L'Assemblée générale conclut un débat sans précédent sur la responsabilité de protéger, un concept qui continue de diviser les États Membres
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Assemblée générale
Soixante-troisième session
100e & 101e séances plénières
Matin & après-midi
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE CONCLUT UN DÉBAT SANS PRÉCÉDENT SUR LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER, UN CONCEPT QUI CONTINUE DE DIVISER LES ÉTATS MEMBRES
L’Assemblée générale a conclu, cet après-midi, le débat interactif qu’elle avait entamé la semaine dernière sur la notion de « responsabilité de protéger », en entendant plus d’une trentaine de délégations s’exprimer sur ce concept qui est encore loin de faire l’unanimité parmi les États Membres.
Le Président de la soixante-troisième session de l’Assemblée, Miguel d’Escoto Brockmann, a toutefois indiqué, en fin de séance, que ce débat aura probablement été « la discussion la plus intensive et la plus complète jamais consacrée » à ce thème, en faisant remarquer que pas moins de 94 États Membres avait pris la parole, ainsi que deux délégations ayant le statut d’Observateur permanent.
Lors du Sommet mondial de 2005, les 180 chefs d’État et de gouvernement présents aux Nations Unies s’étaient engagés en faveur de la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, et ils avaient également apporté leur soutien à la lutte contre l’incitation à ces actes. Faire en sorte que ces crimes ne soient pas commis contre une population relève de la responsabilité de protéger, que la communauté internationale doit assumer à la place de l’État concerné si celui-ci n’a pas les capacités ou la volonté politique de le faire.
Dans un rapport* qu’il a présenté mardi dernier à l’Assemblée, le Secrétaire général avait dévoilé une stratégie destinée à donner une dimension « opérationnelle » à la responsabilité de protéger, en s’appuyant sur trois piliers: la responsabilité de l’État en matière de protection; l’assistance internationale et le renforcement des capacités; et la réaction résolue en temps voulu contre toute tentative de commettre le genre de crimes graves identifiés.
Si la plupart des délégations se sont accordées à reconnaître qu’il appartient en premier lieu à un État de protéger sa population, et à la communauté internationale -en particulier au système des Nations Unies-, de renforcer les capacités d’alerte rapide et de prévention des pays qui en ont besoin, elles ont en revanche affiché leurs divergences s’agissant du troisième pilier, qui pourrait prendre la forme d’une intervention militaire mandatée par le Conseil de sécurité.
La mise en œuvre de ce pilier, qui est un recours à l’usage de la force, a de nouveau posé problème à certains États Membres qui soupçonnent que la notion d’une « réaction résolue en temps voulu » cache une volonté de porter atteinte à leur souveraineté. Ainsi, le Nicaragua, par la bouche de son représentant, a exprimé aujourd’hui son scepticisme devant ce qu’il qualifie comme un « prétexte de la part de certaines puissances pour s’octroyer un droit d’ingérence dans les affaires d’un État souverain ».
La délégation de la Fédération de Russie a préconisé une approche « équilibrée et prudente », jugeant que les conditions n’étaient pas encore réunies pour permettre l’opérationnalisation de la responsabilité de protéger, et ce en raison du caractère encore « fragile et préliminaire » de certaines notions qu’elle recouvre. Il a été rejoint, en ce sens, par la délégation du Sri Lanka, pour qui, « toute application simpliste de la responsabilité de protéger doit être évitée » et qui a recommandé que soient plutôt préférés « les partenariats consensuels aux actions coercitives ». D’autres intervenants, a rappelé le Président de l’Assemblée, ont émis des doutes quant à la capacité de la communauté internationale à répondre aux insuffisances de certains États en matière de responsabilité de protéger sans que l’on tombe de nouveau dans la pratique du « deux poids deux mesures ». Si la doctrine de la « responsabilité de protéger » est adoptée, serons-nous en mesure de renforcer la responsabilisation au cas où certaines nations abusent du droit à faire usage de la force, s’est demandé M. d’Escoto Brockmann.
Comme tant d’autres avant lui, la délégation de la Jamaïque, qui s’exprimait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a estimé que la réforme du Conseil de sécurité était une condition préalable à la mise en œuvre du troisième pilier de la responsabilité de protéger. Pour ces pays, un Conseil de sécurité plus représentatif et donc plus démocratique dans ses méthodes de travail, et dont les membres ne possèderaient plus de droit de veto, ou ne pourraient pas l’exercer dans les situations relevant de la responsabilité de protéger, pourrait « assumer » de manière plus légitime la mise en œuvre de ce concept, y compris en autorisant l’usage de la force au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Le représentant du Panama ne l’a cependant pas entendu ainsi, jugeant au contraire que le manque de réforme du Conseil de sécurité ne saurait être une excuse pour ne pas intervenir lorsque les circonstances l’exigent. Celui du Bénin a souligné pour sa part que la responsabilité de protéger ne pouvait être crédible en l’absence de son troisième pilier.
Les représentants de la Fédération de Russie et de la Géorgie ont exercé leur droit de réponse.
La prochaine séance plénière de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.
* A/63/677 et voir communiqués AG/10845, AG/10847 AG/10848 et AG/10849
APPLICATION ET SUIVI INTÉGRÉS ET COORDONNÉS DES TEXTES ISSUS DES GRANDES CONFÉRENCES ET RÉUNIONS AU SOMMET ORGANISÉES PAR LES NATIONS UNIES DANS LES DOMAINES ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ET DANS LES DOMAINES CONNEXES; ET SUIVI DES TEXTES ISSUS DU SOMMET DU MILLÉNAIRE: RAPPORT DU SÉCRÉTAIRE GÉNÉRAL ( A/63/677 )
Déclarations
M. R.K.S. SURESH CHANDRA (Sri Lanka) a estimé, à l’instar du Secrétaire général, qu’étant donné la différence des points de vue sur la question, l’Assemblée générale devait se contenter, à ce stade, de poursuivre l’examen de la notion de « responsabilité de protéger » avant de prétendre passer à sa mise en œuvre. Toute application simpliste de la responsabilité de protéger doit être évitée, a ajouté le représentant, pour qui, il importe également de bien définir les facteurs qui déclencheraient une action internationale. La question clef est de savoir qui définira et déterminera si une situation donnée justifie une intervention préventive ou réactive, a-t-il notamment dit. Pour M. Chandra, il importe également d’encourager des initiatives régionales, lesquelles sont plus susceptibles d’obtenir des résultats dans les domaines de la gestion et de la résolution de conflits. Pour le représentant, la communauté internationale doit intervenir uniquement dans les cas où un État aurait clairement démontré qu’il est incapable d’honorer ses obligations découlant du droit international, et cette intervention devrait avoir lieu avec le consentement du Gouvernement démocratiquement élu de chaque État. L’objectif de la responsabilité de protéger doit être de promouvoir la coopération pour l’établissement de la paix et de la prospérité par l’intermédiaire de mesures préventives consensuelles, a notamment estimé M. Chandra.
Après avoir insisté sur l’importance de définir les procédures qui permettront d’établir des partenariats consensuels, au lieu de lancer des actions coercitives, le représentant du Sri Lanka a déclaré que la responsabilité de protéger était une obligation fondamentale de la gouvernance, que ce soit au niveau national, régional ou international. Il a par ailleurs estimé que le concept de la « responsabilité souveraine » devait également s’appliquer à des questions clefs comme, entre autres, le désarmement nucléaire, la non-prolifération, la lutte contre le terrorisme, le réchauffement climatique, la sécurité biologique, ou encore, la prospérité économique.
M. RUPERT S. D. DAVIES (Sierra Leone) qui s’est associé aux déclarations faites par le Swaziland et l’Égypte, respectivement au nom de l’Union africaine (UA) et du Mouvement des pays non alignés, a estimé qu’en tant que nation ayant survécue à la chute qu’elle avait faite dans la catégorie d’« États faillis » (Failed States), du fait des exactions menées par la rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF), la Sierra Leone est déterminée à garantir que les atrocités et les pillages vécus durant 11 années ne se reproduisent plus aux dépens d’un autre membre de la communauté internationale.
La survie de la Sierra Leone, a-t-il poursuivi, n’aurait pas été possible sans le soutien et les sacrifices de la communauté internationale, et notamment de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’Union africaine et de l’ONU. M. Davies a également rappelé que c’est à la suite de la visite effectuée dans le camp pour personnes amputées de Murray que le Ministre canadien des affaires étrangères, Lloyd Axworthy, avait milité en faveur de la création d’une commission internationale indépendante sur l’interventionnisme et la souveraineté d’État. Ce sont les amputations infligées aux populations sierra-léonaises et d’autres crimes qui ont été à l’origine de la création du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, dont le procès en cours juge l’ancien Président du Libéria, Charles Taylor, a-t-il ajouté. Le représentant s’est, en outre, félicité de la politique de « non-indifférence » adoptée par l’Union africaine face aux graves atrocités que sont le génocide et les crimes de guerre, en appelant au renforcement de la coopération entre l’ONU et l’UA. Celle-ci aiderait, sans nul doute, à la mise en œuvre du principe de la responsabilité de protéger aux niveaux régional et sous-régional, a-t-il conclu, en saluant l’éclairage apporté par le Secrétaire général sur les trois piliers qui sous-tendent ce principe.
Intervenant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. RAYMOND WOLFE (Jamaïque) a rappelé que la principale motivation de la création des Nations Unies en 1945 était de protéger les générations futures des fléaux de la guerre. Il a rappelé que ce n’est qu’à la fin du XXe siècle que le système d’apartheid et le racisme institutionnel ont été déclarés « crimes contre l’humanité ». Il a indiqué que la CARICOM appuyait une « responsabilité de protéger » -et ses trois piliers: responsabilités de l’État en matière de protection; assistance internationale et renforcement des capacités; réaction résolue en temps voulu– qui soit limitée aux quatre: crimes de génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité. Il a estimé que la communauté internationale devait pouvoir facilement parvenir à un consensus concernant les deux premiers piliers, en insistant sur l’importance de la prévention pour atteindre les objectifs de la responsabilité de protéger. S’agissant du troisième pilier qui appelle les États Membres à réagir collectivement en cas d’incapacité d’un État à prendre les mesures nécessaires à la protection de ses populations, il a estimé que l’utilisation de la force ne devait être envisagée qu’en dernier recours, seulement après que tous les moyens pacifiques à disposition du Secrétaire général et de l’Organisation dans son ensemble aient été épuisés.
Alors qu’au titre de l’Article 24 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité agit au nom de l’Assemblée générale, il a demandé si ce Conseil peut être amené à suivre les recommandations de l’Assemblée générale en cas de décision impliquant la mise en œuvre du Chapitre VII de la Charte, qui permet l’utilisation de la force. Il a également demandé comment on pouvait s’assurer que l’on ne verrait plus l’utilisation du veto au Conseil de sécurité par un membre permanent pour empêcher le lancement d’une initiative, alors que se pose un cas de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique ou de crimes contre l’humanité. Il a estimé que la réforme du Conseil de sécurité était une condition préalable incontournable à la mise en œuvre du troisième pilier de la responsabilité de protéger.
M. KYAW ZWAR MINN (Myanmar) a rappelé que le concept de la « responsabilité de protéger » tirait ses origines des tragédies de la Deuxième Guerre mondiale, et que les États avaient décidé que lorsqu’un des leurs ne pouvait assurer la protection de ses propres citoyens, la communauté internationale devait agir pour faire en sorte que de graves atrocités ne soient pas commises. Les États se sont également accordés sur « l’obligation de l’action collective et non le droit d’agir individuellement », a-t-il soutenu. Se voulant plus précis, M. Minn a expliqué que l’action collective « ne signifie pas intervenir, mais plutôt prendre à temps des mesures et des décisions pour sauver des vies humaines, en cas de génocide, crimes de guerre, nettoyage ethnique et crimes contre l’humanité ». Cette obligation ne semble pas s’appliquer à d’autres types de calamités, comme les changements climatiques, a-t-il relevé. La responsabilité de protéger ne saurait donc être utilisée pour résoudre toutes les « les problèmes sociaux ». Après s’être félicité de la suggestion faite par le Secrétaire générale de rechercher les stratégies de mise en œuvre de ce principe, en définissant ce qui doit être « protégé » et ce qui ne doit pas l’être, M. Minn a estimé que l’Assemblée était le lieu idéal pour ce dialogue.
M. SLOBODAN TAŠOVSKI (ex-République yougoslave de Macédoine), a indiqué que son gouvernement estimait que le rapport du Secrétaire général était équilibré et pragmatique et qu’il mettait bien l’accent sur l’approche basée sur les trois piliers qui sont le fondement de la responsabilité de protéger. Mon gouvernement est prêt à employer ses capacités nationales au profit de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, a dit le représentant. Il a également estimé que la prévention était un élément critique de ce concept, et il a insisté sur l’importance du renforcement des capacités. Selon lui, si les mesures préventives échouent, face à la menace de crimes graves, la communauté internationale devra assurer une réaction précoce et souple par l’intermédiaire d’une action collective lancée par le Conseil de sécurité sur la base du Chapitre VII de la Charte de l’ONU. Nous devons améliorer la mécanique internationale et notre propre volonté nationale afin de nous assurer que les échecs des décennies passées ne se répéteront pas, a-t-il notamment dit.
M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie) a déclaré qu’il fallait redoubler d’efforts pour mettre pleinement en œuvre la « responsabilité de protéger », et il a souligné le ferme engagement de son gouvernement en faveur des trois piliers exposés dans le rapport du Secrétaire général. Le représentant a ajouté que les violations systématiques des droits de l’homme, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les génocides et les nettoyages ethniques, qui relèvent de cette responsabilité, doivent faire l’objet d’une prévention rigoureuse. Saluant les efforts déployés par les Nations Unies pour renforcer les capacités des États à cet égard, le représentant a estimé que la réforme du secteur de la sécurité apparaissait dans de nombreux pays comme un élément clef de la prévention, et qu’il en est de même de la création de partenariats avec les organisations régionales et sous-régionales.
M. ESHAGH AL HABIB (République islamique d’Iran) a estimé que beaucoup de choses restaient à être clarifiées au sujet du concept de « responsabilité de protéger », qu’il s’agisse de sa définition, de ses limites, de sa portée ou de ses conséquences. Il a insisté qu’il revenait à chaque État Membre de défendre sa population contre toute agression et contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. Il a dit que d’autres États Membres ou la communauté internationale pouvaient appuyer les efforts d’un pays donné, au cas par cas, et uniquement par le biais de l’ONU. En aucun cas, a-t-il souligné, nous ne pouvons accepter une pseudo-légalisation de l’usage de la force sous des prétextes d’interventions humanitaires. Il a rappelé que l’Article 2 de la Charte interdisait tout recours à la force ou toute menace au recours à la force.
Il a précisé que l’autodéfense contre une agression armée était la seule exception à cette règle. Il a noté que seul le Conseil de sécurité était autorisé à prendre une décision pour faire face à une menace à la paix et à la sécurité internationales. M. Al Habib a indiqué que le paragraphe 79 du Document final du Sommet mondial de 2005 mentionnait que les dispositions de la Charte sont suffisantes pour couvrir tout l’éventail des menaces à la paix et à la sécurité. Ce Document n’a accordé aucun nouveau droit d’intervention aux États ou aux organisations régionales, a-t-il insisté. Le représentant iranien a souhaité que le principe de responsabilité de protéger ne soit pas érodé, en essayant de porter atteinte au principe du respect de la souveraineté nationale. Si la communauté internationale n’a pas été en mesure de faire face à des cas de génocides, a-t-il ajouté, ce n’est pas en raison de l’absence de normes juridiques, mais plutôt à
cause du manque de volonté politique. Nous avons également été témoins de l’échec du Conseil de sécurité à agir dans le cadre du conflit israélo-palestinien, a-t-il indiqué, en souhaitant que l’on accélère le processus de réforme de ce Conseil.
M. MIKHAIL MARGELOV (Fédération de Russie) a indiqué que le rôle de la communauté internationale était avant tout de se concentrer sur l’assistance aux États et sur le renforcement des capacités. Une réaction opportune et judicieuse des Nations Unies peut certes s’avérer nécessaire lorsqu’un État est incapable d’empêcher que l’un des quatre crimes couverts par la responsabilité de protéger soit perpétré sur son sol, a dit le représentant. Il s’est cependant dit convaincu de la nécessité d’une approche équilibrée et prudente dans la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, ce qui doit se faire en évitant les interprétations trop larges du concept et les décisions hâtives. La Fédération de Russie estime que les conditions ne sont pas encore réunies pour permettre l’opérationnalisation de ce concept, en raison du caractère encore fragile et préliminaire de certaines notions qui méritent d’être précisées, a conclu le représentant.
M. JAIME HERMIDA CASTILLO (Nicaragua) a déclaré que les chefs d’État et de gouvernement se sont engagés, lors du Sommet mondial de 2005, à protéger leurs populations, en demandant à l’Assemblée générale d’examiner le concept de responsabilité de protéger dans le respect des principes de la Charte et du droit international. Il n’existe cependant aucun engagement juridiquement contraignant à cet égard, et l’Assemblée générale est chargée d’élaborer une base juridique encadrant ce concept, a-t-il souligné. Il a rappelé que des petits pays comme le Nicaragua ont souffert à de nombreuses reprises de l’interventionnisme d’autres pays dans leurs affaires intérieures sous des prétextes divers. C’est pourquoi il s’est inquiété du contenu d’un concept qui envisage la possibilité du recours à la force et qui va à l’encontre des principes de la Charte, comme ceux de la non-ingérence dans les affaires d’un pays et du non-recours à la menace de la force. Comment peut-on prétendre accorder ces droits à la responsabilité de protéger et déléguer l’autorité d’intervention aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité, s’est-il interrogé. Une réforme urgente du système international est nécessaire, en commençant par les Institutions de Bretton Woods, a-t-il estimé. Il s’est dit inquiet de la manière dont on pourrait interpréter le concept de « responsabilité de protéger » et des risques que cela peut entraîner en matière de non-respect de la souveraineté des États.
M. GUNNAR PÁLSSON (Islande) a expliqué que le concept de « responsabilité de protéger » n’était peut-être pas récent, mais qu’il avait pris un nouveau départ depuis son inscription dans le Document final du Sommet mondial de 2005. Après avoir rappelé les trois piliers de la stratégie de mise en œuvre, telle qu’elle figure dans le rapport du Secrétaire général, il a déclaré que ce concept était essentiellement destiné à sauver des vies humaines et non à justifier une intervention illégitime ou arbitraire. Il doit au contraire servir à renforcer la légalité dans les relations internationales et, à cet égard, a estimé le représentant, l’Assemblée générale devrait prendre la direction des efforts de la communauté internationale en vue de répondre aux crimes et atrocités relevant de la responsabilité de protéger.
Mme LILIT TOUTKHALIAN (Arménie) a estimé qu’il importe d’établir un bon équilibre entre la résolution 7/25 du Conseil des droits de l’homme et le mandat du Conseiller spécial pour la prévention du génocide afin de permettre à l’ONU de réagir promptement et avec efficacité en cas de situation alarmante. Ayant à l’esprit les messages d’intolérance et de haine qui annoncent souvent les actes de génocide, elle a insisté sur l’importance des programmes de formation, d’apprentissage et d’éducation. Nous sommes convaincus du fait que les processus pédagogiques sont capables d’aider à surmonter l’intolérance, le sectarisme et l’exclusion, et qu’ils peuvent permettre d’assurer la création de mécanismes autorégulateurs capables de freiner des tensions éventuelles, a-t-elle dit. La représentante a également signalé que la passivité à l’égard des politiques de déni ou de révisionnisme historique était un des facteurs favorisant les discours de haine et les comportements génocidaires.
M. NELSON SANTOS (Timor-Leste) a indiqué que c’est de façon souveraine et à travers les trois principales institutions du pays que le Timor-Leste avait sollicité le soutien de la communauté internationale au cours des crises politique et sécuritaire que le pays a vécues depuis 1999, et qui ont culminé avec les violences ethniques et criminelles de 2006. L’intervention extérieure, marquée par une réponse adaptée à la situation timoraise, et suivie par l’élargissement du mandat de la Mission intégrée des Nations Unies au Timor-Leste (MINUT), en vue de la consolidation de la stabilité dans le pays, a été une réussite, a déclaré M. Santos.
Le Timor-Leste, a par ailleurs expliqué M. Santos, attache une grande importance à l’engagement de la communauté internationale aux côtés des États, et plaide surtout pour qu’une assistance soit disponible avant qu’un État ne se retrouve totalement déliquescent. Cette assistance doit se manifester notamment dans les domaines du renforcement des capacités et de la reforme du secteur de la sécurité, a préconisé le représentant. Le succès de l’action de la communauté internationale demande de la patience et de la volonté politique, a-t-il ajouté, avant d’exhorter ladite communauté internationale à améliorer et renforcer ses efforts.
M. GIANCARLO SOLER TORRIJOS (Panama) a estimé qu’avant de recourir à la force, la priorité devait être donnée au renforcement des capacités des États pour prévenir qu’un crime grave ne soit commis sur leur sol, ou pour y mettre fin. Il a estimé que ce concept devait être diffusé au sein des communautés locales pour sensibiliser toutes les couches de la société à son importance. Par ailleurs, certains États Membres continuent de considérer la responsabilité de protéger comme un prétexte qui servirait à justifier une intervention militaire et une atteinte à leur souveraineté, a relevé le représentant. Dans ce contexte, s’il a reconnu que les mesures de prévention constituent l’élément déterminant de la mise en œuvre, il a ajouté que rien ne saurait, aux yeux du Panama, justifier l’utilisation de l’absence de réforme au sein du Conseil de sécurité comme une raison pour ne pas intervenir lorsqu’une situation l’exige.
M. PAK TOK HUN (République populaire démocratique de Corée) a rappelé que de nombreuses attaques ont été menées dans le passé contre des États souverains au nom de prétextes humanitaires, et plus récemment au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Cette réalité, a-t-il estimé, impose aux États Membres de revoir avec urgence le rôle et la responsabilité de l’ONU en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a déclaré que la question de la « responsabilité de protéger » était liée au renforcement du rôle de l’ONU en matière de résolution des conflits. Le fait que cette question soit basée sur la notion d’intervention humanitaire rend la question encore plus sensible, a-t-il ajouté. Notre premier souci est de nous assurer que ce concept soit en accord avec les principes de respect de la souveraineté des États; de l’égalité entre les États Membres, et la non-ingérence dans les affaires internes des États. Il a estimé que la communauté internationale pouvait appuyer les efforts des gouvernements en matière de protection des populations, mais ne pouvait prétendre agir à leur place. Pak Tok Hun a dit que les guerres menées sous des prétextes divers en Iraq et en Afghanistan n’ont fait qu’aggraver la situation et les souffrances des civils. Il s’est inquiété que la « responsabilité de protéger » puisse être utilisée pour justifier des interférences dans les affaires nationales des « petits pays » ou des pays perçus comme « faibles ». Si l’objectif de ce concept est réellement de protéger les civils, a-t-il ajouté, il devrait pouvoir s’appliquer pour éviter les tueries massives de civils en Afghanistan ou dans la bande de Gaza. Malheureusement, a-t-il ajouté, le Conseil de sécurité n’a pas été en mesure de faire face à ces situations en raison de la partialité de certaines grandes puissances. Il a conclu qu’il valait mieux améliorer les cadres existants en matière de résolution des conflits plutôt que de se lancer dans la définition de nouveaux arrangements.
M. CHARLES THEMBANI NTWAAGAE (Botswana) a estimé que les capacités d’alerte rapide des États étaient essentielles pour donner pleinement effet à la responsabilité de protéger. Il ne pourrait pas y avoir de meilleur exemple que le Rwanda sur le besoin de redoubler d’efforts pour rendre opérationnel ce concept, afin de prévenir que les crimes les plus graves ne soient commis, a jugé le représentant. Le Botswana est fermement convaincu que seules des mesures concrètes et la volonté de recourir à tous les moyens disponibles permettront à la communauté internationale de sauver les populations en danger. C’est animés de cette conviction que nous avons ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), a indiqué M. Ntwaagae, qui a estimé que cette juridiction est parfaitement qualifiée pour mettre fin à l’impunité et aux violations des droits de l’homme.
Mme BYRGANYM AITIMOVA (Kazakhstan) a estimé que la protection des populations contre les graves violations des droits de l’homme que sont le génocide, le nettoyage ethnique, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité était une obligation morale. Elle a dit que son pays soutenait le principe de « non-indifférence » au cas où un État n’est pas en mesure de mettre en œuvre ses obligations relevant de la responsabilité de protéger. Elle a estimé que le rapport du Secrétaire général sur la responsabilité de protéger fournit un cadre conceptuel complet avec tous les outils nécessaires pour la mise en œuvre de ce principe. Quatre ans après l’adoption du Document final du Sommet mondial de 2005, et notamment de ses paragraphes 138 et 139, a dit la représentante, il est urgent d’avancer dans le domaine de la responsabilité de protéger par le biais d’un mécanisme d’alerte rapide, de la collecte d’information et du renforcement des capacités de toutes les parties concernées. Mme Aitimova a indiqué que le Kazakhstan appuyait la mise en œuvre des trois piliers du principe de responsabilité de protéger. Elle a salué les efforts de l’UA et de la CEDEAO en particulier, pour promouvoir au niveau régional des instruments juridiques, des outils politiques et des mandats visant à guider la mise en œuvre du concept de responsabilité de protéger en coopération avec les organismes des Nations Unies. Dans le cas du Kazakhstan, a insisté la représentante, la responsabilité de protéger devrait être considérée au niveau régional, dans le cadre de la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (CICA), ainsi que dans ceux de l’Organisation de Shanghai pour la coopération, du Commonwealth de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).
M. JOEL MUSA NHLEKO (Swaziland) a commencé par rendre hommage à l’Acte constitutif de l’Union africaine, et en particulier à son article 4 (h), pour sa référence spécifique à la responsabilité de protéger. Il s’est dit convaincu que la réalité profonde de la responsabilité de protéger reposait sur un certain nombre de « vertus »: la bonne gouvernance, la consolidation de l’état de droit, la protection des droits de l’homme, des droits des femmes et des minorités, sont autant de responsabilités qui incombent à l’État vis-à-vis de sa population, a souligné le représentant. La responsabilité des États de protéger leurs populations est « sacrosainte » et doit prendre la forme de mesures préventives en temps de paix, avec, au besoin, l’assistance de la communauté internationale, a-t-il indiqué. Pour sa part, le Swaziland a assumé cette responsabilité, en particulier lorsqu’il a accueilli, pendant les années 70 et 80, des vagues de réfugiés en provenance de pays voisins et ce, en dépit de ses ressources limitées, a dit M. Nhleko. Notre expérience de protection accordée de manière indifférenciée à des citoyens étrangers présents sur le sol du Swaziland a eu un profond impact sur notre compréhension du concept de responsabilité de protéger, a assuré le représentant. M. Nhleko a ensuite souhaité que la responsabilité des puissances occupantes vis-à-vis des populations sous occupation soient plus systématiquement prise en compte. Estimant que la « substitution systématique d’une population à une autre peut correspondre à une certaine forme de nettoyage ethnique », il a demandé au Secrétaire général de réexaminer cette notion pour en élargir la portée. Il a également demandé au Secrétaire général d’envisager une stratégie pour empêcher que le Conseil de sécurité reste inerte dans les situations où une intervention militaire est nécessaire.
Mme ISMAT JAHAN (Bangladesh) a dit que la « responsabilité de protéger » devait se limiter aux quatre crimes de génocide, de guerre, de nettoyage ethnique et contre l’humanité, et qu’elle s’appuyait sur les trois piliers que sont: les responsabilités de l’État en matière de protection; l’Assistance internationale et le renforcement des capacités; et la réaction résolue en temps voulu. Elle a insisté que la première responsabilité de protéger incombait individuellement aux États Membres. Elle a mis l’accent sur la responsabilité de la communauté internationale d’assurer le droit au développement de tous les États. Elle a ensuite souhaité que la responsabilité de protéger n’ouvre pas une porte sur l’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays sous prétexte d’interventions humanitaires. Le concept de « responsabilité de protéger » doit se pencher sur les racines des problèmes et l’origine des situations qui fait qu’un État n’est plus en mesure de protéger ses citoyens, a-t-elle encore ajouté. Les instruments premiers doivent être ceux de la persuasion, plutôt que les mesures militaires et coercitives, a recommandé Mme Jahan. Elle a estimé qu’il était important de garantir une alerte précoce et une évaluation juste et professionnelle, dépourvues de motivations politiques ou du deux poids deux mesures. Mme Jahan a en outre souligné que la responsabilité de protéger ne devait pas être appliquée de manière sélective.
M. ROBERT GUBA AISI (Papouasie-Nouvelle-Guinée) a rappelé que des réserves compréhensibles ont été exprimées par des États Membres sur certaines interprétations de la « responsabilité de protéger », et c’est la raison pour laquelle l’Assemblée générale doit, en tant qu’organe le plus représentatif de l’ONU, examiner sérieusement ces réserves pour parvenir au plus large consensus possible autour de ce concept. La Papouasie-Nouvelle-Guinée est d’avis que si la responsabilité de l’État est première en matière de responsabilité de protéger, cela ne doit pas empêcher la communauté internationale de prêter assistance aux pays qui ont des besoins. Ceci est valable aussi bien pour renforcer leurs capacités en matière d’alerte rapide et de prévention, que pour se substituer à cet État s’il n’est pas capable de protéger ses citoyens, a souligné M. Guba Aisi. Quelle que soit sa forme, cette assistance ne devrait pas être interprétée comme une abrogation de la souveraineté d’un État, mais comme l’a souligné le représentant du Timor-Leste, comme un renforcement de la souveraineté.
M. JEAN-FRANCIS RÉGIS ZINSOU (Bénin) a déclaré que l’engagement des Nations Unies envers le principe de « responsabilité de protéger » devait transcender toute contingence politicienne et devait s’imposer comme une valeur absolue et non négociable. Il a dit qu’il partageait l’analyse du Secrétaire général et l’accent mis sur l’importance des trois piliers qu’il a proposés, et qui découlent de l’adoption du Document final du Sommet mondial de 2005 et de la Charte des Nations Unies. Il a dit que l’interdépendance des trois piliers en fait des composantes indissociables d’un corpus normatif unique en soi. C’est pour cela, a-t-il ajouté, que le Bénin ne peut s’associer à quelque formule qui impliquerait une mise en parenthèse du troisième pilier. M. Zinsou a souligné que la responsabilité de protéger ne peut être crédible sans son troisième pilier qui marque l’obligation de la communauté internationale d’agir pour mettre fin aux crimes invoqués. Il a noté que la communauté internationale, confrontée aux conflits et aux catastrophes humanitaires et identitaires, a pris conscience du lien existant entre le développement et la paix; la pauvreté et les conflits armés; ainsi qu’entre protection des minorités et état de droit; et entre l’exclusion et la qualité de la gouvernance nationale. Il a présenté l’évolution qui a eu lieu au Bénin, pays qui a su opérer une transition pacifique vers la démocratie en 1990 et s’est donné la même année une Constitution mettant en exergue la responsabilité individuelle des agents de l’État, ainsi que de tous personnels civils ou militaires, concernant les actes qu’ils posent dans le cadre de leur fonction
M. Zinsou a par ailleurs précisé que le Bénin a été l’un des premiers pays à adhérer au Mécanisme d’examen par des pairs institué par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), et qui porte une dynamique de progrès et de modernisation des sociétés africaines. Il a dit que le Mécanisme est un cadre privilégié pour évaluer les risques potentiels que posent les conflits en Afrique, et qu’il a besoin d’un appui efficace de la communauté internationale. Il a regretté que le troisième pilier de la responsabilité de protéger ait été présenté comme une entorse à l’Article 2 de la Charte de l’ONU. Du point de vue de la délégation béninoise, il s’agit là d’un amalgame malheureux, a dit le représentant, en notant que cet Article ne concernait que les guerres d’agression ou le recours à la force comme objectifs de politique extérieure incompatible avec les buts et les principes de la Charte. Il a estimé que le problème actuel ne relevait pas de l’existence d’une quelconque base juridique, mais plutôt des pratiques incohérentes parfois visibles au Conseil de sécurité en raison des rivalités géopolitiques qui paralysent son action. C’est pourquoi, au cas où le Conseil de sécurité ne serait pas en mesure de se prononcer sur un cas de responsabilité de protéger dans un délai raisonnable, l’Assemblée générale devrait pouvoir se saisir de la question et recourir à la résolution 377(V) par un vote à la majorité qualifiée, a proposé M. Zinsou. Ce serait un moyen pour la communauté internationale d’assumer ses responsabilités, ce qui serait à la mesure des promesses que se sont faites les peuples des Nations Unies.
Mme JOYCE C KAFANABO (République-Unie de Tanzanie) a assuré que son le gouvernement tanzanien avait toujours été à l’avant-garde du maintien de la paix et de la sécurité internationales, et qu’il avait joué un rôle déterminant dans les négociations de paix en Afrique. Si les gouvernements ont la responsabilité première de protéger leurs populations, mais qu’ils échouent à leur offrir une telle protection, alors il revient à la communauté internationale d’assumer la responsabilité collective qui est la sienne et de prendre la relève, a-t-elle affirmé. La souveraineté responsable consiste pour les gouvernements à faire respecter l’état de droit, les droits humains et la démocratie, a assuré la
représentante. Nous ne pouvons pas rester indifférents aux violations graves des droits de l’homme, a-t-elle insisté, et les États doivent être tenus comptables du respect des valeurs universelles et du maintien de la paix et de la sécurité sur leur sol, a ajouté Mme Kafanabo.
M. GONZALO GUTIÉRREZ (Pérou) a déclaré que l’objectif de ce débat était pour les États Membres de trouver suffisamment de points communs entre eux pour progresser vers une position de consensus sur la responsabilité de protéger. Il a dit qu’il fallait faire preuve de sérénité pour y parvenir, et il s’est félicité du consensus qui semble déjà prévaloir au sujet des deux premiers piliers de la mise en œuvre de ce concept. S’agissant du troisième, il a déclaré que les discussions doivent se poursuivre jusqu’à ce qu’une solution agréée par tous soit trouvée. Si l’on estime que des crimes contre l’humanité ont été commis dans un pays donné, il est déterminant que les responsables soient jugés de manière impartiale, et dans le cas où ceux-ci ne seraient pas ressortissants du pays où ils sont accusés, il doit exister des procédures pour justifier leur extradition du lieu où ils résident, a-t-il précisé.
Mme GRACE WAMBUI CERERE (Kenya) a jugé inutile, compte tenu de la définition donnée au concept de « responsabilité de protéger » dans le Document final du Sommet mondial de 2005, de réinterpréter ou de renégocier ledit concept. Il faut plutôt se concentrer sur les moyens de sa mise en œuvre, a-t-elle dit, en qualifiant de « cruciale » à cet égard la solidarité entre les États Membres, les Nations Unies, les organisations régionales et sous-régionales et la société civile. Elle a aussi jugé important que la communauté internationale contribue au renforcement des capacités pour une mise en œuvre efficace des obligations découlant du concept.
Remerciant le Secrétaire général pour l’appui qu’il a apporté au Kenya après les évènements qui s’y sont produits en décembre 2007, la représentante a estimé que le recours à l’usage de la force, prévu dans le concept de la responsabilité de protéger, doit cependant rester conforme aux principes de la Charte de l’ONU et au droit international. L’expérience vécue par mon pays, a-t-elle dit, a montré qu’une intervention diplomatique qui se fait en temps voulu peut conduire au règlement pacifique de n’importe quel conflit. Le recours aux « mesures nécessaires », prévu dans la définition du concept, ne signifie donc pas automatiquement une « menace de recourir à la force ».
M. ZAINOL RAHIM ZAINUDDIN (Malaisie) a noté que la « responsabilité de protéger » était formulée de façon à prévenir des crimes graves ou l’incitation à la commission de ces crimes. Il a estimé qu’il était difficile de tenir un État Membre redevable parce qu’il n’aurait pas agi pour éviter un crime qui n’a pas encore eu lieu. Il a jugé que cette évolution du concept de responsabilité de protéger était illogique. M. Zainuddin a dit qu’il était aussi difficile de définir la responsabilité de protéger que de « définir le vent ». Vous savez ce que c’est, et vous le sentez, a-t-il dit, mais vous n’êtes jamais en mesure de décrire le phénomène avec précision. Il a rappelé que durant la réunion du 21 juillet tenue en présence du Secrétaire général, l’attention des délégations avait été attirée sur le développement d’une capacité d’alerte rapide de l’ONU. Il a souhaité que les consultations sur ce projet de capacité d’alerte rapide se déroulent de manière inclusive et transparente.
Le représentant de la Malaisie a dit que les États Membres ne sont pas encore parvenus à se concerter sur les paramètres exacts de la responsabilité de protéger, y compris quand et dans quelles conditions elle peut être invoquée. Il faudrait savoir qui peut invoquer le recours à la responsabilité de protéger, a dit Zainol Rahim Zainuddin. Il s’agit ensuite de se mettre d’accord collectivement sur l’action à entreprendre pour mettre en œuvre ce principe, a-t-il ajouté. Il a jugé essentiel que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité s’abstiennent d’utiliser le droit de véto lorsqu’il s’agit de décider de la mise en œuvre de la responsabilité de protéger, et a souligné que le Chapitre VII de la Charte ne pouvait être invoqué qu’en dernier ressort. Si la Malaisie appuie toute initiative visant à protéger la vie, a-t-il dit, nous estimons également que le bien-être économique d’un peuple ou d’une personne est une facette tout aussi importante de la protection de la vie humaine que les autres droits de l’homme dont on parle trop souvent. Il a souhaité que l’aide des pays donateurs pour renforcer la capacité des pays à être à la hauteur de leur responsabilité de protéger ne soit pas soumise à des conditionnalités.
M. MOTLATSI RAMAFOLE (Lesotho) a, à son tour, estimé que les États Membres devraient se garder de rouvrir à la négociation le contenu des paragraphes pertinents du Document final du Sommet mondial de 2005. Nous devons plutôt trouver les moyens de les traduire dans la réalité, a-t-il dit. Certaines délégations, a-t-il dit indiqué, craignent que le concept de « responsabilité de protéger » ne serve d’excuse à des ingérences dans les affaires intérieures des États. Mais comme le devoir de protéger les populations repose sur les épaules des États concernés, nous devrions, a suggéré le représentant, nous assurer que ces États assument effectivement cette responsabilité. Une fois que l’on aura obtenu cet engagement, nous n’aurons plus besoin d’invoquer le recours au troisième pilier de la mise en œuvre du concept, car la prévention deviendra alors la question la plus pertinente.
D’ailleurs, a-t-il poursuivi, l’invocation du troisième pilier ne signifie aucunement un recours automatique à la force. Ce pilier permet en effet de faire appel à de nombreuses mesures non coercitives. Ce n’est que lorsqu’un État manque manifestement à son devoir de protection de ses populations qu’une réponse de type coercitif sera alors envisagée, a précisé M. Ramafole. Il a ajouté, en s’en félicitant, que la nature même de la responsabilité de protéger obligerait le Conseil de sécurité à agir. Il a donc fermement appuyé l’appel que le Secrétaire général à lancé aux membres permanents du Conseil à faire preuve de retenue dans l’exercice du droit de veto face aux crimes qui justifieraient un appel à l’application du concept de « responsabilité de protéger ». Dans ce cadre, il a aussi rappelé la responsabilité de l’Assemblée générale dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité.
M. TOFIG MUSAYEV (Azerbaïdjan), en dépit des progrès réalisés dans un certain nombre de cas pour faire face aux crimes commis contre l’humanité en violation du droit international à travers le monde, des populations souffrent encore de l’échec manifeste des États à exercer leur responsabilité de protection de leur population, et du fait des insuffisances des institutions internationales.
Plus de 60 ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le silence de certaines instances accentue la déficience caractéristique que l’on constate de la part de la communauté internationale aujourd’hui, a-t-il soutenu. « Nous devons redoubler nos efforts en vue de protéger les populations et mettre fin aux crimes de droit international », a poursuivi M. Musayev, qui a appelé à développer la stratégie de mise en œuvre proposée par le Secrétaire général, en recherchant notamment les moyens qui permettraient à l’ONU de concrétiser les engagements pris en 2005 par les États Membres. Le représentant a également appelé la communauté internationale à « faire plus » pour mettre fin à l’impunité. « Combattre l’impunité est non seulement essentiel quand il s’agit d’établir les responsabilités en cas de crimes graves, mais aussi pour la recherche de la paix, de la réconciliation et des droits des victimes » a conclu M. Musayev.
M. ALEXANDER LOMAIA (Géorgie) a estimé que les États Membres avaient résisté à la tentation de se lancer dans une réinterprétation ou une renégociation de ce qui a été convenu lors du Sommet mondial de 2005, comme le leur avait demandé le Secrétaire général. La priorité la plus importante qui aura émergé au cours de ce débat est la nécessité urgente de mettre en œuvre la responsabilité de protéger, en veillant à ce qu’elle ne soit pas détournée ou subvertie. M. Lomaia a accusé un « pays voisin » de la Géorgie d’avoir inversé l’an dernier la « noble logique » de ce concept, en perpétrant un nettoyage ethnique dans des provinces entières de la Géorgie par l’entremise d’une invasion militaire unilatérale. Le représentant a donné quelques exemples de la manière dont il est possible de détourner pour des buts inavouables la responsabilité de protéger: ceci se produit quand un État initie une propagande systématique pour alimenter la haine interethnique et quand il invoque des justifications quasijuridiques pour justifier une intervention militaire unilatérale. « Des drapeaux rouges devraient aussi être agités quand, au lendemain d’un tel nettoyage ethnique, les pays agresseurs sont capables d’exploiter le système international pour bannir la présence d’observateurs internationaux du terrain où y empêcher l’acheminement de l’aide humanitaire », a poursuivi M. Lomaia. En outre, après avoir restauré son influence et son occupation violente d’une partie de la Géorgie, la Fédération de Russie a, dans l’intervalle de deux mois, exercé son droit de veto à deux reprises: à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et au Conseil de sécurité des Nations Unies, a-t-il accusé. L’usage du veto était destiné à mettre fin à deux missions internationales importantes en Géorgie, la mission de l’OSCE et la Mission d’observation des Nations Unies dans notre pays (MONUG), a déploré le représentant géorgien.
M. DIEGO DESMOURES (Argentine) a déclaré que la responsabilité de protéger nécessitait un débat prudent et détaillé. Il a insisté sur l’importance des paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005, qui rappellent l’engagement des chefs d’État et de gouvernement de faire passer ce principe des promesses à la réalité. Il a rappelé l’importance de la prévention et de l’interdépendance de certains éléments qui contribuent à la sécurité, en citant le développement, la bonne gouvernance, la paix et la sécurité qui se renforcent mutuellement. L’Argentine estime qu’il est tout aussi important de promouvoir d’autres normes, comme les droits de l’homme, le droit international humanitaire et le droit international, a-t-il souligné. Il a insisté sur l’importance du Statut de Rome comme instrument de prévention des génocides et autres crimes contre l’humanité. Il a rappelé que chaque État a en premier la responsabilité de la protection de ses populations. Il a mis un accent particulier sur l’importance de la coopération internationale pour permettre à chaque État d’assumer cette responsabilité, et a dit que l’Assemblée générale devait continuer à examiner cette question afin de traduire dans la pratique les termes de la responsabilité de protéger.
M. AMANUEL YOANES AJAWIN (Soudan) a déclaré que certains des avocats les plus ardents de la notion de « responsabilité de protéger », qui l’appréhendent comme un outil destiné à justifier des interventions humanitaires, aimeraient faire du génocide rwandais de 1994 la preuve, par l’exemple, de la nécessité de lancer ces interventions. Il a estimé que c’était le manque de volonté politique de certains États Membres, dont des membres permanents du Conseil de sécurité, qui n’a pas permis à la communauté internationale d’intervenir en temps opportun pour empêcher cette atrocité. Si le Rwanda avait été un des pays où ces mêmes membres du Conseil avaient des intérêts économiques ou politiques, il aurait été mis fin à ce génocide rapidement, a assuré M. Ajawin. Il est grand temps de réformer le Conseil de sécurité, en donnant deux sièges à l’Afrique et en y supprimant le droit de veto, a-t-il préconisé. Par ailleurs, même si le concept de responsabilité de protéger devient un instrument du droit international, son usage efficace n’empêchera pas certains membres du Conseil de sécurité d’exercer leur influence politique dans son application, a estimé le représentant soudanais. « C’est pourquoi, accorder au Conseil de sécurité le privilège de mettre en œuvre la responsabilité de protéger, c’est comme donner au loup la responsabilité d’adopter l’agneau », a-t-il prévenu.
M. LAMIN FAATI (Gambie) a déclaré qu’il était important de parvenir à l’adoption de stratégies qui vont combler le manque de confiance que l’on observe entre les États Membres sur la question de la responsabilité de protéger. Il a souligné la nécessité de tenir compte de la réalité en se fondant sur l’expérience et l’histoire. M. Faati a évoqué l’exemple de la bande de Gaza, en soulignant qu’il ya un risque de voir l’appel à la responsabilité de protéger y être utilisé à des fins purement politiques. Il a encouragé le lancement d’activités au titre du deuxième pilier de la mise en œuvre de ce concept, en encourageant une approche régionale en matière de coopération afin de renforcer les capacités des pays. Tout État souverain doit assumer en premier la responsabilité de la protection de son peule, a-t-il souligné. Il a déclaré que l’Afrique était devenue une référence en matière de responsabilité de protéger dans le sens ou elle a joué un rôle précurseur en la matière au niveau de l’Union africaine.
M. Faati a suggéré la création d’un comité sur la responsabilité de protéger composé d’États Membres sans droit de veto, et qui serait chargé de faire des recommandations non contraignantes à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité sur les mesures nécessaires pour faire face à certaines situations. N’oublions pas, a-t-il encore insisté, que lorsque les États Membres ont adopté les paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005, ils ont aussi adopté toute une série de réformes institutionnelles, dont notamment la réforme du Conseil de sécurité qui est essentielle.
M. BORIS HOLOVKA (Serbie) a déclaré que le concept de « responsabilité de protéger » était une nécessité que personne ne pouvait remettre en compte. Il a cependant estimé que la légalité de ce concept ne pouvait être imposée à ce stade. Avant de faire partie du droit international, ce concept doit être clairement défini par l’Assemblée générale et soumis à l’épreuve du temps de façon à dissiper toute crainte d’abus, a dit M. Holovka. Lançant ensuite un avertissement contre les décisions hâtives et la rhétorique « flamboyante », le représentant a déclaré qu’on ne pouvait se permettre d’oublier le passé récent au cours duquel le concept d’une intervention humanitaire « engagée dans la hâte » était devenu « hautement prisé ». Il a notamment dénoncé la mort de 2 000 citoyens de l’ex-Yougoslavie, tués en 1999 pendant les bombardements de l’Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) contre la Serbie.
Après avoir souligné l’importance de respecter le Chapitre VII de la Charte de l’ONU, ainsi que les compétences du Conseil de sécurité, M. Holovka s’est posé des questions concernant la définition d’une « réponse décisive et rapide ». Il a évoqué le massacre de Srebrenica, exemple, selon lui, d’une inaction délibérée de la part de la communauté internationale face à l’un des crimes les plus horribles de l’histoire moderne. Il a ensuite dénoncé le fait que la communauté internationale ait reconnu ce massacre, mais non pas celui des 3 000 civils serbes tués entre 1992 et 1995 aux alentours de Srebrenica par le chef de guerre bosniaque Naser Oric. Il a également évoqué la misère des personnes déplacées, obligées de fuir le Kosovo et la Croatie. Ces exemples nous rappellent que tous les crimes doivent être traités sur le même pied d’égalité, sinon les griefs qui persistent provoqueront d’autres conflits à l’avenir, a-t-il prévenu. Pour le représentant serbe, on ne peut se soustraire à la nécessité d’examiner le concept de la responsabilité de protéger d’une manière détaillée, inclusive et sans contraintes.
M. MICHEL TOMMO MONTHE (Cameroun) a estimé qu’il y avait lieu de rendre opérationnel « le concept politique, et non juridique » de la responsabilité de protéger dans le respect strict du champ restreint des quatre crimes qui lui ont été assignés par les chefs d’État et de gouvernement lors du Sommet mondial de 2005. Les chefs d’État et de gouvernement, qui étaient au nombre de 180, ont été clairs, a souligné M. Monthe. Ils ont déclaré que « c’est à chaque État qu’il incombe de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité », a-t-il rappelé. Il a indiqué que son pays, le Cameroun, était déjà partie à la quasi-totalité des instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme et qu’il s’était soumis à l’examen du Mécanisme africain de revue par les Pairs, et à celui du Conseil des droits de l’homme sur l’évaluation périodique universelle.
Le représentant camerounais a également souscrit à la proposition visant à soutenir les États qui le demandent en matière de renforcement des capacités dans le domaine de la protection des populations contre les quatre crimes précités. S’agissant du troisième pilier de la responsabilité de protéger, il a déclaré qu’à ce stade, « il faut aller prudemment et au cas par cas, en insistant une fois de plus sur la prévention, le recours aux moyens pacifiques et la coopération des institutions et des agents de proximité ». En outre, toute action de protection doit être multilatérale et se situer dans le cadre de l’ONU et notamment du Conseil de sécurité, a rappelé M. Tommo Monthe. Pour être mieux en mesure d’assumer cette mission, les Nations Unies doivent elles-mêmes se renforcer et se démocratiser, notamment par une revitalisation de l’Assemblée générale et une réforme du Conseil de sécurité, qui doit devenir plus représentatif, plus transparent et plus démocratique dans ses méthodes de travail, a ajouté le représentant en conclusion.
Mgr KURIAKOSE BHARANIKULANGARA, Observateur permanent du Saint-Siège, a reconnu qu’en matière de responsabilité de protéger, la priorité de la protection des individus et des populations face aux atrocités de masse revenait aux gouvernements nationaux. Ceux qui échouent à protéger ou qui sont impliqués dans la commission de ces crimes graves doivent être comptables de leurs actions, a-t-il ajouté.
En soutenant le rôle de la communauté internationale dans le renforcement de la capacité des États à protéger leurs populations, l’Observateur permanent du Saint-Siège a expliqué qu’à travers ses financements, cette communauté pouvait aider à instaurer des mécanismes permettant de réagir efficacement face aux crises contre l’humanité. C’est dans ce cadre que des entités à vocation spirituelle œuvrent à l’édification de liens entre différents groupes humains, a-t-il relevé. Pour l’Observateur du Saint-Siège, l’aide financière permet aussi d’effacer certains facteurs justificatifs de la violence, et la promotion de l’état de droit aux niveaux national et international aide à la prévention des injustices tout en créant un mécanisme de justice fondamental pour une paix durable. Concernant l’intervention de la communauté internationale, en cas d’échec d’un État à protéger ses populations, il a regretté le recours à « l’usage de la violence pour arrêter la violence », en plaidant en faveur de l’emploi de moyens pacifiques, comme la médiation et l’arbitrage, et pour la prise de décisions transparentes et inclusives au Conseil de sécurité. Les responsables communautaires et religieux ont un important rôle à jouer dans la responsabilité de protéger aux côtés des institutions nationales et internationales, a-t-il conclu.
Mme FEDA ABDELHADY-NASSER, Observatrice de la Palestine, a estimé qu’alors que les paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 2005 avaient établi que toutes les populations ont le droit d’être protégées, les rapports du Secrétaire général, quant à eux, faisaient preuve de sélectivité. La perception selon laquelle certains acteurs de la communauté internationale ajustent ce concept de façon à se conformer à certains cas spécifiques va provoquer le doute et le scepticisme sur les intentions réelles qui se cachent derrière l’utilisation de la notion de responsabilité de protéger, a-t-elle averti.
Mme Abdelhady-Nasser a prôné l’élaboration d’un consensus politique international capable d’assurer que les actions qui sont nécessaires au niveau international soient lancées. Elle a engagé les États à s’ériger en exemple afin de dissiper les craintes de voir la responsabilité de protéger devenir un outil qui permette à certains États de s’ingérer dans les affaires internes d’autres pays. Évoquant ensuite les manquements des puissances occupantes en ce qui concerne, notamment, la protection des civils, l’observatrice de la Palestine a estimé que la responsabilité de protéger impliquait également la responsabilité des États de protéger toute population civile qui fait face à des actes génocidaires, au nettoyage ethnique ou aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui seraient commis par un occupant. Elle a estimé que la réaction qui a prévalu à ce jour face à la misère du peuple palestinien mettait à l’épreuve de façon fondamentale le système international, aussi bien sur le plan juridique que moral. Si nous voulons nous assurer de l’application efficace de la responsabilité de protéger, nous devons nous assurer que le Conseil de sécurité agisse de bonne foi et en stricte adhésion avec la Charte de l’ONU et le droit international, a-t-elle dit.
M. MIGUEL D’ESCOTO BROCKMANN, Président de la soixante-troisième session de l’Assemblée générale, a estimé que ce débat de l’Assemblée aura été, de l’avis de certains de ses participants, la discussion la plus intensive et la plus complète jamais consacrée au thème de la responsabilité de protéger. Pas moins de 94 États Membres y auront participé, a-t-il précisé. Le Président a expliqué que la majorité des États qui sont intervenus ont souhaité que toute action coercitive soit décidée dans le respect des dispositions existant en matière de sécurité collective dans la Charte des Nations Unies. Gardant à l’esprit les inquiétudes exprimées en matière d’intervention militaire et de souveraineté, il a dit que ce dialogue avait souligné un large éventail de dispositions autour du concept de responsabilité de protéger. Il a déclaré que les États Membres étaient unis dans leur conviction que la communauté internationale ne peut plus rester silencieuse face à des génocides, crimes de guerre, nettoyages ethniques et crimes contre l’humanité.
De nombreux États Membres se sont appuyés sur des expériences historiques pour rappeler que nous ne pouvions pas faire l’économie de réformer le Conseil de sécurité et la question du droit de véto, a poursuivi M. d’Escoto Brockmann. Certains intervenants, a-t-il dit, ont émis des doutes quant à la capacité de la communauté internationale à répondre aux insuffisances de certains États en matière de responsabilité de protéger sans tomber dans la pratique du « deux poids deux mesures ».
Si le principe de responsabilité de protéger se présente avec les meilleures intentions, a-t-il noté, de nombreuses délégations ont aussi indiqué pourquoi elles hésitaient à embrasser cette doctrine et ses aspirations. Miguel d’Escoto Brockmann a dit que l’expérience des interventions désastreuses qui se sont récemment produites pouvait donner raison aux pays en développement qui s’inquiètent de voir les meilleures intentions être mal utilisées aux dépens des États jugés « faibles ». Il a souhaité que l’on prenne en compte l’état de manque de confiance qui prévaut dans de nombreux pays en développement lorsqu’il s’agit de l’utilisation de la force à des fins humanitaires. Il apparaît, a-t-il ajouté, que la majorité des États Membres semblent privilégier des efforts et des moyens de prévenir les crises qui seraient plus orientés vers la lutte contre les racines des problèmes qui se posent à de nombreux pays, comme la pauvreté, le sous-développement et l’exclusion sociale.
Il a estimé qu’il fallait aussi s’assurer que le principe de responsabilité de protéger s’applique de manière équitable à toutes les nations. Il s’est demandé si l’application de ce principe et de la pratique de la sécurité collective renforcerait ou minerait le respect que l’on doit avoir envers le droit international. Il faut s’assurer que l’application de cette doctrine soit vraiment nécessaire et qu’elle puisse prévenir un autre Rwanda. Si le principe est adopté, a encore demandé Miguel d’Escoto Brockmann, serons-nous en mesure de renforcer la responsabilisation au cas où certaines nations viendraient à abuser du droit d’avoir recours à la force?
En outre, il a souligné la nécessité d’appuyer l’action collective, ceci non seulement pour préserver la paix au niveau international, mais aussi pour y assurer un niveau minimum de sécurité dans tous les domaines, y compris le domaine économique. Il a expliqué qu’il y avait différents moyens d’améliorer la sécurité collective et de nombreux moyens de démontrer que le monde peut être solidaire, qu’elle que soit la nature des problèmes humains. Si nous voulons reconstruire notre système de sécurité collective, nous devons d’abord faire preuve de générosité et de flexibilité, en reconstruisant notre système et notre architecture économiques, financiers et commerciaux mondiaux, ce qui prouvera que nous sommes capables de construire un monde meilleur, a-t-il ajouté. Le Président de l’Assemblée a indiqué que l’ONU disposait déjà des instruments institutionnels pour faire face à ces défis, mais que des contraintes politiques avaient empêché ces instruments d’être pleinement efficaces en matière de promotion de la sécurité humaine.
Droits de réponse
Exerçant sont droit de réponse, le représentant de la Fédération de Russie a regretté que le représentant de la Géorgie ait utilisé le cadre de ce débat sur la responsabilité de protéger pour faire des commentaires contestables contre la Fédération de Russie. Il a dit qu’il aurait été plus judicieux que le représentant de la Géorgie analyse d’abord les agissements de son propre gouvernement et la manière dont ils ont un impact sur la notion de responsabilité de protéger et les actions militaires qui ont dû être lancées en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Lorsque les Abkhazes et les Ossètes du Sud se sont révoltés contre des allégations du Président géorgien qui prétendait qu’il n’y avait pas dans ces territoires d’autres habitants que des Géorgiens, la Fédération de Russie a dû créer des zones territoriales pacifiques pour éviter les affrontements entre ethnies. Le représentant russe a estimé que des possibilités de coexistence existaient, mais que le Prédisent géorgien ne voulait pas d’une solution qui puisse satisfaire les habitants de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Il a déclaré que le Président géorgien a préféré utiliser les armes, en faisant bombarder les édifices publics, dont les écoles et les hôpitaux, d’une petite ville de l’Ossétie du Sud dans la nuit du 7 au 8 août 2008. Il a indiqué que la Fédération de Russie n’avait alors d’autre solution que d’intervenir afin d’éviter une épuration ethnique. Nous voyons aussi au niveau diplomatique que la position géorgienne n’est ni justifiée ni constructive et ne permet absolument pas d’avancer dans le règlement des problèmes au Caucase, a indiqué le représentant de la Fédération de Russie.
Répondant à la Fédération de Russie, le représentant de la Géorgie a estimé que les propos que son représentant venait de tenir étaient une tentative désespérée de sauver la face, alors que la Fédération de Russie a détourné la notion de responsabilité de protéger à des fins d’invasion de la Géorgie, et que cette invasion a été condamnée par la communauté internationale.
Le représentant de la Fédération de Russie a rejeté ces allégations, estimant au contraire que l’incident survenu entre son pays et la Géorgie n’avait rien à voir avec un détournement de la responsabilité de protéger, mais relève bel et bien de la mise en œuvre de cette responsabilité, puisque sans l’intervention russe, on aurait assisté à un autre Srebrenica.
Le représentant de la Géorgie a repris la parole pour ajouter qu’aujourd’hui était une des rares occasions « où il était d’accord avec son homologue de la Russie ». Il a rappelé que c’est dans cet esprit que son gouvernement avait déposé une plainte auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ) pour faire la lumière sur ce qui s’est passé en août dernier.
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