pour que les personnes victimes de cette violence soient encouragées à engager des poursuites. Elle a en outre voulu savoir ce que fait l’État partie pour que toutes les femmes qui subissent la violence conjugale ou au sein de la famille aient accès à un appui et à un abri.
Comme son homologue de la Suisse, M. NIGEL RODLEY, l’expert du Royaume-Uni, a relevé l’absence de femmes dans la composition de la délégation de l’Ouzbékistan. Il s’est félicité, sans réserve, de l’abolition de la peine de mort dans le pays. Néanmoins, il a souhaité savoir si les familles des personnes exécutées avant 2005 disposaient de toutes les informations nécessaires concernant leurs proches, par exemple sur leur lieu de sépulture. L’expert a par ailleurs demandé si le Code pénal ouzbek était conforme à l’article 1er de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Au regard de différents rapports et de récits, le problème de la torture ne semble pas avoir été réglé depuis la visite du Rapporteur spécial sur la torture dans le pays. Il est très difficile de se rendre compte de la réalité, a-t-il dit, avant de citer plusieurs cas de torture et de mauvais traitements qui ont été signalés. M. Rodley a demandé en outre à la délégation si le droit pénal ouzbek reconnaissait au détenu le droit de contacter immédiatement un avocat et, inversement, déterminait les motifs de la détention. Il a aussi souhaité obtenir des précisions sur la durée d’une garde à vue.
Mme RUTH WEDGWOOD, l’experte des États-Unis, a demandé s’il existe un organe indépendant pour suivre les questions relatives à la détention. Elle s’est dite rassurée de savoir que le Comité international de la Croix-Rouge a procédé à des visites en prison, même si elles n’ont pas la force voulue, dans la mesure où elles sont annoncées à l’avance. La torture est véritablement présente dans les prisons, a-t-elle noté, et les mécanismes de contrôle en la matière ne semblent décourager personne. Les pratiques datant du Moyen Âge doivent être abolies, a-t-elle insisté. Elle a cité plusieurs cas de torture en prison et, notamment ceux d’un enfant de 14 ans qui a été frappé à la tête pour témoigner contre son oncle et d’une femme frappée avec un bâton alors qu’elle était nue. Il conviendrait de fournir un rapport « beaucoup plus positif sur la mise en œuvre du Pacte » la prochaine fois, a-t-elle souhaité. Mme Wedgwood a ensuite noté que les enfants de 13 à 21 ans sont détenus ensemble, avant de suggérer que ceux de moins de 18 ans soient séparés des plus âgés. Elle a également estimé que les mineurs ne devraient pas être déplacés dans les mêmes véhicules que les prisonniers adultes. Elle a aussi dénoncé les cellules d’isolement pour les enfants.
Passant à la question sur les médias, qui sera examinée demain, elle a estimé que le mot « harcèlement » est trop faible en ce qui concerne les mesures imposées aux journalistes étrangers. Les bureaux de la BBC et de Voice of America ont été fermés, a-t-elle rappelé. Elle a cité le cas d’un journaliste condamné à 12 ans de prison pour la publication d’articles critiques. Le « tableau désolant » s’agissant de la liberté des médias rappelle trop l’époque soviétique et ne témoigne pas d’un État démocratique. De l’avis de Mme Wedgwood, le rapport est très « tendancieux ».
M. MICHAEL O’FLAHERTY, l’expert de l’Irlande, a concentré son intervention sur le dispositif en matière de droits de l’homme dans le droit interne de l’Ouzbékistan. S’agissant du cadre juridique du fonctionnement de la société civile, il a relevé des dispositions du Code pénal de 2004, qui interdisent par exemple la diffusion de certaines informations considérées comme hostiles au pouvoir ou critiquant des cas de violation des droits de l’homme. Le Code pénal sera-t-il amendé pour éliminer ce type de dispositions? a-t-il demandé. L’expert a également fait état d’allégations d’abus à l’égard de défenseurs des droits de l’homme.
M. ABDELFATTAH AMOR, l’expert de la Tunisie, a souscrit aux remarques de son homologue de la Suisse en ce qui concerne la polygamie. Il a en effet constaté que la polygamie est socialement admise et n’est pas condamnée par la loi dans son principe, car elle est justifiée en Ouzbékistan par des considérations familiales et religieuses. On fait parfois dire à l’Islam ce qu’il ne dit pas, a-t-il fait remarquer. Que faites-vous pour lutter contre cette mentalité et pour que l’Islam ne soit pas instrumentalisé à des fins qui lui sont étrangères? a-t-il voulu savoir. Si les mentalités peuvent mettre du temps à évoluer, la loi peut changer plus vite et combattre plus radicalement la polygamie qui est attentatoire à la dignité de la femme, a-t-il ajouté.
S’agissant du terrorisme, il a insisté pour dire que la lutte contre le terrorisme ne peut pas se faire aux dépens des droits de l’homme. Le Gouvernement de l’Ouzbékistan doit veiller à ce que la lutte antiterroriste ne glisse pas vers une persécution. L’expert a souhaité que la délégation précise si la législation ouzbèke sur le terrorisme était compatible avec les dispositions du Pacte. Il a aussi voulu savoir si la notion d’extrémisme est juridiquement consacrée dans la loi. Si c’est le cas, quels sont le cadre et la limite de cette notion? a-t-il demandé à la délégation.
M. FABIAN OMAR SALVIOLI, l’expert de l’Argentine, a condamné la pénalisation de l’homosexualité qui, a-t-il rappelé, est contraire au principe de non-discrimination. En outre, l’État partie a l’obligation de prendre des mesures pour que la société elle-même ne pratique pas la discrimination, a-t-il ajouté. L’expert a fait observer que des homosexuels et des lesbiennes ont subi cette discrimination et été contraints de quitter le pays sans pouvoir porter de plainte. Comment l’État partie procède pour éduquer la société et prévenir cette discrimination? a-t-il demandé.
Le chef de la délégation de l’Ouzbékistan, répondant à certaines des questions posées par les experts, s’est dit fier du rapport présenté. Le pays, a-t-il rappelé, a moins de 20 ans d’expérience. Il s’est déclaré en faveur d’un dialogue ouvert et transparent avec les membres du Comité. Néanmoins, il a vivement appelé le Comité à respecter son pays. « Il ne faut pas nous accuser et nous offenser », a-t-il déclaré. « Nous avons, nous aussi, notre dignité », a-t-il ajouté, invitant à traiter les informations sur un pied d’égalité.
S’agissant des questions portant sur les événements d’Andizhan, M. Saidov a indiqué que son gouvernement n’autoriserait jamais d’enquête internationale. « C’est contre les principes du droit international », a-t-il rappelé. « Nous ne continuerons pas le dialogue sur les événements d’Andizhan. C’est une question close. »
Le chef de la délégation a en outre souligné que les relations avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) étaient confidentielles. Celui-ci, a-t-il dit, n’a pas le droit de rendre publics les résultats de ses visites.
Le Gouvernement de l’Ouzbékistan condamne l’usage de la torture, a-t-il par ailleurs affirmé. C’est une position de principe, a-t-il dit, soulignant que jamais l’usage de la torture ne pourra être justifié. Il s’est élevé contre les accusations d’usage systématique de la torture portées à l’encontre de son pays.
La question prioritaire est de modifier les mentalités, ce qui demande du temps, a-t-il estimé. L’éducation aux droits de l’homme est la plus importante des priorités, a-t-il ainsi insisté. La deuxième priorité, a-t-il ajouté, est de porter les efforts sur l’application des lois. « Nous ne cachons rien à la communauté internationale ni à notre population », a-t-il poursuivi, en mettant l’accent sur la volonté de transparence de son gouvernement.
Composition de la délégation de l’État partie:
La délégation, qui est conduite par le Directeur du Centre national des droits de l’homme, M. A. Saidov, est également composée du Premier Vice-Ministre de la justice, M. A. Akhmedov; du Vice-Président de la Cour suprême, M. Sh. Rakhmonov; et du Directeur par intérim du Département des Nations Unies et des organisations internationales au Ministère des affaires étrangères, M. I. Shigabutdinov.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel