Malgré des progrès réels, les experts du CEDAW s’inquiètent de la violence sexiste, la traite des femmes et de la situation des gitanes en Espagne
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
Quarante-quatrième session
Chambre A - 888e et 889e séances – matin et après-midi
MALGRÉ DES PROGRÈS RÉELS, LES EXPERTS DU CEDAW S’INQUIÈTENT DE LA VIOLENCE SEXISTE, DE LA TRAITE DES FEMMES ET DE LA SITUATION DES GITANES EN ESPAGNE
La Ministre de l’égalité de l’Espagne, à la tête d’une délégation de 12 personnes, a présenté aujourd’hui au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes les « progrès importants » accomplis par son pays, au cours des cinq dernières années.
Les 10 experts de l’une des deux Chambres du Comité, chargés de mesurer le degré d’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), ont salué ces progrès, tout en mettant l’accent sur les problèmes qui demeurent notamment en matière de succession au trône, de violence sexiste et de mentalité patriarcale. Le sort des gitanes a aussi été soulevé à plusieurs reprises ainsi que le problème de la traite des personnes en Espagne, pays de transit et de destination des victimes de ce trafic.
Ayant ratifié la Convention en 1983, l’Espagne a connu une accélération du rythme d’application de ce texte après l’arrivée au pouvoir du nouveau Gouvernement en 2004, a fait remarquer la Ministre de l’égalité. Sa délégation a expliqué que le pays est maintenant doté d’un arsenal juridique important pour lutter concrètement contre la discrimination à l’égard des femmes, notamment la loi organique sur l’égalité effective des femmes et des hommes de 2007; et de plans d’action permettant leur application. Le pays s’est également doté d’institutions chargées de faciliter l’application de la Convention, comme l’Institut de la femme.
À la question des experts sur l’éventuel retrait de la seule réserve formulée par l’Espagne à la Convention, la délégation s’est montrée rassurante quant à la mobilisation d’un consensus politique. Cette réserve porte sur le respect de la loi salique, en vigueur, pour la succession à la Couronne d’Espagne.
La délégation, composée de représentants de six ministères, a eu l’occasion de préciser les mesures adoptées pour la lutte contre la violence sexiste. Elle a indiqué que le nombre de dénonciations augmente ainsi que celui des professionnels spécialisés dans ce domaine, comme les juges et les policiers. Les mentalités évoluent, s’est réjouie la délégation, même s’il reste encore beaucoup à faire.
Quant aux femmes gitanes, victimes de discrimination à plusieurs niveaux, selon les experts du Comité, ce sixième rapport périodique de l’Espagne mentionne, entre autres, qu’elles abandonnent fréquemment l’école, notamment au passage du primaire au secondaire. Mais, a assuré la délégation, tout est fait pour sensibiliser des parents souvent analphabètes et les impliquer dans la vie scolaire de leurs enfants. À l’heure actuelle, 90% des enfants gitans sont scolarisés.
Les experts se sont aussi intéressés aux femmes qui travaillent à temps partiel, car elles représentent plus de 80% des travailleurs dans cette catégorie, malgré les efforts du Gouvernement pour concilier vie professionnelle et vie personnelle. La Ministre de l’égalité s’est prévalue du chiffre record de 51% de femmes qui se trouvent actuellement sur le marché du travail en Espagne, par rapport à 39% en 2004. En outre, a-t-elle avancé, le taux de chômage des femmes, de 16%, est moins élevé que celui des hommes, 18%, car elles travaillent dans des secteurs moins touchés par la crise.
Le Comité poursuivra ses travaux demain, jeudi 23 juillet, à 10 heures. Il examinera en Chambre A, le septième rapport périodique du Bhoutan; et en Chambre B, le sixième rapport périodique du Japon.
*Le rapport paru sous la cote CEDAW/C/ESP/6 peut être consulté sur le site Internet à l’adresse suivante: www.un.org/womenwatch/daw/cedaw
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
Présentation et examen du sixième rapport périodique de l’Espagne (CEDAW/C/ESP/6)
Mme BIBIANA AIDO ALMAGRO, Ministre de l’égalité de l’Espagne, a rappelé que son Ministère a été créé au mois d’avril dernier, ce qui est l’avancée politique la plus importante en faveur de l’égalité des sexes, depuis le dernier rapport. Au cours des cinq dernières années, nous avons adopté des lois novatrices et des plans d’action concrets, a-t-elle assuré. Elle a cité par exemple la loi sur le mariage des personnes du même sexe, celle sur la violence sexiste et celle sur l’égalité effective entre femmes et hommes. La Ministre s’est dite fière de faire partie du premier Gouvernement espagnol à avoir atteint la parité voire un nombre de femmes Ministres dépassant celui des hommes. Elle a aussi assuré le Comité d’une bonne représentation des femmes dans les autres organes politiques.
Quand le Premier Ministre, Rodríguez Zapatero, est arrivé au pouvoir en 2004, le premier projet de texte présenté au Parlement était la loi intégrée pour les mesures de protection contre la violence sexiste, a rappelé Mme Almagro. Cette loi complexe confie à toutes les administrations publiques la responsabilité de s’impliquer dans la lutte contre cette violence. La loi sur l’égalité effective a, pour sa part, fourni un nouveau cadre administratif pour l’élaboration des politiques. Ce texte encourage aussi à travailler de concert avec les organisations féminines et la société civile.
La Ministre a aussi parlé des avantages sociaux dont les femmes sont de plus en plus bénéficiaires, fruit de l’application de la loi sur l’égalité. Elle a ajouté que 80% d’hommes devenus pères depuis 2007 ont pu prendre un congé de paternité de deux semaines, lequel va être allongé de deux semaines en 2011. Actuellement, deux projets de loi sont en cours d’élaboration, l’un sur la santé reproductive et l’avortement, qui prévoit plus de garanties pour les femmes qui y ont recours, l’autre sur l’égalité de traitement et la non-discrimination, qui vise toutes les formes de discrimination.
Si les lois sont essentielles, elles ne suffisent pas, a reconnu la Ministre qui a mentionné les plans mis en place pour les appliquer. Elle a attiré l’attention sur un Plan national sur les droits de l’homme, adopté en 2008, et un Plan pour l’égalité des chances. Elle a aussi parlé du Plan de lutte contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. En vertu d’une mesure adoptée en application de ce Plan, les femmes victimes de cette traite bénéficient d’une période de réflexion de 30 jours pendant laquelle elles peuvent demander une aide juridique gratuite dans leur langue maternelle, un logement et une aide sociale. La Ministre a indiqué que le Gouvernement assure une coordination avec les Gouvernements régionaux autonomes pour la mise en œuvre de ces plans.
Se disant aussi concernée par l’égalité au niveau mondial, la Ministre a parlé du Plan cadre de l’Espagne pour la coopération 2005-2008 et du nouveau plan pour 2009-2012. À ce titre, elle a signalé que l’aide publique au développement (APD) de l’Espagne dirigée vers l’égalité des sexes avait atteint 126 millions de dollars. Elle a aussi mentionné la tendance à la hausse de la contribution de l’Espagne aux différents fonds des Nations Unies, comme le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM).
Questions portant sur les articles 1 à 4 relatifs à la discrimination, aux mesures politiques, à la garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et aux mesures spéciales
M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a remarqué que, depuis la naissance de l’Infante Leonor en 2005, il semble qu’il y ait un consensus politique pour modifier les règles de succession au trône qui étaient encore fondées sur la loi salique. En conséquence, a jugé l’expert, il n’y a plus aucun problème pour que l’Espagne retire la seule réserve qu’elle a émise à la Convention. Il a aussi demandé des précisions sur la loi relative à la transmission des titres de noblesse.
L’expert a également voulu savoir comment le Gouvernement s’assure de la pleine mise en œuvre de la Convention sur l’ensemble du territoire. Que fait le Gouvernement quand une région autonome est à la traine et combien de fois la Convention est-elle invoquée dans les procès?
Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, experte de Cuba, a voulu connaître les résultats des études menées sur la discrimination, en s’interrogeant sur la valeur ajoutée du projet de loi sur l’égalité qui est en cours d’élaboration. Notant que l’Espagne dispose de divers organismes pour la collecte de données et des statistiques, elle a pourtant relevé des insuffisances dans le rapport sur la situation des femmes migrantes, des femmes handicapées, des femmes rurales et des femmes gitanes. Il semble que d’après la Constitution espagnole, on ne peut pas collecter des informations selon les identités ethniques, mais on pourrait élaborer des indicateurs permettant de connaître leur situation, a-t-elle suggéré.
Félicitant la Ministre pour les progrès accomplis dans le domaine de l’égalité homme-femme, Mme VICTORIA POPESCU, experte de la Roumanie, a indiqué que son pays s’est basé sur le modèle espagnol de l’Institut des femmes pour créer une entité du même type. Elle a aussi voulu connaître les résultats de l’évaluation du Plan stratégique sur l’égalité. Sur les mesures provisoires spéciales, l’experte a demandé si la définition de la discrimination positive se fonde sur le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention et sur l’observation générale du Comité. Elle a aussi demandé des exemples concrets de mesures spéciales en faveur des femmes roms et des femmes handicapées.
La Ministre de l’égalité de l’Espagne a expliqué que la réforme de la Constitution espagnole exige, au préalable, un consensus politique et social pas seulement sur la question de la succession au trône mais aussi sur les autres sujets de la réforme, ce qui n’est pas encore le cas. En ce qui concerne les titres de noblesse, la loi pertinente précise qu’ils sont transmis aux hommes, a expliqué une représentante du Ministère espagnol de la justice de l’Espagne, Mme ROSARIO RUIZ. Elle a évoqué un avis rendu par la Cour suprême en 2008 qui précise qu’un titre de noblesse n’est pas un droit qui s’intègre dans le patrimoine d’un individu.
Un autre membre de la délégation espagnole a parlé des mécanismes de suivi et de consultation des communautés autonomes. La loi sur l’égalité impose une responsabilité à toutes les administrations publiques, centrales, autonomes et locales et l’État cherche à garantir l’application de la loi, notamment en attribuant des fonds à cet effet. En outre, une fois par trimestre, se tient une réunion à laquelle participent les responsables des communautés autonomes. La représentante du Ministère de la justice a ensuite assuré que les articles de la Convention ont été invoqués dans des décisions de justice.
Elle a notamment cité un arrêt de janvier 2008 rendu par la Cour constitutionnelle sur la composition équilibrée des listes politiques, qui prévoit un quota d’au moins 40%de femmes. Cet arrêt est basé sur l’article 7 de la Convention, a-t-elle précisé. Elle a aussi évoqué des décisions de tribunaux catalans qui ont invoqué des articles de la Convention.
Nous souhaitons rendre homogène la protection face à tous les types de discrimination, comme la discrimination raciale, ou celle liée au handicap, a poursuivi la Ministre de l’égalité. Un autre membre de la délégation a parlé de l’évolution du rôle de l’Institut de la femme qui réoriente ses fonctions traditionnelles. Toujours chargé de la discrimination positive, il être transformé en observatoire de l’égalité des chances.
La délégation a répondu aux questions sur les mesures prises en matière de violence sexiste et a noté la confiance renforcée des femmes dans les institutions. Les dénonciations augmentent et les femmes osent déposer des plaintes, a dit la délégation, en relevant aussi l’augmentation du nombre de professionnels spécialisés dans ce domaine, notamment le nombre de juges et de policiers. Elle a aussi mentionné l’existence d’un nouveau programme pour la réhabilitation des agresseurs. Les mentalités ont évolué, s’est réjouie la délégation, même s’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Pour répondre aux questions sur les statistiques concernant les femmes migrantes et roms, la délégation a parlé des subventions versées aux entreprises qui recrutent ces femmes. Elle a aussi signalé l’accès aux cours de formation offerts par le Ministère de l’emploi, qui donne la priorité à la réinsertion des femmes dans le marché du travail après avoir élevé leurs enfants. Des aides spécifiques plus importantes que celles données aux hommes sont accordées aux femmes qui souhaitent monter une entreprise, a-t-elle aussi indiqué.
Questions portant sur les articles 5 et 6 relatifs aux rôles stéréotypés par sexe et préjugés, et à la prostitution
Mme YOKO HAYASHI, experte du Japon, a demandé comment l’État partie lutte contre les stéréotypes dans les médias, notamment par rapport aux populations gitanes. Comment conciliez-vous cette lutte avec la liberté d’expression? Y a-t-il un recours autre que judiciaire dans le cas d’une discrimination sexiste dans les médias? Elle a aussi demandé si des fonds étaient consacrés à améliorer le sort de ces populations.
L’experte du Bangladesh, Mme FERDOUS ARA BEGUM, a constaté que la violence n’a pas cessé contre les femmes gitanes. Elle a posé des questions sur les cas de meurtres de femmes par leur conjoint, sur les statistiques concernant les gitanes et sur l’accueil de ces femmes dans les foyers. Concernant les femmes âgées, qu’en est-il de leur protection?
Félicitant l’Espagne pour ses progrès dans le domaine de l’égalité des chances, Mme SILVIA PIMENTEL, experte du Brésil, a cependant relevé le long chemin qui reste à parcourir. Elle a voulu savoir quel était le nombre de femmes décédées à cause de la violence sexiste. Les mentalités patriarcales et machistes des hommes n’ont pas encore changé, a-t-elle noté, avant de s’inquiéter des activités de sensibilisation. S’agissant des gitanes, elle a jugé qu’il est possible de mieux connaître les besoins de cette population sans pour autant violer la Constitution.
Mme SAISUREE CHUTIKUL, experte de la Thaïlande, a demandé si l’élaboration du Code d’éthique des médias a été achevée. Abordant l’article 6 de la Convention, elle a demandé si la prostitution constitue un crime en droit pénal. Quelle est la définition de la traite?, a-t-elle poursuivi, en voulant savoir si les prostituées et les victimes de la traite sont abritées dans les mêmes foyers. Elle s’est aussi interrogée sur les échanges d’informations avec les pays d’origine des femmes victimes de la traite.
À son tour, Mme NAÉLA MOHAMED GABR, experte de l’Égypte et Présidente du Comité, a relevé les exemples concrets de l’égalité des femmes dans les responsabilités qui leur sont confiées au sein du Gouvernement mais a constaté que ce n’est pas encore le cas dans le monde de l’entreprise. Pensez-vous utiliser les cursus scolaires de façon à établir une image positive des femmes et à leur permettre de jouer leur rôle? Il est important, a-t-elle estimé, de mettre l’accent sur les femmes migrantes et handicapées. Pays très touristique, l’Espagne connaît aussi un grand problème de traite et nous aimerions en savoir davantage sur le renforcement des sanctions pour les auteurs de ce fléau, a-t-elle dit.
La Ministre de l’égalité s’est prévalue de la présence d’une femme à la tête de la Cour constitutionnelle et du nombre de femmes ministres. Mais il est important de passer d’une égalité juridique à une égalité pratique, a-t-elle reconnu. Les citoyens doivent savoir que la violence sexiste est un problème public, a-t-elle estimé, signalant à cet égard les progrès accomplis en matière de sensibilisation. Elle a aussi invoqué l’augmentation du nombre de plaintes, comme preuve du changement des mentalités.
S’agissant de la traite, nous avons ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la traite et modifié notre législation, a indiqué la Ministre. D’après les Nations Unies, l’Espagne est un pays de destination et de transit pour les femmes victimes de la traite. Mais le Gouvernement redouble d’efforts pour lutter contre ce fléau, notamment en attribuant des ressources financières, a-t-elle dit, citant le chiffre de 44 millions d’euros pour 2009.
Un autre membre de la délégation a précisé que si le nombre d’homicides de femmes avait diminué ces dernières années, les moyens de les perpétrer ont changé et sont devenus plus violents avec davantage de meurtres commis par arme blanche, par exemple. Les hommes auteurs de mauvais traitement à l’égard des femmes sont tenus de suivre une réhabilitation, a-t-il indiqué. La durée moyenne d’emprisonnement pour l’homicide d’une femme est de 18 ans. Concernant le réseau des centres d’accueil, ils permettent aux femmes de se remettre après avoir subi des violences, avec notamment une aide à la recherche d’emploi et de logement. Ces centres sont gérés par les communautés autonomes et sont gratuits pour toutes les femmes.
Jusqu’à présent, le concept de traite n’est pas défini spécifiquement dans la législation pénale, mais une réforme prévoit de le définir en temps que délit, a précisé la représentante du Ministère de la justice. Des circonstances aggravantes sont prévues quand la victime est mineure ou handicapée, ou lorsque l’auteur assume des fonctions publiques. Elle a ajouté qu’un protocole est en cours d’élaboration pour insister sur la protection des victimes et des témoins. La délégation a ensuite donné des précisions sur la coordination de la poursuite des auteurs de la traite avec les institutions régionales et aussi sur le plan international.
Passant au cas des personnes dépendantes, qui représentent 67% des femmes, la délégation a souligné le rôle important des associations qui se consacrent à leur protection. Mais la loi invite à faire le maximum pour rendre les personnes handicapées autonomes, a-t-elle expliqué. S’agissant du cas des gitanes, elle a expliqué l’apport positif de leur culture qui a été mis en évidence ces dernières années, ce qui permet de lutter contre les stéréotypes. Elle a aussi expliqué le caractère sensible de la question de la protection des données personnelles, liée à une crainte très forte de la persécution.
La délégation espagnole a aussi répondu aux questions relatives à l’image de la femme dans les médias, signalant notamment des cours spécifiques dans les écoles de journalisme. En ce qui concerne la publicité sexiste, il est possible de la dénoncer auprès d’un Observatoire. En 2008, il y a eu 324 plaintes.
Questions portant sur les articles 7 à 9 relatifs à la vie politiques et publique, à la représentation et à la nationalité
Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, a demandé des précisions sur les chiffres concernant la représentation des femmes dans la vie politique et publique. Elle a voulu notamment des explications sur le problème de la sous-représentation des gitanes.
Fournissant de nombreux chiffres sur les progrès accomplis, la Ministre de l’égalité a par exemple indiqué qu’on avait vu, en 2008, une augmentation de 6,3% dans les postes élevés de l’administration publique, par rapport à l’année précédente. Il ne s’agit pas d’augmenter ces chiffres par principe mais de mettre à la disposition de la société le talent des femmes, a-t-elle expliqué. C’est pour cela qu’il n’y a pas de quotas dans la loi mais seulement un principe de représentation équilibrée. Dans les entreprises, la loi incite aussi à laisser aux femmes une place dans les conseils d’administration.
Questions portant sur les articles 10 à 14 relatifs à l’éducation, à l’emploi, à la santé, aux prestations économiques et sociales et aux femmes rurales
Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, a relevé les problèmes que rencontrent les gitanes dans leur scolarisation, citant notamment le fort taux d’abandon scolaire. Comment l’État veille-t-il à ce que les communautés autonomes mettent en œuvre les mesures en faveur des gitanes? Elle a aussi demandé des précisions sur les femmes migrantes et leur accès à l’éducation.
L’experte de la Roumanie a ensuite noté le taux de chômage très élevé des femmes et demandé une actualisation des chiffres. Avez-vous aussi des informations sur l’impact de la crise sur les hommes et les femmes? Notant aussi que 86% des femmes actives sont concentrées dans le secteur des services, elle a voulu connaitre les mesures prises pour protéger ces femmes-là. Elle a encore demandé des précisions sur l’écart des salaires, notamment le nombre de plaintes présentées devant les tribunaux.
Comment, a renchéri l’experte du Japon, le Bureau des inspecteurs du travail évalue-t-il le respect du principe à travail égal, salaire égal. S’intéressant aussi aux travailleurs à temps partiel, elle a relevé que plus de 80% des travailleurs de cette catégorie sont des femmes, malgré les efforts du Gouvernement de concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Les femmes employées à temps partiel choisissent ce statut pour pouvoir s’occuper de leurs enfants ou des personnes à charge, a-t-elle remarqué, avant de demander comment le Gouvernement envisageait de résoudre cette question. L’experte a enfin voulu savoir si ces travailleurs à temps partiel bénéficient d’une sécurité de l’emploi.
Abordant la question de l’éducation, l’experte de Cuba a demandé comment le Gouvernement promeut l’enseignement secondaire auprès de la population gitane. En matière d’éducation sexuelle, elle a demandé des explications sur la question de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour les femmes handicapées.
Sur le plan de la santé, l’experte du Brésil s’est inquiétée du taux élevé de personnes ayant des relations sexuelles non protégées. C’est un manque de respect de la vie des femmes, a-t-elle estimé, car elles risquent d’être infectées. Passant au problème de l’avortement, elle s’est étonnée du nombre élevé d’IVG.
L’experte du Bangladesh a, pour sa part, souligné le manque d’égalité des femmes rurales. Elle a aussi soulevé le problème de l’emploi des femmes migrantes, signalant que la Reine d’Espagne est très favorable au microcrédit. Est-ce que les droits des travailleurs migrants temporaires sont bien respectés?
La délégation de l’Espagne a précisé que 51% des femmes se trouvent sur le marché du travail, par rapport à 39% en 2004. C’est une augmentation record en une période de 5 ans, a-t-elle fait valoir. Le taux de chômage des hommes est de 18%, tandis que celui des femmes est de 16%. Cela s’explique par le fait que la crise frappe plus durement les secteurs où travaillent principalement les hommes.
En ce qui concerne l’écart entre les salaires, la délégation a reconnu la dévalorisation du travail de la femme. Nous avons élaboré un programme qui se rallie à la campagne lancée par l’Union européenne, qui passe par une étude sur les causes de ces inégalités, a indiqué la délégation. En outre, les inspecteurs du travail suivent une formation spécifique qui leur permet de détecter les discriminations dans les entreprises.
En matière d’aménagement du travail, les tribunaux reconnaissent en général le droit des employés, a précisé la délégation. En outre, les femmes enceintes sont protégées plus que jamais par la loi espagnole.
Quelque 17% des femmes gitanes sont analphabètes, a reconnu la délégation. Si tous les membres d’une famille sont analphabètes, cela n’encourage pas les enfants à aller à l’école, a-t-elle rappelé. À l’heure actuelle, 90% des enfants gitans sont scolarisés, grâce à une meilleure image des gitans dans le cursus scolaire. La délégation a parlé d’une organisation qui s’attache à défendre la cause des gitans et a mentionné l’existence d’un programme de médiation avec l’école pour inciter les parents à s’impliquer dans la vie scolaire de leurs enfants. Des investissements de 6,5 millions d’euros ont permis de réduire l’absentéisme scolaire, a ajouté la représentante.
En milieu rural, les femmes sont en général associées aux exploitations familiales, a poursuivi la délégation. Un plan leur est consacré ainsi qu’un observatoire qui a fourni plusieurs rapports ces dernières années. Le Gouvernement soutient les mesures d’incitation à l’emploi des femmes, comme les microcrédits.
Quant au nombre élevé d’IVG en Espagne, la Ministre de l’égalité a rappelé qu’un projet de loi est en cours concernant la santé sexuelle et reproductive visant à obliger le Gouvernement à revoir sa Stratégie nationale tous les cinq ans. Notre objectif est de réduire le nombre de grossesses non souhaitées et en conséquence, le nombre d’avortements.
Questions sur les articles 15 et 16 sur l’égalité devant la loi, et sur le mariage et la vie de famille
Abordant les questions relatives à la quatrième partie de la Convention, l’experte d’Israël a demandé ce qu’il en était de l’assistance juridique aux femmes vulnérables, dans des domaines comme la garde des enfants, par exemple. Encouragez-vous la médiation? S’agissant du divorce, la garde commune est-elle l’option privilégiée? Quelles sont, a encore demandé l’experte, les conséquences du mariage coutumier chez les gitans?
La représentante du Ministère espagnol de la justice a indiqué que le système d’aide juridique bénéficie à toute femme qui n’a pas suffisamment de ressources financières. La loi sur le divorce prévoit la répartition des biens, l’utilisation du logement familiale et le traitement des effets du divorce sur les enfants. Il existe un fonds doté de 10 millions d’euros qui permet aux enfants mineurs ou majeurs handicapés de compenser le non-paiement d’une pension alimentaire. La garde de l’enfant est partagée sur demande des conjoints et lorsque les circonstances sont favorables à l’enfant mineur. Le mariage, a encore expliqué la délégation, est un contrat civil. Nous ne sommes pas là pour réglementer les rites, a ajouté la Ministre.
Questions de suivi
L’experte d’Israël a demandé ce qui se passait dans le cas du non-respect de la loi sur la participation des femmes dans les entreprises. Elle a aussi demandé des précisions sur ce que la loi espagnole entend par « propriété des conjoints ». Le mariage, a répondu la délégation, peut être conclu sous le régime de séparation de biens ou de communauté universelle.
De son côté, l’expert des Pays-Bas a demandé pourquoi les demandes d’asile de femmes victimes de discrimination et de la traite sont rejetées. En 2009, l’Espagne a reçu 4 517 demandes d’asile, dont 40% étaient présentées par des femmes, a dit comprendre l’expert, avant que la délégation n’explique ce taux de rejet des demandes par le fait qu’il s’agit bien souvent non pas de réfugiés politiques mais bien de réfugiés économiques.
Quant à l’experte du Brésil, elle a dit apprécier les efforts faits en faveur des gitans mais a regretté que l’espérance de vie de ces femmes soit peu élevée, à cause de leur manque d’information. La Ministre de l’égalité a reconnu l’importance d’une formation aux règles sanitaires et nutritionnelles.
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