Les États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées débattent des moyens qui permettraient d’accroître la capacité juridique de celles-ci
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Conférence des États parties
à la Convention relative aux
droits des personnes handicapées
Deuxième session - 3e séance – matin
LES ÉTATS PARTIES À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES DÉBATTENT DES MOYENS
QUI PERMETTRAIENT D’ACCROÎTRE LA CAPACITÉ JURIDIQUE DE CELLES-CI
La Conférence des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées a poursuivi aujourd’hui les travaux de sa deuxième session.
Les participants ont attiré l’attention sur les mesures législatives à faire appliquer au plan national pour assurer la reconnaissance de la personnalité juridique des personnes handicapées dans des conditions d’égalité et sur celles à mettre en œuvre pour garantir l’accès des personnes handicapées à la justice.
Deux tables rondes ont été organisées ce matin sur ces questions liées aux articles 12 et 13 de la Convention,
Les panélistes et les représentants des États Membres ont, dans ce cadre, reconnu les difficultés rencontrées par les États parties à la Convention, dont l’arsenal juridique en matière de protection des droits des personnes handicapées est souvent très développé, pour donner aux personnes handicapées un accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique dans tous les domaines de la vie sociale, et ce, sur la base de l’égalité avec leurs autres concitoyens.
L’essentiel des débats a ainsi porté sur la nécessité de transformer les systèmes d’assistance aux personnes handicapées dans des contextes nationaux où des notions comme celle de l’« incapacité », qui contrevient à la lettre de la Convention, imprègnent toujours les législations.
Les intervenants se sont ainsi demandés comment accroître l’autonomie des personnes handicapées et appuyer efficacement les décisions qu’elles peuvent être amenées à prendre pour, par exemple, avoir le contrôle de leurs finances, mieux gérer leur biens ou prendre soin au mieux de leur santé.
Pour la plupart des participants, il faut, à ce stade de mise en œuvre de la Convention, que les autorités nationales compétentes s’inspirent du message lancé par ce Traité pour parvenir à mettre en place des systèmes de tutelle et d’accompagnement qui soient respectueux des droits et de la dignité humaine des personnes handicapées, ces dernières pouvant être victimes d’abus d’influence de la part des organes qui sont pourtant censés œuvrer pour leur bien-être.
La Convention relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée le 13 décembre 2006 au Siège de l’ONU, à New York, et a été ouverte à la signature le 30 mars 2007. C’est le premier grand Traité du XXIe siècle en matière de droits de l’homme, et c’est la première Convention des droits de l’homme à être ouverte à la signature des organisations d’intégration régionale. Elle a été signée par 148 pays depuis le 30 mars 2007 et ratifiée par 66 États. À ce jour, son Protocole facultatif a réuni 85 signatures et 44 ratifications. Elle fut l’un des traités le plus rapidement négociés aux Nations Unies et à entrer en vigueur.
QUESTIONS RELATIVES À L’APPLICATION DE LA CONVENTION
Table ronde sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité
Déclarations liminaires
Mme MARIA SOLEDAD CISTERNAS REYES, avocate, chargée de recherches en sciences politiques et membre du Comité des droits des personnes handicapées, a expliqué qu’en matière de reconnaissance de la personne juridique de la personne handicapée, le principal défi à relever consiste à dépasser les définitions de l’« incapacité ». Selon elle, la Convention doit avoir pour effet d’entrainer une refonte des législations nationales qui considèrent que les personnes vivant avec un handicap mental ne sont pas capables de prendre certaines décisions engageant leur propre devenir. Elle a expliqué que cette situation empêchait dans certains cas les personnes handicapées d’être traitées sur un pied d’égalité avec les autres et, partant, de jouir de leurs droits de citoyens.
La panéliste a demandé aux communautés juridiques et scientifiques de repenser les systèmes de réhabilitation et d’aide aux personnes handicapées, qui, à l’aune des droits que consacre la Convention, doivent donner aux personnes handicapées les moyens d’élargir leurs capacités de prise de décisions. Elle a indiqué que les systèmes de prestation de services sociaux devaient changer, l’accent devant être mis sur l’amélioration des réponses aux besoins clairement identifiés des personnes handicapées, qu’il s’agisse de la gestion de leurs ressources financières, de l’accès à une information juridique nécessaire pour entreprendre des démarches, ou encore de l’accès aux traitements médicaux.
La panéliste a qualifié de « systèmes d’appui devant permettre d’accroître le libre arbitre des personnes handicapées » ces nouveaux moyens d’assistance. Les ajustements juridiques auxquels doivent procéder les États soucieux d’aligner leur législation nationale sur le droit international doivent s’effectuer, dans le cas des personnes handicapées, dans l’objectif de changer les mentalités et lever les obstacles qui maintiennent ces personnes dans un statut flou, a-t-elle dit.
Mme TINA MINKOWITZ, représentante de la société civile, membre du « World Network of Users and Survivors of Psychiatry », a indiqué qu’à ce jour aucun pays dans le monde n’a complètement éliminé les traitements coercitifs à l’encontre des personnes handicapées. Elle a expliqué que la privation de droits dans le cas de ces personnes aboutissait souvent à leur véritable mise sous tutelle. Selon elle, et comme le stipule la Convention, permettre une autonomie personnelle légale pour toutes les personnes handicapées est un minimum en vue de leur assurer l’exercice de tous leurs droits.
Cela implique de modifier en profondeur les pratiques et services, en ciblant sur ce que la personne doit recevoir pour accroître à la fois son autonomie et son bien-être, a dit la conférencière. Elle a ensuite estimé qu’il fallait utiliser des normes neutres, car celles qui existent encore contiennent souvent des éléments discriminants, entraînant des décisions lourdes de conséquences en matière de santé, car certains traitements sont pris par les handicapés de manière non consentie. Il en est de même en ce qui concerne les questions financières, la gestion des biens des handicapés pouvant être confiée à autrui et faire l’objet d’abus.
Pour Mme Minkowitz, l’appui à la prise de décisions doit être redéfini et organisé en faisant fi du concept d’incapacité, qui contrevient à la lettre de la Convention.
Le défi est énorme, a-t-elle affirmé, car il exige de trouver de nouveaux moyens pratiques pour protéger de nouveaux droits. Elle a poursuivi en disant que la loi devait, dans un premier temps, reconnaître certaines initiatives d’appui à la prise de décisions informelle, pour accompagner le remplacement des systèmes d’aide qui n’aboutissent souvent qu’à des mises sous tutelle des personnes handicapées par des systèmes plus souples et respectueux de leur dignité humaine.
Échange interactif
Les délégations d’États Membres ont ensuite fait entendre leur voix en soulignant, à l’instar de celle de l’Italie, la difficulté pour les gouvernements de revoir, en collaboration avec les tribunaux, les systèmes de tutelle des personnes handicapées, en particulier les personnes souffrant d’un handicap mental qui les empêche d’intenter une action légale.
Pour les intervenants, la solution pourrait passer par une formation de tuteurs qui soit en phase avec les obligations de la Convention. Il faut trouver le juste milieux entre l’accompagnement et une tutelle qui, dans certains cas, conduit à une privation de droits qui sont de plus encore mal connus, a-t-il été constaté par un certain nombre d’intervenants.
La délégation du Maroc a également plaidé en faveur d’une révision des programmes de formation juridique, qui doivent être modernisés en tenant dûment compte des avancées potentielles d’une pleine application de la Convention.
D’autres intervenants, comme les représentants de la République de Corée et de la Belgique, ont estimé que l’article 12 de la Convention, qui demande aux États parties de prendre des mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique, devrait aiguiller la réflexion des décideurs politiques d’États dont l’arsenal juridique en matière de protection des droits des personnes handicapées est déjà très développé.
Table ronde sur l’accès des personnes handicapées à la justice
Déclarations liminaires
Mme EDAH WANGECHI MAINA, Vice-Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, a énuméré les problèmes qui se posent dans l’application des principes de reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité et d’accès à la justice, énoncés dans les articles 12 et 13 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Pour être reconnues en tant que personnes à part entière, les personnes handicapées doivent se voir reconnaître la capacité juridique, a-t-elle rappelé. Si la tutelle ou un autre procédé de substitution de la prise de décisions prend la place d’une décision individuelle de la personne handicapée, il faut s’assurer que la procédure suivie respecte la volonté de celle-ci, a-t-elle averti. Elle a souligné l’importance, dans le cas d’un tel accompagnement à la prise de décisions, du lien de confiance et de la relation empreinte de respect qui doit exister entre la personne handicapée et son accompagnateur. Les personnes handicapées qui ont besoin d’un tel soutien ont de plus droit à un accompagnement de qualité, sans conflit d’intérêt et sans abus d’influence, a-t-elle souligné.
Mme Wangechi Maina a ensuite expliqué les trois éléments principaux que doit comprendre la législation régissant la représentation de personnes handicapées. La loi doit en effet prévoir dans quel contexte la relation peut être établie, donner une description des devoirs et de la déontologie à suivre par les accompagnateurs, et enfin fournir une description de la procédure de prise de décisions. Dans le processus d’adoption d’une telle loi, a ajouté la panéliste, il est bon de rédiger une déclaration d’intention décrivant ce que la loi est censée réaliser. Elle a aussi suggéré aux législateurs d’adopter des dispositions qui permettent une responsabilisation des accompagnateurs. En outre, elle a souligné la nécessité d’adopter des directives claires pour appliquer au mieux la loi en la matière.
Mme TIRZA LEIBOWITZ, Directrice de « Advocacy at Survivor Corps », a expliqué que le droit à la justice signifie notamment le droit à un procès équitable devant un tribunal compétent. Il comprend aussi la possibilité de recours judiciaires et le droit à la réparation. Elle a ajouté que les frais de procédure ne devraient pas être un obstacle à l’accès à la justice des personnes handicapées. L’accessibilité physique est la première à réaliser, a-t-elle indiqué, signalant le problème qui se pose aux personnes en fauteuil roulant. Il y a aussi la question de l’accessibilité à la communication pour les non-voyants et les malentendants, a-t-elle ajouté. Mme Leibowitz s’est interrogée sur le nombre de pays où ces personnes avaient un réel accès à la justice et a appelé à faciliter les modes de communication alternative dans les tribunaux et les procédures judiciaires. Les criminels savent bien que leurs crimes ne seront pas poursuivis, lorsque la victime ne peut pas s’exprimer normalement et n’est pas écoutée, a-t-elle relevé.
L’experte a encouragé la Conférence à identifier les lois d’exclusion qui empêchent un certain groupe humain de participer à une procédure judiciaire, notamment en qualité de juré. Pour dépasser les obstacles à la communication, elle a proposé d’utiliser des outils tels que des images ou des poupées, comme cela a parfois cours dans les salles d’audiences. Elle a aussi démontré l’importance pour les enquêteurs de se former à communiquer avec des personnes handicapées. Au cours de l’audience, a-t-elle ajouté, quelqu’un doit venir expliquer aux juges la nature du handicap et aider à la formulation des questions au témoin handicapé. Enfin, a-t-elle estimé, il faut accorder suffisamment de temps pour que l’expression du témoignage de la personne handicapée se fasse dans de bonnes conditions.
Échange interactif
Réagissant à ces interventions, la représentante du Mexique a suggéré d’organiser des réunions afin de sensibiliser les parlements et le pouvoir judiciaire des États parties sur l’importance et la complexité de la mise en œuvre des articles 12 et 13. Ces dispositions constituent l’épine dorsale de la Convention, a-t-elle remarqué.
La mise en œuvre de la Convention ne peut pas être parachevée si ces articles ne sont pas appliqués, a renchéri le représentant de l’Alliance internationale des handicapés (IDA). Il a rappelé les propositions pertinentes du Président de l’IDA qui visent à convoquer des groupes de travail pour des discussions intercessions et à créer un fonds des Nations Unies pour faciliter l’application de la Convention.
Faisant part de l’expérience d’organisations non gouvernementales en Israël, la représentante du Centre israélien des personnes handicapées a expliqué que ces organisations ont pu assister des personnes handicapées au cours de procédures judiciaires. Il faut comprendre la difficulté que rencontrent les personnes handicapées mentales lorsqu’elles doivent faire face à leur agresseur et aux juges qui utilisent un vocabulaire difficile à comprendre, a-t-elle fait remarquer. Elle a invité les gouvernements à réaliser le nombre élevé de personnes handicapées parmi les victimes de crimes et infractions pénales. Nous accompagnons les personnes handicapées dans les salles d’audiences et nous agissons aussi en aval sur la rédaction des lois, a encore expliqué la représentante. Elle a parlé d’une loi de 2005 qui prévoit que les enquêteurs soient formés notamment en psychologie. Nous avons aussi amélioré les modes de communication pour que les dépositions soient recevables, a-t-elle indiqué.
De son côté, la représentante de l’organisation « Inclusion International » s’est dite encouragée par le sérieux avec lequel ces questions sont examinées, mais elle a averti du danger des réformes de la tutelle dans certains pays qui ne font qu’utiliser un substitut de décision sous une autre étiquette. Des personnes handicapées peuvent prendre des décisions avec un accompagnement officieux, tandis que d’autres ont besoin d’un accompagnement plus officiel, a-t-elle remarqué, avant de s’interroger sur les critères retenus pour décider de la désignation d’un tuteur.
Le représentant de la Nouvelle-Zélande, qui coprésidait la table ronde, a reconnu que la négociation de la Convention avait été plus facile que sa mise en œuvre. S’il est vrai que l’application d’un texte international requiert souvent l’adoption d’amendements aux lois existantes, il ne faut pas oublier avant tout de suivre le bon sens, a-t-il relevé. Pourquoi un juge a-t-il besoin d’une loi pour décider qu’il faut désigner une personne pour aider un témoin ou un demandeur handicapé à s’exprimer? s’est-il demandé. Selon l’article 13 de la Convention, des règles doivent être établies pour déterminer la validité de la déposition d’une personne handicapée, a-t-il rappelé. Les systèmes judiciaires ont trouvé le moyen de nommer des juges handicapés, et ces mêmes tribunaux ne peuvent pas ignorer les besoins de témoins ou de plaignants handicapés, a-t-il conclu.
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