CONFÉRENCE DE PRESSE DE LA REPRÉSENTANTE SPÉCIALE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR LES ENFANTS ET LES CONFLITS ARMÉS, RADHIKA COOMARASWAMY
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CONFÉRENCE DE PRESSE DE LA REPRÉSENTANTE SPÉCIALE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL POUR LES ENFANTS ET LES CONFLITS ARMÉS, RADHIKA COOMARASWAMY
En matière de recrutement et d’enrôlement d’enfants, l’Afghanistan, le Burundi, la Colombie, le Myanmar, le Népal, l’Ouganda, les Philippines, la République démocratique du Congo (RDC), la Somalie, le Soudan, le Sri Lanka et le Tchad restent au banc des accusés, a annoncé la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés.
Radikha Coomaraswamy s’est adressée à la presse aujourd’hui au Siège de l’ONU à New York, pour lui présenter son dernier rapport sur les faits intervenus entre octobre 2006 et octobre 2007. Ce rapport, a-t-elle précisé, fera l’objet d’un débat public du Conseil de sécurité, le 12 février prochain, sous la présidence du Ministre des affaires étrangères du Panama. La Représentante spéciale a d’emblée distribué un bon point à la Côte d’Ivoire qui a été radiée de la « liste de la honte » sur laquelle figurent les parties qui recrutent ou utilisent des enfants dans des situations de conflit armé et commettent d’autres violations graves des droits de l’enfant.
Après avoir signé des plans d’action en octobre 2005 et septembre 2006 respectivement, les Forces nouvelles et les quatre autres milices armées ont pris des mesures concertées pour identifier et libérer les enfants en vue de leur réinsertion. Toujours au titre des bonnes nouvelles, Radhika Coomaraswamy s’est réjouie de la décision prise récemment par la Cour pénale internationale (CPI) d’ouvrir une enquête en République centrafricaine concernant des viols et d’autres actes de violences sexuelles qui auraient été commis, à l’automne 2006, pendant le conflit entre le Gouvernement et les forces rebelles.
La Représentante spéciale s’est aussi félicitée de la confirmation par la même CPI des charges portées contre Thomas Lubanga Dyilo, dirigeant de l’Union des patriotes congolais dans la région de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), pour avoir recruté et enrôlé des enfants. Dans le chapitre des bonnes nouvelles, elle a aussi inséré les mandats d’arrêt délivrés par la Cour contre cinq hauts responsables de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), en Ouganda, et le fait que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone ait retenu parmi les charges contre l’ancien Président du Libéria, Charles Taylor, le recrutement et l’enrôlement d’enfants.
Cette évolution positive, la Représentante spéciale l’a attribuée au mécanisme de surveillance et d’information sur les six violations graves des droits de l’enfant, créé en même temps que le Groupe de travail du Conseil de sécurité par la résolution 1612 du 26 juillet 2005. Ces faits encourageants ne doivent pas pour autant faire oublier les domaines de franche préoccupation.
Radhika Coomaraswamy a souligné le lien entre recrutement d’enfants et camps de personnes déplacées qui, lorsqu’ils ne sont pas protégés, constituent souvent des terrains de choix pour le recrutement d’enfants vulnérabilisés. Elle a aussi jugé alarmant le déplacement transfrontières de groupes armés en vue de recruter des enfants dans les camps de réfugiés, comme c’est le cas à la frontière soudano-tchadienne. Elle s’est également inquiétée du nombre croissant d’enfants mis en détention pour association présumée avec des groupes armés.
Radhika Coomaraswamy a, dans le même élan, dénoncé l’emploi aveugle d’armes comme les bombes à sous-munitions, lors d’attaques dans des zones à forte population civile ainsi que les attaques systématiques et délibérées contre des écoliers, des enseignants et des établissements scolaires, parfois pour des raisons idéologiques comme c’est le cas en Afghanistan avec les Taliban.
La liste des violations faites aux droits de l’enfant ne serait pas complète sans le lot des violences sexuelles ou sexistes faites aux filles, et parfois aux garçons, en période de conflit armé. En RDC, dans 60% des cas enregistrés à Kisangani, au nord-est du pays, les victimes étaient âgées de 11 à 17 ans, a indiqué la Représentante spéciale.
Elle a tenu, pour préciser les choses, à expliquer que son rapport détaillé de 50 pages se fonde sur des informations recueillies sur place par les équipes spéciales de surveillance et d’information. Ces informations sont ensuite vérifiées puis confirmées par les missions de maintien de la paix, les missions politiques et les équipes de pays des Nations Unies et dûment soumises à l’État concerné pour lui donner la chance de répondre.
La Représentante spéciale a dit attendre du Conseil de sécurité une résolution ou une déclaration présidentielle qui élargisse la « liste de la honte » aux six violations des droits de l’enfant ou au moins à ceux qui commettent des actes de violence sexuelle. La résolution 1612, a-t-elle encore fait remarquer, prévoit bien des sanctions mais sans mécanisme de surveillance de leurs applications, l’effort restera vain.
Radhika Coomaraswamy a évoqué d’autres difficultés auxquelles se heurte la mise en œuvre de son mandat comme le manque d’accès. Dans le cas du Myanmar, elle a dit avoir recueilli des informations sur la mise sur pied par le Gouvernement d’un Comité national et d’un Plan d’action sur la démobilisation des enfants soldats mais elles sont difficilement vérifiables. Le problème du Myanmar est qu’il possède une très grande armée difficilement contrôlable. La publication de la « liste de la honte » vise précisément à amener les gouvernements à élaborer des plans d’action.
L’objectif est d’engager ces parties dans un dialogue pour les convaincre de prendre des mesures ambitieuses contre le recrutement et l’enrôlement d’enfants. Le problème vient bien souvent du fait que la majorité des listes étant composées d’acteurs non étatiques, les gouvernements voient d’un mauvais œil tout contact avec eux. La Représentante spéciale s’est d’ailleurs félicitée du déploiement prochain, au sein de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), de conseillers en protection de l’enfance également prévus par la résolution 1612. Ces conseillers, a-t-elle espéré, pourraient ainsi approcher les Taliban.
La Représentante spéciale a rappelé que son rapport examine aussi les violations des droits de l’enfant commises par le personnel des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Elle a souligné que le Sri Lanka, qui a dû retirer ses soldats de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), a pleinement coopéré avec la Mission. Le problème est que le lancement des procédures judiciaires relève de la responsabilité exclusive du pays contributeur de troupes, a reconnu la Représentante spéciale.
Pressée de questions, Radhika Coomaraswamy a évoqué le cas d’Omar Kadhr, capturé à l’âge de 15 ans par les troupes américaines en Afghanistan et détenu depuis à Guantanamo. À l’approche du procès par une cour militaire, Radhika Coomaraswamy a dit craindre le précédent que constituerait le jugement d’une personne pour des faits commis lorsqu’elle était mineure. Nous ne sommes ni juristes ni membres d’un tribunal, a-t-elle dit, en ajoutant que dans le cadre de son mandat « strictement diplomatique », elle a saisi le Département d’État américain et la Mission des États-Unis auprès des Nations Unies. La Représentante spéciale n’a pas caché que les avocats chargés de la défense d’Omar Kadhr l’ont invitée à vérifier l’équité du procès. Avant même que nous n’ayons eu la possibilité de répondre, le Pentagone a rejeté la demande de la défense, a-t-elle indiqué, en précisant que son souci n’est pas de voir les mineurs échapper à la justice mais de s’assurer du respect du droit international.
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