À LA VEILLE D’ACCRA ET DE DOHA, L’ECOSOC LANCE LE DÉBAT SUR L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT, SON ACCROISSEMENT, SON EFFICACITÉ ET SA PERTINENCE POUR LES STRATÉGIES SOCIOÉCONOMIQUES
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Conseil économique et social
Session de fond de 2008
14e et 16e séances – matin et après-midi
À LA VEILLE D’ACCRA ET DE DOHA, L’ECOSOC LANCE LE DÉBAT SUR L’AIDE AU DÉVELOPPEMENT, SON ACCROISSEMENT, SON EFFICACITÉ ET SA PERTINENCE POUR LES STRATÉGIES SOCIOÉCONOMIQUES
À la veille du Forum d’Accra sur l’efficacité de l’aide et de la Conférence de Doha sur le suivi du Consensus de Monterrey sur le financement du développement, prévus respectivement en septembre et en novembre 2008, le Forum pour la coopération en matière de développement du Conseil économique et social (ECOSOC) a consacré aujourd’hui pas moins de trois tables rondes à ces questions, en particulier l’accroissement de l’aide et sa pertinence pour les stratégies socioéconomiques nationales.
Les défis en la matière ont été relevés, ce matin, par le Ministre des finances de l’Afrique du Sud et Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Conférence d’examen de Doha qui, avec le Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), s’est exprimé sur « le paysage changeant et la dynamique de la coopération internationale pour le développement ».
Trevor Manuel a rappelé les termes du contrat que les bénéficiaires de l’aide et les donateurs ont signé à Monterrey en 2002, à savoir la reconnaissance par les bénéficiaires de leur responsabilité première face à leur propre développement socioéconomique et l’acceptation par les seconds d’objectifs de financement quantifiés. En dépit des promesses, a regretté l’Envoyé spécial du Secrétaire général, peu de progrès ont été accomplis par les pays développés alors que le monde en développement subit de plein fouet « la confluence des crises financière, alimentaire et énergétique ».
L’Envoyé spécial a expliqué pourquoi il faut un cadre de coopération au développement où « un dollar donné par le Nord est un dollar reçu par le Sud », pour autant, a-t-il précisé, que les unités de mesure soient équitables et les systèmes comptables symétriques. Ce qu’il faut mesurer, a-t-il suggéré, ce n’est pas ce qui a été fait depuis que les engagements ont été pris mais le chemin qui reste à parcourir pour les concrétiser entièrement. Si nous échouons, quel espoir aurons-nous de relever les nouveaux défis vitaux tels que les changements climatiques? s’est-il interrogé.
Ces nouveaux défis, qui viennent accroître la demande d’aide dont « le chiffre réel par habitant n’a guère dépassé le niveau des années 1970 et 1980 », ont rendu très complexe l’architecture de la coopération au développement, a commenté le Secrétaire général de la CNUCED. Supachai Panitchpakdi a aussi cité comme facteurs de complexité, la diversité des besoins et des approches, l’élargissement de l’assiette des donateurs, le rôle dévolu au secteur privé et la multiplication des mécanismes d’acheminement de l’aide. À son tour, il a argué que l’efficacité de l’aide publique au développement (APD) doit être évaluée sous un angle nouveau, à l’aune de sa contribution réelle aux infrastructures économiques et sociales, moteur de la croissance.
Les six objectifs principaux de la Déclaration de Paris de 2005 sur l’efficacité de l’aide ont d’ailleurs été rappelés par le Président du Comité d’aide au développement de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Eckhard Deutscher a cité le renforcement des stratégies nationales de développement des pays partenaires, l’alignement de l’aide sur les priorités des pays partenaires et le soutien au renforcement de leurs capacités, ainsi que le renforcement des obligations mutuelles des donneurs et des pays partenaires à l’égard des citoyens et des instances parlementaires.
Les trois autres objectifs de Paris sont la suppression des doubles emplois dans les efforts des donateurs, la réforme et la simplification des politiques et procédures des donateurs et enfin, la définition de mesures et de normes de performance et de reddition des comptes.
Directeur exécutif d’Action Aid International, une organisation non gouvernementale, Ramesh Singh a plaidé pour une inclusion plus large de la société civile aux travaux du Forum d’Accra. Il a expliqué qu’il fallait saisir cette occasion pour mettre fin au scandale des « conditionnalités » de l’aide. Ces propos ont fait écho à ceux de Bernard Petit, Directeur général adjoint pour le développement à la Commission européenne, qui a dénoncé le « délire clinique des conditionnalités ».
Le Forum pour la coopération en matière de développement a pour objectif de passer en revue les tendances et les progrès réalisés dans le domaine de la coopération internationale en matière de développement et de fournir des orientations politiques et des recommandations afin de promouvoir une coopération internationale efficace en matière de développement.
La flexibilité de ce Forum, a estimé le Sous-Secrétaire général aux affaires économiques et sociales, Jomo Kwame Sundaram, facilite l’échange d’idées novatrices sur la coopération au développement. Le Forum, a-t-il ajouté, offre l’occasion d’une analyse technique de cette coopération, établissant ainsi le lien entre les discussions politiques et normatives, d’une part, et l’expertise technique de l’autre.
LE PAYSAGE CHANGEANT ET LA DYNAMIQUE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LE DÉVELOPPEMENT
Déclarations liminaires
M. TREVOR MANUEL, Ministre des finances de l’Afrique du Sud et Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Conférence d’examen de Doha, est revenu sur le sens et la portée du Consensus de Monterrey. À Monterrey en 2002, a-t-il dit, les États Membres de l’ONU s’étaient réunis pour décider d’une action commune et repenser le financement du développement en vue d’éradiquer la pauvreté. Il a rappelé que les deux piliers du Consensus étaient l’acceptation par chaque pays qu’il doit être le premier responsable de son propre développement économique et social et qu’un tel objectif exige un financement accru des programmes lancés à cet effet. M. Manuel a souligné qu’en 2002, les pays s’étaient mis d’accord sur des objectifs de financement quantifiés. Monterrey est au développement ce que Rio est aux changements climatiques, a-t-il poursuivi, ajoutant que les périls alimentaire, énergétique et climatique actuels nécessitaient que la vision et le message du Consensus de Monterrey soient réaffirmés. Il a par ailleurs noté que la Déclaration du Millénaire de 2005 avait été une occasion de renforcer cette vision, la montée des nouveaux défis sécuritaires ayant de plus entraîné une prise de conscience collective aiguë de la nécessité de s’unir au nom du développement.
Dans la perspective de la Conférence de Doha, M. Manuel a ensuite expliqué que l’examen prévu des progrès réalisés dans la réalisation des engagements de Monterrey serait très difficile. En dépit des promesses, de nombreux gouvernements sont réticents à allouer effectivement les ressources financières qu’ils s’étaient engagés hier à verser, a relevé le Ministre sud-africain, ajoutant que la gravité de la situation actuelle pouvait saper la coopération en matière de développement. Trevor Manuel a ainsi attiré l’attention sur la confluence des crises financière, alimentaire et énergétique. Pour y répondre, il a estimé qu’aucun retard ou report n’était acceptable et que, dans un contexte aussi troublé, la nécessité de respecter les engagements multilatéraux de Monterrey devenait plus urgente encore. M. Manuel a soutenu que cet effort collectif devait s’appuyer sur la bonne gouvernance des États aux niveaux national et mondial.
Notre but doit être d’établir un cadre dans lequel un dollar d’aide dépensé dans un pays récipiendaire doit pouvoir être mesuré contre un dollar dépensé dans un pays donateur, a affirmé le Ministre sud-africain. Il a signalé que si les engagements internationaux en matière de développement n’étaient pas tenus, la défiance de l’opinion à l’égard de ses dirigeants allait s’intensifier. Si nous échouons à concrétiser nos engagements en termes d’aide publique au développement (APD), quel espoir le monde pourra-t-il avoir en notre capacité à relever le défi vital des changements climatiques? a demandé M. Manuel. Il a, de nouveau, souhaité que les approches à adopter en matière de développement amènent les pays à respecter leurs engagements et à rendre des comptes.
Intervenant sur le thème du « paysage changeant et dynamique de la coopération internationale pour le développement », M. SUPACHAI PANITCHPAKDI, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a souligné la complexité de l’architecture de la coopération pour le développement. Il a notamment expliqué qu’il existait de grandes variétés de besoins et de conditions d’un pays à l’autre. Il a aussi noté que les approches adoptées étaient nombreuses et diverses, et qu’elles misaient parfois soit sur le marché, soit sur l’action du gouvernement national ou alors tablaient sur les investissements économiques. Il a par ailleurs indiqué que l’émergence de nombreuses crises générait une plus grande demande d’aide. « Même dans le domaine du commerce, nous sommes maintenant passés au concept de l’aide pour le commerce », a-t-il précisé. Supachai Panitchpakdi a en outre constaté que la nature de la coopération pour le développement évoluait, avec l’apparition de nouveaux donateurs, un rôle accru pour le secteur privé et davantage de mécanismes trilatéraux et de subventions. Tous ces facteurs expliquent la complexité croissante de l’architecture de l’assistance, a estimé le Secrétaire général de la CNUCED.
Il a fait remarquer que près des deux tiers de l’augmentation de l’aide observés depuis cinq ans provenaient en fait de l’élargissement du programme de l’allégement de la dette, qu’une grande part de l’assistance était associée à des conditionnalités liées aux réformes institutionnelles et que les objectifs très ambitieux fixés en 2005, en matière d’aide, n’avaient pas encore été atteints. Il a souligné qu’au début de ce XXIe siècle, le chiffre réel de l’aide par habitant n’avait guère dépassé le niveau des années 1970 et 1980. Le Secrétaire général de la CNUCED a insisté sur le fait que l’allégement de la dette devait être financé par des ressources additionnelles.
Par ailleurs, M. Panitchpakdi a souligné que l’efficacité de l’APD était une question essentielle, généralement mesurée par des critères d’appropriation, d’harmonisation des programmes et de responsabilité. Il a avancé l’idée selon laquelle l’efficacité de l’APD devrait être envisagée sous un angle nouveau, qui devrait être le niveau de sa contribution efficace au développement. Selon cette approche, il a préconisé que le premier point à traiter soit celui de savoir si l’APD est allée vers des secteurs qui aideront à améliorer les infrastructures économiques et sociales, qui sont des éléments qui permettront à leur tour d’atteindre les cibles de développement. Il a expliqué que c’est en ciblant des secteurs porteurs que l’APD pourrait créer de la valeur ajoutée, des revenus supplémentaires et des capacités productives. En outre, il a insisté sur l’importance de l’harmonisation de l’APD par rapport aux besoins des pays. Il a noté qu’une analyse de la CNUCED montrait que ce n’était pas forcément les pays qui avaient le plus besoin de corrélation entre l’APD reçue et les réalisations en matière d’Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et il a plaidé pour une meilleure harmonisation entre les flux d’APD et les pays qui ont un indice de développement humain faible. Enfin, pour que l’aide soit efficace, le Secrétaire général de la CNUCED a estimé qu’il fallait qu’elle génère la croissance, qui permettrait de créer les capacités nécessaires à la lutte contre la pauvreté.
Échange de vues
Le représentant de la Malaisie a estimé que le « grand marchandage » de Monterrey entre pays développés et pays en développement n’était pas toujours partagé par l’ensemble des pays. Il a estimé que l’heure était venue de dresser le bilan et que la communauté internationale devait identifier quels engagements avaient été honorés et sur quels autres il fallait encore déployer des efforts afin que les promesses faites soient respectées. Le représentant a indiqué que les pays en développement avaient fait tout ce qui leur était possible malgré un environnement difficile qui empêche la réalisation des objectifs de développement et en dépit de la confusion qui persiste sur les modèles de développement à suivre.
Le représentant de la Guinée a pour sa part noté que s’il existait un cadre postconflit de consolidation de la paix, il n’en était pas de même en ce qui concerne le développement. La communauté internationale n’a pas élaboré de cadre équivalent sur la question, a-t-il relevé. Il a ajouté qu’alors que la crise alimentaire et institutionnelle avait pris une ampleur démesurée, les réactions pour lui faire face n’avaient pas été appropriées.
En réponse à ces remarques, Trevor Manuel, le Ministre sud-africain des finances, a estimé qu’il fallait mettre l’accent sur le respect des engagements déjà pris et s’assurer de l’efficacité des mécanismes de suivi. Le vrai problème, c’est la rapidité de la réponse, c’est-à-dire la vitesse à laquelle on peut acheminer immédiatement des ressources pour répondre à une situation d’urgence, a-t-il déclaré.
FORUM POUR LA COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT
Table ronde A : Identifier les lacunes et les obstacles – « Les pays disposent-ils des moyens nécessaires à l’accroissement de l’aide? »
Parmi les deux tables rondes tenues ce matin par le Forum pour la coopération en matière de développement, la première a permis aux participants de s’interroger sur les capacités d’accroissement de l’aide, non seulement en ce qui concerne les bailleurs de fonds, mais aussi en ce qui a trait aux capacités d’absorption d’aide des pays récipiendaires.
M. ANDREI DAPKIUNAS, Vice-Président du Conseil économique et social, a rappelé en ouverture du débat que dans certains cas, l’aide publique n’augmentait pas en raison des doutes soulevés par la capacité des pays en développement d’absorber l’aide aux niveaux macro et microéconomiques. Réfléchir à la résolution de ce problème suppose que soient mieux comprises les conditions qui seraient susceptibles de rendre l’aide plus efficace, a-t-il estimé. Ceci suppose aussi qu’une réflexion soit menée sur le meilleur moyen de soutenir et renforcer les capacités des pays en développement à gérer et coordonner l’usage de l’aide au développement, a indiqué le Vice-Président de l’ECOSOC.
M. KEMAL DERVIS, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et modérateur de la table ronde, a souligné que l’appui au développement des capacités était la base de l’action du PNUD. Dans le monde actuel, qui est extrêmement diversifié, les pays émergents disposant d’une solide expérience ont à cet égard un rôle majeur à jouer, a-t-il souligné. Il s’est dit extrêmement inquiet que les promesses de contribution faites par des pays ne soient pas tenues en raison de la situation économique actuelle. Il a rappelé que le monde ne manquait pourtant pas de ressources, si l’on considère les centaines de milliards de dollars brassés par la finance internationale. Mais ces ressources ont besoin d’être mieux canalisées, a-t-il dit.
M. GÉRARD NIYIBIGIRA, Président du Conseil économique et social du Burundi, a constaté une certaine amélioration dans la quête de l’aide au développement et dans son utilisation dans les pays où prévaut la paix. En revanche pour les pays en guerre ou qui sortent d’un conflit, comme le Burundi, l’insécurité quasi permanente est dissuasive pour les investissements, a-t-il reconnu. D’autre part, l’Administration burundaise est jeune et donc faible, a-t-il constaté. Il y a très peu de capacités institutionnelles, ce qui fait que l’Administration n’est pas capable d’établir des priorités. La fonction publique est démotivée par ailleurs dans son travail et la mauvaise gouvernance prévaut encore trop souvent. Il faudra du temps pour que s’instaurent les bonnes pratiques mises en avant par les instances internationales, a dit M. Niyibigira. Les « capacités d’absorption » de l’aide du Burundi sont limitées et le pays fait d’autre part face au grand problème qui est son incapacité à procéder à l’évaluation des projets.
Que faut-il faire? s’est interrogé M. Niyibigira, qui a souligné qu’il fallait mettre en place un environnement légal et réglementaire incitant les investisseurs privés étrangers à aider les pays sortant d’un conflit à se relever et à résorber un chômage massif. La population doit participer aux projets d’investissement pour qu’elle sente que ceux-ci sont les siens. C’est ainsi qu’elle apprendra à ne plus accepter passivement la destruction des biens collectifs, comme cela s’est produit dans le passé.
M. JOHN RWANGOMBWA, Secrétaire général et Secrétaire au trésor au Ministère des finances et de la planification publique du Rwanda, a évoqué les capacités d’absorption des pays récipiendaires de l’aide en soulignant qu’elles ne dépendaient pas seulement de ces derniers, mais aussi des modalités imposées par les bailleurs de fonds. Certes, a-t-il noté, la capacité de gouvernance est essentielle. Lorsque l’État est affaibli, il faut en passer par un autre système, en mettant en avant en particulier les organisations non gouvernementales, par exemple. M. Rwangombwa a souligné la nécessité de bien coordonner la gestion des ressources et l’exécution du budget par la formation de comptables, au sein du Ministère des finances en particulier, mais aussi dans les collectivités locales. En conclusion, le Secrétaire au trésor du Ministère du Rwanda a estimé que les pays récipiendaires étaient actuellement capables d’absorber une aide supplémentaire. Malheureusement, a-t-il regretté, l’aide publique tend d’une part à diminuer, tandis que dans le même temps, les procédures de la Banque mondiale, par exemple, sont extrêmement lentes pour pouvoir permettre aux pays de mener à bien un programme de sa conception à sa réalisation. C’est l’acheminement de l’aide qui pose problème, a estimé M. Rwangombwa. Il ne sert à rien d’accroître cette aide si les procédures de son octroi, mises en place par les donateurs, demeurent aussi laborieuses.
Mme INGRID HOVEN, Directrice générale au Ministère de la coopération économique et du développement de l’Allemagne, a déclaré que renforcer l’aide supposait de renforcer la capacité des pays récipiendaires à la recevoir. Peut-on doubler le nombre de projets dans un pays comme le Rwanda, avec ses capacités actuelles? Cela semble difficile à ce stade, a-t-elle estimé. Citant plusieurs exemples en Afrique de l’Est, elle a constaté néanmoins une amélioration du fonctionnement des finances publiques. Cependant, l’augmentation des efforts est nécessaire de la part de chacune des parties. Malheureusement, lorsque la gestion de l’aide s’améliore, les donateurs n’en tiennent pas nécessairement compte pour accroître le volume de leur assistance, a déploré Mme Hoven. Les partenaires extérieurs doivent faire mieux en coordonnant mieux leurs programmes, ceux-ci devant être définis par la demande exprimée par les récipiendaires. Si certains pays ont toujours des difficultés dans leurs capacités d’absorption, cela ne doit pas constituer un prétexte pour ne pas accroître le volume de l’aide, a-t-elle conclu.
Échange interactif
Le représentant du Mexique a souligné le rôle des parlements, non seulement ceux des pays récipiendaires mais aussi ceux des pays donateurs, en émettant le vœu qu’un dialogue s’établisse entre eux. Le représentant d’Antigua-et-Barbuda, qui s’exprimait au nom du Groupe des 77 et de la Chine, s’est demandé si les donateurs avaient vraiment une bonne connaissance de la situation qui prévaut sur le terrain. Il faudrait que les agents qui travaillent sur ces programmes le fassent sur le long terme, leur rotation trop fréquente ayant un effet négatif en matière d’efficacité et de perte d’expérience. Cette rotation ne favorise pas la communication entre donateurs et récipiendaires, a-t-il conclu.
Le représentant de la Norvège a souligné le caractère extrêmement fragmenté de la communauté des donateurs, un phénomène qui va s’accentuant dans l’acheminement de l’aide. Il a demandé si l’ONU et le PNUD ne pourraient pas jouer un rôle pour contrecarrer cette fragmentation.
Le représentant de la Namibie s’est interrogé sur les conditionnalités qui perturbent l’efficacité de l’aide. Celles-ci sont telles que la mise en œuvre des projets devient extrêmement complexe, a-t-il regretté. Il a estimé que les conditions fixées constituaient bien souvent un prétexte pour ne pas accorder cette aide.
Le maire adjoint de la ville de Lyon (France) a souligné le rôle des collectivités locales, qui apportent une valeur ajoutée importante à l’aide au développement. La coopération décentralisée a montré son efficacité, a-t-il dit, en constatant que les collectivités locales du Nord et du Sud avaient noué des liens solides. Il s’agit concrètement d’aider à renforcer les capacités locales, en matière d’assainissement, d’accès à l’eau potable ou dans le domaine de l’éducation. Un représentant de la Généralité de Catalogne (circonscription financière de la région de Catalogne) a renchéri en appelant à renforcer la mise en œuvre de la Déclaration de Paris afin de montrer que les collectivités locales ont une capacité d’action en matière de coopération décentralisée.
Le représentant du Royaume-Uni a souligné l’importance de la transparence, qui peut être promue en développant l’information sur ce qui est effectivement réalisé. Cette transparence deviendra un moteur de l’aide, a-t-il dit.
En conclusion de la table ronde, parmi les intervenants ayant repris la parole à la tribune, Mme Hoven a rappelé qu’un contrat était nécessaire entre partenaires, donateurs et récipiendaires. Elle a convenu qu’il était nécessaire de donner plus d’espace aux pays récipiendaires tout en rappelant qu’au bout du compte, l’aide publique venait du contribuable: il faut défendre face aux parlementaires chaque euro que l’on dépense au titre de cette aide, a-t-elle fait remarquer.
Identification des lacunes et des obstacles – « Action menée pour accroître l’efficacité de l’aide: vers un consensus à Accra et Doha »
Cette table ronde animée par MUNIR AKRAM, Représentant du Pakistan, a été l’occasion d’examiner de près l’action menée actuellement pour accroître l’efficacité de l’aide, compte tenu du Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide qui se tiendra à Accra en septembre et de la Conférence internationale de suivi sur le financement du développement, prévue à Doha, en novembre, le Forum pour la coopération en matière de développement est particulièrement bien placé pour examiner cette question.
Ouvrant le débat, M. GEORGE Y. GYAN-BAFFOUR, Vice-Ministre des finances et de la planification économique du Ghana, a évoqué les modalités du Forum de haut niveau qui se tiendra dans son pays. La structure de travail a déjà été mise en place, tandis qu’un Représentant spécial a été nommé pour coordonner les questions à l’ordre du jour, a-t-il annoncé. Par ailleurs, un Groupe de contact a été établi pour dialoguer avec les pays partenaires du Forum. Il s’est déjà réuni à deux reprises, a poursuivi le Vice-Ministre, qui a aussi indiqué qu’une équipe avait été chargée de préparer le document final. Au total, ce sont entre 800 et 1 000 délégués qui sont attendus, en provenance de pays développés comme de pays en développement, ainsi que de nombreux représentants d’organisations internationales.
Il faut surmonter les erreurs de diagnostic dans l’efficacité de l’aide, a préconisé M. ECKHARD DEUTSCHER, Président du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques. On ne parle plus seulement de changer les pratiques des donateurs, mais aussi celles des pays bénéficiaires. Ainsi, les questions de l’appropriation nationale et de la reddition des comptes impliquent la participation active de la société civile, ainsi que l’engagement des parlements et des autorités locales. Il a ensuite reprécisé les six principes fondamentaux de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide qui vont orienter les débats à Accra. Il a cité le renforcement des stratégies nationales de développement des pays partenaires et des cadres opérationnels correspondants, l’alignement de l’aide sur les priorités des pays partenaires et le soutien au renforcement de leurs capacités, et le renforcement des obligations mutuelles des donateurs et des pays partenaires à l’égard des citoyens et des instances parlementaires.
Le Président du Comité a aussi cité la suppression des doubles emplois dans les efforts des donateurs, la rationalisation de leurs activités pour en optimiser la rentabilité et la réforme et la simplification des politiques et des procédures des donateurs. Enfin, a ajouté M. Deutscher, il faut définir des mesures et des normes de performance et de reddition des comptes pour les pays partenaires dans les domaines de la gestion des finances publiques, de la passation des marchés, des garanties fiduciaires et de l’évaluation environnementale.
Le Président du Comité a conclu en soulignant que l’objectif du Forum de haut niveau d’Accra n’était pas de changer la Déclaration de Paris, mais de surmonter les obstacles à la mise en œuvre de ses principes. Il faut changer les modèles institutionnels et opérationnels existants, tout en veillant à ce que l’efficacité de l’aide ne devienne pas non plus un concept politique.
Elle doit justement devenir une question politique, s’est opposé M. RAMESH SINGH, Directeur exécutif d’Action Aid International. Il faut, a-t-il argué, que le processus devienne plus représentatif en permettant aux différentes parties prenantes, y compris les représentants de la société civile, de participer pleinement aux travaux d’Accra. En septembre, les gouvernements devraient en outre réaffirmer que l’égalité entre hommes et femmes est un enjeu central: il faut veiller à ce que l’aide parvienne aussi bien aux secondes qu’aux premiers. Il a ajouté qu’il fallait mettre fin au scandale de la « conditionnalité » de l’aide au développement et s’attaquer aux fuites de capitaux qui provoquent des pertes colossales pour les pays en développement. M. Singh a émis l’espoir que la réunion d’Accra permettra d’identifier les moyens de rompre le cycle de dépendance des pays en développement à l’assistance internationale.
La question la plus urgente est de savoir que la démarche que la communauté internationale a adoptée est la plus appropriée, a estimé M. TREVOR MANUEL, Ministre des finances de l’Afrique du Sud et Envoyé spécial pour la Conférence d’examen de Doha. L’aide au développement, a-t-il encore estimé, suit encore les anciens clivages de l’époque révolue où l’on voyait les pays riches, d’un côté, et les pays pauvres, de l’autre. Or, dans le contexte de la mondialisation, les économies sont intégrées. On mange dans le Sud ce qui est fabriqué au Nord et vice-versa. Aujourd’hui, a-t-il préconisé, l’aide au développement doit signifier « un dollar dépensé dans un pays bénéficiaire égale un dollar dépensé dans le pays donateur ».
En outre, a-t-il poursuivi, si nous voulons que la démocratie prospère, nous devons respecter le processus d’appropriation nationale. Mais il faut aussi poser des questions difficiles. Qu’est-ce que l’argent fourni a permis d’acheter? a lancé le Ministre, en jugeant nécessaire de se pencher d’abord et avant tout les moyens les plus efficaces de mettre en œuvre les programmes de développement.
Justement, a dit le représentant de la France, en ouvrant le débat interactif, la Déclaration de Paris, signée par 118 États Membres des Nations Unies, est un document important qui a permis d’améliorer l’efficacité de l’aide. S’exprimant au nom de l’Union européenne, il a appelé la communauté internationale à avancer et à mettre en place à Accra un processus encore plus inclusif.
Les propos du représentant français n’ont pas reçu l’aval de toutes les délégations. Ainsi la représentante de la société civile a estimé au contraire que la Déclaration de Paris pêchait par de nombreux aspects. « Par ses oublis et ses limites », a-t-elle dit, elle entérine les formes existantes de la coopération Nord-Sud, perpétuant une approche néocolonialiste des relations commerciales qui ne reflète pas les vues du monde en développement. La Déclaration de Paris et le processus d’Accra semblent aller paradoxalement à l’encontre des questions qui sont discutées aujourd’hui, comme celle de la transparence, a également jugé le représentant d’Antigua-et-Barbuda.
Si celui de la Guinée a reconnu que la bonne gouvernance démocratique était d’une importance primordiale pour les pays bénéficiaires de l’aide, il n’en a pas moins souligné les obligations des donateurs, qui doivent notamment renforcer les capacités des pays en développement.
Table ronde B: Partager les enseignements tirés – « Comment l’aide au développement peut-elle appuyer les stratégies nationales de développement? »
Quelles sont les données d’expérience en matière de définition et de mise en œuvre des stratégies nationales de développement qui traduisent un réel pilotage du processus par le pays concerné? Quelles sont les caractéristiques de ces stratégies de pays qui bénéficient de l’appui sans réserve des donateurs? Quelles sont, d’autre part, les formes de dialogue avec les donateurs auxquelles les pays de programmes ont recours avec succès, en vue du financement de leurs objectifs prioritaires? Telles ont été quelques-unes des questions posées ce matin par M. CHARLES MICHEL, Ministre de la coopération au développement de la Belgique, qui assumait le rôle de modérateur d’une table ronde au cours de laquelle délégations et représentants de la société civile ont réfléchi aux moyens d’appuyer les stratégies nationales de développement.
M. PARK KANG-HO, Directeur général de la coopération au développement au Ministère des affaires étrangères et du commerce de la République de Corée, a rappelé que le consensus actuel voulait que les pays définissent leurs propres stratégies nationales de développement. Une approche prudente de leur part consisterait à créer un système d’évaluation de leurs programmes, a-t-il préconisé. Par ailleurs, la relation entre le donateur et le pays partenaire doit se fonder sur un partenariat réciproque qui reste au service des projets de développement. En 1962, lorsque la République de Corée était encore un des pays les plus pauvres du monde, elle a reçu une assistance internationale qui ne lui a guère laissé la possibilité de définir ses priorités de développement, a rappelé Park Kang-ho. L’expérience a montré qu’il était beaucoup plus pertinent d’engager un dialogue constructif entre organisations ou pays donateurs et pays destinataire de l’aide, a-t-il noté.
De son côté, BERNARD PETIT, Directeur général adjoint pour le développement à la Commission européenne, a affirmé que les pays donateurs ne donnaient pas aux pays en développement la prévisibilité dont ceux-ci ont besoin pour mener à bien leurs projets. En outre, l’architecture de l’aide au développement est devenue d’une complexité et d’une lourdeur bureaucratique sans pareille, a-t-il relevé, évoquant « une véritable balkanisation de l’aide au développement ». Face à ce constat, il a fait trois suggestions. Tout d’abord, il a rappelé que la réalisation des objectifs de développement agréés au niveau international relève de la responsabilité première des pays concernés. C’est à eux qu’incombe de prendre le leadership dans leurs politiques de développement, a souligné Bernard Petit, qui a exhorté les donateurs à éviter de miner ces processus.
Il est par ailleurs indispensable de rendre plus prévisible l’aide au développement, a poursuivi M. Petit. Pour que nos décisions soient couronnées de succès et proportionnées aux objectifs que se fixent les pays concernés, les pays partenaires doivent tout mettre en œuvre pour offrir une telle prévisibilité et renoncer à des objectifs qui trop souvent sont très vagues. Ceci est tout particulièrement vrai du décaissement des ressources budgétaires, a noté le Directeur général adjoint, pour lequel un niveau minimal d’aide budgétaire sur le moyen terme doit être fixé. Et puis, a-t-il lancé, il faut faire preuve de sérieux quant aux décisions qui ont déjà été prises et passer maintenant de la rhétorique à l’action. M. Petit a proposé de revoir de façon substantielle la pratique de la conditionnalité, qui ne laisse aucun espace politique aux pays concernés pour qu’ils puissent mettre en œuvre leurs programmes de développement. Certes, des garanties sont nécessaires envers les pays donateurs, mais nous ne pouvons pas non plus prétendre perpétuellement imposer la marche à suivre, a-t-il dit. Le Directeur général adjoint a en conclusion proposé de substituer à la notion de « conditionnalité » celle de « contrat ». Il a parlé du « délire clinique » des conditionnalités, une question qui a suscité de nombreux commentaires.
Plusieurs représentants de pays en développement, dont celui de la République du Congo, se sont félicités des propositions de M. Petit, qui sont primordiales pour une véritable appropriation nationale, tandis que celui du Japon a très clairement estimé que la conditionnalité était une nécessité incontournable de l’aide au développement.
De son côté, M. ALI MAHAMAN LAMINE ZEINE, Ministre de l’économie et des finances du Niger et panéliste de la table ronde, a rappelé que la dette extérieure de son pays était à peine de 20 milliards de francs CFA au début des années 80, grâce au boom du marché de l’uranium, principale richesse du Niger qui est un petit pays sans littoral. Mais le retournement du marché de l’uranium et l’instabilité des monnaies auxquelles était lié le franc CFA, qui lui-même a connu une dévaluation, ont fait passer la dette nigérienne à 700 milliards de francs CFA à la fin des années 90, a déploré le Ministre. Une instabilité politique s’est installée au Niger où, fin 1999, une administration publique au bord de l’effondrement avait cumulé 13 mois d’arriérés de salaires, tandis l’État avait moins d’un million d’euros dans ses caisses.
Depuis 2000, engagé dans une stratégie de redressement économique et de rétablissement de la bonne gouvernance, le Niger a appliqué deux programmes économiques successifs avec succès et a rejoint les organisations régionales et sous-régionales, telles que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avec laquelle des politiques communes ont été définies. L’objectif est d’atteindre un taux annuel de croissance de 7%, a indiqué M. Lamine Zeine. Une stratégie de mobilisation des ressources a été lancée, qui s’appuiera sur une meilleure fiscalité, a promis le Ministre. Mais il a prévenu que la question du recours au financement devait prendre en compte le fait que le poids du service de la dette extérieure pèsera sur le pays jusqu’en 2020 au moins. Rappelant que son pays avait adopté un Code de bonne conduite et fait le choix de la démocratie et d’une gestion saine, il a indiqué que le Gouvernement du Niger n’avait pas hésité à condamner à des peines de prison des ex-ministres inculpés de malversation. La balle est donc dans le camp des partenaires, a-t-il conclu, soulignant que ces bonnes pratiques devaient satisfaire les exigences et les conditionnalités posées par certains partenaires de développement, encore aujourd’hui.
Pour sa part, le représentant de la Chine a affirmé qu’il fallait respecter et soutenir les pays en développement pour qu’ils puissent jouer un rôle de premier plan lorsqu’il s’agit d’utiliser l’aide qui leur est apportée. La communauté internationale, a-t-il ajouté, devrait s’efforcer, en ce qui la concerne, d’adopter des mesures intégrées en vue de mettre en place un environnement favorable, de réduire la dette extérieure des pays, d’élargir l’accès aux marchés et, enfin, d’améliorer les règles existantes du commerce international.
Reprenant la parole, Bernard Petit a en conclusion déclaré, à la suite du représentant de la France, que la Déclaration de Paris contenait tous les éléments nécessaires au renforcement de l’efficacité de l’aide. Ces éléments devraient aussi permettre de dépasser le « technocratisme » et le « conservatisme » qui, jusqu’à présent, ont freiné la mise en œuvre de ces principes, a dit M. Petit.
Exposé spécial sur le thème « Messages importants et recommandations du Forum de Rome des parties prenantes »
Cet après-midi, le Forum s’est, dans un premier temps, efforcé d’identifier les lacunes et les obstacles dans le domaine de l’aide au développement, en donnant la parole à un représentant des autorités locales, M. GÉRALD TREMBLAY, Maire de Montréal et Président de la communauté métropolitaine du Montréal, un organisme de planification, de coordination et de financement regroupant 82 municipalités. Un représentant de la société civile est également intervenu, M. KUMI NAIDOO, Secrétaire général et Président-Directeur général de l’Alliance mondiale pour la participation citoyenne (CIVICUS), un réseau d’organisations influant aux niveaux local, national, régional et international. Tous deux ont souligné la pertinence du geste citoyen et le rôle des autorités locales, notamment des parlements, dans le domaine de la coopération pour le développement et de leur contribution au processus préparatoire d’Accra. Le débat était modéré par M. ANDERS JOHNSON, Secrétaire général de l’Union interparlementaire.
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