Assemblée générale: les Présidents de la CIJ et de la CPI parlent de l’avis consultatif sur l’indépendance du Kosovo et de la définition du crime d’agression
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Assemblée générale
Soixante-cinquième session
38e et 39e séances plénières – matin et après-midi
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE: LES PRÉSIDENTS DE LA CIJ ET DE LA CPI PARLENT DE L’AVIS CONSULTATIF SUR L’INDÉPENDANCE DU KOSOVO ET DE LA DÉFINITION DU CRIME D’AGRESSION
Les Présidents de la Cour internationale de Justice (CIJ) et de la Cour pénale internationale (CPI) ont présenté aujourd’hui leurs rapports annuels à l’Assemblée générale, dans lesquels ils parlent de l’avis consultatif du 20 juillet dernier sur la légalité de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo et la définition du crime d’agression, obtenu à la première Conférence de révision du Statut de Rome.
Le Président de la CIJ, M. Hisashi Owada, qui prenait la parole pour la première fois devant l’Assemblée générale depuis l’avis consultatif de sa Cour, a réitéré l’opinion selon laquelle la déclaration d’indépendance du Kosovo, adoptée le 17 février 2008, s’est faite en conformité avec le droit international. Il a expliqué que la résolution 1244 du Conseil de sécurité est muette sur le statut final du Kosovo et que cette déclaration d’indépendance n’émanant pas des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo, ses auteurs n’étaient liés par aucun cadre constitutionnel.
Le représentant de la Fédération de Russie a tenu à souligner que la résolution 1244 est toujours en vigueur et que le processus de détermination du statut final n’ayant pas été mené à son terme, les négociations devaient en conséquence se poursuivre. Dans son droit de réponse au Royaume-Uni, la représentante de la Serbie a estimé que la CIJ avait précisé que son avis consultatif ne traitait pas des conséquences légales de la déclaration unilatérale d’indépendance ni de la validité de la reconnaissance du Kosovo par un État tiers.
Les États Membres ont dans leur ensemble salué le travail de la CIJ. Plusieurs d’entre eux ont fait des propositions. Le représentant de l’Égypte a préconisé l’établissement d’un mécanisme au sein des Nations Unies pour suivre, à la demande des principaux organes de l’ONU, l’état de mise en application par les États concernés des décisions de la Cour et les dommages causés par leur non-exécution.
Afin de favoriser l’enseignement, l’étude, la diffusion et une compréhension plus large du droit international, son homologue du Ghana a proposé de donner plus de ressources à la Division de la codification du Bureau des affaires juridiques et à la Commission du droit international. Le Représentant de Singapour a, quant à lui, invité la Cour à faire en sorte que les procédures orales succèdent le plus rapidement possible à la phase de procédure écrite, une fois celle-ci achevée.
Le Président de la CPI, M. Sang-Hyun Song, a souligné que l’année écoulée avait été riche en évènements avec la tenue de la première Conférence de révision du Statut de Rome à Kampala et la définition du crime d’agression; la délivrance d’un premier mandat d’arrêt pour crime de génocide contre le Président soudanais; la première situation déférée devant la Cour à l’initiative du Procureur –les violences postélectorales au Kenya-; l’ouverture d’un deuxième procès contre des suspects de la RDC; la comparution volontaire de trois suspects au Darfour; et le premier refus de confirmation des charges à l’encontre d’un suspect dans l’affaire Bahr Idriss Abu Garda.
Si toutes les délégations se sont félicitées du consensus qui a permis de définir le crime d’agression, elles ont voulu que les amendements à apporter au Statut de Rome soient dénués de toute ambigüité et respectent strictement le principe de la « rigueur juridique ».
Le Président de la CPI s’est réjoui que la Cour compte quatre nouveaux États parties, ce qui porte à 114 le nombre d’États ayant ratifié le Statut de Rome ou y ayant adhéré. En dépit de ces avancées, il reste d'importants obstacles à surmonter, a-t-il dit, en insistant sur la coopération des États, comme en témoigne la non-exécution de huit mandats d’arrêt.
En début de séance, l'Assemblée générale a observé une minute de silence en hommage à M. David Thompson, Premier Ministre de la Barbade, décédé le 23 octobre 2010, à l’âge de 48 ans. Les représentants du Malawi, de la Chine, de la Croatie, de Trinité-et-Tobago et de l’Espagne ont rendu hommage au défunt, au nom de leur Groupe régional. Ils ont salué un ami, un promoteur de la coopération régionale, une source d’inspiration, un homme affable et plein de compassion, un juriste averti ou un adepte convaincu du multilatéralisme. David Thompson était convaincu que les petits Etats étaient « l’adhésif » indispensable du tissu multilatéral, a souligné le représentant de la Barbade.
L’Assemblée générale poursuivra demain, vendredi 29 octobre, à 10 heures, son débat sur la Cour pénale internationale.
RAPPORT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Rapport de la Cour internationale de Justice (A/65/4)
Présentant le rapport paru sous la cote A/65/4, M. HISASHI OWADA, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a, comme il est de coutume, passé en revue l’activité judiciaire de la Cour. Les affaires dont est saisie la Cour viennent des États de toutes les régions du monde et portent sur des sujets très divers, allant de questions classiques comme la protection diplomatique et les immunités souveraines à des problèmes d’intérêt plus actuel comme le droit international de l’environnement.
Le Président s’est attardé sur l’avis sur les Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay). Il a prévenu, à la lumière de cette affaire, que comme la Cour sera régulièrement appelée à trancher des litiges relatifs à l’environnement, elle aura de plus en plus souvent à apprécier des éléments de preuves scientifiques complexes. Il lui sera donc parfois difficile de parvenir à une conclusion sans s’aider d’expertises.
Revenant sur l’avis consultatif du 20 juillet 2010, concernant la Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, une question posée par l’Assemblée générale, le Président a indiqué que la procédure a revêtu un caractère véritablement universel et représenté, compte tenu de l’implication de nombreux États Membres, une forme importante d’interaction entre l’Assemblée générale et la Cour.
La CIJ a conclu que la déclaration d’indépendance du Kosovo, adoptée le 17 février 2008, n’avait pas violé le droit international, relevant qu’il ressortait clairement de la pratique des États depuis le XVIIIe siècle que « le droit international n’interdisait nullement les déclarations d'indépendance ».
Elle a aussi conclu qu’aucune interdiction générale des déclarations d’indépendance ne pouvait être déduite des résolutions du Conseil de sécurité invoquées par certains États, puisque ces textes portaient sur des situations particulières dans lesquelles la déclaration d’indépendance s’inscrivait dans le contexte d’un recours illicite à la force ou d’une violation d’une norme de jus cogens.
La Cour a précisé que la déclaration d’indépendance ne violait pas la résolution 1244 du Conseil parce que cette dernière était muette sur le statut final du Kosovo alors que la déclaration constituait une tentative de déterminer ce statut. Il s’agit donc de deux textes différents. En outre, la résolution 1244 n’impose que des obligations très limitées aux acteurs non étatiques et aucune de ces obligations n’emporte une interdiction générale pour le Kosovo de déclarer son indépendance. La déclaration d’indépendance n’émanant pas des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo, ses auteurs n’étaient pas liés par le cadre constitutionnel établi en vertu de la résolution 1244.
Citant d’autres affaires, M. Owada s'est réjoui que la communauté internationale continue de faire confiance à la Cour pour régler des différends juridiques de nature très diverse, comme en atteste le nombre des affaires inscrites au rôle de la Cour; 16 affaires étant actuellement en instance auxquelles participent une trentaine d'États. Le Président a estimé que l’on peut dire sans exagération que le droit pénétrait aujourd’hui tous les aspects des activités de l’ONU du maintien de la paix et de la sécurité, à la protection des droits de l’homme, en passant par la lutte contre la pauvreté et la protection de l’environnement, y compris la question des changements climatiques.
Il a exprimé sa gratitude à l’Assemblée générale pour sa décision de doter la Cour de nouveaux postes de juristes adjoints. La Cour va ainsi pouvoir traiter un nombre d’affaires accru, tout en élevant encore son niveau de collégialité et de confidentialité. M. Owada a conclu en espérant que les États Membres continuent de témoigner leur confiance à la Cour, notamment en acceptant sa juridiction, soit par le dépôt de la déclaration prévue à l’article 36 du Statut, soit en signant les traités qui contiennent une clause compromissoire attribuant compétence à la Cour.
Déclarations
M. ANDERS RÖNQUIST (Suède), au nom des pays nordiques, a estimé que la soumission d’un différend à la CIJ ne devait pas être considérée comme un acte hostile, mais comme le témoignage de l’obligation des États de résoudre leurs différends de manière pacifique. Il a donc appelé les États qui ne l’ont pas encore fait à reconnaître la compétence de la Cour, en se félicitant de ce que cette question ait été évoquée, cette semaine, à une réunion de conseillers juridiques qui s’est également penchée sur la possibilité de réexaminer les réserves à l’article 36 du Statut de la CIJ.
M. Rönquist a souligné la nécessité d’accorder à la Cour les ressources dont elle a besoin. C’est la raison pour laquelle, a-t-il indiqué, certains pays nordiques ont contribué au Fonds d’affectation spéciale visant à aider les États à saisir la Cour. Il s’est félicité des initiatives de la Cour pour rationnaliser ses méthodes de travail et pour améliorer son site Web.
M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande), parlant également au nom de l’Australie et du Canada (CANZ), a souligné, à son tour, que la quantité et la diversité des différends soumis à la Cour montrent l’importance que les États Membres lui accordent. Notant que moins de la moitié des États parties ont reconnu la compétence de la Cour, le représentant a souligné que plus cette compétence sera reconnue, plus la Cour aura du temps à consacrer à l’examen du fond des affaires plutôt que de perdre du temps sur les objections faites à sa compétence. Le CANZ, a-t-il conclu, est satisfait des efforts considérables de la Cour pour améliorer son efficacité et réduire les retards accumulés dans le traitement de ses affaires.
M. LESLIE KOJO CHRISTIAN (Ghana) a déclaré, en tant que Président du Comité spécial d’assistance technique pour favoriser l'enseignement, l’étude, la diffusion et une compréhension plus large du droit international, que le Ghana attache une grande importance à la nécessité d’une approche plus holistique en la matière et juge nécessaire de donner plus de ressources à la Division de la codification du Bureau des affaires juridiques et la Commission du droit international. Cela implique d’accroître les ressources des Rapporteurs spéciaux de la CIJ, à la vidéothèque sur le droit international et au Fonds d’affectation spéciale. L’accès à ce Fonds devrait d’ailleurs être moins restrictif, a plaidé le représentant. Il s’est à son tour félicité de l’amélioration des méthodes de travail de la Cour, en particulier de programmes tels que la réunion des conseillers juridiques des États Membres.
M. SHIGEKI SUMI (Japon) s’est dit particulièrement impressionné par le vaste éventail des États qui cherchent à régler pacifiquement leur différend en saisissant la Cour. La variété des sujets examinés montre le rôle important de la CIJ, a-t-il insisté, avant de saluer le travail sur la conformité au droit international de la déclaration unilatérale de l’indépendance du Kosovo. Il a conclu en assurant de la disposition de son pays à contribuer à l’efficacité de la Cour.
M. JOEL HERNANDEZ (Mexique) a noté que parmi les 17 affaires que la Cour a examinées, au cours de la période considérée, cinq touchaient des pays de l’Amérique latine et des Caraïbes, ce qui montre l’engagement de la région en faveur du droit international et du règlement pacifique des différends. Prenant pour exemple le différend soumis à la Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins, M. Hernandez a jugé que l’avis de la CIJ que certains États ont saisie pouvait enrichir le travail de la Chambre comme des autres cours internationales. L’existence de plusieurs juridictions internationales, a-t-il dit, ne conduit pas nécessairement à la fragmentation du droit international. Elle peut, au contraire, ouvrir la voie à un dialogue interjuridictions qui a l’énorme potentiel de renforcer le droit international.
M. KIM HYUNG-JUN (République de Corée) a estimé que la CIJ peut servir d’ancre pour l’harmonisation du système judiciaire international. Le représentant a espéré que dans l’affaire de la chasse à la baleine dans l’Antarctique (Autriche c. Japon), la Cour suggèrera des normes raisonnables fondées sur le principe de précaution judiciaire pour interpréter les conventions et obligations internationales relatives à la protection des mammifères et de l’environnement marins. Il a aussi espéré que dans l’affaire sur l’immunité juridictionnelle des États (Allemagne c. Italie), la Cour offrira des directives judiciaires pour le règlement de malheureux griefs historiques. Il est essentiel, a-t-il dit, de se réconcilier avec le passé en consolant les gens et en les indemnisant. M. Kim s’est aussi félicité des efforts déployés par la CIJ pour améliorer l’efficacité de son travail, avant d’appeler les États à ne pas oublier leurs contributions.
Mme SOHA GENDI (Égypte) a estimé qu’il faudrait envisager la possibilité pour la Cour d’examiner la légalité de l’empiètement de certains organes principaux des Nations Unies sur les prérogatives d’autres organes, plus démocratiques et plus représentatifs par nature. Mme Gendi a aussi appelé à l'établissement d'un mécanisme au sein des Nations Unies pour suivre, à la demande des principaux organes de l’ONU, l’état de mise en application par les États concernés des décisions de la Cour et les dommages causés par leur non-exécution. Le mécanisme pourrait aussi, a-t-elle ajouté, adopter des modalités pour indemniser les États, à l’instar de ce qui a été fait pour évaluer les dégâts causés par la construction du mur.
M. LIBRAN N. CABACTULAN (Philippines) s’est félicité des mesures prises par la CIJ pour maintenir le niveau de ses activités, comme la réévaluation constante de ses procédures et méthodes de travail. Il a appelé les États Membres à continuer de fournir des ressources suffisantes à la CIJ. Il a salué les efforts de cette dernière pour rendre ses décisions plus accessibles au public, grâce, notamment, à la réactualisation de son site Internet. M. Cabactulan a voulu que les principes de transparence et d’accessibilité ne soient pas respectés au détriment de la sécurité de la CIJ. Il a pris note de la demande de renforcer l’équipe de sécurité de la Cour, avant d’estimer que l’augmentation du nombre des affaires dont était saisie la CIJ est l’expression de la confiance en sa « suprématie juridique ».
M. GONZALO GUTIÉRREZ (Pérou) a relevé que, grâce à la qualité juridique de ses décisions et de son impartialité, la CIJ jouit d’une importante légitimité au sein de la communauté internationale. Ma délégation juge essentiel que la juridiction de la CIJ soit universellement acceptée, a-t-il indiqué. Il a évoqué l’importante charge de travail de la Cour ainsi que ses échanges avec la communauté juridique et les universités, notamment. Il s’est félicité des six nouveaux postes et de la modernisation des locaux et de l’équipement audiovisuel de la Cour. Il a cependant relevé que la demande en personnel chargé de la sécurité n’avait pas été satisfaite. Il a jugé important de permettre à la CIJ d’employer des personnes suffisamment compétentes pour assurer la sécurité de son réseau informatique. Il a ensuite engagé les États Membres à contribuer au Fonds d’affectation spéciale.
M. BASSIROU SENE (Sénégal) a rappelé que la Cour internationale de Justice, seule juridiction internationale à caractère général, constituait le principal maillon de l’ordre juridique international, dont les activités concourent à la promotion de la justice internationale. Le Sénégal a renouvelé sa confiance à la CIJ en reconnaissant sa compétence obligatoire. Le délégué s’est félicité du nombre élevé de requêtes soumises à la CIJ, qui reflète l’acceptation croissante de la primauté du droit dans le monde. Le travail de la Cour participe à la pacification des relations entre les États et contribue au respect de l’état de droit au niveau international. Pour toutes ces raisons, le Sénégal plaide pour que la CIJ soit dotée de moyens nécessaires à l’accomplissement correct de ses nobles missions. Notre Organisation devra également poursuivre ses efforts visant à aider les États Membres à soumettre leurs différends à la CIJ, a conclu M. Sene.
M. HASSAN ALI HASSAN ALI (Soudan) s’est félicité qu’un nombre croissant d’affaires soit soumis à la Cour, avant de souligner que le professionnalisme et l’impartialité des juges justifiaient pleinement la confiance qui leur était accordée par la communauté internationale. Le représentant a rappelé que les décisions de la Cour étaient rendues dans le respect du principe cardinal de la souveraineté des États. Il a également accueilli avec satisfaction le rapport du Secrétaire général sur le Fonds d'affectation spéciale, avant de lancer un appel pour qu'il soit davantage alimenté par les États Membres. Le représentant s'est dit convaincu que la Cour continuera de mener ses travaux en toute impartialité, afin de protéger, selon ses propres termes, « la légalité internationale de toute tentative de politisation ».
M. OCTAVIO ERRÁZURIZ (Chili) a déclaré que le travail de la CIJ était une contribution remarquable à l’amélioration des relations de paix et d’amitié entre les États, ainsi qu’au renforcement de l’ordre juridique international fondé sur le respect de l’état de droit. Il a relevé que la CIJ aura un travail considérable à faire, au vu, notamment des nombreux traités multilatéraux exigeant un règlement des différends ainsi que de la nécessité d’appliquer les mécanismes acceptés par les États dans leurs déclarations unilatérales ou dans des traités bilatéraux. Il a insisté sur le rôle de conseiller de la CIJ, avant de souligner qu’elle dispose de suffisamment de ressources. Il s’est par ailleurs félicité des efforts déployés par la CIJ pour rendre ses travaux plus accessibles au public. Le droit international s’en voit renforcé, a-t-il dit.
M. KIRILL GEVORVIAN (Fédération de Russie) a commenté l’avis consultatif rendu par la CIJ au sujet de la légalité de la déclaration d’indépendance du Kosovo. Il a rappelé que la résolution 1244 du Conseil de sécurité continuait d’être en vigueur, que le processus de détermination du statut final n’est pas finalisé et que les négociations doivent se poursuivre. Le représentant s’est ensuite penché sur l’affaire relative à l’application de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dont la Géorgie a saisi la Cour.
Il a relevé que pour que la compétence s’exerce, il faut qu’il y ait un différend sur l’interprétation de la Convention, lequel différend doit d’abord être porté à l’attention de l’organe de traité. Or, ni l’une ni l’autre de ces conditions n’a été remplie, a-t-il accusé. Le représentant a de plus nié l’existence d’un différend entre son pays et la Géorgie au sujet de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
La CIJ a été saisie par la Géorgie, à des fins politiques intentionnées, a dénoncé le représentant. C’est la première fois, s’est-il étonné, qu’une plainte soit déposée contre un État qui n’est pas partie à un différend. La Géorgie, a-t-il affirmé, n’a pas fait la moindre tentative de mettre un terme à la mission de maintien de la paix russe. Il a dit espérer que la CIJ tiendra compte de ces facteurs lorsqu’elle décidera de se saisir ou non de cette affaire. Sinon, elle risquerait d’envoyer un message négatif aux États participant à des missions de maintien de la paix et dont les activités peuvent être amenées à faire des entorses à la Convention, a-t-il averti.
M. BAJU BAN RYAN (Inde) a rappelé que la CIJ avait été établie pour sauver les générations futures du fléau de la guerre et régler les différends entre États par des moyens pacifiques. La Cour est le seul organe judiciaire dont la légitimité provient de la Charte des Nations Unies, et ses arrêts ont joué un rôle important dans l’interprétation et la clarification des règles du droit international ainsi que dans son développement et sa codification. De plus, a poursuivi le délégué, la CIJ a mis l’accent sur l’état de droit et le rôle du droit international dans les relations entre États, même si elles sont nécessairement politiques par nature. La CIJ a ainsi contribué de façon significative au règlement des différends entre États souverains. Les affaires dont s’est saisie la CIJ sont d’une grande diversité et concernent des pays d’Europe, d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, ce qui reflète son caractère universel. Afin de lui permettre de remplir sa mission, il est nécessaire, a conclu le délégué indien, qu’elle dispose de ressources adéquates.
M. DAREN TANG (Singapour) a passé en revue les avancées jurisprudentielles de l’année écoulée, la Cour ayant notamment précisé le recours juridictionnel aux mesures provisoires et participé à l’élaboration d’un droit international de l’environnement qui devrait gagner en importance à l’avenir. Le représentant s’est réjoui que la CIJ ait cherché à collecter toutes les vues des parties concernées lors de l’examen de la conformité au droit international de la déclaration d’indépendance du Kosovo, saluant également le grand nombre d’États ayant activement participé aux délibérations.
M. Tang, saluant les efforts de rationalisation menés au sein de la Cour afin notamment de purger le nombre d’affaires en attente, a également invité la Cour à permettre le début des procédures orales le plus rapidement possible après l’achèvement de la première phase des procédures écrites. Il a conclu en apportant son soutien aux demandes exprimées par la Cour pour la création de postes supplémentaires dans le domaine de la sécurité de la Cour; les menaces, notamment terroristes, n’ayant pas baissé d’intensité.
M. MARCELO BÖHLKE (Brésil) a noté que la Cour était un élément clef pour atteindre les objectifs de la Charte des Nations Unies. En résolvant les différends internationaux et en émettant des avis consultatifs, la CIJ renforce non seulement l’état de droit à une échelle globale mais elle contribue également au maintien de la paix et de la sécurité internationales. La CIJ a traité des affaires qui illustrent un vaste éventail de questions sensibles telles que la détermination des frontières territoriales et maritimes, les problèmes écologiques, l’immunité juridique des États, la violation de l’intégrité territoriale, la discrimination raciale et les violations des droits de l’homme.
Ces aspects du travail récent de la Cour montrent sa nature véritablement universelle, a poursuivi le délégué. Afin de maintenir la confiance dans cette Cour, les États parties se doivent de se soumettre aux décisions prises par cet organe, en accord avec la Charte. La délégation brésilienne, a conclu le représentant, salue les efforts consentis par la CIJ pour améliorer son efficacité à un moment où les affaires sont de plus en plus complexes. Elle note avec satisfaction que l’Assemblée générale a réagi positivement aux demandes de personnel faites par la CIJ et estime que la Cour doit disposer de toute l’assistance dont elle a besoin afin d’accomplir ses fonctions de façon rapide, efficace et impartiale.
M. BAYO OJO SAN (Nigéria) a indiqué que le recours croissant à la CIJ était une « démonstration claire » de la confiance que les États ont en elle et s’est félicité de l’engagement de la CIJ à renforcer son efficacité. Notant que seuls 66 pays avaient reconnu la compétence de la Cour, il s’est demandé comment des États peuvent à la fois créer la Cour, comme un organe principal de l’ONU, et en même temps fonder la reconnaissance de sa compétence sur une base volontaire et non obligatoire. L’exemple du Nigéria qui a accepté l’avis de la Cour dans l’affaire de la presqu’île de Bakassi mérite d’être répété, a-t-il estimé, en appelant la Cour à mettre en place des mécanismes plus efficaces pour suivre la mise en œuvre de ses décisions et évaluer la portée morale et juridique de ses avis consultatifs.
M. BRANIMIR ZAIMOV (Bulgarie) a rappelé que la Cour avait acquis une réputation d'impartialité et d’excellence juridique, répondant ce faisant aux exigences les plus élevées. Le représentant a rappelé que 16 affaires, impliquant des États dans toutes les parties du monde, étaient inscrites au rôle de la Cour; témoignant ainsi de son universalité. La charge de travail accrue peut être vue comme le signe de la confiance dont jouit la Cour au sein de la communauté internationale, a-t-il dit. Il a souligné la complexité juridique croissante des affaires traitées par la Cour, dont celles relatives aux immunités juridictionnelles des États, alors que se font jour des nouvelles préoccupations environnementales dont le droit international doit s'emparer. M. Zaimov a invité les États à adhérer à la déclaration de compétence obligatoire de la Cour avant de se féliciter de la nomination récente des deux seules juges de sexe féminin, premier pas vers un meilleur équilibre entre les sexes.
M. DIRE TLADI (Afrique du Sud) a, s’agissant de la « Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo », noté que l’avis de la Cour avait déçu ou, du moins, manqué d’impressionner de nombreux experts du droit international. Au lieu, comme l’attendaient certains, d’explorer les relations entre intégrité territoriale, droit à l’autodétermination et souveraineté, par exemple, la Cour a dit, sans aucune raison a priori, que le principe d’intégrité territoriale se limite aux relations entre États. La Cour aurait dû, a poursuivi le représentant, faire la lumière sur l’applicabilité du droit à l’autodétermination au-delà du contexte de colonialisme. Au lieu de cela, elle s’est cantonnée à une interprétation étroite de la question, d’une manière qui n’aide ni l’Assemblée générale ni la communauté internationale à répondre à la question de ceux qui l’ont saisie. Si la Cour a jugé inapproprié de donner un avis sur la vraie question posée, elle aurait dû se déclarer incompétente, comme l’a dit un de ses membres, le juge Bennouna.
M. SHALVA TSISKARASHVILI (Géorgie) est revenu sur la saisine par son pays de la CIJ pour qu’elle se prononce sur le non-respect par la Fédération de Russie de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La Fédération de Russie, a-t-il accusé, a orchestré un nettoyage ethnique et discriminé plusieurs citoyens géorgiens en les privant de leurs droits fondamentaux, y compris celui de revenir en toute sécurité dans deux régions géorgiennes. Le représentant a expliqué que le 13 septembre dernier, des audiences publiques avaient été organisées et que les délibérations sur la compétence de la Cour étaient actuellement en cours. La Cour, a-t-il poursuivi, est le dernier recours pour des milliers de Georgiens qui veulent retourner chez eux depuis près de deux décennies. Il y a bien un différend entre la Fédération de Russie et la Géorgie, a-t-il insisté, et la CIJ est le meilleur recours en la matière.
M. CARLOS ARGÜELLO (Nicaragua) a regretté que 66 États seulement reconnaissent la compétence obligatoire de la Cour, certaines des déclarations de reconnaissances contenant en outre des réserves qui vidaient la disposition de sa substance. Il a exhorté les États qui ne l'avaient pas encore fait à reconnaître cette compétence obligatoire. Le représentant a rappelé que depuis 26 ans le Nicaragua avait été partie prenante dans sept affaires qu’avait eu à trancher la Cour, témoignant en cela d’une profonde confiance dans la justice internationale. Il a également rappelé que le Nicaragua avait avancé en 1988, l’initiative, appuyée par le Mouvement des non-alignés, de proclamer une décennie du droit international pour que la Cour soit reconnue comme le mécanisme universel de règlement pacifique des différends, sans possibilité d’échapper à sa compétence. L’environnement depuis les années 80 ayant évolué, M. Argüello, a espéré que le principe de compétence obligatoire puisse être reconnu aujourd’hui.
M. HOLGER MARTINSEN (Argentine), se référant à la présentation faite par le Président de la Cour internationale de Justice concernant l’affaire « Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay », a fait noter que son pays avait commencé la procédure face à la violation, de la part de l’Uruguay, de ses obligations procédurales en vertu du statut du fleuve Uruguay de 1975. La Cour a estimé que l’Uruguay avait, de façon répétée, violé ce statut lorsqu’il a négligé d’informer la Commission administrative du fleuve Uruguay (CARU) de la construction des usines et du terminal portuaire. L’Argentine, a poursuivi le délégué, comprend que les questions complexes liées à l’environnement rendront nécessaire le recours par la Cour d’outils offerts par la résolution sur la pratique internet de la CIJ de 1976, mentionnée par le Président Owada. Il aurait été utile d’examiner les problèmes et les arguments techniques avec l’aide d’experts objectifs. Néanmoins, la délégation argentine souligne l’importance du dernier paragraphe de l’arrêt de la CIJ, qui met l’accent sur la coopération et la coordination entre les deux États parties. L’Argentine et l’Uruguay ont ainsi conclu des accords aux niveaux présidentiel et ministériel pour mettre en œuvre un Plan pour la surveillance continue du fonctionnement de l’usine Orion Botnia et ses effets sur le fleuve.
M. DIEGO MOREJON-PAZMIÑO (Équateur) a relevé qu’un tiers des affaires dont est saisie la CIJ venaient de pays d’Amérique latine et des Caraïbes, ce qui témoignait, selon lui, de leur confiance dans le droit international et de leur engagement à régler leurs différends de manière pacifique. Il a insisté sur le rôle consultatif de la CIJ, avant de convenir de la nécessité de lui fournir suffisamment de ressources. M. Morejon-Pazmiño a par ailleurs indiqué que sa délégation était satisfaite des efforts visant à assurer une plus large diffusion des travaux de la Cour.
Mme CATHERINE ADAMS (Royaume Uni) a estimé que les quatre nouvelles affaires dont est saisie la Cour soulignent la confiance que les États continuent à placer en elle. La charge de travail de la Cour ne semblant pas diminuer, le Royaume-Uni se félicite de la détermination constante de la Cour à améliorer son efficacité. Il serait utile à ce sujet de réfléchir à une réforme, de façon à ce qu’elle puisse continuer à traiter d’affaires de plus en plus complexes. La représentante a insisté sur le fait que le rôle de la CIJ serait renforcé si plus d’États acceptaient sa compétence. Concernant l’avis consultatif sur la « Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo », le Royaume-Uni ne conteste pas que la résolution 1244 reste en vigueur. Toutefois, a précisé la représentante, il ne partage pas la position de certaines délégations sur l’avis de la CIJ. Nous nous félicitons de la conclusion de la Cour affirmant que la déclaration d’indépendance n’a pas violé le droit international, a rappelé la représentante.
Droit de réponse
Réagissant à l’intervention du Royaume-Uni, la représentante de la Serbie, a indiqué que dans son avis consultatif, la Cour internationale de Justice (CIJ) avait souligné que son opinion ne traitait pas des conséquences juridiques de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, ni de la validité de la reconnaissance de cette indépendance par un État tiers. La CIJ, a ajouté la représentante, ne s’est pas non plus prononcée sur le mérite de déterminer si la déclaration d’indépendance avait donné lieu à la création d’un État. Elle a appuyé son argument sur le paragraphe 56 de l’avis consultatif et indiqué que la CIJ avait souligné le fait qu’il était possible qu’une déclaration unilatérale d’indépendance ne constitue pas une violation du droit international sans pour autant constituer l’exercice d’un droit conféré par cette dernière.
De plus, dans son avis consultatif, a poursuivi la représentante, la CIJ réaffirme également que la résolution 1244 du Conseil de sécurité et le Cadre constitutionnel du Kosovo promulgué par le Représentant spécial du Secrétaire général demeurent en vigueur. La représentante en a donc conclu que le Kosovo demeure un territoire soumis à l’administration internationale et dont le statut n’est pas déterminé.
RAPPORT DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Déclarations
M. SANG-HYUN SONG, Président de la Cour pénale internationale (CPI), a souligné que l’année écoulée a été riche en évènements avec la tenue de la première Conférence de révision du Statut de Rome, la délivrance d’un premier mandat d’arrêt pour crime de génocide, la première situation déférée devant la Cour à l’initiative du Procureur, l’ouverture d’un deuxième procès, la comparution volontaire de trois suspects et le premier refus de confirmation des charges à l’encontre d’un suspect. Il s’est réjoui que la Cour compte quatre nouveaux États parties, ce qui porte à 114 le nombre d’États ayant ratifié le Statut de Rome ou y ayant adhéré. En dépit de ces avancées, il reste d’importants obstacles à surmonter, en particulier en ce qui concerne la coopération des États.
En la matière, le Président s’est réjoui de l’arrestation par les autorités françaises, il y a moins de trois semaines, de Callixte Mbarushimana, ressortissant rwandais, suspecté d’être responsable de nombreux crimes dans la région du Kivu, en RDC. Une arrestation, a-t-il dit, qui illustre parfaitement comment une collaboration multilatérale peut donner des résultats concrets au service de la justice internationale. Il a déploré que Bosco Ntanganda soit toujours en liberté, ce qui fait que huit personnes visées par des mandats d’arrêt n’ont toujours pas été arrêtées.
Il a notamment regretté qu’Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, pourtant visé par deux mandats d’arrêt, ait pu se rendre au Kenya et au Tchad. Le renvoi de cette question au Conseil de sécurité et à l’Assemblée des États parties souligne, selon M. Song, la vocation purement judiciaire de la CPI qui est préservée par la possibilité qu’elle a de saisir des organes politiques compétents de toute question susceptible de présenter des implications politiques.
M. Song a insisté sur l’aide aux victimes apportée par la Cour, via notamment le Fonds au profit des victimes, qui permet d’agir à un stade très précoce en faveur des victimes. Le Président a estimé, en conséquence, que le Fonds méritait un soutien financier renouvelé de la part des États Membres.
M. Song a ensuite regretté qu’une partie non négligeable de la population mondiale ne bénéficie toujours pas des protections offertes par la CPI, 114 États seulement ayant choisi d’adhérer au Statut. 2012, avec l’élection d’un nouveau procureur et de six juges, sera l’occasion pour ces États de « monter à bord et de contribuer à fixer le cap », d’autant plus, s’il y avait des craintes, que ce sont les juridictions pénales nationales qui sont et resteront responsables au premier chef de la poursuite des responsables présumés de crimes internationaux. M. Song a conclu en espérant que la dynamique favorable créée à l’occasion de la Conférence de révision du Statut de Rome ne s’épuisera pas.
M. JAN GRAULS (Belgique) au nom de l’Union européenne, s’est inquiété du nombre des exactions qui continuent d’être commises, notamment à l’égard des femmes et des enfants dans des pays de situation de la CPI. Il a rappelé, à cet égard, un des principes fondamentaux du Statut de Rome qui est celui de la complémentarité; la Cour ne pouvant exercer sa compétence que si un État ne peut ou ne veut l’exercer. Venant à la non-exécution des mandats d’arrêt, il a rappelé que la résolution 1593 du Conseil de sécurité impose au Soudan, État non partie, des obligations de coopération avec la Cour. Préoccupé par les difficultés soulevées par certains États parties quant au respect de leurs obligations, le représentant a souligné que sans une lutte commune de tous les acteurs de la communauté internationale, des États parties et non parties, les objectifs du Statut de Rome et les buts et principes de la Charte resteront inachevés. Les bourreaux continueront de vivre en toute impunité et les victimes ne pourront que continuer à espérer que justice soit faite, a-t-il accusé.
M. LAZAROUS KAPAMBWE (Zambie) a, concernant le fait que les quatre situations nouvelles dont est saisie la Cour concernent des pays africains, souligné que cet état de fait ne donne pas une image négative du continent. Bien au contraire, il illustre le grand respect de ces États pour la promotion et la protection de l’état de droit. Le délégué a cependant noté les plaintes, formulées par certains responsables africains, selon lesquels la Cour cible l’Afrique de manière injuste. La visite du Président soudanais dans deux États parties ne doit pas faire oublier le fait que les gouvernements africains sont activement derrière la Cour et qu’ils étaient particulièrement engagés dans la création de la CPI. L’Afrique compte à ce jour le plus grand nombre d’États parties à la Cour, a souligné le représentant.
Cependant, a noté M. Kapambwe, nous devons garder à l’esprit que les préoccupations de l’Union africaine vis-à-vis de la CPI concernent l’inaction du Conseil de sécurité sur la question du report de l’affaire concernant le Président Al-Bashir. Même les officiels qui soutiennent fortement la CPI s’inquiètent du fait que le Conseil de sécurité ait manqué de respect à l’Union africaine en négligeant de répondre, de façon positive ou négative, à cette demande de report. Seule une résolution de cette question peut faciliter la coopération entre l’Union africaine et la CPI, a conclu le délégué. Concernant le système de recrutement à la CPI, il a souligné que la sélection du personnel ne devrait pas être influencée par la taille des contributions des États puisque la Cour est une institution indépendante.
M. EDEN CHARLES (Trinité-et-Tobago), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) a souhaité qu’à la prochaine révision de 2015, l’article 124 du Statut, selon laquelle un État peut refuser pendant sept ans, la compétence de la Cour, soit supprimé compte tenu de son anachronisme et de la réserve qu’il constitue en réalité. M. Charles s’est par ailleurs félicité que le Statut offre désormais une définition du crime d’agression, ce qui illustre l’esprit de compromis et l’« humeur » de la communauté internationale.
M. KEITH MORRILL (Canada), parlant également au nom de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande (CANZ) a accueilli favorablement l’arrestation, par les autorités françaises, de Callixte Mbarushimana, ainsi que la coopération dont a fait preuve la République démocratique du Congo (RDC). Il a qualifié d’alarmante la situation dans l’est de la RDC. Le recours à la violence sexuelle comme arme de guerre et comme outil systématique d’intimidation et de contrôle des populations locales doit cesser, a-t-il plaidé, tout en insistant sur la responsabilisation pénale des auteurs, des planificateurs et des coordonnateurs des crimes. Après s’être félicité de l’arrestation de Sadoke Kokunda Mayele en RDC, M. Morrill a incité la RDC à intensifier sa coopération avec l’ONU et la CPI.
Il a néanmoins regretté que le mandat d’arrêt à l’endroit de Bosco Ntaganda fût toujours en suspens, tout comme les quatre mandats d’arrêt à l’endroit des chefs de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Le représentant a ensuite évoqué les mandats émis dans la situation du Darfour à l’endroit d’Ahmad Harun, d’Ali Kushayb et du Président Omar Al-Bashir. Il a engagé les États Parties à coopérer avec la CPI dans l’exécution de ces mandats. L’instance légitime devant laquelle il faut contester les accusations est la Cour elle-même et non l’instance politique, a-t-il estimé.
M. PARK IN-KOOK (République de Corée) a observé que la CPI est sortie de l’enfance et se trouve engagée dans une ère de développement de pleine envergure. Concernant la RDC, il a espéré que la CPI pourra continuer la procédure dans l’affaire Lubanga comme dans les autres. En ce qui concerne la situation au Darfour, la coopération internationale est encore nécessaire, malgré les résolutions du Conseil de sécurité, a-t-il dit, en insistant sur l’importance de la volonté politique dans l’avancement des travaux. Il a félicité la CPI pour son assistance au Tribunal spécial pour la Sierra Leone. Malgré les frustrations et le scepticisme, la CPI a été créée pour incarner les espoirs de la communauté internationale, a-t-il conclu.
M. SHIGEKI SUMI (Japon) a d’abord insisté sur la complémentarité de la Cour et sur l’importance de la coopération des États pour l’exécution des mandats d’arrêt. M. Sumi a ensuite souhaité une amélioration de l’efficacité de la Cour, en demandant des éclaircissements sur la responsabilité des différents organes de la Cour, la relation entre la Cour et l’Assemblée des États parties, et sur la procédure judiciaire de la Cour. Le représentant a ensuite voulu que les amendements à apporter au Statut après la définition du crime d’agression ne donnent pas lieu à des ambigüités, compte tenu de la nature de la justice pénale internationale qui exige une « rigueur juridique stricte ». M. Sumi, insistant sur l’importance d’une ratification universelle du Statut de Rome, a invité tous les États Membres à adhérer au Statut, et particulièrement en Asie où le nombre d’États parties est beaucoup moins élevé que dans d’autres régions. À cette fin, le Japon a organisé en mars, en Malaisie, et de concert avec la Malaisie et l’Organisation juridique consultative pour les pays d’Afrique et d’Asie (AALCO), une table ronde d’experts au cours de laquelle le Japon, le Kenya et la Corée du Sud ont pu partager leur expérience d’États parties avec des États qui ne le sont pas.
Mme SOHA GENDI (Égypte) a rappelé que le principe de souveraineté des États postulait que nul État n’avait à se conformer aux dispositions d’un traité, y compris le Statut de Rome, sauf s’il l’avait expressément décidé. Elle a ensuite pris acte des avancées enregistrées lors de la Conférence de révision du Statut de Rome, avec notamment la définition du crime d’agression, rendue nécessaire par les développements en cours sur la scène internationale. Elle a estimé que la Cour pourrait tirer parti des débats de la Commission du droit international sur l’immunité des responsables gouvernementaux devant les juridictions pénales. La Cour, a-t-elle poursuivi, devrait adopter une politique qui accentue sa nature judiciaire et éviter de politiser ses travaux.
Elle a souligné l’importance d’une stricte adhésion de la Cour aux principes de transparence. La Cour, a-t-elle dit, devrait bannir le recours à des listes confidentielles des noms des accusés. Elle a également souhaité que les méthodes d’enquête de la Cour soient améliorées pour que la véritable teneur des crimes puisse être démontrée. Ces précautions doivent être appliquées quand il s’agit de l’examen des affaires africaines afin de dissiper cette impression qui veut que tous les crimes contre l’humanité soient commis en Afrique.
La représentante s’est également dite préoccupée par les implications du mandat d’arrêt contre le Président du Soudan, au regard notamment de la fragilité du processus de paix dans ce pays. Elle a ainsi appelé le Conseil de sécurité à surseoir à la procédure en cours devant la CPI. Mme Gendi a invité le Procureur de la Cour, pour éviter toute politisation de ses travaux, à enquêter sur les crimes contre l’humanité commis dans les territoires palestiniens occupés, à la lumière notamment des recommandations formulées dans le rapport de la Mission d’enquête des Nations Unies sur le conflit à Gaza.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a indiqué que son pays a déjà décidé de ratifier les amendements décidés à Kampala et espère que de nombreux autres États feront de même. Pour le Liechtenstein, les crimes traités par la CPI sont inextricablement liés aux situations de conflit armé ou politique, et sont sujets à des opinions fortes et controversées de la part de ceux qui sont affectés. Mais ce fait ne doit pas nous distraire du consensus de base, à savoir qu’il ne peut y avoir d’impunité pour les pires crimes au niveau international. Nous soutenons tous ce principe, même s’il est difficile de l’appliquer dans la pratique, a déclaré le délégué.
Parmi les engagements pris dans la Déclaration de Kampala, le domaine de la complémentarité est celui dans lequel le plus grand nombre de progrès peut être fait, a-t-il estimé. La CPI a déjà eu un rôle de catalyseur qui a renforcé les compétences nationales, comme l’a montré la RDC. Les efforts de la multitude d’acteurs internationaux doivent être renforcés et mieux coordonnés sous la direction du Groupe de coordination et de conseil sur l’état de droit. La coopération est un autre domaine où des progrès peuvent et doivent être faits, a noté le délégué, qui a salué la coopération d’États tels que la RDC.
Mais, M. Wenaweser s’est déclaré préoccupé par le manque de soutien aux activités de la CPI dans d’autres situations, notamment dans l’enquête autorisée par le Conseil de sécurité sur le Darfour. Ce manque de coopération représente un obstacle à l’autorité du Conseil et défie les obligations juridiques des États parties au Statut de Rome. Aucun État partie ne peut se dérober à ces obligations et nous espérons que les États parties engageront un dialogue constructif sur les moyens d’améliorer la coopération à tous les niveaux, a conclu le délégué.
M. EBENEZER APPREKU (Ghana) a salué la « qualité historique » de la Conférence de Kampala et a estimé que les défis consisteront à s’assurer d’une compréhension commune des amendements agréés sur le crime d’agression, y compris le rôle du Conseil de sécurité en la matière. Il a souligné que si les auteurs de crimes graves doivent être traduits en justice, il importe tout autant de répondre aux causes principales des conflits et de renforcer le respect de l’état de droit en vue de prévenir les conflits violents qui ont tendance à nourrir les crimes que le Statut de Rome est censé prévenir ou punir. Le représentant a également évoqué l’importance de promouvoir l’universalité du Statut ainsi qu’une coopération internationale efficace dans le but de renforcer la lutte contre l’impunité. Il a dit espérer que les obstacles entravant l’ouverture d’un bureau de liaison de la CPI à Addis-Abeba ainsi qu’une plus grande coopération entre la Cour et le continent africain seraient bientôt surmontés.
M. JOEL HERNANDEZ (Mexique) s’est félicité que le Statut de Rome compte désormais 114 États parties, preuve claire de l’universalisation de cette Cour. Si la Conférence de Kampala peut être considérée comme un succès en soi, elle doit surtout être vue comme le commencement d’un processus d’évaluation permanent du système judiciaire international. Il revient maintenant aux États parties de mettre en pratique les résultats de Kampala, a déclaré le délégué, qui a ajouté que le Statut de Rome ne sera pas complet tant que l’usage d’armes nucléaires ne sera pas classifié comme un crime de guerre.
Malgré les grands efforts consentis par les juges de la CPI, il reste encore beaucoup à faire. Des mandats d’arrêt doivent encore être exécutés et les obstacles sur le terrain sont innombrables. Nous ne devons pas oublier que la Cour ne sera capable d’exercer son mandat que si la communauté internationale coopère de façon efficace. Le Mexique est d’avis que la non-coopération constitue une violation du Statut de Rome et, dans certains cas, de la Charte des Nations Unies. C’est pourquoi la non-coopération devrait être suivie de mesures fortes par l’Assemblée des États parties et, dans certains cas, par le Conseil de sécurité. Enfin, il est temps, presque 10 ans après la création de cette Cour, d’examiner son fonctionnement institutionnel. Nous devons améliorer la gouvernance de cette Cour et renforcer son cadre institutionnel et son indépendance.
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