Lutte contre la piraterie: les États Membres reconnaissent la nécessité de renforcer la coopération internationale pour éradiquer ce fléau
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Assemblée générale
Réunion informelle de la Plénière
sur la piraterie
matin & après-midi
LUTTE CONTRE LA PIRATERIE: LES ÉTATS MEMBRES RECONNAISSENT LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LA COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR ÉRADIQUER CE FLÉAU
« Le retour à la stabilité en Somalie permettra d’améliorer la situation en mer », estime M. Ban Ki-moon
Les délégations ont reconnu aujourd’hui la nécessité de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre la piraterie, en particulier au large des côtes somaliennes où, en 2009, a été perpétrée la majorité des 406 attaques recensées par l’Organisation maritime internationale (OMI).
Réunis à l’occasion d’une réunion informelle de l’Assemblée générale, les États Membres ont entendu l’appel du Secrétaire général de l’ONU, qui a souligné que pour éradiquer le fléau de la piraterie, il faut, « comme le demandent la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et les six résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, accroître la coopération internationale et résoudre le problème en Somalie même ».
« Le retour à la stabilité dans le pays permettra sans nul doute d’améliorer la situation en mer », a en effet déclaré M. Ban Ki-moon, insistant également sur la nécessité de traduire en justice les auteurs d’actes de piraterie.
Sur ce dernier point, le Ministre kényen du commerce, M. Amos Kimunya, qualifiant la piraterie de problème « qui se transforme chaque année et qui aura à l’avenir des incidences considérables sur le commerce maritime international et la sécurité humaine », a rappelé qu’en tant que pays voisin de la Somalie et qu’« État responsable », le Kenya entreprend tous les efforts nécessaires pour poursuivre et emprisonner les auteurs d’actes de piraterie.
« Mais cet effort doit être partagé », a affirmé M. Kimunya, qui a déploré le manque d’appui de la communauté internationale pour aider son pays à réduire les risques que posent ces activités illicites en mer, qui « ont des répercussions sur la situation politique et sociale des pays de la région ».
Conformément à la résolution 1918 (2010) du Conseil de sécurité, le Kenya et les Seychelles servent de centres régionaux pour les poursuites judiciaires des pirates. C’est pourquoi, M. Kimunya a exhorté les États Membres à mettre pleinement en œuvre les dispositions de ce texte qui demande le renforcement des institutions concernées de ces deux pays.
« La piraterie est un problème pour la sécurité de toute la région », a constaté à son tour M. Abdurahman Ibrahim, Vice-Premier Ministre et Ministre de la pêche et des ressources marines de la Somalie.
Attirant l’attention sur le fait que le problème menace l’environnement dans la mesure où certains navires attaqués transportent des produits chimiques et du pétrole, le Vice-Premier Ministre a invité la communauté internationale à réfléchir à des sources alternatives de revenus pour les pêcheurs. Il a aussi demandé le soutien au Gouvernement fédéral de transition dans les domaines de la formation des gardes-côtes et du partage d’informations sur la criminalité dans la région.
La réunion a ensuite donné lieu à trois Tables rondes, consacrées respectivement aux aspects juridiques de la piraterie, au cas particulier de la Somalie et au caractère mondial de la piraterie.
Lors de la discussion sur la situation en Somalie, les intervenants ont mis l’accent sur la nécessité de s’attaquer aux causes sous-jacentes au phénomène de la piraterie dans le Golfe d’Aden et au-delà.
Le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Antonio Maria Costa, a estimé qu’il est impératif de neutraliser les facteurs contextuels propices à la survenue d’actes de piraterie.
« Une partie de la solution réside dans le renforcement des infrastructures nationales de sécurité côtière et juridiques pour permettre à l’armée somalienne de patrouiller en haute mer et aux autorités en place de faire respecter l’état de droit », a-t-il assuré. Selon M. Costa, il est également urgent de lutter contre le blanchiment d’argent pour mettre hors d’état de nuire ceux « qui profitent encore plus de la piraterie que les pirates eux-mêmes ».
Le Chef de l’ONUDC a par ailleurs estimé qu’il est impossible de s’attaquer à la piraterie sans appréhender parallèlement les formes de criminalité organisée connexes que sont le trafic d’armes, de carburants, de migrants, d’enfants et de la drogue, 40 tonnes d’héroïne passant chaque année par la corne de l’Afrique. « La communauté internationale doit consentir plus d’efforts en faveur de la consolidation et du maintien de la paix en Somalie en renforçant les capacités et le mandat de l’AMISOM », a-t-il dit.
Clôturant la réunion, Mme Byrganym Aitimova, Représentante permanente du Kazakhstan auprès des Nations Unies et vice-présidente de l’Assemblée générale, au nom du Président de l’Assemblée générale, M. Ali Abdussalam Treki, a déclaré qu’au sujet de la Somalie, les discussions avaient mis en exergue le fait que la piraterie au large des côtes de ce pays n’est qu’un symptôme d’une situation humanitaire, sécuritaire et politique complexe. « C’est pourquoi, il est absolument nécessaire d’aider la Somalie à appréhender efficacement ces défis et à retrouver une stabilité durable », a-t-il déclaré.
À cette fin, M. Treki a préconisé d’améliorer le niveau de coordination des différentes stratégies de lutte contre la piraterie, « non seulement pour combattre ce phénomène en mer mais aussi et surtout pour mieux résoudre ses causes profondes ». Il a considéré que les Nations Unies auront un rôle central à jouer pour harmoniser les réponses multilatérales à la piraterie.
Déclarations liminaires
M. ALI ABDUSSALAM TREKI, Président de la soixante-quatrième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, a souligné la complexité de la piraterie, qui a des aspects et des conséquences sur les plans politique, juridique, économique et social. Il a cité en particulier les effets déstabilisateurs de la piraterie sur la sécurité, la stabilité et le commerce, aux niveaux national, régional et international. En 2009, a-t-il précisé, les pirates ont attaqué 217 navires ayant donné lieu à 47 prises d’otages et au paiement de rançons d’un montant total de plus de 60 millions de dollars. Le problème de la piraterie en Somalie réside dans l’insécurité, l’instabilité et l’absence d’autorité gouvernementale, a-t-il ajouté. Ces dernières années, a rappelé M. Treki, les Nations Unies ont mené des actions destinées à renforcer le Gouvernement fédéral de transition de la Somalie, en vue d’améliorer la sécurité dans ce pays. Le Conseil de sécurité a aussi autorisé des mesures de lutte contre la piraterie au large des côtes de la Somalie et créé à cette fin un Groupe de contact sur la piraterie. En outre, a-t-il ajouté, le Conseil de sécurité a adopté une résolution sur la question, le 27 avril dernier.
Malgré ces efforts, de nouveaux incidents ont lieu au large des côtes de la Somalie, a déploré le Président de l’Assemblée générale, faisant remarquer combien la souveraineté, la sécurité et l’économie du pays en souffrent. C’est pourquoi, il est urgent d’adopter des stratégies coordonnées, non seulement pour combattre la piraterie mais aussi pour s’attaquer aux facteurs complexes qui l’encouragent et laissent les crimes impunis en Somalie, au nord-ouest de l’océan Indien et en haute mer de façon générale. Le Président a appelé à adopter une approche holistique en Somalie, soulignant que c’est au pays qu’il incombe en premier lieu de mener cette lutte. La communauté internationale doit cependant soutenir les efforts de la Somalie, a-t-il demandé, avant de saluer l’appui offert par l’Union africaine, la Ligue des États arabes et l’Union européenne. Il faut maintenant passer à une dimension plus large pour coordonner les efforts internationaux, a-t-il dit. Le Président a appelé le Conseil de sécurité à adopter des mesures vigoureuses en faveur du maintien de la paix et de la stratégie de consolidation de la paix en Somalie, avec l’appui de l’Assemblée générale.
M. ABDURAHMAN IBRAHIM, Vice-Premier Ministre et Ministre de la pêche et des ressources marines de la Somalie, a rappelé les problèmes de taille auxquels la Somalie avait dû faire face après la chute du pouvoir central, précisant que les ressources naturelles du pays étaient mal gérées par les seigneurs de la guerre et les hommes d’affaires corrompus, les ressources marines pillées et les eaux territoriales souillées par les déchets déversés par les navires étrangers. Il en résulte que les récifs coralliens de la Somalie ont disparu et que les homards et le thon sont en voie d’extinction. Le Vice-Premier Ministre a ajouté que les pêcheurs étrangers pratiquaient la pêche de façon illégale dans les eaux territoriales de la Somalie, ce qui a de graves conséquences pour les pêcheurs somaliens. Tout ceci a créé un ressentiment chez les Somaliens qui, après la chute du Gouvernement central, a conduit notamment à la piraterie. Les pirates somaliens reconnaissent que leurs actions sont contraires aux valeurs du pays, mais ils les justifient par les problèmes qui ravagent le pays et par leurs besoins d’argent.
La piraterie est un problème pour la sécurité de toute la région, a poursuivi le Vice-Premier Ministre, signalant que la voie de navigation au large de ses côtes est extrêmement fréquentée. La piraterie pose aussi des problèmes à l’environnement, car certains navires transportent des produits chimiques et du pétrole. Les risques d’incendie de leurs cargaisons posent, dans une telle situation, un risque majeur. C’est pourquoi, le Vice-Premier Ministre a appelé la communauté internationale à réfléchir aux causes profondes de la piraterie et à trouver des sources alternatives de revenus pour les pêcheurs. Il a aussi souhaité le rétablissement des institutions chargées du maintien de l’ordre, notamment les gardes-côtes, et la mise en place de réseaux pour l’échange des informations sur la criminalité organisée. La marine marchande doit également être encadrée par des services de sécurité, a-t-il dit. Le Vice-Premier Ministre a appelé la communauté internationale à appuyer le Gouvernement fédéral de transition dans la lutte contre la piraterie en lui fournissant les moyens nécessaires à la mise en place de forces de sécurité côtière. Elle doit aussi aider le Gouvernement à déterminer l’impact des déches toxiques déversés dans les eaux territoriales somaliennes, a-t-il demandé.
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, rappelant que la Convention sur le droit de la mer est la base juridique des efforts de l’ONU en matière de lutte contre la piraterie, a salué la rapidité de la réponse de la communauté internationale dans la corne de l’Afrique. Des navires ont été déployés, un groupe de contact et un fonds ont été mis en place et la justice pénale est appliquée au Kenya et aux Seychelles, a-t-il souligné. Pourtant, les attaques continuent, a-t-il constaté, citant les statistiques de l’Organisation maritime internationale selon lesquelles 406 attaques ont été menées en 2009 et 746 membres d’équipage ont été pris en otage ou kidnappés.
M. Ban Ki-moon a précisé que le plus grand nombre d’incidents s’étaient produits au large des côtes de l’Afrique de l’Est, « où, pas plus tard qu’il y a deux jours, un navire grec avec 23 personnes à bord a été saisi ». Il a expliqué que la présence de patrouilles internationales au large des côtes de la Somalie pousse les pirates à se déplacer plus à l’intérieur de l’océan Indien. La piraterie a des conséquences très néfastes sur le tourisme et la pêche dans la région, elle affecte la qualité de vie des Somaliens, provoque l’inflation du prix des denrées alimentaires et complique la fourniture de l’aide et des équipements à l’AMISOM, a indiqué le Secrétaire général.
M. Ban a ensuite estimé que pour lutter efficacement contre le fléau de la piraterie, il faut renforcer la coopération internationale, comme le demandent la Convention sur le droit de la mer et les six résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il a également souligné que la partie ne peut pas être gagnée « qu’en mer ». Le problème doit être résolu en Somalie même, a-t-il jugé, la Conférence d’Istanbul sur la Somalie qui se tiendra à la fin du mois ayant ainsi pour but de trouver une issue à l’insécurité et à l’instabilité qui règnent dans le pays. Le retour à la stabilité permettra sans nul doute d’améliorer la situation en mer, a-t-il dit avant d’insister sur la nécessité de poursuivre et traduire en justice les auteurs d’actes de piraterie.
Sur ce dernier point, il a salué le rôle de l’ONUDC dans le renforcement des systèmes de justice pénale des États Membres concernés, outre le Kenya et les Seychelles. Le Secrétaire général, qui s’est de plus dit encouragé par la signature par 14 États du Code de conduite de Djibouti sur la répression de la piraterie, a annoncé que conformément à la résolution 1918 du Conseil de sécurité, il préparait un rapport proposant diverses options pour juger et détenir les pirates. Le phénomène de la piraterie, a souligné M. Ban, doit être appréhendé dans le contexte plus vaste de la sécurité maritime, car plusieurs questions interviennent, comme « le trafic d’êtres humains, la contrebande, la criminalité organisée et le blanchiment d’argent ».
Avant de conclure, le Secrétaire général a salué l’action coordonnée de l’Union européenne, de l’OTAN, d’INTERPOL, de l’AMISOM, de l'Autorité intergouvernementale pour le développement, de l’Union africaine, de la Ligue des États arabes, et des institutions des Nations Unies, grâce à laquelle le nombre des attaques a baissé. Il a aussi félicité le Gouvernement fédéral de transition de la Somalie et les autorités régionales du Somaliland et du Puntland d’avoir mis en place un mécanisme de coopération technique pour contrer la piraterie et sur la base duquel des solutions somaliennes doivent, a-t-il dit, être trouvées.
M. AMOS KIMUNYA, Ministre du commerce du Kenya, a qualifié la piraterie de problème complexe, « qui se transforme chaque année et qui aura à l’avenir des implications considérables sur le commerce côtier international et la sécurité humaine ». Il est impossible, a-t-il dit, d’éliminer la piraterie sans réussir à stabiliser la Somalie. M. Kimunya a souligné qu’il était important de renoncer à payer des rançons, faisant remarquer qu’en cédant, les pays contribuent à renforcer la piraterie au risque de créer une nouvelle forme de terrorisme international ». Le Ministre kényan du commerce a ensuite rappelé qu’en tant que pays voisin de la Somalie et qu’État responsable, le Kenya déployait tous les efforts possibles pour poursuivre et arrêter les pirates. Ces efforts doivent cependant être partagés, a-t-il estimé, précisant que le Kenya ne peut mener cette lutte seul. M. Kimunya a appelé la communauté internationale à aider son pays à limiter les risques posés par ces activités illicites en mer qui, a-t-il fait observer, « posent des risques pour la stabilité de la région. L’effort contre la piraterie doit être collectif car il s’agit d’un crime universel et pas seulement d’un problème spécifique à l’Afrique de l’Est, a-t-il insisté. Avant de conclure, il appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution 1918 du Conseil de sécurité et au déploiement d’une force de maintien de la paix qui permettrait d’internationaliser les opérations et patrouilles destinées à éradiquer la piraterie aux larges des côtes somaliennes.
Mme STEFANIA PRESTIGIACOMO, Ministre de l’environnement et de la protection de la terre et de la mer de l’Italie, a estimé que la réponse multilatérale contre la piraterie avait été rapide, efficace et vigoureuse. Au cours des 18 derniers mois, plusieurs pays et organisations internationales ont mis en place une coordination militaire sans précédent dans le Golfe d’Aden, a-t-elle ajouté, indiquant que cette action permettait notamment une fourniture sécurisée de l’assistance humanitaire de l’ONU en Somalie. Concernant le Groupe de contact international sur la piraterie au large des côtes somaliennes, la Ministre italienne de l’environnement a expliqué que son rôle était de parvenir au renforcement des capacités des pays de la région sur la base d’une coopération élargie. En 2009, a-t-elle poursuivi, les membres du Sommet du G-8 présidé par l’Italie, avaient abordé les questions de la piraterie de manière complète pour la première fois à ce niveau, en soulignant en particulier le besoin d’intensifier l’effort d’assistance auprès des pays concernés. Pour Mme Prestigiacomo, la consolidation des capacités - formation des garde-côtes, déploiement de navires de patrouilles - est le moyen le plus sûr de mettre fin au problème. Dans le même temps, la communauté internationale doit assurer un soutien constant au développement des institutions politiques et économiques somaliennes en vue de stabiliser durablement le pays et de relancer son économie, a-t-elle déclaré. Mme Prestigiacomo a également rappelé qu’il était important de mobiliser les donateurs pour fournir à l’AMISOM et aux forces de sécurité somaliennes les moyens de contribuer au rétablissement de l’Etat de droit en Somalie.
Table ronde I sur les aspects politiques, juridiques, sociaux et économiques de la lutte contre la piraterie
Chargée d’animer la première Table ronde, Mme PATRICIA O’BRIEN, Conseillère juridique de l’ONU et Secrétaire générale adjointe aux affaires juridiques, a présenté le cadre juridique international permettant de lutter contre la piraterie, qui repose sur la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, ainsi que sur la Convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime de 1988 dont certaines dispositions qualifient de délit la piraterie. Elle a aussi mentionné des accords bilatéraux et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU. L’arrestation, la détention, la poursuite et l’emprisonnement des pirates doivent en outre respecter le droit international humanitaire. Elle a aussi précisé que, lorsque les actes de piraterie sont commis dans les eaux territoriales, ce sont des « vols à main armée » et non des actes de piraterie.
L’arsenal juridique existant en droit international est sans doute suffisant, a estimé M. THOMAS WINKLER, expert juridique du Danemark, qui s’exprimait en sa qualité de Président du Groupe de travail II du Groupe de contact sur la piraterie au large des côtes de la Somalie. Mais, a-t-il ajouté, le droit international applicable est affaibli par l’absence de juridiction internationale ad hoc. Ce sont en effet les États touchés qui poursuivent les auteurs d’actes de piraterie, comme l’a expliqué Mme O’Brien en précisant la notion de juridiction universelle. Tout État touché par un acte de piraterie peut poursuivre ses auteurs, quels que soient le lieu où il a été commis, le pavillon du navire et la nationalité des auteurs présumés.
L’exercice des poursuites contre les pirates n’est cependant pas une obligation mais un droit, a précisé Mme O’Brien, avant de souligner, comme la plupart des intervenants, l’importance de la collaboration de tous les États pour partager le fardeau des poursuites et ne pas laisser les crimes impunis. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont d’ailleurs adopté plusieurs résolutions incitant les pays à lutter contre la piraterie et les vols à main armée. Le Bureau des affaires juridiques de l’ONU collabore avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l’Organisation maritime internationale (OMI) pour collecter des informations sur les législations nationales permettant de poursuivre les pirates, a indiqué Mme O’Brien. Cependant, malgré des dispositions applicables, de nombreux États n’ont pas la capacité d’arrêter, de poursuivre et d’emprisonner les auteurs d’actes de piraterie, a-t-elle expliqué, ce qui pousse l’ONU à travailler en faveur du renforcement de ces capacités, avec notamment le Fonds d’affectation spéciale créé à cet effet pour soutenir l’application du Code de conduite de Djibouti.
M. Winkler a envisagé la possibilité, pour les États qui le peuvent, de créer au niveau national des tribunaux spécialisés pour la poursuite des crimes de piraterie. Il a expliqué au représentant de l’Égypte, qui émettait certains doutes à l’égard de cette idée, qu’un des avantages de telles juridictions spécialisées serait de pouvoir les faire bénéficier d’une aide internationale spécifique. M. Winkler a aussi salué les efforts considérables menés par le Kenya pour traduire en justice des pirates, ainsi que la France, les États-Unis et les Pays-Bas.
L’expert danois s’est ensuite penché sur la possibilité pour un État qui n’est pas concerné par un cas de piraterie d’engager des poursuites contre des pirates. Il a estimé que l’État qui arrête les auteurs présumés n’est pas le seul habilité à les poursuivre en justice. À l’instar d’autres intervenants, il a souhaité que le système d’échange d’informations soit amélioré, soulignant l’importance de l’établissement des preuves dans les poursuites judiciaires. Parmi les autres questions juridiques à examiner, il a parlé du manque de disponibilité des témoins qui sont en général des marins. À cet égard, le représentant des Philippines a indiqué que cinq de ses ressortissants avaient décidé de témoigner lors d’un procès qui se déroule actuellement au Kenya.
Les membres de la Ligue des États arabes entreprennent la modernisation de leurs législations nationales en vue de faciliter les poursuites contre les auteurs d’actes de piraterie, a assuré M. SAMIR HOSNY, Conseiller spécial du Secrétaire général de la Ligue des États arabes. La Ligue contribue aussi financièrement aux efforts de la Somalie et à ceux de l’Union africaine pour assurer la stabilité et le développement du pays, a-t-il ajouté, expliquant combien la piraterie est étroitement liée à l’absence d’institutions solides et d’une économie stable. La stabilité dans les communautés locales est un autre élément important. Elle passe par le renforcement des autorités maritimes qui assurent la sécurité des côtes. Outre les efforts pour poursuivre en justice les pirates qui sévissent dans les eaux de la région, le représentant a insisté également sur la nécessité de lutter contre la piraterie sur le sol du continent.
De son côté, M. DOUGLAS STEVENSON, Directeur du Centre des droits des marins de Seaman’s Church Institute of New York and New Jersey, a attiré l’attention sur le sort des marins victimes d’actes de piraterie et de leurs familles. Ces marins poursuivent-ils leur carrière en mer? Reçoivent-ils des soins médicaux? Je n’ai pas de réponse à ces questions, a-t-il dit, s’inquiétant que personne n’assure le suivi des nombreux marins victimes de tels actes de piraterie. Il a aussi relevé qu’aucune résolution adoptée par le Conseil de sécurité sur la Somalie ne cite la protection de la marine marchande parmi les motifs de lutte contre la piraterie. M. Stevenson a cependant évoqué quelques actions entreprises en faveur des marins, comme l’initiative de l’École de médecine de l’hôpital Mount Sinai, à New York, qui a lancé une étude dans ce domaine en vue de fournir des conseils aux armateurs, aux syndicats et aux familles. Une étude psychologique sur les traumatismes vécus par les marins est également prévue. M. Stevenson a enfin souligné les problèmes de recrutement de personnel compétent pour opérer les navires de commerce international, à une époque où le volume de marchandises transportées par mer ne fait qu’augmenter. Il faut faire en sorte que la carrière des gens de mer soit plus intéressante, a-t-il dit.
Soucieux également des problèmes des marins victimes de la piraterie, le représentant de l’Ukraine a lancé un appel à l’OMI, au Bureau international du Travail (BIT) et aux États Membres des Nations Unies pour que soit accélérée la mise en œuvre de la résolution 64/71 sur les océans et le droit de la mer adoptée par l’Assemblée générale le 4 septembre 2009. Il a espéré que des solutions durables seraient trouvées pour les problèmes de contrat, d’assurance maladie et autres difficultés que rencontrent les marins. Il a considéré que l’État du pavillon doit aussi être tenu responsable des conditions de sécurité des marins, rappelant que deux marins ukrainiens avaient récemment trouvé la mort à la suite d’actes de piraterie.
Table ronde II sur « La Somalie: Une étude de cas »
Lors de cette seconde discussion, les intervenants ont surtout souligné la nécessité de s’attaquer aux causes sous-jacentes du phénomène de la piraterie dans le golfe d’Aden et au-delà. Les participants ont ainsi répété que la stabilisation de la situation politique et humanitaire en Somalie et dans la région est un des éléments clefs pour éradiquer les actes de piraterie.
M. RAMTANE LAMAMRA, Commissaire de l'Union africaineà la paix et à la sécurité, a ainsi expliqué que le 31 août 2009, à l’issue d’une session spéciale du Sommet de l’Union africaine, à Tripoli, il a été décidé de convoquer une conférence internationale en vue d’adopter une convention sur ce fléau et ses causes. Le besoin de renforcer la coopération internationale pour assurer la pleine liberté de la navigation maritime au large des côtes somaliennes avait été également souligné, a ajouté M. Lamamra. Les États membres de l’Union africaine, a-t-il dit, partagent la conviction que la piraterie est le symptôme d’un défi plus vaste qui menace la paix et la sécurité dans la corne de l’Afrique. Pour mieux répondre à ce problème, il faut commencer par éviter absolument de l’isoler de son contexte, a-t-il insisté.
Le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. ANTONIO MARIA COSTA, a appuyé ces propos en reconnaissant qu’il était impératif de neutraliser les facteurs liés au contexte qui ont facilité et expliquent encore la commission d’actes de piraterie. Une partie de la solution, a-t-il estimé, réside dans le renforcement des infrastructures nationales de sécurité côtière et juridiques devant permettre à l’armée somalienne de patrouiller en haute mer et aux autorités en place de faire respecter l’état de droit. M. Costa a également mis l’accent sur l’urgence de lutter contre le blanchiment d’argent pour faire échec à ceux « qui profitent encore plus de la piraterie que les pirates eux-mêmes ».
Faisant ensuite écho au discours du Secrétaire général, le Chef de l’ONUDC a estimé qu’il est impossible de s’attaquer à la piraterie sans appréhender parallèlement les autres formes de la criminalité organisée que sont le trafic d’armes, de carburants, de migrants, d’enfants et de la drogue, 40 tonnes d’héroïne passant chaque année par la corne de l’Afrique. Dans un tel cadre, M. Costa a préconisé que la communauté internationale consente davantage d’efforts en faveur de la consolidation et du maintien de la paix en Somalie, en particulier en renforçant les capacités et le mandat de l’AMISOM. C’est en Somalie même que les solutions doivent être trouvées et appliquées pour faire progressivement reculer la piraterie au plan régional, a-t-il affirmé.
Un membre du Bureau du Conseiller militaire du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP), qui s’exprimait au nom du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Alain Le Roy, a noté que si les opérations maritimes, au premier rang desquelles l’« Opération Atalante » de l’Union européenne, sont essentielles pour juguler le fléau de la piraterie, « elles ne résolvent pas les causes du problème ». Tant que l’état de droit ne sera pas rétabli en Somalie et que la situation humanitaire restera aussi catastrophique, il sera impossible d’éradiquer la piraterie au large des côtes somaliennes et au-delà, a-t-il affirmé.
L’intervenant a ainsi appelé lui aussi au renforcement logistique de l’AMISOM et au déploiement de navires supplémentaires pour assurer la sécurisation continue et maximale de l’acheminement de l’aide humanitaire. L’escorte fournie par l’OTAN, l’EUNAVFOR et l’AMISOM se renforcent certes mutuellement, et cette collaboration devrait durer, a-t-il dit, mais je répète que d’autres envois de navires seront nécessaires pour répondre aux besoins « infinis » en matière de sécurité dans une zone qui n’a de cesse de s’étendre. En effet, c’est demain au large de l’océan Indien que le combat devra être mené, a encore précisé le représentant du Bureau du Conseiller militaire du Département des opérations de maintien de la paix. Il a de nouveau insisté sur le fait que la communauté internationale doit apporter tout son appui au développement des institutions du Gouvernement fédéral de transition. C’est d’un État fort dont ont besoin les Somaliens pour en finir avec la piraterie, a-t-il dit.
Table ronde III sur le caractère mondial de la piraterie et le rôle crucial des Nations Unies et de la coopération entre les États Membres dans la lutte contre ce fléau
Introduisant la troisième table ronde sur la coopération entre les États Membres et le rôle central de l’ONU, M. EFTHIMIOS MITROPOULOS, Secrétaire général de l’Organisation maritime internationale (OMI), a souligné les fruits visibles de cette coopération. Il a précisé ce que fait son organisation dans ce sens, notamment son bureau juridique qui travaille étroitement avec le Groupe de travail II du Groupe de contact sur les aspects juridiques de la lutte contre la piraterie. Il a également rappelé que les efforts de l’OMI avaient conduit à l’adoption du Code de conduite de Djibouti.
M. Mitropoulos a aussi mentionné les alliances d’États et d’organisations internationales, comme l’Union européenne et l’OTAN, qui ont abouti au déploiement de forces navales pour patrouiller dans le Golfe d’Aden et protéger en particulier les navires du Programme alimentaire mondial (PAM). C’est après l’augmentation subite des incidents en 2008 dans la région que l’Union européenne a lancé l’« Opération Atalante », a expliqué le contre-amiral PETER HUDSON, de la marine britannique, qui s’exprimait en sa qualité de commandant des opérations de l’Opération Atalante-EUNAVFOR de l’Union européenne. La coordination est essentielle en mer comme le long des côtes, a-t-il affirmé, car si la piraterie n’est pas un phénomène nouveau, c’est l’ampleur de l’activité criminelle et sa violence qui sont nouvelles. L’« Opération Atalante », qui avait pour mission de protéger les navires du PAM et de fournir un soutien logistique à la navigation légale dans la région, était dotée d’un mandat d’un an. Sa mission a été prorogée et, a-t-il assuré, le sera encore à son expiration à la fin de cette année.
Se félicitant de l’efficacité des patrouilles des navires de l’Union européenne, il a illustré son propos en indiquant que le nombre d’incidents est passé de 21 par mois en 2009 contre seulement quatre ou cinq par mois cette année. Actuellement, il n’y a que 19 navires et 409 otages aux mains des pirates au large de la Somalie. M. Hudson a aussi précisé que l’Union européenne travaille en étroite coopération avec les partenaires régionaux et les Nations Unies pour apporter une assistance au Gouvernement fédéral de transition de la Somalie, car elle sait que la cause de la piraterie réside dans les problèmes auxquels est confronté le pays en termes de stabilité et de développement.
Abordant la coopération en Asie, M. YOSHIHISA ENDO, Directeur exécutif du Centre de partage d’informations de ReCAAP, a expliqué l’origine de l’Accord régional de coopération sur la lutte contre la piraterie et les vols à main armée contre les navires en Asie, entré en vigueur en septembre 2006 après 10 ans de négociations. Ce fut le premier accord intergouvernemental dans ce domaine, a-t-il précisé. Le Directeur exécutif a énuméré les trois piliers de l’Accord, qui sont le partage d’informations, le renforcement des capacités pour mieux réagir face aux actes de piraterie en mer, et la coopération internationale. Le ReCAAP, organisation internationale qui siège à Singapour, est financé par les contributions volontaires de ses membres, a précisé M. Endo. Le Centre de partage d’informations a créé des points focaux, eux-mêmes en contact avec les parties intéressées, comme les gardes-côtes, les organisations de pêche, les armateurs, les autorités portuaires, de douane, ou encore la marine. Les informations sont collectées pour chaque incident signalé, en détaillant les actes de violence commis et en donnant une évaluation générale de l’impact de l’attaque.
Précisant les domaines d’action des Nations Unies, M. JOAO HONWANA, Directeur de la Division Afrique I au Département des affaires politiques de l’ONU, a parlé des activités en mer, des activités à terre, de la question des poursuites judiciaires contre les auteurs présumés et des aspects économiques de la piraterie. Les Nations Unies servent de centre d’information sur les bonnes pratiques, en collaboration avec l’OMI. Un de ses objectifs est de réduire le nombre de jeunes qui pourraient être tentés de s’enrôler dans la piraterie, grâce notamment à une initiative de sensibilisation en Somalie, lancée avec l’aide des organisations régionales. « Nous avons l’intention d’assurer aussi des formations sur les questions relatives à la piraterie », a-t-il indiqué. Les Nations Unies travaillent avec les États Membres pour éviter que les auteurs d’actes de piraterie bénéficient de l’impunité. La création d’un fonds d’affectation spéciale, il y a quelques mois, a permis de financer un certain nombre de projets de petite échelle concernant la poursuite de suspects, s’est-il réjoui, espérant que ces efforts pourraient s’accroître. À cet égard, M. Mitropoulos a salué le Japon qui a versé 13,6 millions de dollars à ce fonds, ainsi que les autres contributeurs comme Djibouti, la France, les Pays-Bas, la Norvège et la République de Corée.
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