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AG/10827

Dialogue thématique interactif de l’Assemblée générale: certains États Membres s’interrogent sur la pertinence d’un plan d’action mondial pour mettre fin à la traite des êtres humains

13/05/2009
Assemblée généraleAG/10827
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Assemblée générale                                         

Soixante-troisième session                                 

Dialogue thématique interactif

sur le thème « Agir ensemble pour mettre fin

au trafic d’êtres humains » – matin et après-midi


DIALOGUE THÉMATIQUE INTERACTIF DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE: CERTAINS ÉTATS MEMBRES S’INTERROGENT SUR LA PERTINENCE D’UN PLAN D’ACTION MONDIAL POUR METTRE FIN À LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS


Ban Ki-moon appelle à agir de manière très cohérente pour combattre ce fléau


« Grace Akallo était une lycéenne vivant en Ouganda, qui rêvait de devenir la première personne de son village à entrer à l’université.  Mais elle fut enlevée par les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur, avec 138 autres filles du même pensionnat. »  C’est par ces mots que le Secrétaire général a ouvert ce matin le dialogue thématique interactif organisé par l’Assemblée générale afin d’« agir ensemble pour mettre fin au trafic d’êtres humains ».


M. Ban Ki-moon s’est dit profondément touché par le témoignage de cette survivante, qui a raconté la semaine dernière devant le Conseil de sécurité, lors de son débat sur les enfants et les conflits armés, le calvaire que lui ont fait subir ses ravisseurs.  Il s’est dit tout aussi ému par le courage de sœur Rachele, la directrice du lycée qui n’a pas hésité à leur faire face, parvenant à libérer une centaine de filles. 


« Si cette enseignante en Ouganda, qui semblait impuissante face à des rebelles armés, a réussi à libérer une centaine de filles, nous, qui sommes présents ici dans cette salle, pouvons certainement lutter contre cette menace avec des mesures vigoureuses et décisives », a estimé le Secrétaire général, qui avait été chargé en décembre dernier par l’Assemblée générale d’établir un document de base sur l’amélioration de la coordination des efforts en ce domaine*.


Tout en se félicitant des initiatives existantes, telles que l’Initiative mondiale des Nations Unies contre la traite des êtres humains (UN.GIFT), M. Ban Ki-moon a en effet souligné la nécessité d’agir avec une plus grande cohérence.  Dans ce contexte, il s’est félicité de la détermination d’un certain nombre d’États Membres et d’organisations internationales qui ont appelé à la mise en place d’un plan d’action mondial.


S’exprimant au nom du Président de l’Assemblée générale, M. Maged A. Abdelaziz (Égypte), Vice-Président, a déclaré que la priorité était à l’adoption de législations, à l’instar de celle de l’Équateur, dont le Ministre de la justice et des droits de l’homme, M. Nestor Arbito Chica, est venu présenter le plan d’action national.  En outre, les entreprises devraient aligner leurs pratiques professionnelles sur les Principes éthiques d’Athènes afin de renforcer la confiance dans le secteur privé, a précisé M. Abdelaziz.


Celui-ci a aussi rappelé que l’Assemblée générale avait, l’an dernier, adopté une résolution par laquelle elle s’engageait à envisager un plan d’action mondial contre le trafic d’êtres humains.  Cette proposition, d’ores et déjà soutenue par l’Union africaine et le Mouvement des pays non alignés, est reflétée dans la Déclaration de Manama sur « la traite des êtres humains à la croisée des chemins », a-t-il relevé.


Une première table ronde, modérée par le Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Antonio Maria Costa, a justement été l’occasion pour les panélistes d’évoquer la faisabilité d’un tel plan d’action.  M. Valentin Rybakov, assistant auprès du Président du Bélarus, a défendu cette idée, qui permettrait d’harmoniser les divers instruments juridiques existants.  Aussi, a-t-il lancé un appel au Président de l’Assemblée générale pour qu’il initie des consultations plénières à cette fin.


La Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme a également rappelé les mesures qui établissent déjà le cadre de la lutte contre la traite: la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en sont les plus emblématiques.


Mme Kyung-wha Kang a précisé qu’un plan d’action international devrait mettre l’accent sur l’application des mesures prévues par le Protocole additionnel et tenir compte, notamment, de l’évolution, au cours de la dernière décennie, des normes en matière de droits de l’homme et des directives du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) sur le traitement des enfants victimes de trafic.


Dans ce contexte, le Directeur adjoint de la Division des programmes de l’UNICEF, M. Dan Rohrmann, a proposé de dissiper les malentendus, en particulier ceux qui laissent penser que le trafic d’êtres humains relève seulement de la criminalité transnationale organisée et ne prend pour cibles que des filles et des femmes, uniquement à des fins d’exploitation sexuelle.


La Directrice des communications de l’Organisation internationale du Travail (OIT) a cité comme exemple le travail forcé qui touche également les hommes, que la crise économique et financière pourrait malheureusement encourager.  Mme Zohreh Tabatabai a insisté sur l’importance d’un plan d’action capable d’intégrer des mesures garantissant un travail décent pour tous. 


Présentant une perspective transnationale, Mme Ndioro Ndiaye, Directrice générale adjointe de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a déploré que les estimations mondiales de la traite de personnes, au cours de ces 10 dernières années, soient restées largement identiques -entre 600 000 et 4 millions de victimes chaque année-, mais pour des profits en augmentation constante puisque de 12 milliards de dollars il y a quelques années, ils s’élèvent aujourd’hui à 36 milliards.


Estimant qu’en dépit des efforts déployés pour empêcher l’expansion de ce phénomène, les progrès demeurent insuffisants, Mme Ndiaye a déclaré qu’il était indispensable de se concentrer maintenant sur les causes profondes de la traite, qui sont visées aux articles 9 et 3 du Protocole additionnel: il s’agit respectivement de « la demande » et du « recrutement par la menace de recours ou le recours à la force à des fins d’exploitation ».


Si le représentant du Soudan, qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique, a apporté son soutien vigoureux à l’idée d’un plan d’action mondial, plusieurs délégations ont en revanche émis des réserves sur sa pertinence.  Le représentant de la République tchèque, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a déclaré que, préalablement à toute nouvelle stratégie, il serait judicieux d’éviter les doubles emplois et de renforcer la mise en œuvre coordonnée des instruments existants.


Son homologue du Canada est allé plus loin, estimant qu’il n’était pas évident qu’un plan d’action « crée une valeur ajoutée ».  Il existe déjà de nombreux instruments juridiques, a-t-il rappelé, sans compter un Groupe de travail intergouvernemental et un Groupe de coopération interinstitutions des Nations Unies, qui sont « les pierres angulaires de la coordination et du renforcement de notre action ».  De l’avis de sa délégation, il serait prématuré de se doter d’un nouveau mécanisme qui mobiliserait beaucoup d’énergie et de ressources susceptibles de profiter à ceux actuellement en place.


Les délégations de la Colombie et des États-Unis, entre autres, se sont jointes à ce point de vue, estimant qu’il était souhaitable d’encourager la ratification universelle de la Convention contre la corruption, adoptée à Palerme (Italie) en 2000 et de son Protocole additionnel, qui ont été ratifiés par seulement deux tiers des États Membres.


Lors d’une seconde table ronde, modérée par Mme Aleya Hammad, du Mouvement des femmes pour la paix internationale Susan Mubarak, les participants ont examiné les moyens de s’inspirer de la pratique, aux niveaux régional et national, pour élaborer un tel plan d’action mondial.


C’est dans ce contexte que M. Abdul-Aziz bin Mubarak Al Khalifa, qui préside le Comité national de lutte contre la traite des êtres humains au sein du Ministère des affaires étrangères de Bahreïn, a présenté les mesures prises par son pays pour éradiquer le fléau de la traite, notamment en associant toutes les parties prenantes.


Membre du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), Mme Saisuree Chutikul, a présenté les éléments d’une coopération régionale efficace, sur laquelle pourrait s’appuyer un plan d’action.  Mme Ruchira Gapta, fondatrice et présidente de l’Apne Aap Women Worldwide, une association visant à mettre fin à la traite sexuelle, a plaidé de son côté pour la criminalisation de la demande et la fin de l’impunité en s’attaquant aux trafiquants.


Mme Joy Ngozi Ezeilo, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants, a jugé pour sa part qu’un plan d’action mondial était devenu impératif pour galvaniser la volonté politique et économique en vue de faire respecter les droits consacrés par le Protocole additionnel à la Convention de Palerme et les directives du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.


De nouveau, les délégations ont affiché leurs divergences.  S’efforçant de les surmonter, le représentant du Pérou a estimé que pays en développement et pays développés devraient replacer la question de la traite sur le terrain des migrations internationales.  Pour le représentant de la Norvège, hostile à l’idée d’un plan mondial, la marche à suivre serait plutôt de créer des mécanismes destinés à contrôler l’application de la Convention de Palerme contre la corruption et de son Protocole additionnel par les États parties.


Réagissant à ces propos, les panélistes ont insisté au contraire sur l’utilité d’un plan d’action mondial, qui « chapeauterait » ces deux instruments, ainsi que les autres initiatives pertinentes.  Ils ont été appuyés par le Groupe de travail sur la traite des enfants, un réseau d’organisations non gouvernementales qui estime qu’un mécanisme juridique international fait gravement défaut et que les ressources doivent être mieux coordonnées pour faciliter la coopération entre États Membres.


Modérée par Mme Zohreh Tabatabai, la Directrice des communications de l’Organisation internationale du Travail (OIT), une dernière table ronde a poursuivi le débat initié par les deux précédentes en posant la question: « Pourquoi la coordination doit-elle se faire à l’échelle mondiale et comment doit-elle se faire? »


Les panélistes de cette table ronde étaient Mme Aleya Hammad, du Mouvement des femmes pour la paix internationale Susan Mubarak; M. Abdullah Salim Al-Harty, l’observatrice du Conseil de coopération des États arabes du Golfe auprès des Nations Unies; et M. Anders Johnson, Secrétaire général de l’Union interparlementaire (UIP).


Dans ses remarques de clôture, le Vice-Président de l’Assemblée générale, qui s’exprimait au nom du Président de l’Assemblée générale, M. Miguel d’Escoto Brockmann, a pris note des « préoccupations d’un petit nombre d’États Membres qui estiment qu’un plan d’action mondial risque d’affaiblir la portée du Protocole additionnel à la Convention de Palerme et de surcharger le travail de l’ONUDC ».  Devant les nombreux appels lancés à l’appui d’un tel plan, M. Abdelaziz a cependant assuré que le Président d’Escoto Brockmann « travaillera de manière inlassable avec les 192 États Membres pour développer un tel plan d’action ».


* La cote de ce document sera communiquée ultérieurement.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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