CS/9820

Le Représentant spécial du Secrétaire général en République démocratique du Congo explique devant les membres du Conseil de sécurité le « dilemme » de sa Mission

16/12/2009
Conseil de sécuritéCS/9820
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité                                        

6244e séance – matin                                       


LE REPRÉSENTANT SPÉCIAL DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO EXPLIQUE DEVANT LES MEMBRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ LE « DILEMME » DE SA MISSION


M. Alan Doss demande des « orientations claires de la part du Conseil » et espère un « plan réaliste » pour la MONUC au premier semestre 2010


La Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) est confrontée à un « dilemme » du fait d’un mandat qui lui impose d’accorder la plus haute priorité à la protection des civils tout en travaillant avec les forces gouvernementales (FARDC), dont certains éléments commettent de graves violations des droits de l’homme, a déclaré ce matin le Représentant spécial du Secrétaire général en République démocratique du Congo et Chef de la MONUC, M. Alan Doss.  Il n’y a pas de réponse facile à ce dilemme, a ajouté M. Doss, qui a souhaité des « orientations claires de la part du Conseil de sécurité », notamment lorsque le mandat de la MONUC sera redéfini au printemps prochain.


M. Doss qui présentait le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la RDC, l’a actualisé en annonçant les derniers développements sur le terrain, à savoir la prise par les forces gouvernementales (FARDC) de la ville de Dongo dans la province d’Équateur et une augmentation des redditions de membres de groupes armés.  Il a ensuite déclaré que l’opération militaire Kimia II menée depuis plusieurs mois dans les deux Kivus par les FARDC, avec l’appui de la MONUC, s’achèvera au 31 décembre.  Il a rappelé que Kimia II ne visait pas à démanteler complètement les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) retranchées dans les Kivus depuis plus de 10 ans, que celles-ci demeuraient une menace potentielle et qu’elles tenteraient de revenir dans leurs places fortes.  C’est pourquoi une nouvelle directive, approuvée ce matin même par le Chef d’état-major des FARDC et le Commandant de la Force de la MONUC, prévoit que les forces gouvernementales et de la MONUC se concentreront désormais sur la tenue du terrain reconquis et la prévention des attaques contre les civils dans les zones vulnérables, a-t-il annoncé.


M. Doss a réaffirmé que la menace des FDLR ne pourrait être éliminée que par une combinaison de mesures militaires, d’incitations à la reddition, d’un contrôle de l’État sur les différentes ressources et de procédures judiciaires contre les éléments expatriés qui continuent de financer et d’encourager les activités des FDLR et dont le dernier rapport du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo met en évidence le rôle essentiel dans l’organisation et la direction des activités des FDLR.  Un tel ordre du jour va à l’évidence au-delà du mandat de la de la MONUC et implique un soutien régional et international, a-t-il fait observer.  Il s’est, en ce sens, réjoui de l’arrestation en Allemagne, en novembre, du responsable des FDLR et de son adjoint, ajoutant que c’était « la première fois » que des dirigeants des FDLR étaient poursuivis pour ces crimes commis par les forces en République démocratique du Congo.


En même temps, le Gouvernement de la République démocratique du Congo doit veiller à démilitariser les régions minières afin d’empêcher ses propres forces armées d’en exploiter les ressources.  Il a déploré les cas de collusion entre les FARDC et les FDLR mis en évidence par le rapport du Groupe d’experts, tout en rappelant le rôle essentiel que joue l’armée nationale dans la reconquête de ces régions.  Le Chef de la MONUC a également reconnu que les problèmes de disciplines au sein des FARDC s’étaient récemment aggravés du fait, a-t-il estimé, de l’intégration dans les FARDC d’anciens membres de groupes armés, indisciplinés et mal entraînés.  « C’était le prix de la paix », a-t-il déclaré, ajoutant que la réforme du secteur de la sécurité devrait tenir compte de ce « problème récurrent ».  Rappelant que le Conseil de sécurité avait stipulé que le soutien de la MONUC aux FARDC dépendait du respect par ces forces des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit des réfugiés, il a expliqué que la Mission avait adopté une politique en ce sens, déjà mise en œuvre et partagée par le Gouvernement de la RDC qui applique l’initiative « zéro tolérance » du Président Joseph Kabila.


Les événements de ces derniers mois ont mis en exergue les défis que la MONUC doit affronter pour remplir son mandat, a déclaré M. Doss.  Pour le Représentant spécial, le premier d’entre eux reste la protection des civils, alors que les violations des droits de l’homme continuent, en particulier dans les Kivus où la situation humanitaire reste « précaire » et où les violences sexuelles se poursuivent.  M. Doss a imputé ces actes aux groupes armés et à des « éléments incontrôlés des FARDC ».


La MONUC a mis en place avec d’autres partenaires une stratégie de protection à plusieurs niveaux, a expliqué M. Doss, qui a ensuite détaillé un certain nombre de mesures prises.  Il existe aujourd’hui 58 bases avancées de la MONUC, très appréciées par la population, a-t-il ajouté.


M. Doss a fait observer le « dilemme » du mandat de la MONUC chargée d’accorder la plus haute priorité à la protection des civils tout en travaillant avec les FARDC, dont certains éléments commettent de graves violations des droits de l’homme.  Il n’y a pas de réponse facile à ce dilemme, a affirmé le Représentant spécial, qui a souhaité des « orientations claires de la part du Conseil de sécurité ».


Le second défi vient de l’intégration des anciens groupes armés, a expliqué M. Doss, qui a rappelé que l’absence de progrès politiques dans le cadre des Accords du 23 mars était souvent utilisée comme prétexte par les groupes armés qui n’y ont pas encore adhéré pour refuser de désarmer et de s’intégrer, ou encore par le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) pour ne pas démanteler ses structures parallèles.  Tout en demandant au Gouvernement de la RDC de traiter les demandes de ces groupes, M. Doss a estimé que le maintien de milices ou de structures parallèles est « incompatible avec le processus de paix » et que le Gouvernement avait « le droit d’utiliser tous les moyens appropriés pour imposer son autorité », dans le cadre du respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.


Un troisième défi est constitué par les personnes déplacées et les refugiés qui ont commencé à rentrer chez eux, contribuant à l’insécurité du fait des litiges fonciers et de la compétition pour les ressources minérales, a affirmé M. Doss.  Le Représentant spécial s’est voulu « très clair: les réfugiés ont en effet droit à la protection, mais c’est à l’État, et non à des groupes armés, de la fournir », a-t-il dit, faisant référence aux « zones protégées » mises en place par le CNDP.  Une privatisation de la protection ne pourra qu’aboutir à la réémergence de milices ethniques avec leur potentiel de destruction du processus d’intégration et de reprise des violences ethniques, a-t-il expliqué.


M. Doss a rappelé que la stabilisation de l’est de la RDC ne sera durable que si elle s’appuie sur des efforts au plan national pour consolider la démocratie et améliorer la gouvernance, notamment financière, a affirmé M. Doss.  Pour lui, la MONUC et l’Équipe de pays des Nations Unies peuvent contribuer à créer un environnement favorable en termes de paix et de sécurité, et aider le Gouvernement de la RDC à créer les fondations d’un relèvement à long terme.  Rappelant que non seulement la MONUC, mais aussi les institutions des Nations Unies dans le pays ont concentré leurs efforts dans l’est du pays, conformément à la résolution 1856 du Conseil, M. Doss a toutefois fait observer que les agences onusiennes disposaient de très peu de ressources dans l’ouest du pays, « ce qui signifie qu’elles n’ont pas la capacité d’assumer les responsabilités de la MONUC sans un soutien supplémentaire considérable de la communauté des donateurs ».


Le mandat actuel de la MONUC est multiple et complexe, a rappelé le Représentant spécial.  Cette situation a donné à la MONUC de la souplesse mais a aussi suscité des espoirs qui vont bien au-delà de ressources et capacités de la Mission, a-t-il ajouté.  Il a dit s’attendre à une évolution de la situation sur le terrain vers plus de clarté au premier semestre de 2010, ce qui devrait permettre au Département des opérations de maintien de la paix de proposer un « plan réaliste pour la MONUC et sa reconfiguration ».


LA SITUATION CONCERNANT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO


Trentième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (S/2009/623)


Dans ce rapport, le Secrétaire général recommande l’extension du mandat de la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) pour une durée de six mois et propose que la Mission concentre son attention sur un nombre limité de fonctions, en attendant l’examen par le Conseil de sécurité d’un rapport qu’il entend lui présenter en avril 2010 et qui portera sur la reconfiguration de la MONUC et ses orientations futures.


Le Secrétaire général estime en effet qu’« à l’exception des Kivus et de quelques poches situées dans la Province orientale, la République démocratique du Congo est maintenant un pays en paix prêt à s’engager dans une nouvelle phase décisive de reconstruction et de relèvement ».  « Compte tenu de ces réalités », il annonce que la MONUC -qui, au cours des 10 dernières années, « a accompagné le peuple congolais dans le franchissement de certaines étapes importantes de son histoire nationale »- et le Secrétariat de l’ONU « engageront des consultations approfondies » avec le Gouvernement de la RDC sur les orientations et la configuration futures de la Mission « au cours du premier trimestre de 2010 ». 


La « prorogation limitée » du mandat de la MONUC que le Secrétaire général demande devrait, selon lui, permettre à ses consultations d’aboutir à un accord sur les tâches essentielles qui devront être exécutées avec le soutien de la MONUC conformément à un Cadre stratégique intégré actuellement élaboré par le système des Nations Unies en consultation avec le Gouvernement de la RDC et les principales parties prenantes.  Ces discussions devraient aussi permettre de fixer les délais dans lesquels la MONUC pourra « amorcer son retrait sans provoquer une résurgence de l’instabilité », ajoute le Secrétaire général.


Le Secrétaire général recommande que, durant les six mois à venir, la MONUC se concentre sur sept points principaux: aider le Gouvernement à mener rapidement à bien les opérations militaires de grande envergure dirigées par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC); appuyer l’extension de l’autorité de l’État dans les régions où les groupes armés ont été délogés et les principales zones d’exploitation minière; jouer un « rôle moteur » dans la coordination des actions des partenaires internationaux associés à la réforme du secteur de la sécurité et aider le Gouvernement à créer des structures efficaces dans le domaine de l’état de droit; appuyer la démobilisation des enfants enrôlés dans toutes les forces et dans tous les groupes présents en RDC; aider à accélérer l’application des Accords du 23 mars; appuyer les préparatifs pour les élections locales; et épauler les efforts déployés par les gouvernements de la région des Grands Lacs pour promouvoir des relations de bon voisinage.


Sur la base des recommandations détaillées qui seront présentées dans le rapport d’avril du Secrétaire général, le Conseil de sécurité procéderait à un examen plus minutieux en vue d’élaborer, en juin 2010, un nouveau mandat qui fixera les orientations futures de la Mission, y compris pour le retrait de ses troupes.


Concernant l’évolution de la situation depuis son rapport précédent, daté du 18 septembre, le Secrétaire général estime que, « globalement la situation dans l’est, en particulier dans les Kivus et dans certaines parties de la Province orientale, est demeurée fragile » et que les progrès accomplis « dans plusieurs domaines très importants pour la stabilisation de la situation » dans cette partie du pays ont été « inégaux ».  Il salue cependant « l’amélioration constante des relations » entre la République démocratique du Congo et les pays voisins, à savoir le Rwanda et l’Ouganda.


Le Secrétaire général décrit ensuite largement la poursuite des opérations militaires menées par les FARDC dans l’est du pays avec l’appui de la MONUC, qui ont « continué à déloger des groupes armés étrangers et des groupes armés congolais résiduels de leurs fiefs » et « permis au Gouvernement d’étendre son contrôle à des zones jusque-là inaccessibles, dont certaines zones économiques importantes ».  Mais s’il reconnait à l’opération Kimia II « des succès militaires importants », il ajoute qu’elle « a eu pour corollaire un coût humanitaire élevé ».  Il reconnaît notamment que « certains éléments de l’armée nationale ont été responsables de violations très graves des droits de l’homme » et cite, en particulier, « l’incident de Lukweti », lors duquel les FARDC ont pris pour cible des civils et tué au moins 62 personnes, y compris des femmes et des enfants, certaines organisations non gouvernementales (ONG) parlant de 270 civils tués.  Le Secrétaire général demande donc instamment au Gouvernement de la RDC de « redoubler d’efforts pour prévenir et combattre ces violations inacceptables ».  Il ajoute que le soutien que la MONUC apporté aux FARDC dans l’opération militaire Kimia II et plusieurs autres « sera maintenu, étant toutefois entendu qu’il sera supprimé pour les unités des FARDC qui font preuve d’un mépris flagrant à l’égard du droit international relatif aux droits de l’homme, du droit international relatif aux réfugiés ou du droit international humanitaire ».  La MONUC continuera de surveiller de près la conduite des FARDC, ajoute-t-il.


Pour M. Ban, « les violations signalées imputables à des éléments des FARDC montrent bien à quel point il importe de continuer à s’attaquer à la culture de l’impunité en RDC.  Il juge d’ailleurs « encourageants, quoique modestes, » les progrès enregistrés dans le domaine de la justice militaire, tout en réaffirmant la nécessité de veiller à ce que les mécanismes judiciaires extraordinaires mis en place « respectent les normes internationales ».  À cet égard, M. Ban « constate avec satisfaction que les cinq officiers supérieurs des FARDC sur lesquels le Conseil de sécurité avait appelé l’attention ont été relevés de leur poste » et demande que soient prises les « mesures judiciaires appropriées » pour qu’ils soient traduits en justice.  Le Secrétaire général estime en outre que « l’intégration des groupes armés congolais dans les FARDC reste un excellent moyen pour instaurer la stabilité dans les Kivus », même si des « obstacles majeurs » subsistent, en particulier pour l’intégration des anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), « qui a maintenu une chaîne de commandement militaire et politique parallèle » dans certaines régions.  Il juge « primordial d’appliquer les Accords du 23 mars » pour mener le processus d’intégration à bonne fin.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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