CD/3236

Conférence d’examen du TNP: les ONG et la société civile plaident pour l’abandon des doctrines de dissuasion nucléaire

07/05/2010
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Conférence de l’examen du TNP

9e séance- après-midi


CONFÉRENCE D’EXAMEN DU TNP: LES ONG ET LA SOCIÉTÉ CIVILE PLAIDENT POUR

L’ABANDON DES DOCTRINES DE DISSUASION NUCLÉAIRE


Elles appellent de leurs vœux l’établissement d’une convention interdisant les armes nucléaires


La Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération a entendu cet après-midi les présentations des organisations non gouvernementales (ONG) accréditées pour cet évènement. 


Répondant au vœu du Président de la Conférence, M. Libran Cabactulan, des Philippines, les représentants des ONG ont fait entendre leurs positions, qui, dans leur vaste majorité, ont souligné la nécessité que les États dotés de l’arme nucléaire abandonnent leur doctrine de dissuasion et que les États Membres de l’ONU mettent au point une convention interdisant les armes nucléaires.


M. Cabactulan n’a pas manqué de saluer les efforts inlassables déployés par les ONG pour renforcer le régime de non-prolifération et accélérer le processus du désarmement nucléaire.  Leur expertise et leur dévouement sont précieux sur la voie de l’élaboration d’un monde exempt d’armes nucléaires, a-t-il dit, avant de leur donner la parole. 


La discussion a été marquée par les interventions liminaires de Mme Jody Williams, la lauréate du prix Nobel de la paix en 1997, qui a mené la campagne inlassable qui a amené les États à négocier, signer et ratifier le Traité sur l’interdiction de la production, du transfert et de l’utilisation des mines antipersonnel; et par celle de M. Taniguchi Sumiteru, survivant de la bombe atomique qui détruisit Nagasaki. 


« Comment justifier les armes nucléaires en tant qu’arsenaux de dissuasion quand on sait ce qu’a causé leur utilisation? », a demandé Mme Williams.  Selon elle, le seul moyen d’éviter la prolifération des armes les plus destructrices, c’est de les éliminer « jusqu’à la dernière ».  « Les armes nucléaires pourraient être interdites dès demain », a-t-elle dit, « les fondements d’une telle interdiction existent en germe dans le TNP ». 


Mais les puissances nucléaires ne veulent pas s’en dessaisir car elles ne veulent pas renoncer au sentiment de puissance que leur donnent ces armes, a-t-elle déploré, avant d’exhorter les participants à la Conférence d’examen de saisir l’occasion qui leur est offerte de donner un coup d’accélérateur au désarmement nucléaire, « avant que ne s’enclenche une course folle aux armements qui pourrait découler du développement accrue de l’énergie nucléaire ».


Jody Williams a estimé qu’il est « intolérable pour la conscience humaine qu’une poignée de pays se soient arrogés le droit de disposer éventuellement, en quelques minutes, de la vie de centaines de millions de personnes à travers le monde ».  « Comme moi, la plupart des gens ne veulent pas être défendus par ces armes horribles », a-t-elle lancé. 


« Plus d’un demi-siècle a passé depuis ce matin du 9 août où une pluie de feu s’est abattue sur nous », a raconté M. Sumiteru, qui représentait la « Japan Confederation of A and H-Bomb Sufferers Organization ». 


Ce survivant du bombardement de la ville japonaise de Nagasaki, qui eu lieu le 9 août 1945, a fait le récit de ses souffrances, « physiques à l’époque et morales aujourd’hui » qui le poussent à continuer de plaider pour la paix dans le monde entier. 


Nous étions 380 000 survivants.  Nous ne sommes plus aujourd’hui que 230 000 à vous dire, à travers moi, que pour aucune raison les armes nucléaires ne devraient de nouveau être utilisées.  La possession d’armes de ce type, de même que l’intention affichée d’en acquérir, sont contre l’humanité elle-même, a poursuivi l’intervenant.


Représentant un groupement d’ONG, M. Rob Green, du Centre de sécurité et de désarmement, s’est attardé sur la caducité des doctrines de dissuasion nucléaire, « une réalité qui a été admise dès 1996 dans un avis consultatif de la Cour internationale de Justice ».


Nous avons atteint un stade dans la réflexion sécuritaire où des experts en arrivent à tenter de nous faire croire que même dans un monde entièrement dénucléarisé, il faudrait conserver la capacité technologique de construire des armes nucléaires en tant qu’élément de dissuasion virtuelle, a-t-il indiqué.  De telles justifications sont rejetées par la majorité des ONG et des meilleurs analystes, qui qualifient ces vues d’illogiques et de non crédibles, a-t-il ajouté. 


On sait que la conservation et le développement d’armes nucléaires au nom de la dissuasion provoque la prolifération, et il convient de rappeler que même l’Administration Bush a reconnu publiquement que les doctrines de dissuasion nucléaire sont totalement inefficaces pour contrer les groupes terroristes, a encore expliqué Rob Green.  Pour l’intervenant, il est temps que les États dotés de l’arme nucléaire, « désormais conscients des risques environnementaux que font peser d’éventuels accidents nucléaires, et des conséquences d’une course aux armements, referment ce parapluie nucléaire qui n’est plus d’aucune utilité dans le monde actuel ». 


M. Christophe Ford, de l’Hudson Institute, a répondu à M. Green en avançant que la dissuasion nucléaire « n’est ni stupide ni folle, mais fait pleinement partie des programmes de sécurité de nombreux États ».  « Comme les agents de police ou les alarmes de nos voitures, la dissuasion nucléaire est là pour empêcher le pire », a-t-il estimé, ajoutant que tant que la possibilité de fabriquer des armes nucléaires existera par le biais des technologies à double usage, la dissuasion se justifiera.  M. Ford a préféré plaider pour une réflexion de fond sur l’avenir de l’environnement sécuritaire qui puisse mener à des solutions où l’arme atomique ne sera plus au centre des doctrines de dissuasion. 


Barbara Streibl, de « Ban All Nukes Generation », a dit qu’il était temps pour les armes nucléaires, « âgées de 65 ans, de prendre leur retraite ».  Elle a exhorté les États Membres à réaliser la vision du Président des États-Unis, M. Barack Obama, d’un monde sans armes nucléaires.  Des négociations sérieuses doivent commencer ici même à New York pour rendre illégales les armes nucléaires, a-t-elle déclaré, estimant que le seul moyen pour atteindre cet objectif est l’élaboration d’une convention internationale.


Il est revenu à Mme Rebecca Johnson, de « Acronym Institute for Disarmament Diplomacy » d’évoquer ce que pourrait être une telle convention du point de vue des ONG. 


Il faut prolonger l’ébauche de convention soumise par la société civile à la Conférence en 2007 et que le Secrétaire général de l’ONU a qualifiée de « bon point de départ », a-t-elle dit.  Selon elle, l’engagement et la confiance mutuelle seront indispensables sur la voie de la création d’une telle convention, « dont les défis politiques, techniques, et en matière de vérification et de mise en œuvre paraissent à première vue insurmontables ».  Elle a souhaité que la Conférence d’examen recommande dans son document final de commencer un travail préparatoire devant conduire à des négociations de fond sur le cadre de la convention.  Un tel instrument contraindrait les États à ne pas développer, tester, produire, stocker, transférer et utiliser des armes nucléaires, les États dotés d’arsenaux nucléaires ayant l’obligation de détruire leurs arsenaux en plusieurs phases à définir, a indiqué Rebecca Johnson.


Par ailleurs, deux interventions ont porté sur l’importance des zones exemptes d’armes nucléaires (ZEAN) en tant qu’instruments de promotion de la paix et de la sécurité régionale et comme outils efficaces du régime de non-prolifération. 


Ainsi Mme Jae Won Lee, parlant au nom de « Solidarity for Peace and Reunification of Korea », a plaidé en faveur de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires dans la péninsule coréenne et en Asie du Nord-Est, qui comprendrait au minimum la République populaire démocratique de Corée (RPDC), la République de Corée et le Japon, et bénéficierait de garanties négatives de sécurité de la part de la Chine, de la Fédération de Russie et des États-Unis.  L’émergence de cette ZEAN permettrait à la RPDC de renoncer à son arsenal et à ses installations nucléaires si, en échange, elle recevait des garanties de sécurité qui porteraient non seulement sur les armes nucléaires, mais aussi sur les armes conventionnelles.  Cette ZEAN permettrait aussi à la République de Corée et au Japon de ne plus dépendre de la posture de dissuasion nucléaire des États–Unis. 


La ZEAN du Moyen-Orient, a fait l’objet de l’intervention de Mme Holly Lindamood de l’ONG « Daisy Alliance », qui a souligné l’intérêt de cette zone pour la paix et la stabilité régionales.  Pour elle, les positions arabe et israélienne ne sont pas mutuellement exclusives; il ne peut y avoir de paix sans sécurité, et il ne peut y avoir de sécurité sans la paix!  C’est pourquoi Israël devrait progressivement, même de manière non officielle, s’engager vers le respect des dispositions du TNP et renforcer sa coopération avec les agences internationales compétentes, de manière à envoyer un signal clair aux pays de la région sur sa volonté de se conformer aux régimes internationaux de désarmement et de non-prolifération. 


Tous les États de la région du Moyen-Orient doivent également faire preuve de la volonté politique de s’engager dans des pourparlers de paix constructifs qui s’accompagnent de mesures concrètes de démantèlement de leurs arsenaux respectifs. 


L’implication des puissances nucléaires dans ce processus ne saurait être sous-estimée, dans la mesure où elles doivent donner les garanties de sécurité requises aux parties régionales, en vertu de la résolution qu’elles ont adoptée en 1995, a dit Mme Lindamood.  Reprenant la proposition faite par l’Union européenne d’organiser un séminaire sur la sécurité, le désarmement et la non-prolifération au Moyen-Orient, auquel participeraient toutes les parties concernées, elle a recommandé aux États-Unis et à la Fédération de Russie de s’associer à cette initiative de manière à donner toutes les chances de réussite à la reprise des négociations et au rétablissement d’un climat de confiance mutuelle. 


Les deux interventions ont mis en exergue le fait que l’existence des deux ZEAN évoquées dépend aussi de la ratification, par tous les États des deux régions, du TICE et des autres Traités internationaux portant sur les armes de destruction massive.


Les maires de Hiroshima et de Nagasaki sont ensuite venus transmettre le message de leurs concitoyens à cette huitième Conférence d’examen du TNP.  « Jamais plus! Personne d’autre ne doit connaitre les souffrances que nous avons vécues! », était le message commun des habitants des deux agglomérations dévastées en 1945.  Pour les deux maires, commémorer le passé signifie s’engager vers le futur et honorer la mémoire des hibakushas –les victimes des bombardements atomiques- en faisant d’un monde sans armes nucléaires une réalité avant qu’il ne soit trop tard. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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