« La justice est en marche » au Darfour, affirme le Procureur de la Cour pénale internationale devant le Conseil de sécurité
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Conseil de sécurité
6135e séance – matin
« LA JUSTICE EST EN MARCHE » AU DARFOUR, AFFIRME LE PROCUREUR DE LA COUR PÉNALE
INTERNATIONALE DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ
M. Luis Moreno-Ocampo reconnaît l’importance des efforts de médiation
de la Ligue des États arabes et de l’Union africaine pour faire cesser la violence
Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Luis Moreno-Ocampo, tout en reconnaissant l’importance des efforts de médiation actuellement menés à Doha en vue de faire cesser la violence et d’empêcher d’autres crimes au Darfour, a affirmé, ce matin devant le Conseil de sécurité, que le Gouvernement du Soudan avait la responsabilité d’arrêter le Président Omar Al-Bashir.
« La justice est en marche », a déclaré M. Moreno-Ocampo, qui s’exprimait pour la première fois devant le Conseil de sécurité depuis la délivrance, le 4 mars dernier, d’un mandat d’arrêt par la Chambre préliminaire I de la CPI à l’encontre du Président soudanais pour cinq chefs de crimes contre l’humanité et deux chefs de crimes de guerre. « Il n’y aura aucune impunité au Darfour », a-t-il précisé.
« L’expérience internationale dans les cas de Slobodan Milosevic et de Charles Taylor ou des expériences nationales nous montrent que la mise en œuvre d’une décision judiciaire contre un chef d’État est un processus qui peut prendre du temps, des mois, voire des années », a-t-il dit, rappelant qu’« ils avaient finalement tous été confrontés à la justice ».
M. Moreno-Ocampo présentait, devant le Conseil de sécurité, son exposé biannuel sur les activités judiciaires entreprises par la Cour pénale internationale au cours des six derniers mois en application de la résolution 1593 (2005).
Estimant que la situation au Soudan continuait de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité, dans cette résolution, a en effet décidé de déférer au Procureur de la CPI la situation au Darfour depuis le 1er juillet 2002.
« Nous avons rassemblé des éléments de preuve de façon impartiale pendant deux ans », a-t-il dit, notant que ces informations avaient été fournies « par de nombreux acteurs, dont le Gouvernement » et grâce à des « témoignages de plus de 130 témoins », recueillis « dans plus de 18 pays ». « Beaucoup d’efforts ont été entrepris pour assurer la sécurité de ces témoins », a-t-il précisé.
Le Procureur a fait ainsi le point sur les trois affaires traitées par la CPI. La première concerne des cas de tueries massives, de viols et de tortures contre des villageois au cours de la période 2003-2005, entraînant le déplacement de quatre millions de civils. Les preuves, a-t-il expliqué, ont montré le rôle du Ministre de l’intérieur, Ahmed Harun, en tant que « coordonnateur de crimes de masse contre des civils ne participant pas au conflit », ainsi que celui du chef janjaouite Ali Kushayb dans des attaques spécifiques.
Dans la deuxième affaire, la CPI enquête sur des crimes identiques commis contre des villageois et la poursuite de crimes contre des personnes déplacées dans des camps. Dans cette affaire, a-t-il souligné, le rôle du Président soudanais Omar Al Bashir a été démontré, « dès le début de 2003, lorsqu’il a ordonné les opérations contre les civils dans les villages, jusqu’en 2005, quand il a désigné Ahmed Harun comme Ministre d’État pour les affaires humanitaires et organisé le processus d’étranglement des communautés déplacées ».
Le 4 mars 2009, la Chambre préliminaire I a émis un mandat d’arrêt pour cinq chefs d’accusation de crimes contre l’humanité, notamment extermination, viols et meurtres, ainsi que pour deux chefs de crimes de guerre. Par deux votes contre un, les juges ont rejeté les trois accusations de génocide à ce stade. « Le Bureau a fait appel et la Chambre préliminaire doit encore décider d’accorder l’autorisation d’appel », a indiqué M. Moreno-Ocampo.
La décision du 4 mars a « clarifié le type de crimes commis au Darfour contre les personnes déplacées dans les camps », a ajouté le Procureur, affirmant que « la seule différence entre l’extermination et le génocide est la nécessité de démontrer, dans le dernier cas, une intention d’éliminer un groupe spécifique, en l’occurrence les Four, les Massalit et les Zaghawa ». « L’extermination se produit donc contre des millions de victimes », a-t-il déclaré. « L’extermination se passe devant les yeux de la communauté internationale. »
La troisième et dernière affaire suivie par la Cour pénale internationale se rapporte à l’attaque à Haskanita, en septembre 2007, qui a causé la mort de 12 soldats de la paix de l’Union africaine, « laissant des milliers de personnes sans protection », et constituant « la plus grave de toutes les attaques contre des soldats de la paix dans la région ».
Le 7 mai 2009, a poursuivi M. Moreno-Ocampo, la Chambre préliminaire I a rendu sa première décision sous scellés dans l’affaire Haskanita et a délivré une citation à comparaître à l’encontre du chef rebelle Bahar Idriss Abu Garda pour trois chefs d’accusation au titre de crimes de guerre.
Le Procureur de la CPI a ensuite informé le Conseil de sécurité des activités à venir de son Bureau. « Le processus judiciaire se poursuit », a-t-il dit. « L’audition pour la confirmation des accusations dans l’affaire d’Haskanita contre Bahar Idriss Abu Garda est prévue le 12 octobre à La Haye », a-t-il précisé, ajoutant que les groupes rebelles devraient « faciliter la présentation des deux autres commandants ». « Ils se sont engagés à le faire » et « doivent agir maintenant », a-t-il déclaré.
De même, M. Moreno-Ocampo a rappelé que le mandat d’arrêt émis contre le Président Al-Bashir avait été envoyé aux autorités soudanaises. « Le Gouvernement du Soudan a la responsabilité de l’arrêter », a-t-il assuré, soulignant que cette obligation découlait de la Charte des Nations Unies et de la résolution 1593 du Conseil de sécurité. Le Procureur de la CPI a ajouté que le Soudan avait également le devoir d’arrêter Ahmed Harun et Ali Kushayb.
De l’avis de M. Moreno-Ocampo, les États parties au Statut de Rome, qui définit les règles de fonctionnement de la Cour pénale internationale, « ont la responsabilité d’arrêter et de remettre tout accusé qui voyage sur leur territoire ». Si les États non parties au Statut n’ont pas cette obligation légale, en revanche, la résolution 1593 du Conseil de sécurité « les exhorte à coopérer pleinement avec la Cour ».
En matière de complémentarité, le Procureur s’est dit en mesure de confirmer qu’il n’existait jusqu'à présent « aucune procédure nationale au Soudan liée aux tueries massives qui font l’objet des enquêtes de la Cour ».
Dans les six mois à venir, et conformément à son mandat, le Bureau du Procureur continuera, a-t-il dit, « de déployer des efforts pour arrêter les fugitifs ». Il a indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’ouvrir une nouvelle enquête, mais qu’il continuera d’examiner toute nouvelle information concernant les crimes qui sont actuellement commis. En outre, son Bureau a pour principal objectif dans les mois à venir de « profiter de sa coopération avec les organisations régionales, ainsi qu’il l’est demandé dans la résolution 1593 ».
M. Moreno-Ocampo a par ailleurs indiqué qu’il s’était rendu la semaine dernière à Doha, au Qatar, à l’invitation du Premier Ministre Al Thani, qui dirige les efforts de médiation du conflit menés conjointement par la Ligue des États arabes et l’Union africaine. « Le travail de médiation pour le Darfour de l’Union africaine et des Nations Unies est capital pour garantir maintenant une solution complète et la sécurité pour la population du Darfour », a-t-il déclaré.
« La semaine dernière, a-t-il ajouté, j’ai vu un réel espoir et un engagement. Mon rôle est de nature purement judiciaire, mais je comprends parfaitement l’importance de l’ensemble des processus politique et de sécurité qui se déroulent à Doha afin de faire cesser la violence et d’empêcher d’autres crimes. »
« La violence n’entraînera aucune victoire », a conclu M. Moreno-Ocampo. « Dans l’intérêt des civils soudanais, toutes les parties au conflit doivent cesser de recourir à la violence. Il s’agit d’une priorité absolue. »
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