CS/9566

LE RÈGLEMENT DES CRISES HUMANITAIRES À L’ORIGINE DE DÉPLACEMENTS FORCÉS MASSIFS NE PEUT PASSER QUE PAR DES SOLUTIONS POLITIQUES, DÉCLARE LE HAUT COMMISSAIRE POUR LES RÉFUGIÉS DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ

08/01/2009
Conseil de sécuritéCS/9566
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité

6062e séance – matin


LE RÈGLEMENT DES CRISES HUMANITAIRES À L’ORIGINE DE DÉPLACEMENTS FORCÉS MASSIFS NE PEUT PASSER QUE PAR DES SOLUTIONS POLITIQUES, DÉCLARE LE HAUT COMMISSAIRE POUR LES RÉFUGIÉS DEVANT LE CONSEIL DE SÉCURITÉ


Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Antonio Guterres, a indiqué ce matin devant les membres du Conseil de sécurité que le nombre de réfugiés dans le monde s’élevait désormais à plus de 11 millions de personnes.  Ce chiffre, résultant essentiellement des situations en Iraq et en Somalie, n’inclut pas les 4,6 millions de réfugiés palestiniens administrés par l’UNRWA. 


M. Antonio Guterres était le premier Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à s’adresser dans le cadre d’une telle réunion au Conseil de sécurité.  Il a expliqué que le nombre de personnes déplacées en raison de conflits était également en hausse, atteignant à présent les 26 millions d’individus à travers le monde et posant de nouveaux défis aux États chargés d’assurer leur protection.  C’est pourquoi il a invité instamment le Conseil de sécurité à réfléchir aux réponses à trouver pour mettre fin aux persécutions et violations graves des droits de l’homme ainsi qu’aux menaces à la paix et à la sécurité internationales causant les déplacements forcés. 


Le Haut Commissaire pour les réfugiés a préconisé d’œuvrer en vue de renforcer les modalités de retour volontaire dans la sécurité et la dignité des réfugiés de longue date et d’empêcher que le phénomène migratoire ne s’aggrave, en tenant compte des problèmes posés par la dégradation du climat et la multiplication des catastrophes naturelles. 


S’il a mis l’accent sur certaines des réussites du HCR, notamment le retour chez eux en 2008 de quelque 278 000 Afghans réfugiés au Pakistan, il a aussi tenu à saluer le rôle précieux de la Jordanie et de la Syrie, où plus de 2 millions de réfugiés iraquiens ont trouvé refuge depuis le début de la guerre.  À ce propos, M. Guterres a lancé un appel aux pays riches pour qu’ils apportent leur appui à ces États et aux organisations qui, ensemble, assument le poids des exilés.  Il a demandé une assistance matérielle accrue et, le cas échéant, la fourniture d’opportunités aux Iraquiens les plus vulnérables pour qui le retour volontaire n’est pas à court terme une option viable. 


Après avoir mis en garde contre les conséquences d’une dégradation de la situation en Somalie -où plus d’un million de déplacés dépendent directement de l’aide alimentaire- sur la stabilité dans la région, M. Guterres a brièvement évoqué le sort des Palestiniens de Gaza.  « Le HCR n’est pas à présent dans la zone, a–t-il dit, une agence similaire, l’UNRWA, s’occupant de répondre aux besoins de populations qui, victimes des combats, n’ont même pas la possibilité de fuir. »  Soulignant la solidarité du HCR avec l’UNRWA, il a appelé les parties au strict respect des principes humanitaires à l’intérieur et dans les environs de Gaza, y compris le respect du droit universel des personnes à chercher un abri. 


Le sort particulier des femmes et des enfants ainsi que des travailleurs humanitaires a été évoqué au prisme des situations au Nord-Kivu et au Darfour. 


Faisant écho à ses remarques préliminaires sur les autres crises en Afrique, en Asie centrale et au Moyen-Orient, M. Gurerres a estimé qu’il n’y aurait pas de solutions humanitaires durables à ces crises sans une solution politique appropriée et une gestion améliorée des contextes postconflit de relèvement.  


Les membres du Conseil de sécurité ont ensuite fait entendre leur voix.  Ils ont unanimement souhaité que davantage de réunions de ce type aient lieu à l’avenir pour renforcer l’interaction entre le Conseil de sécurité et le HCR, dont l’expertise pourrait notamment profiter à la reconfiguration de certaines opérations de maintien de la paix. 


Le représentant de la Jamahiriya arabe libyenne a saisi l’occasion pour saluer le travail de l’UNRWA à Gaza, ainsi que le courage de ses fonctionnaires qui continuent de prêter assistance aux civils Palestiniens en détresse en dépit des graves dangers encourus.  Il a souhaité qu’à l’avenir, la Commissaire de l’UNRWA, Mme Karen AbuZayd, soit invitée à venir s’exprimer devant le Conseil, comme Guterres aujourd’hui.  Se référant pour sa part au sort des exilés iraquiens, la Turquie a rappelé que lors de la première Guerre du Golfe, elle avait assumé la responsabilité d’ouvrir ses portes à plus de 500 000, alors qu’elle manquait d’un réel soutien international.  Le représentant de la Turquie a ainsi exhorté la communauté internationale à apporter son plein appui à la Syrie et à la Jordanie qui, à leur tour, accueillent le flux des réfugiés iraquiens fuyant la crise dans leur pays. 


Le représentant de l’Ouganda, revenant sur le cas de la République démocratique du Congo, où de récents déplacements massifs de réfugiés ont été causés par les activités brutales de l’Armée de résistance du Seigneur, a estimé que cet exemple illustrait une situation où un État ne peut pas protéger ses citoyens.  Il a demandé au Conseil de se saisir de cette question, la communauté internationale ne pouvant être un témoin passif du malheur des personnes déplacées.  Le concept de prévention, a-t-il estimé, doit être examiné de manière détaillée par le Conseil de sécurité, l’approche qu’il suggère étant potentiellement moins coûteuse que les efforts qu’entraîne le relèvement d’un conflit.


Le représentant de la France, qui présidait la séance, a salué l’adoption de la résolution 1844 du Conseil de sécurité concernant la situation en Somalie qui autorisera la prise de sanctions à l’encontre de ceux qui entraveront l’acheminement de toute aide humanitaire.  S’agissant de la crise à Gaza, il a indiqué que la présence prolongée à New York du Ministre français des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, et de plusieurs de ses homologues démontrait que seul un règlement politique du conflit israélo-palestinien était envisageable, par le biais entre autres d’une réconciliation nationale soucieuse du respect des droits de l’homme.


EXPOSÉ DU HAUT COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS


Déclarations


M. ANTONIO GUTERRES, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a déclaré que ces deux dernières années avaient été marquées par une augmentation significative du nombre de réfugiés dans le monde, due au premier chef aux situations en Iraq et en Somalie.  Il a estimé que ce nombre était supérieur à 11 millions, ce chiffre n’incluant pas les 4,6 millions de Palestiniens administrés par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).  Il a précisé que le nombre de personnes déplacées en raison des conflits avait également augmenté pour atteindre les 26 millions à travers le monde.  Alors que des États ont la responsabilité d’assurer la protection et le bien-être des citoyens déplacés, certains manquent des capacités pour le faire, a-t-il ajouté.  « Partout où cela est possible, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) travaille en liaison avec la communauté humanitaire pour aider les États à fournir protection et assistance aux personnes déplacées. »  M. Guterres a ensuite évoqué les grandes tendances dans le domaine du déplacement forcé et les défis correspondant auxquels le HCR est confronté et qui concernent le Conseil de sécurité.  Il a expliqué que le déplacement forcé découlait en général de persécutions graves et de violations des droits de l’homme ainsi que de menaces à la paix et à la sécurité internationales.  M. Guterres a souligné que les conflits actuels, qui sont étroitement liés avaient des implications majeures sur la paix et la sécurité mondiales.  Ces conflits, qui s’étendent de l’Asie du Sud à l’Asie du Sud-Ouest, sont au centre de nombreuses crises humanitaires qui génèrent les deux tiers du nombre total de réfugiés, a-t-il dit.  M. Guterres a estimé qu’une réponse humanitaire efficace était possible, uniquement si elle pouvait s’appuyer sur des solutions politiques et une contribution crédible de l’ONU. 


Évoquant la situation en Afghanistan, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a expliqué que l’intensification du conflit, couplée aux attaques dont sont de plus en plus souvent l’objet les travailleurs humanitaires sur place, limitait désormais l’acheminement de l’aide dans près de la moitié du territoire national.  Toutefois, a-t-il rappelé, ce sont quelque 278 000 Afghans qui, en 2008, grâce à notre soutien, ont pu rentrer chez eux, en particulier des réfugiés au Pakistan.  Il a précisé que ces retours n’étaient pas la conséquence d’une amélioration de la situation en Afghanistan mais le résultat de l’intensification de l’insécurité dans les zones frontalières entre ce pays et le Pakistan et à l’intérieur des camps de réfugiés.  M. Guterres a indiqué que le HCR avait récemment organisé une conférence internationale avec le Gouvernement afghan à Kaboul en vue de consolider une stratégie globale de retour durable et de réinsertion des réfugiés et déplacés de la région.  « Le succès de cette conférence dépendra de la mise en œuvre du processus de suivi de la part de toutes les parties prenantes, basée sur un engagement à la fois national et international en faveur de la sécurité, du renforcement de la gouvernance et du développement économique et social. »


Passant à la situation en Iraq, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a indiqué qu’il a travaillé, en collaboration avec le Gouvernement iraquien, à réunir les conditions adéquates pour un retour volontaire et durable ainsi que la réintégration des réfugiés et des déplacés.  Ce retour volontaire doit s’effectuer dans la sécurité et la dignité, a-t-il dit, et il est vital que les pays hôtes comme la Jordanie et la Syrie, où plus de 2 millions d’Iraquiens ont trouvé refuge, maintiennent leur aide généreuse. 


M. Guterres a lancé un appel aux pays riches pour apporter leur plein appui à ces États et aux organisations qui assument l’essentiel du poids des exils iraquiens, par le biais d’une assistance matérielle et à travers la fourniture d’opportunités aux iraquiens les plus vulnérables pour qui le retour volontaire n’est pas une option viable.  Concernant le Darfour, il a indiqué que le sort des deux millions de personnes déplacées dépendait de la capacité du Gouvernement du Soudan et des différents groupes de rebelles à s’entendre.  Sans cette entente, l’Opération hybride Unions africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) risque de demeurer dans l’incapacité de répondre aux besoins en matière de sécurité, a-t-il souligné.  Même si un accord de paix globale est établi, que la force internationale se voit renforcée et qu’il est mis fin à l’impunité, un investissement massif sera nécessaire pour rétablir l’équilibre social, économique et environnemental dans la région qui est nécessaire pour des relations harmonieuses entre les différents groupes ethniques.  M. Guterres, après avoir déclaré qu’une dégradation de la situation en Somalie, où plus d’un million de Somaliens dépendent de l’aide alimentaire, aurait des conséquences désastreuses dans la région, a attiré l’attention sur la crise à Gaza.  « Le HCR n’est pas présent dans la zone, mais une agence similaire, l’UNRWA, s’occupe de répondre aux besoins des populations. »  Il a relevé qu’à Gaza, la population civile ne pouvait même pas fuir.  Soulignant la solidarité du HCR avec l’UNRWA, il a appelé à la plus stricte observance des principes humanitaires à l’intérieur et dans les environs de Gaza, y compris le respect du droit universel des personnes à chercher un abri. 


Le Haut Commissaire pour les réfugiés a ensuite évoqué une autre catégorie de conflits qui, a-t-il dit, ne sont pas perçus comme représentant une menace à la paix et à la sécurité internationales.  La situation en Centrafrique est un cas exemplaire, a-t-il indiqué.


« Pour faire écho à mes remarques préliminaires, il n’y a pas de solution humanitaire à ce conflit », a-t-il estimé.  La solution doit être politique et impliquer la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda, d’autres acteurs régionaux et la communauté internationale dans son ensemble.  La tragédie qui se déroule actuellement dans le Nord-Kivu a un héritage historique complexe issu de la domination coloniale et exacerbé plus récemment par le génocide au Rwanda et deux guerres civiles au Congo.  La solution doit également prendre en compte la présence des FDLR dans la région, qui menace toute possibilité d’accord de paix, a préconisé le Haut Commissaire.  De l’avis de M. Guterres, la paix sera de courte durée si les problèmes sous-jacents de l’accès aux terres, de la propriété, de la citoyenneté, des relations interethniques et de la représentation des minorités ne sont pas résolus.  Mais la RDC ne se limite pas seulement au Nord-Kivu.  « Nous avons observé récemment des déplacements significatifs de populations dans la province de l’Ituri et la province Orientale », a relevé M. Guterres.  De graves violations des droits de l’homme sont aussi perpétrées dans le Sud-Kivu, visant tout particulièrement les femmes et les enfants, a-t-il indiqué.  Tous les six mois, en RDC, le nombre de victimes provoquées par le conflit armé et le manque de ressources équivalent à celui causé par le passage du tsunami en Asie en 2004.  Seul le Conseil de sécurité a la légitimité pour diriger les efforts de la communauté internationale pour mettre fin à cette situation inacceptable, a estimé le Haut Commissaire.


M. Guterres a ensuite attiré l’attention sur les nouvelles formes de déplacement de personnes provoquées par des phénomènes tels que les changements climatiques, la pauvreté extrême et la mauvaise gouvernance.  Puis, il a cité trois défis majeurs qui se posent à la communauté internationale sur le plan humanitaire.  Le premier est celui du maintien de la paix dans les situations où il n’y a pas de paix à maintenir, et ses rapports avec la protection des civils.  En tant qu’institution humanitaire, le HCR a une capacité limitée pour assurer la protection des civils qui bénéficient de son assistance.  « Nous saluons les récentes résolutions du Conseil de sécurité pour renforcer les capacités de la Mission de l’ONU en RDC (MONUC) », a-t-il commenté.  Mais dans les situations où il n’y a pas de paix à garder, les mandats pour la protection des civils doivent être suffisamment clairs et robustes, a jugé le Haut Commissaire.


Le second défi est d’assurer la protection des personnels humanitaires déployés dans les régions les plus dangereuses du monde.  Il a notamment cité la Somalie, où les membres du HCR ont été visés à plusieurs reprises.  Le troisième, enfin, consiste à préserver un espace humanitaire dans le contexte d’une présence intégrée de l’ONU.  Une telle présence peut être un cadre efficace pour la collaboration entre les institutions humanitaires et les composantes sécuritaire et politique du système des Nations Unies, a ajouté M. Guterres.  Cela est tout particulièrement important pour les agences qui opèrent dans un environnement très politisé et militarisé.  Il a souhaité en conclusion de son exposé que ces questions continuent de figurer au centre des préoccupations des membres du Conseil de sécurité.  Une prévention efficace exigera de prendre une série de mesures par un certain nombre de parties prenantes, dont les États Membres, les entités des Nations Unies, les organisations régionales et les organisations financières.


M. JORGE URBINA (Costa Rica) s’est félicité de l’exposé du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, tout en souhaitant qu’il soit fait de manière régulière à l’avenir.  Lorsque le Haut Commissariat a été créé, a-t-il rappelé, on imaginait un mandat provisoire, et l’histoire nous a donné tort car, a-t-il fait remarquer, les déplacements de personnes se font plus nombreux, comme en témoigne la situation à Gaza.  Des réponses concrètes et des solutions durables sont indispensables pour mettre fin à cette situation, comme à celle qui prévaut au Soudan.  Tant que le Conseil de sécurité continuera à fermer les yeux sur de telles situations, notre responsabilité collective soulèvera des interrogations, a-t-il prévenu.  Sa délégation comprend que l’évolution de la situation nécessite l’inscription de la question des réfugiés dans une problématique plus large, que l’on pourrait classer sous le thème de la protection des civils dans les conflits armés.  À tout moment, il est nécessaire de réunir les conditions nécessaires à la mise en place de corridors humanitaires, a ajouté le représentant.  De l’avis de sa délégation, les nouveaux défis appellent à de nouvelles pratiques, comme les mécanismes de réaction rapide et d’alerte anticipée.  Il est alarmant de constater la persistance des attaques à main armée, des viols et des recrutements d’enfants qui se produisent au sein même des camps de réfugiés.  « Nous insistons aussi sur l’importance de mandats robustes pour garantir une véritable protection des réfugiés et des déplacés, comme le personnel humanitaire », a conclu le représentant.


M. BAKI ILKIN (Turquie) a estimé qu’aucune organisation, ni aucun État, ne pouvaient seuls faire face à une situation aussi vaste et complexe que celle des réfugiés.  La coopération internationale et la solidarité sont impératives, a-t-il dit, estimant que dans ce cadre, le HCR jouait un rôle crucial sur le terrain.  Il mérite l’appui de tous, y compris du Conseil de sécurité.  La question est donc de savoir comment le Conseil peut aller plus loin dans le soutien au HCR, a encore dit le représentant.  La Turquie, a-t-il ajouté, est engagée auprès du HCR pour répondre, dans sa région qui est marquée par les tensions au Moyen-Orient, dans le Balkans et dans le Caucase, au mieux aux défis posés par le nombre croissant de réfugiés et de personnes déplacées.  M. Ilkin a expliqué que la position géographique de la Turquie expliquait pourquoi son pays avait toujours historiquement défendu la cause des populations ayant fui les conflits, la violence et l’oppression.  « Il y a peu, la Turquie a accueilli un nombre important de réfugiés en provenance des Balkans et d’Iraq, et vous vous souviendrez que mon pays avait assumé l’énorme responsabilité d’ouvrir ses portes à plus de 500 000 Iraquiens durant la première guerre du Golfe, alors que nous manquions de soutien international », a rappelé le représentant.  C’est pourquoi, il a appelé la communauté internationale à apporter son plein appui à la Syrie et à la Jordanie qui, à leur tour, accueillent le flux des réfugiés iraquiens fuyant la crise dans leur pays.    


M. YUKIO TAKASU (Japon) a rappelé que près de 40 millions de personnes ont été déplacées à la suite de conflits et de persécutions, tandis que 26 millions d’autres le sont en raison de catastrophes naturelles.  Il n’y a pas de mesure politique unique pour répondre à des phénomènes d’une telle diversité, a-t-il cependant observé, avant de souligner que la protection des civils contraints de quitter leur foyer devrait être la première priorité.  L’aide au retour et la réinsertion professionnelle, comme l’assistance aux rapatriés, sont des éléments indispensables à une solution durable.  S’agissant de la sécurité du personnel humanitaire, le représentant s’est déclaré préoccupé par la recrudescence des attaques, qui rend indispensable la mise en place de corridors humanitaires respectés par toutes les parties au conflit.  Il s’est ensuite félicité de la résolution récemment adoptée par l’Assemblée générale proclamant le 19 août Journée humanitaire mondiale.  S’adressant au Haut Commissaire pour les réfugiés, il a réitéré l’appui de son pays à ses activités, notamment dans l’accueil et la réinsertion de réfugiés en provenance du Myanmar.


Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré que si le HCR n’était pas présent à Gaza, les pensées du Conseil de sécurité devaient aller aux populations civiles de la zone alors que les débats se poursuivent à New York.  Elle a exprimé son admiration à l’égard des travailleurs humanitaires à Gaza et dans le sud d’Israël, et a appelé à l’ouverture de l’accès humanitaire immédiat conformément au droit international humanitaire.  Elle a également plaidé pour l’instauration d’une trêve pour permettre la fourniture de l’aide en attendant le règlement de cette crise.  Évoquant ensuite les efforts du HCR, elle a estimé qu’il faudrait privilégier une approche intégrée pour renforcer les chances de succès sur le terrain au lendemain des conflits.  Si la question des réfugiés devient plus complexe à mesure que les conflits eux-mêmes deviennent plus difficiles à résoudre, cela exige en amont des partenariats solides et élargis, a encore dit la représentante.  Elle a en outre demandé que le Conseil réfléchisse plus avant au concept de prévention en vue de le rendre opérationnel pour que l’aide soit apportée là où elle est cruciale, et d’accélérer la réponse des États.  « Le Conseil de sécurité doit se servir davantage de l’expertise du HCR à cette fin. »


M. LE LUONG MINH (Viet Nam) s’est déclaré préoccupé par le nombre croissant de personnes apatrides dans le monde, ainsi que par les conditions de vie des personnes dans les zones de conflit, en particulier des femmes et des enfants, exposés à des violences sexuelles et à des privations diverses.  Il a insisté sur le fait qu’il est essentiel de renforcer le rôle du HCR et sa coordination avec d’autres organes du système des Nations Unies, comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  Par ailleurs, le représentant a estimé que les principes d’impartialité et de neutralité devraient être scrupuleusement respectés par les parties au conflit quand il s’agit de personnel humanitaire.  Il a aussi insisté sur l’importance de prendre pleinement en compte la réinsertion des personnes déplacées et des réfugiés.


M. MICHEL KAFANDO (Burkina Faso) a indiqué que les millions de réfugiés et de déplacés vivaient dans des conditions de plus en plus difficiles, compte tenu notamment du surpeuplement dans les camps et des violations de leurs droits les plus élémentaires, parfois par ceux-là mêmes qui sont chargés d’assurer leur protection.  Il a demandé une action vigoureuse de la communauté internationale et, en particulier du Conseil de sécurité qui, a-t-il préconisé, doit examiner plus avant les mandats des opérations de maintien de la paix.  Le volet concernant la protection des civils doit être étoffé, a dit le représentant, et les missions de l’ONU doivent pouvoir s’appuyer sur les capacités adaptées à leurs prérogatives.  Le représentant a ensuite estimé qu’il ne faudrait pas hésiter le cas échéant à réviser les configurations de certaines missions, comme c’est actuellement le cas concernant la MONUC.  Il a insisté sur le besoin d’adapter la formation du personnel de l’ONU pour éviter les abus, et a rappelé qu’il incombe aux États d’assurer la protection des civils, conformément aux textes internationaux en vigueur.  « Pour ce qui est de l’Afrique, la question des réfugiés est directement liée à celle du développement, et nous espérons que la prochaine convention sur l’assistance aux personnes déplacées suscitera une importante mobilisation des forces politiques du continent. »


M. VANCE MACMAHAN (États-Unis) s’est dit préoccupé par la gravité des conflits à l’origine du déplacement de civils, qui en sont souvent les premières victimes, mais aussi le personnel humanitaire qui tente de leur prêter assistance.  Réagissant aux propositions visant à remanier et étendre le mandat du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il a souhaité pour sa part que l’objectif central du HCR, qui consiste à assurer la protection des réfugiés, soit maintenu.  Par ailleurs, les États-Unis estiment que la prévention des violences sexuelles commises dans les situations de conflit doit être pleinement intégrée aux mandats des opérations de maintien de la paix, a indiqué le représentant.  De l’avis de sa délégation, les femmes devraient être encouragées à participer aux efforts de consolidation de la paix, et les institutions humanitaires de l’ONU être autorisées à faire leur travail.  Le représentant s’est déclaré convaincu que les efforts pour répondre aux besoins de protection humanitaire des réfugiés sont plus efficaces lorsque l’ONU fait preuve de bonne volonté et assure une meilleure coordination avec ses institutions.  Avant de conclure, il s’est dit très préoccupé par la situation humanitaire de la population palestinienne à Gaza, en dépit des mesures prises par Israël.


M. THOMAS MAYR-HARTING (Autriche) a partagé les préoccupations du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés concernant l’émergence de phénomènes de plus en plus nombreux à l’origine de déplacements de personnes.  Il a tout particulièrement attiré l’attention sur l’impact des changements climatiques et de ses implications en matière de sécurité humaine et même des États.  Le représentant a ensuite estimé qu’il serait pertinent de souligner le rôle de la MINURCAT et de l’opération de l’Union européenne dans l’est du Tchad et dans le nord-ouest de la République centrafricaine.  Pour l’Autriche, le HCR a raison de dire que le retour volontaire et sûr des personnes déplacées joue un rôle crucial dans les efforts de consolidation de la paix et constitue un élément clef d’une paix durable.  De l’avis de sa délégation, les efforts de consolidation de la paix devraient prendre en considération les besoins spécifiques des personnes déplacées ainsi que de leurs communautés d’accueil.  À cet égard, la mise en œuvre des programmes de protection régionale est particulièrement importante, a souligné M. Mayr-Harting, qui a aussi préconisé de renforcer les capacités de la région concernée.  L’Autriche, a-t-il également indiqué, adhère à la position du Haut Commissaire selon laquelle il faudrait améliorer la participation des réfugiés eux-mêmes aux processus de paix et aux négociations, et encourager le rôle des femmes dans les efforts de consolidation de la paix.


M. CLAUDE HELLER (Mexique) a souligné la nécessité de réagir à l’augmentation du nombre de réfugiés et des personnes déplacées dans le monde en mettant l’accent sur la prévention du phénomène et en tenant notamment compte de la montée conjointe des périls liés aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles.  L’augmentation des flux à venir de réfugiés économiques et les déplacements forcés vont menacer plus encore qu’aujourd’hui la stabilité des régions, a indiqué le représentant.  M. Heller a appelé à la définition de mandats vigoureux des missions de l’ONU dans les régions troublées, en les dotant de directives claires pour que soit assurée la protection des réfugiés et des travailleurs humanitaires dans les situations les plus critiques.  À cet égard, il a plaidé pour que le HCR soit davantage associé aux travaux des autres institutions et programmes des Nations Unies pour identifier les problèmes.  Il faudrait qu’à cette fin, le HCR fasse des exposés au Conseil de sécurité sur une base plus régulière, a-t-il dit.


M. ILYA I. ROGACHEV (Fédération de Russie) a estimé qu’il faudrait assurer la sécurité des réfugiés et respecter les normes de droit international dans ce domaine.  Il a souligné l’importance d’établir une concertation entre le HCR et les gouvernements concernés.  Le représentant a ensuite attiré l’attention sur la situation des réfugiés iraquiens, mais aussi palestiniens.  S’agissant de ces derniers, la délégation a appelé à la mise en place d’une meilleure coordination entre le HCR et l’UNRWA.  Il est également nécessaire, a poursuivi le représentant, de continuer à faire la différence entre l’assistance que doit prêter le HCR aux réfugiés et aux personnes déplacées, conformément à son mandat.  De l’avis de sa délégation, ce sont en effet aux États concernés qu’incombe la protection des personnes déplacées à l’intérieur des frontières.  Le représentant a attiré l’attention sur la question de la sécurité des camps de réfugiés, en particulier en Afrique, qui doivent être démilitarisées.  À cet égard, a-t-il dit, le HCR a un rôle à jouer.


M. RANKO VILOVIC (Croatie) a déploré l’augmentation du nombre de réfugiés et de personnes déplacées dans le monde et estimé que seule une solution politique pourrait permettre une appréhension efficace du phénomène.  Saluant les efforts du HCR, il a estimé que les nouvelles formes de déplacements forcés devraient être prises en compte par le Conseil de sécurité, pour assurer réellement et durablement la sécurité des civils et du personnel humanitaire.  Il a fustigé le recours accru à la violence sexuelle pendant et après les conflits, et a appelé à la promotion de la participation des femmes aux processus de négociation sur le maintien et à la consolidation de la paix.  


Mme ZHANG DAN (Chine) s’est déclarée inquiète de l’augmentation du nombre de réfugiés dans le monde, qui atteint désormais le chiffre de 11,4 millions, sans compter celui des personnes déplacées, également important.  Désormais, aux situations de conflit, s’ajoutent des phénomènes tels que les changements climatiques et la dégradation de l’environnement.  Pour la délégation chinoise, mettre fin aux conflits régionaux et créer un environnement approprié constituent les moyens les plus sûrs de résoudre le problème des réfugiés.  La représentante a également estimé qu’il était nécessaire pour le Conseil de sécurité de renforcer la coordination et la collaboration entre le maintien de la paix d’un côté, et la protection et l’assistance humanitaire aux réfugiés de l’autre, de manière à favoriser l’émergence d’un tel environnement.


M. FRANCIS BUTAGIRA (Ouganda) a rappelé que la question des déplacements internes relevait de la responsabilité des États souverains et pas du mandat du HCR.  Il a évoqué le cas de la République démocratique du Congo, où de récents déplacements massifs de réfugiés avaient été causés par les activités brutales de l’Armée de résistance du Seigneur.  « Cet exemple illustre une situation où un État ne peut pas protéger ses citoyens, et il nous force à nous interroger sur ce que doit faire la communauté internationale. »  Le représentant a estimé qu’il était urgent que le Conseil se saisisse de cette question, la communauté internationale ne pouvant être un témoin passif du malheur des personnes déplacées.  Il a estimé que le concept de prévention devrait être examiné de manière détaillée par le Conseil de sécurité, compte tenu que l’approche moins coûteuse, selon lui, que les efforts qu’entraîne le relèvement d’un conflit.


M. ABDELRAZAG GOUIDER (Jamahiriya arabe libyenne) a affirmé que la question des réfugiés était d’une importance capitale, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique.  Quand on examine la répartition géographique de ces réfugiés, on constate que plus de 6 millions sont Palestiniens, a-t-il précisé.  La Lybie, qui a connu la « férule coloniale », connaît bien les souffrances qui accablent les Palestiniens, en particulier les deux tiers de la population de Gaza, qui vivent depuis deux semaines sous les bombardements et les tirs d’artillerie et se trouvent privés de l’aide humanitaire dont ils ont besoin.  Ces réfugiés, contraints de quitter leurs maisons en 1948, et à nouveau sur le chemin de l’exil en 1967, n’ont plus d’autre choix que de mourir dans le silence le plus total de la communauté internationale et de ce Conseil de sécurité, a lancé le représentant libyen.  Il a donc saisi l’occasion pour saluer le travail de l’UNRWA, ainsi que le courage des fonctionnaires de cette organisation qui continuent de prêter assistance aux civils en détresse en dépit des graves dangers encourus.  Il a souhaité qu’à l’avenir, la Commissaire de l’UNRWA, Mme Karen AbuZayd, soit invitée à venir s’exprimer devant le Conseil comme M. Gutteres aujourd’hui.  C’est aux pays où se trouvent les réfugiés, en partenariat avec les organisations internationales, qu’il incombe de les prendre en charge, d’assurer leur retour et de leur trouver un emploi, a-t-il par ailleurs précisé.


M. JEAN-PIERRE LACROIX (France) a souhaité d’emblée que des rencontres plus fréquentes aient lieu entre le HCR et le Conseil de sécurité.  Il a noté que la pauvreté, l’accès aux ressources naturelles et les changements climatiques intensifiaient encore le phénomène des réfugiés et des déplacés, dont il a estimé qu’il faudrait assurer la protection à laquelle ils ont droit quels que soient les contextes.  Le représentant a souligné l’urgence de trouver une solution aux problèmes posés par la situation prolongée des réfugiés en s’inspirant des réponses ayant permis, comme en Angola, au Libéria ou encore au Sud-Soudan, le retour volontaire de nombreux réfugiés chez eux.  S’agissant des situations en Afghanistan et dans le Caucase, le représentant a préconisé le renforcement des efforts régionaux pour assurer un retour digne et durable basée sur une stratégie globale et l’assistance soutenue aux États confrontés au poids des réfugiés.  Le représentant a ensuite appelé à la fin des violations des droits dans les camps de réfugiés, notamment au Kivu et au Darfour, ajoutant que le renforcement du mandat et des moyens des opérations de maintien de la paix devrait permettre l’amélioration de la protection des civils.  Il a salué l’adoption de la résolution 1844 du Conseil de sécurité concernant la situation en Somalie, qui autorisera l’imposition de sanctions à l’encontre de ceux qui entraveront l’acheminement de l’aide humanitaire.  Pour ce qui est de la crise à Gaza, le représentant a indiqué que la présence prolongée à New York du Ministre français des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, et de plusieurs de ses homologues démontrait que seule une résolution politique du conflit israélo-palestinien était envisageable, par le biais entre autres d’une réconciliation nationale soucieuse du respect des droits de l’homme.


Répondant aux questions et observations formulées par les délégations, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés s’est déclaré enthousiaste à l’idée de revenir plus régulièrement devant le Conseil de sécurité en vue de renforcer la coordination interinstitutionnelle entre le HCR et cet organe.  S’adressant au représentant du Costa Rica, il a déclaré qu’une solidarité institutionnelle plus forte du monde développé était en effet indispensable pour aider les réfugiés à retourner dans leur pays d’origine et à se réinsérer.  Félicitant ensuite la Turquie, à la fois pays de transit et pays d’accueil, le Haut Commissaire a attiré l’attention sur les dangers posés par les trafics d’êtres humains, qui rendent difficiles l’identification des réfugiés.  Il a aussi remercié le représentant du Japon, qui est revenu sur les causes profondes des conflits, et qui, de l’avis de sa délégation, doivent être prises en compte pour mettre au point des solutions durables.  M. Guterres a souligné par ailleurs qu’il était indispensable d’assurer la protection du personnel humanitaire déployé sur le terrain, a-t-il dit.  Le HCR, a conclu M. Guterres, est disposé à continuer d’appuyer l’action de l’UNRWA.  Il a ajouté qu’une aide supplémentaire de la part de la communauté internationale serait bienvenue pour permettre à cette agence de s’acquitter de son mandat.  Il a aussi appuyé l’idée selon laquelle il faudrait soutenir les communautés d’accueil, qui partagent leurs ressources avec les réfugiés.  M. Gutteres a salué l’Autriche pour l’intérêt qu’elle accorde au lien entre sécurité humaine et consolidation de la paix.  Il faut, a-t-il également indiqué, soutenir les pays qui accueillent les réfugiés.


*   ***   *


À l’intention des organes d’information • Document non officiel
À l’intention des organes d’information. Document non officiel.