DH/5018

L’Instance permanente examine l’impact de la crise économique et des activités des multinationales sur les peuples autochtones

26/04/2010
Conseil économique et socialDH/5018
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Instance permanente sur les questions autochtones

Neuvième session

9e & 10e séances – matin & après-midi


L’INSTANCE PERMANENTE EXAMINE L’IMPACT DE LA CRISE  É CONOMIQUE ET DES ACTIVITÉS

DES MULTINATIONALES SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES


L’Instance permanente sur les questions des autochtones a examiné aujourd’hui l’impact de la crise économique mondiale et des activités des multinationales sur les premières nations.  Les participants au débat ont souligné, dans ce contexte, que plusieurs millions d’hectares ont été concédés à l’industrie très polluante des mines.  Il faut mettre en place des mécanismes de responsabilité, a préconisé un membre de l’Instance permanente, en s’attardant sur les chiffres selon lesquels aux États-Unis, le taux de chômage des autochtones est passé de 50 à 80% durant la crise économique.


Dans ce cadre, plusieurs orateurs ont rappelé que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones impose aux États de se conformer au principe de « consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones » avant toute décision susceptible d’affecter les premières nations.  Ce principe a été rappelé avec force au représentant de la Banque mondiale qui tentait de faire valoir la bonne foi de son organisation. 


Mais il a eu le tort de parler du caractère « non contraignant » de la Déclaration des Nations Unies, qui n’empêcherait pas la Banque de vouloir mener des « consultations préalables » avec les communautés autochtones pour assurer la conformité de ses investissements avec la Déclaration des Nations Unies.  


La différence entre « consultations préalables » et « consentement préalable » lui a été fermement rappelée.  Les membres de l’Instance ont en outre émis des doutes sur cette nouvelle politique et demandé des exemples pratiques de la manière dont la Banque s’assure que ses projets ont bien reçu l’aval des communautés autochtones.  Quant au prétendu caractère « non contraignant » de la Déclaration, le représentant s’est entendu dire que de nombreux articles sont directement tirés de conventions internationales juridiquement contraignantes. 


« Il n’appartient pas à la Banque mondiale d’interpréter les instruments internationaux en matière de droits de l’homme », a tranché un membre de l’Instance, avant qu’un autre n’ajoute que « lorsque l’ONU fixe des normes internationales, les États et organismes internationaux doivent les respecter sans tenter de les réinterpréter ». 


L’Instance permanente s’est aussi penchée sur les questions liées à la pêche, à l’élevage, à la reconnaissance des droits de la Terre nourricière et à la surreprésentation des jeunes autochtones dans les prisons.  Elle poursuivra ses travaux demain, mardi 27 avril, à 10 heures dans la salle de conférence 1 (NL Building).



TRAVAUX FUTURS, QUESTIONS RELATIVES AU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ET QUESTIONS NOUVELLES


Présentation des rapports et débat


Au titre de ces questions, Mme VICTORIA TAULI CORPUZ, membre de l’Instance, a parlé du rapport en cours de rédaction intitulé « Étude sur les effets de la crise économique mondiale sur les peuples autochtones ».   Elle a souligné combien la crise a démontré l’urgence de réformer les systèmes commercial et financier internationaux.  Cette crise, a-t-elle insisté, n’est qu’un aspect des difficultés auxquelles se heurtent les peuples autochtones; la destruction de l’environnement étant l’autre aspect. 


Le taux de pauvreté des autochtones américains a doublé entre 1990 et 2000, a poursuivi l’oratrice en rappelant que moins de la moitié des 561 tribus que comptent les États-Unis sont impliquées dans l’industrie du jeu et que 75% des 670 000 emplois créés dans les casinos gérés par des Indiens sont occupés par des non-indiens.  En conséquence, seuls 3,7% des Indiens d’Amérique et d’Alaska travaillent effectivement dans l’industrie du jeu.  En outre, cette industrie a procédé à des licenciements massifs, en raison de la crise financière qui a entraîné une baisse de fréquentation. 


Dans les réserves, le taux de chômage est passé de 50 à 80%.  Au Wyoming, 70% des autochtones vivent en dessous du seuil de pauvreté, alors que le taux de suicide des Indiens dans tout le pays est de 70% plus élevé que la moyenne nationale.  Dans la réserve de Rosebud au Dakota, on enregistre 200 suicides pour 100 000 chez les hommes âgés de 15 à 24 ans, ce qui en fait le record du monde, « l’épicentre du suicide » dans le monde.


Parmi ses recommandations, Mme Tauli Corpuz a mis l’accent sur la nécessité de renforcer les filets de sécurité en faveur des autochtones et de veiller à ce que des mécanismes de responsabilité soient mis en place. 


Mme TONYA GONELLA FRICHNER, membre de l’Instance, a présenté les résultats de la réunion d’experts sur les enfants et les jeunes autochtones qui se trouvent en prison, dans des foyers d’accueil ou des centres d’adoption.  La réunion s’est tenue les 4 et 5 mars dernier en Colombie britannique.  Elle a notamment mis l’accent sur l’importance de la réinsertion et revendiquer le droit des communautés et des familles autochtones à assumer une responsabilité partagée dans l’éducation de leurs enfants.  Elle a également précisé que les États-Unis étaient le seul pays à s’être doté d’une loi fédérale qui protège le droit des enfants autochtones.


Mme ANDREA CARMEN, Rapporteure du Groupe d’experts, a appelé les États à respecter l’Observation générale 11 de la Convention relative aux droits de l’enfant et a demandé États-Unis à ratifier ladite Convention.  Elle a demandé à l’ONU de créer des programmes pour renforcer les capacités des communautés et des familles autochtones.  L’Instance, a-t-elle poursuivi, doit exhorter tous les organes de traités régionaux à reconnaître les systèmes juridiques et traditionnels des peuples autochtones.


Les États doivent aussi assumer leur pleine responsabilité quant à l’impact des anciens programmes visant à retirer les enfants de leur famille.  La Rapporteure a précisément appelé l’Australie à appliquer la loi sur la discrimination raciale dans le Territoire Nord.


Elle a en outre appelé les États à dépénaliser certaines activités auxquelles se livrent les enfants des communautés pauvres, notamment la mendicité, les petits larcins et la prostitution infantile.  Tous les programmes de placement et d’adoption et tous les systèmes de justice juvénile où les autochtones sont surreprésentés doivent être revus, a-t-elle estimé.


Les communautés et familles autochtones devaient être impliquées dans toute décision concernant le placement de leurs enfants.  Les États doivent également adopter des mesures juridiques relatives au retrait et au placement des enfants autochtones.


Présentant le rapport intitulé « Étude sur la conformité des politiques et des projets relatifs aux changements climatiques aux normes énoncées dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones » (E/C.19/2010/7), M. HASSAN ID BALKASSM, membre de l’Instance, a regretté que la participation des peuples autochtones à l’élaboration de la législation et de politiques relatives aux changements climatiques reste insuffisante.  Il a précisé que l’étude se divisait en six partie à savoir les changements climatiques; la législation et les politiques internationales relatives aux changements climatiques; les changements climatiques et les peuples autochtones; les changements climatiques et les droits de l’homme; l’obligation de se conformer à la Déclaration; et les changements climatiques et les droits des peuples autochtones. 


Prenant le relais de la présentation de cette étude, Mme PAIMANEH HASTEH, membre de l’Instance, a notamment rappelé que la Déclaration imposait aux États le strict respect du principe de « consentement préalable », dans l’élaboration des mesures sur les changements climatiques. 


M. THOMAS FORTUNE, Internationale touarègue, a regretté que le groupe d’experts sur les organisations nomades de Mongolie n’ait toujours pas été mis sur pied.  Il a voulu savoir quand cet atelier d’experts verrait le jour et à quand s’attendre à la création d’un Groupe d’experts pour les peuples nomades d’Afrique subsaharienne?  Le bureau de l’Instance a dit espérer voir très prochainement la création de ce groupe.


Mme HILARIASUPA HUAMAN, autochtone de Cisco et Député péruvienne, a, parlant des effets des changements climatiques sur la Terre nourricière, fustigé les capitalistes qui polluent et tuent cette Terre, en tuant, dans le même temps, les peuples autochtones qui la chérissent pourtant depuis des milliers d’années.  Elle a appelé l’Instance à faire preuve de plus d’efficacité pour faire appliquer les instruments et les lois relatifs à la défense de la planète.  Il faut pour ce faire, a-t-elle préconisé, unir les peuples autochtones.


M. PAVEL SULYANDZIGA, membre de l’Instance, a présenté une Étude sur les entreprises et le peoples autochtones, et a estimé que l’époque actuelle est particulièrement difficile pour ces derniers du fait des projets gigantesques susceptibles de corrompre leurs terres ancestrales et de menacer leur survie spirituelle et ethnique.  L’avenir exigera des efforts conjoints des gouvernements tribaux et de l’État pour assurer la reconnaissance des droits des autochtones, a-t-il dit.


Il a dénoncé les politiques de « paternalisme et de domination » des pays industrialisés, lesquelles donnent lieu à de graves problèmes sociaux, notamment un taux important d’alcoolisme et de suicide au sein des communautés autochtones.  Il est pratiquement impossible pour ces communautés de vaincre ce phénomène car elles n’ont ni la « voix », ni l’argent, ni l’éducation ni la formation nécessaire pour faire face aux entreprises multinationales, a-t-il commenté.  Le membre de l’Instance a réclamé davantage d’efforts pour aider les peuples autochtones à gérer leurs propres terres.


M. Sulyandziga a ensuite estimé que certains progrès avaient été accomplis au Canada, où un nombre croissant d’entreprises autochtones avait vu le jour.  Ce mouvement, a-t-il ajouté, a mis l’accent sur l’importance de protéger les droits des communautés autochtones pendant le lancement d’importants projets industriels sur leurs terres.  Il a également indiqué qu’en Fédération de Russie, les peuples autochtones pouvaient dorénavant participer à la gestion de projets industriels dans la région du Nord, ainsi qu’aux études sur l’impact social et écologique sur les communautés autochtones.


Pour progresser encore, il conviendrait de renforcer les normes internationales relatives aux droits des peuples autochtones et les relations de ces peuples avec les entreprises multinationales.  Les gouvernements devaient déjà garantir le respect les droits des peuples autochtones, lorsqu’ils signent des contrats avec les entreprises.  Les principes de la Déclaration des Nations Unies et des Conventions pertinentes de l’OIT doivent être intégrés dans le droit commercial des pays.


M. Sulyandziga a reconnu que certaines entreprises avaient commencé à mettre en œuvre des mesures pour améliorer la situation socioéconomique des peuples autochtones.  Les structures économiques, communautaires et gouvernementales autochtones doivent être sur un pied d’égalité avec les structures étatiques, notamment lorsque des projets industriels à l’examen ont des conséquences sur les terres et territoires autochtones.  « Sans le développement du potentiel humain, les autochtones ne pourront pas exercer leurs droits », a conclu le membre de l’Instance.


Mme MARIA SUMIRA DE CONDE, Parlementaire du Pérou, a dénoncé l’exploitation sauvage menée par l’industrie minière, au détriment de la biodiversité.  Plusieurs millions d’hectares ont été accordés en concession à des entreprises qui contaminent et polluent les fleuves et les terres ancestrales.  Elle a souhaité que l’on surveille les plus grands pollueurs et que l’on obtienne d’eux des accords pour sauvegarder la biodiversité et reformer toutes ces politiques « égoïstes ».


Mme PI IHSU, Caucus mondial des jeunes, a mis l’accent sur la revitalisation de la culture et de la langue, en estimant que l’amélioration de l’éducation était le meilleur moyen de renforcer les capacités des peuples autochtones.  Elle a demandé à l’Instance d’examiner la question de la pauvreté en s’assurant que les politiques de développement ne soient pas mises en œuvre contre l’intérêt des peuples autochtones. 


M. TULIAN, Collectif du Pacifique, a souhaité que les propriétaires traditionnels puissent participer pleinement aux prises de décisions et de consultations relatives à la gestion de leurs terres.  Dénonçant la pression de l’industrie extractive pour s’accaparer des terres ancestrales, il a demandé à l’Instance permanente d’exhorter les États à nommer un commissaire qui serait chargé d’élaborer des normes dans ce domaine, notamment pour atténuer les incidences négatives sur les communautés locales. Soulignant ensuite que les droits de pêche des peuples autochtones ne sont pas formellement reconnus dans la région du Pacifique, parce que la pêche est réglementée par les États, il a exhorté l’Australie, la France, le Chili et les États-Unis à respecter la lettre et l’esprit de la Déclaration des Nations Unies. 


Pour ce qui est de la question des pensionnats, le représentant a expliqué que les autochtones n’ont pas à sacrifier leur droit à l’autodétermination et à l’intégrité culturelle pour réaliser leur droit à l’éducation.  Il doit leur être possible de fréquenter des établissements scolaires de bon niveau sur leurs territoires propres.  Dénonçant l’impact des politiques d’assimilation sur les jeunes autochtones, le représentant a insisté sur la nécessité de veiller au respect de l’article 14 de la Déclaration qui souligne l’importance de l’éducation et de la culture pour les peuples autochtones.  Il a demandé aux États à exploiter les nouvelles technologies, en proposant des cours à distance. 


Il a également invité l’Instance permanente à faire une étude approfondie de la Doctrine de la découverte et de Terra Nullis et de son impact sur les droits fondamentaux des peuples autochtones.  Les conclusions et recommandations de cette étude devraient être présentées en 2012 par l’Instance.  Le Collectif du Pacifique propose en outre que l’Instance permanente se déplace d’une région à une autre de manière à permettre à toutes les régions d’avoir un accès équitable à ce mécanisme.  Pendant les rénovations de l’ONU à New York, l’Instance pourrait être basée à Bangkok, ce qui faciliterait la participation de la région Pacifique à ses travaux.


M. NEAL GILLESPI, Caucus d’Australie, a dit que les droits fondamentaux des aborigènes étaient très affectés par le taux élevé d’incarcération.  Les hommes autochtones sont marginalisés de la naissance à  l’âge adulte, a-t-il dit, en souhaitant que l’on examine tous les éléments de la marginalisation qui sont la cause de ce taux d’incarcération.  Il a exhorté l’Instance permanente à encourager la participation des enfants et des jeunes autochtones aux mécanismes des Nations Unies.  Il lui a demandé de favoriser des interactions entre les États et les aborigènes, afin de mettre en œuvre des stratégies de lutte contre la surreprésentation des jeunes autochtones dans les prisons.  


M. ALEXEY TSYKAREV, Association des jeunes finno-ougriens, s’est dit préoccupé par le fait que la Fédération de Russie donne aux peuples autochtones le statut de « peuple minoritaire », ce qui compromet la possibilité d’accorder un appui plus important à ces populations.  Le maintien de la culture et de la langue étant primordial, il regretté qu’à peine 50% des Finno-Ougriens maitrisent leur langue maternelle.  Lançant un appel à l’application des lois relatives à l’apprentissage des langues, il s’est félicité de la Convention relative aux biens immatériels et a invité les États à l’appliquer.  Il a conclu en rappelant que dans la Fédération de Russie, les autochtones doivent acheter leurs quotas de pêche et de chasse.


M. GARABIDE ELKARTEA, Garabide y Trait d’union du peuple basque de l’Europe occidentale, a soutenu que le développement intégral des peuples autochtones commence dans la mesure où il y a une expérience collective et un capital social de l’expérience identitaire.  Les langues et les cultures originaires sont les fondements de l’identité et par conséquent l’un des axes fondamentaux du développement communautaire.  Lorsque les langues disparaissent, les peuples disparaissent également, a-t-il affirmé.   Expliquant que la langue du peuple

basque, l’euskera, est l’une des plus anciennes au monde, il a insisté sur le fait que le plein développement en tant que peuple ne se réalisera que s’il est possible de maintenir son essence, son identité, sa langue et que cela ne se perde pas au nom du développement économique. 


Même s’il regrette que le peuple basque n’ait pas obtenu un statut officiel sur certains territoires, il a néanmoins souligné les acquis comme le fait qu’il existe aujourd’hui des écoles et des universités dans la langue originaire basque, des organisations de développement culturel et des chaines de télévision en langue basque.  Cela permet à la culture basque de s’épanouir à la fois en tant que culture ancienne qu’en tant que culture moderne, a-t-il expliqué.  Il a recommandé à l’Instance permanente de réfléchir plus profondément sur la situation réelle des langues originaires et que ce sujet soit inclus de manière permanente dans l’ordre du jour de l’Instance.  À cet effet, il a proposé la création d’un groupe de travail spécifique chargé d’examiner les moyens d’aborder la question des stratégies de développement linguistiques.


Mme IVAN TORAFING, Réseau des jeunes d’Asie-Pacifique, a, à son tour, évoqué les taux de plus en plus élevés d’incarcération des jeunes.  Elle a engagé l’Instance à prier tous les États de ratifier et d’appliquer tous les instruments relatifs aux droits de l’enfant.  La représentante a engagé les États à mettre en œuvre une législation souple concernant les jeunes autochtones, ainsi que des mesures de réinsertion.


Mme SANDRA MILLER, Service juridique des Aborigènes de l’Ouest de l’Australie, a exhorté les États, l’Australie en particulier, à atténuer les incidences négatives des projets de développement sur les communautés locales.  Elle a rappelé qu’un assentiment préalable des autochtones doit être obtenu avant le lancement de tout projet d’exploitation.  Elle a exhorté l’Instance à examiner les moyens de faire en sorte que les entreprises assument leur responsabilité sociale.


Répondant au Caucus des jeunes, la représentante du Viet Nam a contesté les allégations sur les prétendues politiques du Gouvernement du Viet Nam.  Elle a exhorté les représentants des peuples autochtones à ne pas utiliser la tribune de l’Instance à des fins politiques et à se contenter à débattre des questions inscrites à l’ordre du jour. 


L’Instance a également été saisie d’un rapport sur les droits de pêche en mer des autochtones et étude des cas de l’Australie et de la Norvège (E/C.19/2010/2) qui tente de déterminer si les peuples autochtones des États côtiers ont droit à un statut privilégié, sous la forme d’un droit exclusif dans certaines zones ou droit prioritaire dans la prise de décisions comme la définition des quotas de pêche en mer. 


Il aborde le droit international applicable, décrit la législation nationale de l’Australie et de la Norvège, pays qui ont tous deux des intérêts importants en matière de pêche, et se conclut par une comparaison avec le droit international.  En Australie, la gestion halieutique, les dispositifs de protection de l’héritage culturel ainsi que la législation des droits fonciers ont soumis les droits de pêche en mer des autochtones à une stratification complexe de compétences, composée de trois échelons gouvernementaux, et à des intérêts publics, privés et industriels.


La défense des droits fonciers autochtones sur les espaces marins peut s’avérer complexe et longue en raison des négociations avec les nombreuses parties prenantes.  Toutefois, il est possible de reconnaître certains intérêts spécifiques aux autochtones comme un droit exclusif de pêche en mer, soumis uniquement au droit international de passage inoffensif.  Ces droits sont plus forts que tous les droits fonciers obtenus jusqu’ici.


En ce qui concerne les populations saamies côtières en Norvège, l’origine historique et le fondement juridique international de leurs droits de pêche en mer sont documentés et validés par une commission nommée par le Gouvernement, dont la conclusion est critiquée par le Procureur.  Des consultations entre le Gouvernement norvégien et le Parlement saami vont avoir lieu. 


Pour les populations saamies, la pêche est essentielle à la survie de leurs communautés locales qui font vivre de nombreux ménages, ces communautés étant elles-mêmes indispensables à la protection de la culture saamie. L’avenir de cette culture dépend donc de la reconnaissance des droits de pêche, qui font actuellement l’objet de débats juridiques et politiques, au niveau national.


L’Instance était aussi saisie d’une « Étude sur la nécessité de reconnaître et respecter les droits de la Terre nourricière » (E/C.19/2010/4) qui s’articule autour des six questions relatives à l’harmonie avec la Terre nourricière, au paradigme de Brundtland en matière d’environnement et de développement durable, à la diversité biologique et aux changements climatiques; au droit international et aux droits des peuples autochtones et de la Terre nourricière, et aux droits de la Terre nourricière dans les milieux non autochtones.  La conception andine de la Terre nourricière est longuement expliquée dans cette étude qui présente également en annexe la « Synthèse pour une déclaration sur les droits de la Terre nourricière » proposée par le Président de la Bolivie, Evo Morales Ayma, et soumise à l’Assemblée générale, le 22 avril 2009, date de la première Journée internationale de la Terre nourricière.


S’agissant de « l’Étude sur l’impact des mesures d’adaptation et d’adoucissement du changement climatique sur l’élevage de rennes », il est noté que la mondialisation a introduit une nouvelle réalité pour plusieurs communautés d’éleveurs de rennes.  Les effets cumulatifs de la parcellisation des terres, de l’exploitation des ressources naturelles, de la diminution de l’accès aux terres et des effets multiples du changement climatique sur les écosystèmes de l’Arctique ont exercé une pression très forte sur ces communautés. 


L’étude indique que l’approche équilibrée pour résoudre le « problème » est de trouver les moyens d’empêcher que ces symptômes ne s’aggravent.  Les solutions passent par l’identification des causes du changement climatique qui peuvent être liées à  la consommation énergétique, à la mondialisation, à la fragmentation du paysage, à l’exploitation des ressources naturelles, à une croissance économique sans limite ou encore au mode de consommation actuelle.


La situation de la communauté des éleveurs de rennes est complexe, reconnaît l’étude qui demande des recherches plus poussées et des stratégies fondées sur la Déclaration des Nations Unies.  La communauté scientifique, les institutions des Nations Unies, les organisations régionales et les gouvernements concernés doivent mettre l’accent sur la vulnérabilité des éleveurs, l’adaptation au changement climatique, la souplesse des stratégies et la compréhension du concept de résilience.  Ils doivent travailler en partenariat avec les éleveurs de rennes. 


M. PAVEL SULYANDZIGA, membre de l’Instance, a expliqué que l’élevage des rennes définit la culture des peuples autochtones de la région arctique.  Il a attiré l’attention sur la Déclaration de Moscou signée par les représentants des peuples autochtones de la région arctique, après une réunion tenue dans la capitale russe les 14 et 15 avril 2010.  Il a rappelé que cette Déclaration porte sur le développement industriel de la région arctique dans le contexte des changements climatiques.


Les représentants de ces peuples savent que la région est riche en minerais et qu’il faut pouvoir en disposer.  Ils estiment cependant que le développement industriel de cette zone doit se faire dans le respect des droits des peuples autochtones sur ces terres et sur la base d’un modèle de développement durable, dont les politiques doivent être arrêtées avec le consentement préalable de ces peuples.


M. HASSAN ID BALKASSM, membre de l’Instance, a estimé que le passage d’une philosophie liée aux droits de la Terre nourricière nécessitera des efforts considérables, étant donné la tradition négative qui prévaut aujourd’hui.  Il s’est inquiété que des gouvernements continuent de céder leurs sols à d’immenses entreprises, compromettant ainsi la volonté des populations autochtones de gérer elles-mêmes leur terre. 


Mme ISABEL ORTEGA, Vice-Ministre de la justice de la Bolivie, a dénoncé le fait que notre Terre nourricière, la Pacha Mama, a été blessée par l’industrialisation qui a remis en cause le concept de développement durable dans le monde.  « Au nom de quoi? » s’est-elle demandée, en constatant que certains dégâts sont d’ores et déjà irréversibles comme la disparition de certaines espèces animales et végétales, la désertification, l’élévation du niveau de la mer et des températures, avec les conséquences que l’on sait sur les récoltes et l’autosuffisance alimentaire du monde.  Pourquoi a-t-on maltraité cette Terre nourricière? a-t-elle renchéri, en dénonçant la complicité de la communauté scientifique qui se limite à dénoncer les dégâts sans avoir le courage de parler des véritables causes de ces problèmes. 


Elle a lancé un appel au monde entier pour qu’il vienne au chevet de la Terre nourricière, même si cela coûte l’abandon de l’idéologie capitaliste, basée sur l’appât du gain.  Ce système capitaliste ne comprend pas, selon elle, les droits des autochtones et ne reconnaît la Terre que comme source de revenus et pas du tout comme source de vie.  Dénonçant le système impérialiste et colonialiste, elle a appelé le monde à s’engager résolument sur la voie de l’harmonie entre la nature et les êtres humains, ce qui suppose le respect des droits de la Terre et la reconnaissance de l’être humain pour ce qu’il est et pas pour ce qu’il a.


Mme SHIRLEY McPHERSON, Présidente d’Indigenous Land Cooperation, a mis l’accent sur l’impact de l’élévation du niveau de la mer sur l’érosion des sols dans le détroit de Torres.  Elle a souligné la vulnérabilité des communautés concernées et la nécessité de trouver des solutions à moyen et à long termes.  Après avoir remercié les Nations Unies pour avoir rencontré les autorités régionales du détroit de Torres, elle a dit: « nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous aider nous-mêmes et faire face à ce changement climatique ».  Elle a tout de même prévenu de la présence certaine de « réfugiés climatiques ». 


Mme KRISTINA NORDLING, Conseil saami, a expliqué que le Gouvernement suédois avait autorisé un projet d’éoliennes qui, selon ses chiffres, est amené à détruire 25% des pâturages des rennes de la communauté saami, l’argument étant que les énergies renouvelables sont plus importantes que les droits des saami.  Expliquant que les démarches du Conseil saami auprès de la banque allemande qui finance ce projet ont été vaines, car leur vis-à-vis sont les pouvoirs publics suédois qui appliquent la loi suédoise, le Conseil saami continue de voir dans ce projet une violation des droits des saamis.  C’est la raison pour laquelle, a expliquée l’oratrice, le Conseil a déposé une plainte.  Elle a demandé à l’Instance de faire appel à des experts pour mener une étude sur l’incidence de la perte des pâturages sur la communauté saamie. 


M. TUOMAS ASLAK, Conseil parlementaire sami, a fait la même demande avant que M. KENNETH DEER, Indigenous World Association, ne reproche aux États-Unis et à d’autres États, agissant de concert avec l’UNESCO, de tenter d’établir dans l’océan Pacifique des « zones protégées », des « sanctuaires marins » et des « districts de conservation », sans consulter au préalable les peuples autochtones du Pacifique.  L’accès des autochtones aux océans est compromis, a affirmé le représentant, qui a rappelé que pour les peuples autochtones 95% des protéines proviennent des ressources marines.  Il a exhorté l’Instance permanente à demander une suspension de ces mesures jusqu’à ce que les peuples autochtones soient consultés. 


M. Deer a, par ailleurs, suggéré que l’Instance prenne part aux efforts de son organisation et d’autres pour parrainer de telles consultations à Hawaï et à Guam.  L’Instance pourrait dépêcher sur place le Rapporteur spécial James Anaya et d’autres experts autochtones du Pacifique et de la Norvège pour prendre part à ces consultations, en vue d’y élaborer et adopter une politique de mise en œuvre des Déclarations relatives à la protection des droits de l’homme dans les travaux de l’UNESCO et du Comité du patrimoine mondial.  


Mme FLORINA LOPEZ, Fundacion Para la promocion del Conocimiento Indigena, a déclaré que les pays pollueurs continuent de proposer de fausses solutions.  Les autochtones en général et les femmes autochtones en particulier, ont l’habitude de protéger leurs ressources, a-t-elle dit, en exhortant la communauté internationale à suivre la mise en œuvre dans tous les pays de la Déclaration des Nations Unies.  Elle a souhaité que toute initiative visant à atténuer les effets du changement climatique prenne en compte cette Déclaration. 


M. CHARLES DI LEVA, Banque mondiale, a indiqué que la Banque mondiale avait décidé de réexaminer ses investissements pour voir si les points de vue des peuples autochtones ont bien été pris en compte par les États bénéficiaires.  Soulignant que la Déclaration des Nations Unies n’est pas juridiquement contraignante, le représentant a affirmé que la Banque cherche tout de même à mener une politique conforme à la Déclaration des Nations Unies, notamment pour ce qui est des « consultations préalables » des communautés autochtones.  


Mme CHARLOTTA SCHLYTER (Suède) a précisé que la question de l’impact des mesures d’adaptation au changement climatique sur l’élevage de rennes a été traitée par la loi suédoise sur la politique climatique en 2009.  Elle a indiqué que la Suède a consacré 4 millions de dollars aux mesures d’adaptation au changement climatique qui affecte l’élevage.  Réagissant à l’intervention de la Banque mondiale et à son interprétation du principe de consentement préalable, Mme TONUA GONNELA FRICHNER, membre de l’Instance, a rappelé que ce principe est un principe pour lesquelles les peuples autochtones ont lutté pendant 30 ans pour qu’il soit consacré dans un texte tel que la Déclaration des Nations Unies. 


À son tour, Mme VICTORIA TAULI CORPUZ, membre de l’Instance, a réagi à la déclaration de la Banque mondiale, en soulignant la différence entre consentement préalable et consultations préalables.  Elle a souhaité savoir pourquoi la Banque peut affirmer que les projets qu’elle finance ont reçu l’aval des communautés autochtones.  Quant au caractère non contraignant de la Déclaration des Nations Unies, elle a rappelé que de nombreux articles sont directement tirés de Conventions internationales juridiquement contraignantes.  Il n’est donc pas possible de rejeter la Déclaration, a-t-elle insisté avant que son homologue, M. BARTOLOME CLAVERO, ne rappelle à la Banque qu’il ne lui appartient pas d’interpréter les instruments internationaux en matière de droits de l’homme.  Comprenez-vous, s’est-il impatienté, l’article 42 de la Déclaration des Nations Unies. 


Mme CELESTE MCKAY, Association des femmes autochtones du Canada, a estimé qu’il importait d’examiner l’impact de l’incarcération et du placement des jeunes autochtones sur les femmes.  Le manque d’appui aux familles monoparentales et aux familles à faible revenu, qui sont majoritairement dirigées par des femmes, contribue à la surreprésentation des jeunes autochtones dans les systèmes de placement et à la marginalisation des filles autochtones qui sont sexuellement exploitées à un très jeune âge, a-t-elle estimé.  Elle a recommandé à l’Instance d’examiner et d’adopter les recommandations contenues dans le rapport pertinent.  Elle a également estimé que les représentants du Groupe international des jeunes autochtones de l’Instance permanente devraient participer à toute initiative relative à cette question.


M. PIDISON PRADHAN, Asian Indigenous Peoples Caucus, a encouragé les organismes des Nations Unies à participer à tous les dialogues sur les peuples autochtones, en invitant l’Instance à s’attaquer à toutes les questions qui s’opposent à l’autodétermination de ces peuples.


M. MARCO ESOINOZA MIRANDA, Confédération de nationalités amazoniennes du Pérou, a expliqué une philosophie qui se base sur la notion que la mondialisation doit se transformer en un moteur capable de relever les défis actuels et faire avancer la cause du développement durable.  Il a prôné l’ouverture à la modernité à condition qu’elle se fonde sur le développement durable.  Regrettant qu’actuellement le Pérou n’ait pas misé sur un tel modèle, il a souligné que ce sont les peuples autochtones qui en font les frais, comme en témoignent l’impact des centrales électriques et hydroélectriques et la construction de certaines routes.  Il a estimé que son organisation est un interlocuteur valable pour l’État car elle défend le développement intégral des peuples autochtones et s’occupe du reboisement de la région amazonienne et de projets sociaux dans les domaines de la santé et de la culture.


Mme MARGARET LOKAMUA, membre de l’Instance, a regretté que le nomadisme soit perçu comme une pratique primitive et a mis l’accent sur l’impact du changement climatique sur ce mode de vie.  Son homologue, M. MICHALE DODSON, a aussi réagi aux propos de la Banque mondiale, en rappelant que la Déclaration des Nations Unies constitue un ensemble de normes minimales.  Il a rappelé que lorsque l’ONU fixe des normes internationales, les États et organismes internationaux doivent les respecter sans « réinterprétation ». 


Mme ELISA CANQUI MOLLO, membre de l’Instance, a souligné que les traitements et l’information sur la pandémie de VIH/sida ne sont que très rarement disponibles aux peuples autochtones.  Il faut un mécanisme qui parvienne à unifier la voix des peuples autochtones pour coordonner la réponse à l’épidémie du VIH/sida, a-t-elle proposé, avant d’ajouter que la réponse internationale doit tenir compte de la spécificité de ces peuples.  Également membre de l’Instance, Mme VICTORIA TAULI CORPUZ est revenue sur la nécessité de renforcer le dialogue entre peuples autochtones et gouvernements.  Elle a suggéré que l’expérience que l’Instance a eue avec la Norvège, dont un ministre a participé à un évènement parallèle, doit servir d’exemple.  La participation des peuples autochtones aux processus nationaux et internationaux de prise de décisions doit être garantie, a-t-elle insisté, en particulier sur les thèmes touchant la protection de l’environnement. 


M. JORGE QUILAQUEO, Centro de Cultura Pueblo Nacion Mapuche Pelonxaru, s’est inquiété des conséquences des milliers de tonnes d’ordures qui sont déversées sur les terres autochtones avec les conséquences que l’on sait sur l’environnement et les modes de vie autochtones.  Il a regretté que le Gouvernement chilien n’ait pu prendre d’engagement pour protéger les droits des autochtones face à la pollution des terres et des eaux et aux arrestations arbitraires.  


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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